Une page a été trouvée avec le mot clé barrière cutanée.
Les portes d'entrée des nanomatériaux dans le corps humain
Illustration Géraldine Grammon, 2017
Les portes d'entrée des nanomatériaux dans le corps humain
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout octobre 2021
Cette fiche est la première partie de notre Dossier Nano et Risques pour la santé. Elle a vocation à être complétée et mise à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. On distingue communément trois principales voies d'exposition potentielle aux nanomatériaux :
Le degré de pénétration des nanomatériaux est dans chaque cas conditionné par les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux (taille, forme, etc.).
Inhalation*
L'inhalation constitue la principale voie de pénétration des nanomatériaux dans le corps humain1, en tout cas pour les travailleurs impliqués dans la fabrication ou manipulation de nanomatériaux sous forme de poudre.
Les nanomatériaux susceptibles d'être inhalés par le grand public sont ceux qui sont contenus sous forme de poudre ou dans les sprays : produits ménagers, sprays de crèmes solaires, peintures aérosols par exemple.
Une fois inhalés, les nanomatériaux peuvent être rejetés ou rester dans l'appareil respiratoire (sur les fosses nasales, les bronches et les alvéoles pulmonaires) ou encore être conduits dans le système gastro-intestinal après déglutition.
Une fois inhalés, les nanomatériaux de diamètre compris entre 10 et 100 nm pénètrent plus profondément dans les alvéoles que les particules micrométriques ; en revanche les nanomatériaux plus petits restent dans les voies aériennes supérieures2.
Les nanomatériaux présents dans les cosmétiques ou les vêtements par exemple peuvent entrer au contact de notre peau. La pénétration des nanomatériaux à travers la peau - parfois expressément recherchée4 - est possible mais serait relativement limitée5, même si les résultats sont souvent contradictoires et rendus peu exploitables en raison notamment d'une insuffisante caractérisation physico-chimique des nanomatériaux et / ou de la diversité des montages expérimentaux6.
Dans l'ensemble, la littérature suggère néanmoins que le taux de pénétration des nanoparticules peut être plus élevé que pour des particules plus grosses, davantage bloquées par les couches supérieures de l'épiderme. De nombreuses incertitudes demeurent et des travaux sont en cours, en France notamment7, pour y voir plus clair. Leur passage à travers la peau serait facilité par le sébum, la sueur, les flexions répétées de la peau, ainsi que par les lésions cutanées (en cas d’eczéma ou de boutons, de brûlure due par exemple à un coup de soleil, d’une micro-coupure résultant du rasage, etc.).
L'une des questions cruciales à élucider concerne le devenir des nanoparticules au niveau des follicules pileux, encore indéterminé. La présence de cellules souches, qui peuvent migrer, pose la question du possible transport des nanoparticules à l'intérieur du corps via ce canal. Des dermatologues des Hôpitaux Bichat et Rothschild ont, pour la première fois, observé au Synchrotron soleil la présence de nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) le long de follicules pileux d’une patiente atteinte d’alopécie frontale fibrosante (chute de cheveux en haut du front) qui utilise quotidiennement, depuis 15 ans, des écrans solaires contenant du TiO28.
Autres voies
Voie urogénitale
Des nanomatériaux comme le nanoargent entrent dans la composition de sous-vêtements, de gels vaginaux antibactériens et spermicides9. Franchissent-ils alors les barrières physiologiques ? Avicenn n'a pas recensé d'études sur ce sujet.
Effraction cutanée
Plusieurs équipes de chercheurs ont alerté sur les risques liés au transfert de nanoparticules contenues dans les encres et/ou aiguilles de tatouages vers le sang, les vaisseaux et ganglions lymphatiques (entraînant leur gonflement chronique) et différents organes, pouvant entraîner des réactions d'hypersensibilité ou d'allergies10.
Voie parentérale (intra-veineuses, vaccins, ...)
Cette voie est utilisée en médecine : il s'agit des voies intraveineuses, sous-cutanée, intradermique ou intramusculaire, par lesquelles des nanomatériaux peuvent être introduits dans le corps humain.
Des dispositifs médicaux implantables comportant des nanorevêtements sont également testés ou développés (pace-makers, prothèses). Des nanoparticules sont également présentes dans des vaccins :
certaines par contamination non volontaire11, mais en nombre si infime qu'il pourrait, selon l'Agence européenne des médicaments, être constaté "partout dans l'environnement" et "ne devrait pas être considéré comme un risque pour la santé"12
d'autres à des fins prophylactiques (préventives) ou thérapeutiques13, principalement à l'état de recherche et développement voire pour certains déjà en voie de commercialisation.
Les muqueuses buccales sont perméables ; c'est d'ailleurs pour ça que les granules homéopathiques et d'autres médicaments dits "orodispersibles" doivent être placées sous la langue (on parle d'un mode d'administration "sublingual") pour "fondre" à cet endroit et être rapidement absorbés par l'organisme. Une partie des nanoparticules contenues dans les dentifrices, médicaments ou chewing-gums est "absorbée" à ce niveau14.
⇒ Et après ? Là encore les incertitudes sont nombreuses. Leur devenir dans l'organisme est encore mal connue : une fois dans le corps, les nanomatériaux ne sont pas nécessairement dégradés ou éliminés et peuvent s'accumuler et avoir des effets délétères.
Dans tous les cas, les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux (taille, forme, etc.) influent sur le degré de pénétration et la toxicité des nanomatériaux dans l'organisme.
4 - Voir par exemple "Nos cosmétiques valent de l'or", Magazine Avantages, 7 décembre 2018 : "En passant la barrière cutanée, l’or permettrait de lutter contre le stress oxydatif dû à la pollution et aux UV, limitant ainsi les rides. Il serait aussi capable de lutter contre les tâches et booster le système immunitaire de la peau."
les nanoparticules de diamètre inférieur à 4 nm peuvent pénétrer et imprégner la peau intacte,
les nanoparticules de diamètre compris entre 4 et 20 nm peuvent potentiellement pénétrer une peau intacte et lésée,
les nanoparticules de diamètre compris entre 21 et 45 nm peuvent uniquement pénétrer et imprégner une peau lésée,
les nanoparticules de diamètre supérieur à 45 nm ne peuvent pénétrer ni imprégner la peau.
d'autres aspects jouent un rôle important, surtout pour les nanoparticules métalliques, à savoir leur dissolution dans les milieux physiologiques, qui peuvent causer des effets locaux et systémiques, leur potentiel sensibilisant ou toxique et la tendance à créer des agrégats.
Nanoparticules de dioxyde de titane et d'oxyde de zinc dans les produits cosmétiques : Etat des connaissances sur la pénétration cutanée, génotoxicité et cancérogenèse - Point d'information, AFSSAPS, 14 juin 2011 (voir pp. 28-29 du rapport d'état des connaissances pour une présentation de l'étude de Gulson) : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avait constaté que les études scientifiques ne montraient pas de pénétration cutanée significative des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) pour les peaux saines, mais ne permettent pas de tirer de conclusion dans un sens ou dans l'autre pour les peaux lésées. L'Afssaps a donc recommandé de ne pas appliquer de crème contenant du nano TiO2 sur des peaux lésées (par exemple par des coups de soleil) du fait des risques potentiels pour la santé humaine ; elle a également déconseillé d'utiliser sur le visage ou dans des locaux fermés les cosmétiques contenant des nanoparticules et se présentant sous formes de spray
6 - Une synthèse a été publiée en mai 2020 : Are nanomaterials getting under your skin?, RIVM & RPA consortium of Triskelion, ECHA, EUON, mai 2020 : les experts des Pays-Bas mandatés par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) pour analyser les travaux de recherche sur l'absorption cutanée des nanomatériaux soulignent le manque de données comparables et de qualité et recommandent des programmes de recherche bien organisés et structurés en phase avec les lignes directrices de l'OCDE en matière de tests.
Une étude publiée en mai 2020 également fait état de résultats intéressants : Penetration of Zinc into Human Skin after Topical Application of Nano Zinc Oxide Used in Commercial Sunscreen Formulations, Holmes AM et a., ACS Appl. Bio Mater., 2020
Auparavant, nous avions noté que la plupart des protocoles ne reflètent pas les conditions réelles d'utilisation des crèmes solaires. En 2012, des recherches avaient par exemple été menées sur des échantillons de peau de cochon, sur une durée maximale de 16 heures seulement, sans prendre en compte des facteurs pourtant déterminants, comme la flexion de la peau ou les produits rajoutés par les industries cosmétiques pour favoriser la pénétration cutanée des produits actifs. Cf. INTERNATIONAL : Relance de la polémique sur la capacité des nanoparticules à traverser la barrière cutanée, veillenanos.fr, 3 octobre 2012. Or, dans une autre étude australienne publiée en 2010, effectuée sur des humains (et non pas des cochons), à partir de crèmes solaires utilisant des nanoparticules d'oxyde de zinc, il avait été montré que de faibles quantités de zinc traversaient la barrière cutanée. Il avait fallu attendre deux jours pour en détecter dans le sang des volontaires. Cf. Small Amounts of Zinc from Zinc Oxide Particles in Sunscreens Applied Outdoors Are Absorbed through Human Skin, Gulson B et al., Toxicological Sciences, 118(1) : 140–149, novembre 2010
7 - Un travail de recherche est en cours en 2021 au CEA de Grenoble notamment, sur le développement d'un modèle expérimental pour l'étude de la décontamination de la peau après une exposition aux nanoparticules métalliques (NaPeauLi), financé dans le cadre de l'APR-EST de l'Anses 2019.
Vaxinano, société de biotechnologie créé en 2016, spécialisée dans le développement préclinique et pharmaceutique des vaccins prophylactiques et thérapeutiques pour les maladies infectieuses, pour les marchés de la santé humaine et animale.
Ce site est édité par l'association AVICENN qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
Pour soutenir nos travaux, suivez et partagez nos infos :