Un total de 2 pages ont été trouvées avec le mot clé InVS.
PAYS-BAS : Bientôt un suivi épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux ? Consultation jusqu'au 10 août
PAYS-BAS : Bientôt un suivi épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux ? Consultation jusqu'au 10 août
par MD - 12 juin 2012
Le Conseil de la Santé des Pays-Bas recommande la mise en place d'un registre d'exposition et d'un système de surveillance de la santé des travailleurs en contact avec des nanoparticules manufacturées. Et sollicite les avis des organisations et personnes intéressées jusqu'au 10 août prochain. L'occasion de voir ce qui se passe en France dans ce domaine.
Fin mai, le Conseil de la santé des Pays-Bas a annoncé la mise en ligne de son projet de rapport intitulé "Working with engineered nanoparticles: Exposure registry and a system of health monitoring". Dans ce document d'une centaine de pages, le comité de travail sur les nanomatériaux recommande la mise en place d'un registre d'exposition et d'un système de surveillance de la santé des travailleurs en contact avec des nanoparticules manufacturées.
Cet organisme scientifique indépendant, qui conseille le gouvernement et le Parlement sur les questions de santé publique, a lancé une consultation publique sur ce projet : organisations patronales, syndicats et autres organisations et personnes intéressées peuvent envoyer leurs commentaires avant le 10 août 2012 à l'adresse mail jm.rijnkels-at-gr.nl ou à l'adresse suivante : Dr. JM Rijnkels, The Health Council of The Netherlands, Committee Working with nanomaterials, PO Box 16052, 2500 BB, The Hague, Pays-Bas.
Les commentaires seront pris en compte pour établir sur la version finale du document qui sera présenté au Secrétaire d'État des Affaires sociales et de l'Emploi. Tous les commentaires ainsi que la réponse du comité seront publiées sur le site du Conseil de la santé lors de la présentation du rapport final.
En décembre 2010, la Confédération européenne des syndicats (CES) au niveau européen avait adopté une Résolution sur les nanotechnologies et les nanomatériaux qui invitait les États membres de l'Union européenne à "établir un inventaire des travailleurs exposés aux nanoparticules en association avec des programmes de surveillance de la santé. Cet inventaire devrait contenir des informations sur l'identité des travailleurs exposés, les circonstances, la durée et les concentrations dexposition et les mesures de protection utilisées."
Le dispositif de surveillance Epinano a été lancé début 2014 par l'Institut national de veille sanitaire (lnVS). Il vise à constituer une population de travailleurs produisant ou manipulant des nanomatériaux et à suivre dans le temps l'évolution de leur état de santé dans un objectif de surveillance épidémiologique.
Exercer un suivi généraliste des éventuels effets sur la santé à moyen et long termes d'une exposition professionnelle aux nanomatériaux
Permettre la mise en place d'études ad hoc explorant des hypothèses de recherche spécifiques
Origine
Dès 2006, un rapport du Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP) avait souligné que "des études épidémiologiques sur des populations exposées, notamment en milieu professionnel, doivent être entreprises" 1.
Un groupe de travail2 comprenant des épidémiologistes, des toxicologues, des médecins du travail, des physico-chimistes et des acteurs du système de prévention a été réuni par l'Institut de recherche en santé publique (IReSP) à partir de 2007, pour analyser cette question.
En 2008, l'Afsset (devenue aujourd'hui ANSES) avait à son tour écrit qu'en vue de la "réalisation d'études épidémiologiques spécifiques chez les travailleurs potentiellement exposés, il est indispensable de mettre en oeuvre un dispositif de recensement des personnels travaillant au contact des nanomatériaux et de surveillance des conditions de travail" 3.
En réponse à une demande des ministères de la santé et du travail4, l'institut national de veille sanitaire (lnVS, devenu en 2016 Santé publique France) avait réalisé une étude de faisabilité d'un suivi épidémiologique des travailleurs et des chercheurs exposés aux nanomatériaux, publiée en 20115.
Le protocole du dispositif de surveillance EpiNano est déployé depuis par Santé publique France (qui a repris les missions de l'INVS depuis 2016).
Il est entré dans sa phase opérationnelle depuis le début de l'année 2014, après avoir été soumis début 2013 au Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) et à la CNIL qui lui tous deux donné un avis favorable.
Pilotage et partenaires
Santé publique France est responsable du pilotage du dispositif.
la Direction générale du travail (DGT) avec qui une convention a été signée en mars 2014 ; l'inspection médicale du travail (via les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - DIRECCTE) contribuera à faire connaître le dispositif auprès des entreprises
l'INRS, le CEA, l'INERIS, pour ce qui concerne l'évaluation des expositions aux nanomatériaux et la métrologie des aérosols aux postes de travail.
Un protocole en trois étapes
Le protocole conçu par l'InVS se voulait pragmatique et évolutif. Pour son démarrage, EpiNano a été échelonné en trois étapes :
1) l'inclusion des entreprises oeuvrant dans le domaine des nanomatériaux manufacturés (par questionnaire adressé aux entreprises - identifiées notamment sur la base du registre R-Nano)
2) au sein des entreprises, le repérage des postes de travail potentiellement exposés aux nanomatériaux et caractérisation semi-quantitative de l'exposition (par visite d'observation en entreprise)
3) l'inclusion des salariés affectés ou intervenants à ces postes (par un questionnaire adressé aux salariés) et leur suivi généraliste dans une cohorte prospective, via un questionnaire tous les trois ans.
Les travailleurs identifiés comme potentiellement exposés doivent être inclus dans un registre pour constituer une cohorte prospective avec un suivi épidémiologique.
Le suivi sanitaire est orienté sur la surveillance des effets respiratoires et cardiovasculaires, mais conserve un caractère généraliste.
La cohorte doit servir également aux études ad hoc explorant des hypothèses de recherche spécifiques.
Un programme centré sur les nanotubes de carbone et le nano-dioxyde de titane...
Dans un premier temps EpiNano a été limité à deux familles de nanomatériaux : nanoparticules de dioxyde de titane et nanotubes de carbone, sous forme de poudres. Leurs risques commencent en effet à être bien documentés6 et sont souvent rapprochés de ceux de l'amiante.
Il était prévu dès le départ qu'il puisse être ensuite étendu à d'autres nanomatériaux.
En 2014, les données déclarées dans R-Nano et relatives aux nanotubes de carbone et au nano-dioxyde de titane ont été communiquées à l'lnVS pour ce projet Epinano.
.. puis élargi aux nanoparticules de silice et au noir de carbone
Le programme aurait été élargi aux nanoparticules de silice depuis janvier 2016 (information obtenue en mars 2017, lors du comité de dialogue nano de l'ANSES)..
Cette liste peut encore être amenée à évoluer en fonction du contexte industriel national et scientifique.
Un dispositif pionnier...
EpiNano est le premier dispositif d'une telle envergure à être mis en place7. D'autres pays et institutions à l'étranger ont préconisé de mettre en place un suivi des travailleurs exposés, le dispositif EpiNano pourrait donc avoir d'autres "petits frères" prochainement ? L'utilisation des outils d'EpiNano pour l'harmonisation au niveau européen des méthodes de surveillance des travailleurs exposés aux nanomatériaux fait l'objet de discussions8.
... qui se heurte à des difficultés de mise en oeuvre
L'exploitation des données du registre déclarées dans R-Nano s'avère très difficile : les données sont parcellaires, leur analyse est compliquée et l'identification des sites où sont manipulés les nanomatériaux déclarés n'a pas été aisée au lancement du projet.
En outre, très peu d'entreprises acceptent d'ouvrir leurs portes et celles qui acceptent ne vont pas nécessairement jusqu'au bout de la démarche.
Mi-20169, 156 entreprises avaient été contactées, sur lesquelles 22 entreprises seulement avaient accepté d'adhérer au dispositif et avaient été visitées par l'équipe EpiNano de l'InVS ; sur les 149 postes de travail mettant en oeuvre des nano-objets et observés par l'équipe, la moitié environ a été classée potentiellement exposant. Ce travail a permis d'identifier 158 personnes éligibles dans EpiNano dont un tiers a déjà intégré le dispositif en complétant le questionnaire d'inclusion.
Début octobre 201610, le nombre d'entreprises volontaires était passé à 29, dont 27 ont été visitées, avec 153 postes observés et 155 travailleurs éligibles ; 63 seulement avaient donné leur accord pour faire partie du suivi avec un double questionnaire (actif et passif) pour un croisement avec d'autres bases de données (SNIIRAM, PMSI, CepiDC).
Le médecin du travail était associé au projet dans 11 entreprises, en participant à la réunion de présentation de projet et/ou à la visite. Dans quatre entreprises, le médecin a porté le projet en tant que personne-ressource. Certains médecins ont décliné leur participation par manque de temps et/ou le caractère non-prioritaire des NOAA par rapport à d'autres risques professionnels.
En 2016 et 2017, de nouvelles modalités ont été élaborées avec l’Inspection médicale du travail pour faciliter l’identification des entreprises produisant ou utilisant des nanomatériaux et améliorer le repérage des postes exposants. Désormais le médecin du travail et son équipe sont au centre de ce dispositif de veille sanitaire, avec un rôle de promoteur de la cohorte, auprès de la direction de l’entreprise, avec l’appui des médecins inspecteurs du travail et de Santé publique France.
La première version de l'auto-questionnaire individuel d'inclusion comptait 27 pages à lui seul ! Il en fait 15 désormais, favorisant un meilleur taux de réponse de la part des travailleurs.
Dans un article publié fin 202110 dans la Revue d’anthropologie des connaissances, deux sociologues rattachés au Centre de Sociologie des Organisations (CNRS, Sciences Po), donnent un coup de projecteur sur un pan jusqu'alors peu éclairé pour expliquer les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre d'EpiNano : les tensions institutionnelles et organisationnelles et les dynamiques de concurrence entre Santé Publique France (poursuivant prioritairement des objectifs de recherche) et l’Inspection médicale du travail de la Direction Générale du Travail (DGT), davantage portée sur la surveillance des risques professionnels, réalisée sur le terrain par les Médecins régionaux inspecteurs du travail (Mirt).
Interrogée par AVICENN, Santé publique France a indiqué fin novembre qu'au vu du faible nombre d’établissements participantes (moins 20) et de travailleurs enregistrés (moins de 400), il avait été décidé de faire mener une enquête-pilote à la société Ipsos dans le cadre d'un marché public pour assurer le recrutement des établissements et le suivi du processus de collecte de données (Santé publique France restant le seul destinataire des données et la méthodologie d’enquête restant par ailleurs inchangée). Les résultats sont attendus courant 2022.
Comment contribuer à sa réussite ?
Toutes les entreprises œuvrant dans le domaine de la production, de la transformation ou de l'utilisation de nanomatériaux en France sont invitées à prendre contact avec la responsable du projet : Kathleen Chami de Santé publique France.
A quand une connexion automatique entre r-nano et Epinano ?
En l'absence de nouvelle recrues "volontaires", AVICENN plaide pour rendre automatique l'inscription des entreprises dans EpiNano dès lors qu'elles remplissent une déclaration r-nano pour les nanomatériaux concernés (nanotubes de carbone, nanoparticules de dioxyde de titane et/ou de silice à ce stade).
A cause du faible nombre d'entreprises volontaires, des retards dus aux problèmes de gouvernance et de mise en oeuvre du projet, la bonne conduite du programme a été mise à mal, au moins temporairement. L'enjeu est donc aujourd'hui non seulement de garder les cohortistes mais d'en intégrer un plus grand nombre afin que ce dispositif puisse atteindre ses objectifs.
O33-2 Epinano, the french program for epidemiological surveillance of workers potentially exposed to engineered nanomaterials: the state of play after first 18 months of operation, Occupational & Environmental Medicine, 73(1), décembre 2016
10 - Chiffres fournis par Kathleen Chami (Santé Publique France / InVS) lors de la Journée Nanomatériaux des J3P à Nancy le 13 octobre 2016
11 - Cf. "Surveiller sans savoir", Jean-Noël Jouzel et Jérôme Pélisse, Revue d’anthropologie des connaissances, décembre 2021
Fiche initialement créée en février 2014
Ce site est édité par l'association AVICENN qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
Pour soutenir nos travaux, suivez et partagez nos infos :