Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout novembre 2021
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Evaluations des risques
Des centaines de tonnes de nanoparticules d'argent sont produites chaque année dans le monde1 pour leurs propriétés antibactériennes ou antifongiques, malgré des risques pour l'environnement inquiétants, notamment pour les microorganismes, la flore et la faune aquatiques2 et les microorganismes du sol3, et des risques également sanitaires (argyrisme à fortes doses4 et surtout résistances des bactéries5 principalement).
Sensibilisation cutanée de catégorie 1, H317 (peut provoquer une allergie cutanée)
Mutagénicité sur les cellules germinales de catégorie 2, H341 (susceptible d'induire des anomalies génétiques)
Toxicité pour la reproduction de catégorie 1B, H360FD (peut nuire à la fertilité, peut nuire au fœtus.)
Danger pour le milieu aquatique H400 et H410 (toxicités aigüe et chronique de catégorie 1).
La consultation a pris fin le 18 décembre 2020 ; la classification qui s'en suivra aura des conséquences comme la mise en place des mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public, à préciser en fonction de la classification retenue (2021 ? 2022 ?).
En 2020, une revue de littérature8 réalisée par des chercheurs danois a montré qu'une partie des nanoparticules d'argent inhalées se retrouve dans les poumons, les ganglions lymphatiques, le foie, les reins, la rate, les ovaires et les testicules et conduisent à des défaillances de la fonction pulmonaire ainsi qu'à de l'inflammation pulmonaire. Si les ions ont un effet plus important, le schéma de toxicité est similaire pour les nanoparticules. L'argent a été évalué comme étant génotoxique sur la base d'études in vitro et in vivo.
En 2021, l'Institut national américain de santé au travail (NIOSH) a analysé plus de cent études sur les nanomatériaux d'argent9 :
dans les études portant sur des cellules humaines, les nanomatériaux d'argent ont été associés à une toxicité (mort cellulaire et dommages à l'ADN) qui variait en fonction de la taille des particules
chez les animaux exposés aux nanomatériaux d'argent (par inhalation ou par d'autres voies d'exposition), les concentrations tissulaires d'argent étaient élevées dans tous les organes testés et l'exposition aux nanomatériaux d'argent était associée à une diminution de la fonction pulmonaire, à une inflammation des tissus pulmonaires et à des modifications histopathologiques (tissus microscopiques) du foie et des reins.
Dans les études (relativement peu nombreuses) qui ont comparé les effets de l'exposition à l'argent à l'échelle nanométrique ou à l'échelle microscopique, les particules d'argent d'échelle nanométrique sont plus absorbées et plus toxiques que les particules à l'échelle microscopique.
Le NIOSH a également évalué les données de deux études sur l'inhalation subchronique (durée intermédiaire) chez les rats qui ont révélé des effets néfastes sur les poumons et le foie (notamment une inflammation pulmonaire à un stade précoce et une hyperplasie des voies biliaires du foie).
Dans un article publié en juin 2021 par Nature nanotechnology, des chercheur·es de l'Université de Pittsburgh (USA) mettent en garde contre l'utilisation généralisée des nanoparticules d'argent dans les produits de consommation (machines à laver, textiles, peintures, ...) et insistent sur le fait que le recours aux nanoparticules d'argent doit être réservé aux seuls équipements de santé afin de limiter les résistances bactériennes.
En juillet 2021, les nanoparticules d'argent ont été identifiées comme l'une des quatre catégories de nanoparticules les plus à risque par une équipe de la University College Dublin10.
Non-approbation comme biocide de l'argent "en tant que nanomatériau"
Dans le même rapport que celui mentionné ci-dessus9, l'Institut national américain de santé au travail (NIOSH) a établi une recommandation de valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) pour les nanoparticules d'argent de 0,9 μg/m3 comme concentration moyenne pondérée sur 8 heures. En outre, le NIOSH continue de recommander une VLEP de 10 μg/m3 comme concentration moyenne pondérée sur 8 heures pour l'argent total (poussière métallique, fumée et composés solubles, comme Ag). Le NIOSH recommande aussi l'utilisation d'évaluations de l'exposition sur le lieu de travail, de contrôles techniques, de procédures de travail sûres, de formation et d'éducation et d'approches de surveillance médicale établies pour protéger les travailleurs.
Dans le domaine alimentaire
En 2011, l'Institut pour une culture de sécurité industrielle (ICSI) avait réalisé une [[https://www.foncsi.org/fr/publications/cahiers-securite-industrielle/ACB-nanoparticules-argent-frigos/CSI-ACB-nanoargent-frigos.pdf analyse coût-bénéfices de l'usage des nanoparticules dans les réfrigérateurs] dont les conclusions suggéraient //"le bénéfice net des nanoparticules d’argent dans les réfrigérateurs domestiques est négatif, c’est-à-dire que les coûts excèdent les bénéfices"//""<sup><a id="noteBalanceBR" name="noteBalanceBR" href="#BalanceBR">11</a></sup>""..
En avril 2015, [[http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=QuellesNanoAlimentation#DenreesAlimentR la présence de nanoparticules d'argent dans l'additif E174]] (utilisé comme colorant argenté et décoratif pour les pâtisseries et chocolats) a été confirmée.
Mais en décembre 2015, l'EFSA a considéré que "l'information disponible est insuffisante pour évaluer la sécurité de l'argent comme additif alimentaire" (E174)12, ce qu'a confirmé le SCCS en 2018 dans le domaine cosmétique (voir ci-dessous).
L’ANSES a rappelé par ailleurs que l’argent, qu'il soit sous forme nanoparticulaire ou non, ne figure pas dans la liste des minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication des compléments alimentaires. Compte tenu de la présence de nano-argent dans des compléments alimentaires distribués notamment par le biais du commerce en ligne, l’Agence a recommandé de renforcer l’information des consommateurs et le contrôle de la distribution de ces produits qui contiendraient des nanoparticules d’argent.
Une étude italienne publiée en 2021 montre l'accumulation et le lente élimination de nanoparticules d'argent dans le cerveau de souris après administration orale à faibles doses chez la souris, associées à des effets sur les cellules gliales et à des altérations ultrastructurales de la la barrière hémato-encéphalique13.
Dans le domaine cosmétique
Dans le domaine cosmétique, l'argent colloïdal (nano) fait depuis 2015 l'objet d'une procédure d'évaluation par le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC ou SCCS en anglais, pour "Scientific Committee on Consumer Safety"). 63 notifications de produits contenant de l'argent colloïdal ont été réalisées auprès de la Commission ; le SCCS a rendu un avis en octobre 2018 réitérant que les données recueillies ne permettaient pas de s'assurer de l'innocuité du nanoargent dans les applications cosmétiques14.
Dans le domaine textile
Beaucoup de vêtements de sport seraient traités au nanoargent.
En décembre 2018, Svenskt Vattens, le syndicat suédois des eaux et des eaux usées a alerté sur l'argent antibactérien et anti-odeur provenant de textiles de sport15 : c'est la plus grande source connue d'argent dans les stations de traitement de l'eau, une menace pour nos lacs et nos mers, ainsi qu'un risque de propagation de la résistance aux antimicrobiens. Les marques et distributeurs sont invités à cesser de vendre des vêtements traités à l'argent pour protéger l'eau (Adidas est pointé comme le plus mauvais élève).
En avril 2019, l'ONG Women's Voices for the Earth s'inquiète de l’utilisation de nanoargent dans les serviettes et sous-vêtements menstruels16, du fait des risques pour la santé et pour l'environnement.
En mars 2020 aux Etats-Unis, plusieurs associations ont contesté la demande autorisation auprès de l'agence de protection de l'environnement américaine (EPA) d'un produit à base de nano-argent destiné à être appliqué sur des textiles, au vu des risques sanitaires et environnementaux qu'il serait susceptible d'entraîner17.
Dans le domaine médical
Même dans le domaine médical l'utilisation de nanoargent doit être mieux évaluée, ainsi que le souligne l'association Health Care without Harm (HCWM)18.
Vers des nanoparticules d'argent "safer by design" ?
En août 2020, des chercheur·e·s français·e·s ont annoncé avoir développé un nanomatériau biocide "safer by design"* comportant un assemblage de nanoparticules d'argent reliées entre elles par une molécule bio-inspirée. Il libère des ions Ag(I) de manière lente et contrôlée, contrairement aux nanoparticules d'argent utilisées actuellement qui subissent des processus non contrôlés de transformations et de libérations des produits19. * Pour en savoir plus sur le concept de "safer by design", cliquer ici.
Role of bacterial motility in differential resistance mechanisms of silver nanoparticles and silver ions, Stabryla LM et al., Nature Nanotechnology, juin 2021 : "our findings caution against the ubiquitous use of AgNPs in consumer products (for example, washing machines, textiles and paints) that result in potentially high human and environmental exposures. To limit and not contribute to the growing global resistance challenge, AgNP use should be reserved for those applications necessitating antimicrobial function, such as in the health care sector and for medical devices where resistant bacteria cause life-threatening situations."
How Nanosilver Gets Into Our Freshwater, and What We Need To Do About It, Lauren Hayhusrt, Fisheries Research Biologist, IISD Experimental Lakes Area, 16 avril 2020 : les recherches menées dans un lac canadien ont mis en évidence que les nanoparticules d'argent se retrouvent dans le foie et les branchies des poissons - quatre ans encore après l'exposition de ces derniers au nanoargent (en 2014-2015). Le nanoargent a entraîné une diminution de l'appétit et du métabolisme des perches, dont le nombre a diminué ; voir aussi, publié plus récemment, cet article scientifique : Multi‑Level Responses of Yellow Perch (Perca flavescens) to a Whole‑Lake Nanosilver Addition Study, Hayhurst LD et al., Archives of Environmental Contamination and Toxicology (2020) 79:283–297, 2020
Degger N et al., Silver nanoparticles disrupt regulation of steroidogenesis in fish ovarian cells, Aquat Toxicol., 4;169:143-151, novembre 2015 : cette étude montre que des nanoparticules d'argent (nAg) peuvent affecter les gènes spécifiques qui régissent la stéroïdogenèse, conférant aux nAg un potentiel de perturbation endocrinienne (cité par la lettre RES-Actus n°15, novembre 2015).
When enough is enough, Foss Hansen S & Baun A, Nature Nanotechnology, 7(7):409-11, juillet 2012 : "The European Commission should be regulating nanosilver, not asking for yet another report on its impact on health and the environment"
NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner
Institutions publiques ou para-publiques (dont agences sanitaires et/ou environnementales) :
7 - Cf. proposition de classification de l'argent et du nanoargent, ECHA, octobre 2020. Cette classification est le point d'aboutissement d'une longue procédure. Une évaluation des risques liés à l'argent (y compris ses nanoformes) devait être menée par les Pays-Bas en 2014 dans le cadre du plan d'action (CORAP) de l'ECHA du fait des inquiétudes concernant l'écotoxicité et le devenir environnemental de l'argent, particulièrement sous forme nano
Un document de 2016 laissait penser que les informations recueillies auprès des fabricants devaient encore être complétées (cf. DECISION ON SUBSTANCE EVALUATION PURSUANT TO ARTICLE 46(1) OF REGULATION (EC) NO 1907/2006 For Silver, CAS No 7440-22-4 (EC No 23 1-131-3), ECHA, juillet 2016).
En 2018, l'évaluation de l'utilisation biocide de différentes formes d'argent (y compris les formes nanocomposites) et de sels d'argent était en cours, par la Suède, dans la perspective de propositions pour une classification et un étiquetage harmonisés (CLH) de ces formes d'argent (cf. Cf. SUBSTANCE EVALUATION CONCLUSION and EVALUATION REPORT for Silver EC No 231-131-3 CAS No 7440-22-4, novembre 2018)
En 2019, la page dédiée sur le site de l'ECHA indiquait qu'une proposition CLH avait bien été formalisée en mai 2019 par la Suède.
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