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Nano et Bâtiment / Travaux publics (BTP) / Construction
Nano et Bâtiment / Travaux publics (BTP) / Construction
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout septembre 2021
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Le BTP, premier secteur utilisateur de nanomatériaux ?
Selon une étude publiée en 2012, diligentée par le ministère du Redressement productif, le BTP est le secteur le plus gros utilisateur de nanomatériaux1.
Une liste des nanomatériaux utilisés dans le BTP est disponible dans les bilans annuels de la déclaration obligatoire des nanomatériaux, préparés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et publiés par le ministère de l'écologie2.
Dans quels produits du BTP trouve-t-on des nanomatériaux ?
Vitres autonettoyantes, bois lasurés, ciments et bétons3, et peintures4 (particulièrement les ciments et peintures dits "dépolluants"), vernis, matériaux d'isolation, carrelages et joints, interrupteurs, conduits aérauliques, revêtements de trottoirs et de routes5, les nanomatériaux sont de plus en plus utilisés dans le bâtiment et la construction :
Pourtant, la législation n'oblige pas encore les producteurs et distributeurs à étiqueter la présence de nanomatériaux dans leurs produits, à l'inverse de ce qui se pratique dans les cosmétiques, les biocides et l'alimentation.
Le registre R-nano ne permet pas non plus d'identifier précisément les catégories de produits concernés (et encore moins les références de ces derniers).
Les nanomatériaux n'apparaissent pas (ou très peu) non plus dans les Fiches de Déclarations Environnementales et Sanitaires (FEDS) ni les fiches de données de sécurité (FDS).
Il faut donc croiser les sources*, interroger les fabricants et fournisseurs, sans garantie de pouvoir identifier les nanomatériaux dans les produits finis - si ce n'est en recourant à des tests en laboratoire.
* Quelques documents peuvent vous aider, notamment :
Nano Pigments Inventory, ECHA, 2018 : plus de 80 pigments de taille nano recensés sur le marché européen
Le site nanoshop.com permet de repérer des nanomatériaux utilisés dans la construction (vitres, métal, ...).
Les nanomatériaux sont utilisés dans le BTP pour leurs propriétés nouvelles ou renforcées par rapport aux matériaux classiques, structurés à l'échelle milli- ou micrométrique :
les fumées de silice amorphes, 100 fois plus petites que des grains de ciment, présentent une surface très élevée, de 15 à 30 m²/gramme ; comme les nanotubes de carbone, elles confèrent des propriétés de fluidité ou de résistance mécanique accrue, pour des bétons "très hautes performances" ou des mortiers de réparation nano-structurants.
les nanoparticules de dioxyde de titane et d'oxyde de zinc permettent un moindre salissement, sous l'effet des UV, de matériaux utilisés notamment dans le BTP6 comme le ciment, les céramiques, les peintures, les vernis, les vitrages ou les revêtements plastiques.
les nanoparticules d'argent sont utilisées pour ses propriétés antibactérienne ou antifongique.
l'oxyde d'aluminium accroît la résistance aux rayures des matériaux.
les nanomousses (hydro-NM-oxyde) et nanostructures confèrent une bonne isolation thermique et phonique.
En décembre 2017, l'OPPBTP a présenté ses travaux et son approche sur les nanos au comité de dialogue nano de l'ANSES.
En juin 2018, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) a publié un rapport7 appelant à protéger les travailleurs et les populations à proximité des sites industriels produisant ou manipulant du nano-TiO2, assorti d'un ensemble de préconisations pratiques à destination des pouvoirs publics et des industriels. Il recommandait notamment ceci : "Dans le cas particulier du BTP (construction et recyclage), des recherches complémentaires sur l’émissivité du mobilier urbain doivent être conduites car il contient des NPs de TiO2 (pavé nano, béton nano, verre autonettoyant) ; leurs résultats devront être communiqués aux services de santé au travail".
En janvier 2019, la Déclaration sur les problèmes émergents de santé et d'environnement (2018) du Comité scientifique européen sur les risques sanitaires, environnementaux et émergents (SCHEER) a alerté sur les nanoparticules relarguées dans l'environnement par des matériaux et déchets de construction (lors des processus de rénovation et de démolition, lors du recyclage, de la mise en décharge ou de l'incinération mais aussi lorsque les nano-revêtements ne sont pas correctement fixés, lorsqu'ils se dégradent). Le SCHEER a rappelé que les nanoparticules qui se retrouvent alors dans les systèmes aquatiques peuvent avoir des effets néfastes sur la vie aquatique et marine et dans les sols. Des interactions microbiennes essentielles peuvent être perturbées. Il a déploré l'absence de réglementation exigeant l’étiquetage ou d'identification des matériaux de construction contenant des nanomatériaux, qui entrave l'identification pourtant nécessaire des sources et des flux de nanomatériaux qui peuvent être relargués - ainsi que l'évaluation des risques qu'ils peuvent entraîner.
En juin 2019, un webinar du LNE a présenté les risques liés à la dégradation thermique des nanomatériaux dans le transport et l'habitat.
Risques économiques
Les risques ne sont pas seulement sanitaires et environnementaux : ils sont aussi d'ordre économique, notamment pour les maîtres d'ouvrages. En effet, le désamiantage leur coûte très cher. Les autorités pourraient être amenées à ordonner le "dénanoparticulage" de bâtiments, à l'occasion des travaux de rénovation de peintures ou de déconstruction d'un bâtiment par exemple, les maîtres d'ouvrage devront en supporter les coûts !
Quelles sont les recherches sur le sujet ?
En France, l'INRS, l'INERIS, l'ANSES, le CEA et d'autres organismes de recherche en France et à l'international travaillent pour en savoir plus. Nous relayons leurs publications quand nous les repérons. (Voir aussi notre rubrique Nano et Santé au travail). A noter plus particulièrement :
Le projet EnDurCrete (2018-2021) mené dans le cadre du programme de recherche et d’innovation européen Horizon 2020 vise ainsi à concevoir des bétons innovants, "verts" et durables, intégrant des sous-produits industriels et des systèmes hybrides faisant intervenir des nanotechnologies.
Le projet "Release_NanoTox" (financement ANSES 2015-2018) qui vise à apporter, par une approche réaliste, des connaissances nouvelles concernant l’impact potentiel des nano-objets issus de matériaux nanocomposites sous contrainte d’usage, sur les fonctions cérébrales. « L’impact toxicologique in vivo sur les fonctions cérébrales associé à l’inhalation d’un aérosol est encore trop peu étudié », précise-t-on au LNE. Les équipes scientifiques ont développé un banc expérimental permettant de réaliser une exposition réaliste à partir de nanoparticules de TiO2 issues du ponçage de matériaux nanoadditivés. Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et le LNE (Plateforme MONA) ont participé à la phase de caractérisation aéraulique de ce banc et à la caractérisation physico-chimique des nano-objets émis dans la chambre d’exposition. Puis l’ANSES et le laboratoire CarMeN ont été impliqués pour les phases d’exposition par inhalation et d’analyse in vivo des altérations morphofonctionnelles cérébrales des souris au cours de l’exposition. Les premiers résultats, en cours d’exploitation, montrent une altération des performances locomotrices des souris exposées aux peintures contenant des nanoparticules de TiO28.
Le projet IMP-AIR (Impact des matériaux photocatalytiques sur la qualité de l'air des environnements intérieurs", CSTB, CEA) : Le marché voit se développer des matériaux nano-additivés dont une grande partie revendique une action dépolluante de l'air. Le projet IMP-AIR a étudié l'efficacité, l'innocuité et la pérennité de plusieurs matériaux photocatalytiques soumis à différentes conditions de vieillissement : des céramiques, des peintures, des enduits et des lasures. Le projet a apporté des connaissances nouvelles sur l'impact de ces matériaux sur la qualité de l'air intérieur. Cela concerne notamment les sous-produits réactionnels formés en présence d'une pollution chimique représentative des environnements intérieurs, et le relargage de (nano)particules lors de sollicitations mécaniques.
Le projet EMANE : "Etude du relargage de nano-objets manufacturés en fonction du vieillissement de matériaux nanocomposites dédiés au bâtiment" (LNE, CSTB ; financement de l'ADEME)
Au niveau européen :
Le projet EnDurCrete (2018-2021) vise à concevoir des bétons innovants, "verts" et durables, intégrant des sous-produits industriels et des systèmes hybrides faisant intervenir des nanotechnologies, pour des applications civiles, industrielles et offshore
Le projet NanoGeCo vise à caractériser les fractions non volatiles des peintures aérosols dans les applications sous forme de process de revêtements sous forme de spray
Un projet de recherche européen intitulé NanoHouse a étudié le cycle de vie des nanomatériaux pour la construction, en particulier sur l'exposition chronique pour les nanoparticules d'argent et de dioxyde de titane contenues dans les peintures et revêtements utilisés en intérieur et à l'extérieur des habitations. Les travaux menés de 2010 à 2013 ont évalué le taux de relargage des nanoparticules de 1 à 2% seulement - et sous forme d'agglomérats9. Mais d'autres études sont beaucoup moins rassurantes : une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a par exemple montré que le nanorevêtement de dioxyde de titane appliqué sur une façade de bâtiment peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux)10, il convient donc dans ces conditions de minimiser le recours aux nanorevêtements.
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève déconseille l'utilisation du TiO2 nanoparticulaire sur les chantiers de l'Etat ainsi que dans les constructions des entreprises privées11. Il se base notamment sur l'étude réalisée par le Service cantonal de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures qui considère qu'il est "irresponsable d'utiliser un tel produit avant même de rechercher les dangers connus et d'évaluer leurs risques", déplore "l'emploi prématuré de ces produits en Italie, en France et en Belgique" et souhaite "que ces imprudences ne soient pas répétées sur le territoire de notre Canton"12.
List of nano-pigments on the EU market : Plus de 80 pigments de taille nano ont été recensés sur le marché européen en 2018 par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA).
5 - Il s'agirait de nanorevêtements de dalles de béton conçus par l'université de Twente, aux Pays-Bas, censés décomposer les oxydes d'azote (polluants urbains nocifs) commercialisés en France par la société URBAPT. Cf. "Le titane : promesses et risques d'un dépolluant" in La civilisation des nanoproduits, Jean-Jacques Perrier, éditions Belin, septembre 2017 :
"La Cité des arts et de la musique de Chambéry, inaugurée en 2003, a été l'un des premiers bâtiments dont le ciment de couverture comprenait du TiO2 ; l'ont bientôt suivie l'hôtel de police de Bordeaux et l'îlot Mermoz à Maisons-Laffitte. Le pavillon italien de l'Exposition universelle à Milan en 2015 et l'église du Jubilé à Rome, inaugurée en 2007, sont d'autres exemples de bâtiments blancs autonettoyants utilisant des ciments à base de dioxyde de titane" : "Le titane : promesses et risques d'un dépolluant" in La civilisation des nanoproduits, Jean-Jacques Perrier, éditions Belin, septembre 2017 :
Eco-efficient construction and building materials, Torgal, FP & Jalali, S, Constr. Build. Mater., 25, 582-590, 2011
Application of titanium dioxide photocatalysis to create self- cleaning materials, Stamate, M.; Lazar, G. Modell. Otpim. Mach., Build. Field (MOCM), 13 (3), 280-285, 2007
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