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Dossier : Nanomatériaux et Environnement

Dossier : Nanomatériaux et Environnement
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2021Ce dossier synthétique a vocation à être complété et mis à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Sommaire
- Les "promesses" des nanos en matière d'environnement
- Des risques pour l'environnement de plus en plus documentés, mais encore insuffisamment cernés
- Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
- Des risques aussi mobiles que les nanomatériaux
- Les conditions d'expérimentation sont souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité
- L'évaluation des risques se heurte à la complexité due à la multitude de paramètres à prendre en compte
- Les incertitudes donnent lieu à des divergences d'interprétation
- Les nanomatériaux peuvent accroître la dissémination d'autres polluants
- Des risques accrus par les interactions des nanomatériaux entre eux ou avec d'autres polluants
- Quelles conséquences de la dissémination des nanomatériaux bactéricides ?
- Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
- Comment appliquer le principe de précaution ?
- Mener des études supplémentaires : lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
- Limiter la commercialisation / les usages des nanomatériaux ?
- Développer l'éco-conception des nanomatériaux ?
- Contrôler les sources industrielles d'émissions de nanomatériaux ?
- Géolocaliser les relargages de nanomatériaux afin de cibler les zones les plus à risques
- Mener des études supplémentaires : lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
- La question environnementale, porte d'entrée d'une approche plus globale ?
- Annexe : Les acteurs mobilisés sur la question
- Pour aller plus loin
- Quel relargage des nanomatériaux dans l'environnement ?
- Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
- Nano et eau
- Détecter et mesurer les nanomatériaux ?
- Pourquoi tant d'incertitudes sur les risques associés aux nanomatériaux ?
- Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux?
- Nanos et stations d'épuration
- Les nanos dans le Plan "Mon Environnement, Ma santé" (PNSE 4)
- Notes et références
- Bibliographie générale
Les "promesses" des nanos en matière d'environnement
Les nanotechnologies sont souvent présentées comme une solution miracle à de nombreux problèmes d'environnement. En 2009, l'Union des Industries Chimiques (UIC) affirmait ainsi que "les nanomatériaux contribuent à réduire l'empreinte environnementale des activités : pneus à basse consommation, véhicules moins gourmands en énergie, habitations mieux isolées, téléphones cellulaires et ordinateurs plus autonomes et moins énergivores. (...) Les nanotechnologies interviennent de plus en plus dans la dépollution des sols et des eaux, le stockage du CO2 ou encore la production et le stockage d'énergies renouvelables. Au niveau industriel, elles permettent de fabriquer des produits manufacturés en consommant moins d'énergie et de matières premières"1.
Ainsi que le rapportait le Président de la Commission nationale du débat public en avril 2010 à l'issue du débat, ce discours est entretenu par des institutions de recherche française : "Qu'attend-on de positif des nanotechnologies ? Selon le CNRS et le CEA, un des objectifs est de contribuer au développement d'une société économe en ressources naturelles et en énergie, porteuse d'une forte exigence de préservation de la santé et de l'environnement"2.
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Dépollution et remédiation des sols et des eaux par les nanos
De 2009 à 2012, le projet de recherche NanoFreezes a mobilisé les efforts de chercheurs du CNRS, de l'INERIS et du CEREGE, avec des résultats jugés "très satisfaisants".
Des chercheurs du Gisfi (Groupement d’intérêt scientifique sur les friches industrielles) ont réitéré en mars 2019 l'intérêt de la nanoremédiation. Les nanoparticules de fer sont les plus utilisées. Elles permettent de décontaminer des eaux et des sols chargés en composés chlorés, qui figurent parmi les polluants les plus répandus. Elles sont aussi efficaces pour le chrome, en réduisant l’une de ses formes particulièrement toxiques. Elles peuvent être injectées dans les nappes et mélangées à des sols, jusqu’à des profondeurs d’une douzaine de mètres, permettant dans certains cas de venir à bout de la quasi-totalité de la pollution.
Les auteurs soulignent cependant les incertitudes sur les risques, "les barrières à franchir d’ordre réglementaire et concernant l’acceptabilité de ces techniques par les entreprises, les clients, les élus et le public".
Les études continuent avec le Gisfi, la région Grand Est et quatre partenaires européens (Finlande, Grèce, Hongrie et Italie) dans un nouveau programme TANIA TreAting contamination through NanoremedIAtion (1 285 735 € pour des travaux de janvier 2017 à décembre 2021).
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Autres "promesses" des nanomatériaux et/ou nanotechnologies en matière d'environnement
A travers notre veille sur le web, nous repérerons également de nombreuses annonces de développement d'applications nanos prétendument "vertes"3.
La vigilance est néanmoins de mise : outre qu'il existe beaucoup d'incertitudes sur les risques associés à ces développements (voir plus bas), certains s'interrogent sur la réalité et l'empreinte environnementale de ces promesses.
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Quelle réalité ?
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Quel bilan écologique ?
Avec le BEE et l'IPEN4, ils soulignent également que les promesses environnementales associées aux nanos ne concernent souvent que l'utilisation ou l'exploitation des produits auxquels elles sont associées et ignorent l'empreinte environnementale des autres étapes du cycle de vie des produits - élaboration, fabrication, utilisation, recyclage ou élimination - lors desquelles l'environnement peut être déterioré.
Par exemple les recherches, l'extraction des matières premières, la fabrication et le traitement en fin de vie de certains nanomatériaux requièrent des installations et équipements plus sophistiqués que les procédés classiques, et également plus d'énergie, plus d'adjuvants (notamment d'eau) et parfois plus de solvants néfastes pour l'environnement6.
Les rejets de gaz à effet de serre générés par la production de certains nanomatériaux, le nanoargent notamment, peuvent être également plus importants7, or ils sont en cause dans le réchauffement climatique et l'épuisement de la couche d'ozone.
En outre, même pendant la seule phase de leur utilisation, certains produits présentent un faible rendement de production, à cause d'un coût énergétique élevé pour une durée de vie limitée (particulièrement tous les gadgets électroniques, smartphones en première ligne, utilisant micro et nano-électronique qui ne dépassent guère quelques années).
La production high-tech de nanomatériaux à base de carbone, tels que les fullerènes, nanotubes de carbone et nanofibres de carbone, est aujourd'hui extrêmement énergivore ; les gains d'énergie potentiellement liés à certaines de leurs utilisations - notamment, pour les véhicules, les économies de carburant liées au gain de poids qu'ils permettent d'obtenir - sont loin de compenser les coûts énergétiques liés à leur production. L'impact du cycle de vie des nanofibres de carbone pourrait être cent fois supérieur à celui des matériaux auxquels on les substitue (aluminium, acier ou polypropylène) dans l'aéronautique ou l'automobile par exemple8.
La facture énergétique dépend évidemment des quantités de nanomatériaux produites : lorsque de très petites quantités sont utilisées, par exemple dans le cas des nanotubes de carbone pour produire des films plastiques spéciaux, il peut y avoir un gain d'énergie9. Mais l'autre question qui émerge alors concerne les risques que peuvent poser ces nanotubes pour l'environnement. Ce qui nous amène à la question suivante...
Des risques pour l'environnement de plus en plus documentés mais encore insuffisamment cernés
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Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés par exemple11 :
- sur des micro-organismes : effets sur la croissance et la viabilité de protozoaires et autres micro-organismes,
- sur des végétaux : diminution de la viabilité cellulaire ou de la quantité de chlorophylle de végétaux, impact (parfois positif, parfois négatif) sur la germination des graines et la croissance racinaire
- sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre
- sur des organismes terrestres : réduction de la mobilité voire mort de drosophiles, diminution du taux de reproduction de vers de terre.
Plus récemment, des chercheurs ont mis en évidence un lien entre l'incinération de thermoplastiques contenant des nanotubes de carbone et l'augmentation des émissions et de la toxicité des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)12.
Et on commence à voir apparaître des résultats qui mettent en évidence des effets néfastes du nanoargent et de nanoparticules de dioxyde de titane sur des plantes et micro-organismes observés à des doses "réalistes"13.
La dissémination des nanoparticules manufacturées de dioxyde de titane peut être source de toxicité pour les environnements terrestres et aquatiques14.
Les nanoparticules contenues dans les crèmes solaires sont relarguées dans les eaux de baignade (de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane par jour sur une plage espagnole), et aboutir à une augmentation de la concentration en peroxyde d'hydrogène, une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins15, ce qui peut donc avoir des conséquences sur toute la chaîne alimentaire !
En 2020, des travaux menés par des chercheurs français et espagnols ont montré que des nanoparticules d'oxyde de zinc sont absorbées par les roseaux, avec différents effets toxiques à la clé (réduction de leurs croissance, teneur en chlorophylle, efficacité photosynthétique et transpiration)16.
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Des risques aussi mobiles que les nanomatériaux
On sait que des nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent pénétrer et s'accumuler dans différentes espèces bactériennes, végétales, animales, terrestres et ou aquatiques, être transmis à la génération suivante, et remonter la chaîne alimentaire17.
Mais ces données sont encore très parcellaires ; malgré le développement des recherches à ce sujet18, les incertitudes relatives aux risques posés par les nanomatériaux pour l'environnement sont nombreuses.
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Les conditions d'expérimentation sont souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité
Les nanomatériaux considérés sont en effet souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux et résidus de dégradation des nanomatériaux auxquels sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines. Pour l'heure, les scientifiques ont en effet une connaissance très limitée des types de nanomatériaux qui sont incorporés dans les produits actuellement sur le marché, et a fortiori des résidus de dégradation des nanomatériaux relargués dans l'environnement tout au long du "cycle de vie" de ces produits ; ils ignorent également beaucoup de choses sur la mobilité et les transformations subies par ces derniers dans l'environnement : là encore de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, comme le degré d'acidité ou de salinité19 de l'eau par exemple.
Les concentrations de nanomatériaux testés sont en outre plus importantes que celles estimées dans l'environnement (à cause des limites des appareils de détection et de mesure utilisés en laboratoire). Toutefois on ne peut écarter l'hypothèse que les effets constatés (ou d'autres) sur les écosystèmes pourraient également intervenir à des concentrations plus faibles ; on vient en outre d'avoir la preuve scientifique que certains nanomatériaux (de silice notamment) sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses20. En outre ces fortes concentrations permettent de simuler des situations de contamination aiguë et ponctuelle (par exemple un déversement accidentel sur un site de production, ou encore en cours de transport).
La situation s'améliore cependant (au niveau méthodologique s'entend), avec de nouvelles méthodes d'analyses pour étudier les effets de nanoparticules sur les écosystèmes21 - par exemple en utilisant des "mésocosmes" : d'énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquels est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau.
Les effets néfastes du nanoargent sur des plantes et micro-organismes mentionnés plus haut ont également été observés dans des conditions expérimentales "réalistes"13.
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L'évaluation des risques se heurte à la complexité due à la multitude de paramètres à prendre en compte
- - d'une part la toxicité et l'écotoxicité des nanoparticules varient selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, structure, état de charge, degré d'agglomération, composition, solubilité, etc.) qui varient elles-mêmes selon les conditions dans lesquelles les nanoparticules sont synthétisées, stockées, éventuellement enrobées, intégrées dans un produit puis relarguées dans l'environnement.
- - d'autre part, il faut également prendre en compte ce avec quoi les nanomatériaux considérés - ou leurs résidus - vont entrer en contact : êtres vivants végétaux, animaux, micro-organismes, et autres substances chimiques.
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Les incertitudes donnent lieu à des divergences d'interprétation
Quand certains minimisent les risques en arguant du fait que les expériences ont été réalisées sur la base d'un "scénario du pire" (pour "worst case scenario" en anglais, impliquant par exemple des nanoparticules utilisées sous forme dispersée et à doses très fortes), d'autres soulignent a contrario que les conclusions amènent à tirer la sonnette d'alarme.
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Les nanomatériaux peuvent accroître la dissémination d'autres polluants
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Des risques accrus par les interactions des nanomatériaux entre eux ou avec d'autres polluants
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Quelles conséquences de la dissémination des nanomatériaux bactéricides ?
Pire, les nanomatériaux utilisés pour dépolluer les sols ou les eaux26 pourraient entraîner eux-mêmes des pollutions importantes des écosystèmes au point que de nombreux acteurs insistent sur la nécessité d'interdire l'utilisation de nanoparticules pour dépolluer des sols ou de l'eau jusqu'à ce que des recherches démontrent que les bénéfices sont supérieurs aux risques27.
Les nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent laissent le champ libre à des différences d'appréciation des risques par les scientifiques voire de vraies controverses. Outre les problèmes qu'il pourrait poser dans les stations d'épuration, le nanoargent par exemple est pointé du doigt par certains experts qui le soupçonnent d'accroître le risque d'émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques, ce que d'autres contestent28...
Comment appliquer le principe de précaution ?
Devant le peu de certitudes et de garanties sur l'innocuité des nanomatériaux pour l'environnement, s'impose le principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2005 : "Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".
Comment l'appliquer au cas des nanomatériaux pour lesquels demeurent de nombreux "verrous scientifiques" qui empêchent à ce jour une connaissance précise des risques encourus ?
Voici quelques-unes des pistes de solutions - parfois complémentaires, parfois exclusives les unes des autres - proposées par différents acteurs lors du débat public national de 2009-2010 et depuis :
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Mener des études supplémentaires ? Lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
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Limiter la commercialisation / les utilisations des nanomatériaux ?
Des chercheurs ont estimé qu'entre 63 et 91% des quelques 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont fini dans des décharges, le reste étant relargué dans les sols (8 à 28%), l'eau (de 0,4 à 7%), ou l'atmosphère (0,1-1,5 %)29.
Certains demandent de rendre obligatoires les évaluations avant la commercialisation de nanomatériaux, et d'interdire ces derniers lorsque les résultats de ces évaluations suggèrent qu'ils pourraient être nocifs pour l'environnement. On retombe alors sur les questions mentionnées plus haut concernant la fiabilité, le calendrier et le financement de ces études.
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Développer l'éco-conception des nanomatériaux ?
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Contrôler les sources industrielles d'émissions de nanomatériaux ?
Au niveau européen, l'AFNOR a bien annoncé fin 2011 le lancement de travaux par le comité technique européen dédié aux nanotechnologies, le CEN/TC 352 mais nous n'avons pas d'information sur la norme "nanoresponsable" qui devrait en découler.
De l'avis d'un nombre croissant d'associations et d'experts scientifiques30, il est pourtant urgent d'agir. Et même si les instruments et méthodes pour détecter, mesurer, suivre et contrôler les nanomatériaux dans l'environnement sont encore à améliorer, il est d'ores et déjà techniquement possible de prélever et de conserver des échantillons pour les analyser quand ces instruments et méthodes seront au point31. Une démarche essentielle à mettre en place au plus vite.
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Géolocaliser les relargages de nanomatériaux afin de cibler les zones les plus à risques
Des initiatives concrètes ont-elles été mises en place en ce sens ? Pas à notre connaissance.
La question environnementale, porte d'entrée d'une approche plus globale ?
Le physicien Richard Jones, Pro-Vice Chancelier à la Recherche et l'Innovation de l'Université de Sheffield (Royaume-Uni), interpellait en 2009 la communauté scientifique en insistant sur le fait que les enjeux environnementaux soulevés par les nanos dépassent le simple domaine de la toxicologie et de la technique, et nous confrontent à des questions plus globales : qui contrôle ces technologies, qui en profite ? selon quelle gouvernance ? 32. Du fait des incertitudes relatives à l'efficacité et à la potentielle gravité des effets environnementaux causés tout au long du cycle de vie des nanomatériaux, il s'agit de considérer les questions de leur réversibilité et de notre capacité à remédier aux problèmes qu'ils pourraient engendrer. En matière de réversibilité, ce ne sont pas uniquement des considérations techniques qui doivent entrer en ligne de compte souligne toujours Richard Jones : notre expérience avec d'autres technologies montre que les sociétés, une fois engagées dans une voie spécifique, peuvent avoir de grandes difficultés à faire marche arrière, non seulement pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons économiques ou socio-politiques.
La question de l'utilité (ou de la futilité) de l'usage des différents nanomatériaux a été posée lors du débat public national : y a-t-il un réel progrès pour l'homme ? La réponse peut varier en fonction des valeurs et des cultures. En France, beaucoup d'associations considèrent que "l'urgence publique est d'investir d'abord dans la réduction des pollutions, la prévention des cancers, la sobriété énergétique, l'accès à l'eau et à la nourriture avant de développer, sans véritable instance de contrôle ou d'éthique, les nanoproduits", ainsi que le rapportait le Président de la CNDP à l'issue du débat public national sur les nanotechnologies en avril 20107.
Se pose également la question de l'autonomie ou de la dépendance à une technologie complexe : quelles solutions alternatives existent pour l'effet attendu ? Quels moyens sont consacrés à les améliorer ?
En définitive, c'est le fonctionnement de notre démocratie qui est ici en jeu : qui décide quoi à quel moment du cycle de vie des innovations ? Quels acteurs sont concernés à chaque étape du cycle ? Ont-ils pu exprimer un avis et en est-t-il tenu compte au moment où un vrai choix est encore possible, comme le requiert la convention d'Aarhus ? Avec quelle éthique ?
Annexe : Les acteurs mobilisés sur la question
Différentes organisations ont pris position sur les questions environnementales soulevées par les nanotechnologies et nanomatériaux, notamment :
- du côté des associations environnementales :
- en France : France Nature Environnement, le WWF , les Amis de la Terre, ...
- à l'étranger : le Bureau Européen de l'Environnement (BEE), ETC Group, le Center for International Environmental Law, ICTA, Les Amis de la Terre International, Natural Resources Defense Council (NRDC), Clean Production Action, The Silicon Valley Toxics Coalition (SVTC), ...
- du côté des pouvoirs publics :
- en France :
- l'ANSES, qui a publié en 2010 le rapport Évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et pour l'environnement, et en 2011 le rapport Toxicité et écotoxicité des nanotubes de carbone, mis à jour en novembre 2012 dans le document Note d'actualité, État de l'art 2011-2012
- les ministères qui ont contribué au chapitre sur les "Risques pour la santé et l'environnement" pour le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010.
- les agences environnementales comme l'EPA aux Etats-Unis, la DEPA au Danemark, etc.
- en France :
- du côté des laboratoires de recherche :
- les équipes de recherche françaises mobilisées sur la question sont pour la plupart listées sur le site du Groupement de recherche international iCEINT qui inclue également des équipes américaines du consortium CEINT
- les principaux laboratoires européens peuvent être identifiés à partir de la liste des projets européens en matière de sécurité environnementale des nanomatériaux réalisée en mai 2012 par l'Institute of Technology Assessment de l'Académie des Sciences autrichiennes, ou le document plus détaillé "Compendium of Projects in the European NanoSafety Cluster" publié en février 2012.
Pour aller plus loin
VOIR AUSSI :
- Sur notre site veillenanos.fr :
- Bibliographie générale "Nanomatériaux et environnement"
- Quel relargage des nanomatériaux dans l'environnement ?
- Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
- Prendre en compte l'ensemble du cycle de vie des nanomatériaux et des produits qui en contiennent
- Nanos et plastiques
- Détecter et mesurer les nanomatériaux ?
- Pourquoi tant d'incertitudes sur les risques associés aux nanomatériaux ?
- Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux?
- Nanos et stations d'épuration
- Les nanos dans le Plan "Mon Environnement, Ma santé" (PNSE 4)
- Ailleurs sur le web :
- Gestion des déchets et des effluents contenant des nanomatériaux. Devenir et impact dans les filières de traitement et valorisation - Synthèse , RECORD, 2019
- Les nanoparticules dans l'environnement, Julien Gigault (CNRS), Espace des sciences (Rennes), vidéo, 2 mai 2017
- Comment les nanotechnologies contribuent-elles à la transition énergétique ?, Forum NanoResp, 25 novembre 2015
Notes et références
1 - Cahier d'acteur pour le débat public national, Union des Industries Chimiques (UIC), oct. 2009
2 - Bilan du débat public sur le développement et la régulation des nanotechnologies, CNDP, avril 2010
3 - Voir par exemple :
- Les nanomatériaux permettent un dispositif réversible de chauffage et de refroidissement, Enerzine, 9 décembre 2020
- Les super pouvoirs des nano-matériaux, Transition et Energies, 28 janvier 2020
- Les nanotechnologies aussi peuvent se mettre au vert, Techniques de l'ingénieur, 10 octobre 2018
- Une meilleure production solaire de dihydrogène grâce aux nanoparticules de nickel, CNRS, 1er août 2018
- Panneaux solaires : des cellules photovoltaïques plus efficaces grâce à des nanoparticules reverbérantes dopées aux colorants organiques, Futura Sciences, 27 avril 2018
- Des capteurs de lumière moins chers, moins toxiques et recyclables pour la production d'hydrogène, CNRS, 10 avril 2018
- Nanomaterials Hold Promise for Producing Hydrogen from Water, University of Houston, 21 mars 2018
- La recherche sur les nanofils pourrait annoncer une nouvelle génération d'appareils solaires portables, Cordis, 21 février 2018
- "Changer les matériaux permettra de réduire les émissions de gaz de serre", Anatoly Chubais (Rusnano), Les Echos, décembre 2015
- Comment les nanotechnologies contribuent-elles à la transition énergétique ?, Forum NanoResp, novembre 2015
- Nanomaterials for Environmental Protection, Kharisov BI et al., John Wiley & Sons, août 2014
- Nouveau nanomatériaux dans le domaine de l'énergie durable, Munteanu LI et al., UMPC, avril 2014
- la synthèse réalisée par Bulletins électroniques en décembre 2011 : Energie & Environnement - Les nanosciences au coeur des technologies propres
- la synthèse en anglais réalisée en 2012 par l'Institute of Technology Assessment de l'Académie des Sciences autrichiennes : Nanotechnology and the environment - Potential benefits and sustainability effects.
4 - Nanotechnologie et environnement : un décalage entre les discours et la réalité, Bureau européen de l'environnement (BEE) et le Réseau international pour l'élimination des Polluants organiques persistants (IPEN), 2009 ; Nanomatériaux : Préoccupations sur la Santé et l'Environnement, BEE, 2009
5 - Nanotechnology, climate and energy: over-heated promises and hot air?, Les Amis de la Terre, novembre 2010 (voir ici pour un résumé en français : Nanotechnologies, climat et énergie)
6 - Dans un scénario de fonctionnement à long terme, l'évaluation du cycle de vie de deux processus solaires de purification de l'eau a par exemple montré un impact sur l'environnement nettement plus élevé pour le processus photocatalytique à base de nano-TiO2 par rapport à l'approche conventionnelle, du fait d'une forte consommation des ressources dans la production du dioxyde de titane à l'échelle nanométrique (Untersuchungen des Einsatzes von Nanomaterialien im Umweltschutz, Martens, Sonja, et al. (Golder Associates Gmbh), 2010, solicited by: Umweltbundesamt, no. 34/2010, June 2010, Dessau-Roßlau: Umweltbundesamt).
7 - Prospective environmental life cycle of nanosilver Tshirts, Walser Tobias et al., ES&T, 2011, 45(10) : 4570-4578
8 - Voir par exemple :
- Minimum Energy Requirements for the Manufacturing of Carbon Nanotubes, Gutowski, Timothy G., et al., 2010, IEEE, International Symposium on Sustainable Systems and Technologies,16-19 mai 2010, Washington D.C.
- Carbon Nanofiber Polymer Composites: Evaluation of Life Cycle Energy Use, Khanna, Vikas/Bakshi, Bhavik R., 2009, Environmental Science & Technology, 43(6), 2078-2084.
- Material and Energy Intensity of Fullerene Production, Anctil, Annick, et al., 2011, Environmental Science & Technology, 45(6), 2353-2359.
9 - Entlastungseffekte für die Umwelt durch nanotechnische Verfahren und Produkte, Steinfeldt, Michael/Von Gleich, Arnim (Institut für ökologische Wirtschaftsforschung gGmbH FB Umweltökonomie und -politik), 2010, solicited by Umweltbundesamt, no. 33/210, June 2010, Dessau-Roßlau: Umweltbundesamt
10 - Cf. Bibliographie Nanomatériaux et environnement, le paragraphe de la fiche consacrée aux risques des nanoparticules de dioxyde de titane pour l'environnement ou encore notre fiche sur les risques associés aux nanoparticules d'argent.
11 - Voir le rapport Toxicité et écotoxicité des nanotubes de carbone, ANSES, février 2011 (mis à jour en novembre 2012 dans le document Note d'actualité, État de l'art 2011-2012). Voir également notamment Carbon nanotubes: Impacts and behaviour in the terrestrial ecosystem - A review, Liné C et al., Carbon, 123 ; 767-785, juillet 2017
12 - Cf. Incinerating nano-enabled thermoplastics linked to increased PAH emissions and toxicity, Science for Environment policy, European Commission DG Environment News Alert Service, 508, 24 mai 2018
13 - Voir par exemple :
- Andreï J et al., Silver nanoparticles impact the functional role of Gammarus roeseli (Crustacea Amphipoda), Environmental Pollution, 208, 608-618, janvier 2016
- Des effets négatifs de nano TiO2 ont été observés sur la vie microbienne des sols limono-argileux à forte teneur en matière organique (notamment une altération de la nitrification), même pour des concentrations extrêmement faibles de nano TiO2 : cf. Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d'oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes, thèse de Marie Simonin (Ecologie Microbienne / UMR CNRS 5557 Université Claude Bernard - Lyon 1), soutenue en octobre 2015 :
- Silver Nanoparticles May Adversely Affect Environment, Communiqué de presse, Duke University, 27 février 2013 ; Low Concentrations of Silver Nanoparticles in Biosolids Cause Adverse Ecosystem Responses under Realistic Field Scenario, Plos One, février 2013
14 - Cf. Risques environnementaux associés aux nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂)
15 - Cf. http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=DevenirNanoEau#Baignade
16 - Cf. Stable Zn isotopes reveal the uptake and toxicity of zinc oxide engineered nanomaterials in Phragmites australis, BioRxiv, Caldelas C et al., 2020
17 - Cf. http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=DevenirNanoEnvironnement#mobilité
18 - Voir le document plus détaillé et plus récent Compendium of Projects in the European NanoSafety Cluster, NanoSafety Cluster, juin 2015
Citons notamment le projet européen de recherche NanoSolutions (2013-2017), qui cherche à identifier les caractéristiques des nanomatériaux manufacturés qui déterminent leur potentiel de risque biologique. Il vise à développer un modèle de classification de sécurité pour ces nanomatériaux, basé sur une compréhension de leurs interactions avec des organismes vivants.
19 - Cf. par exemple : The influence of salinity on the fate and behavior of silver standardized nanomaterial and toxicity effects in the estuarine bivalve Scrobicularia plana, Bertrand, C et al. , Environ Toxicol Chem., 2016
20 - Cf. Résultats du programme européen Nanogenotox : génotoxicité des nanomatériaux. Plus généralement, on commence à mieux comprendre l'effet des faibles doses et à s'apercevoir que ces effets peuvent être tout aussi délétères que des doses importantes ou avoir des effets antagonistes en fonction des doses. Les effets-doses viennent complexifier considérablement les recherches en toxicologie. Voir par exemple Le problème sanitaire des faibles doses, Elizabeth Grossman, juillet 2012 ; La seconde mort de l'alchimiste Paracelse, Stéphane Foucart, 11 avril 2013
21 - Voir par exemple :
- Contribution of mesocosm testing to a single-step and exposure-driven environmental risk assessment of engineered nanomaterials, Auffan M et al., Nanoimpact, 13 : 66-69, 2019
- Clarification of methodical questions regarding the investigation of nanomaterials in the environment, UBA, décembre 2017
- Ecotoxicologie des nanomatériaux : nouvelles approches analytiques, Camille Larue, Bulletin de veille scientifique (BVS), Anses, septembre 2015
- Le laboratoire d'Ecologie Microbienne de l'université Lyon 1 a mis en place des études sur la Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d'oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes (2015).
- Le projet MESONNET du CEREGE, initié en 2012, a contribué ainsi à étudier les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes en utilisant des "mésocosmes".
22 - Voir par exemple :
- Environmental Risk Assessment of Nanomaterials in the light of new obligations under the REACH regulation ‐ Which challenges remain and how to approach them?, Integrated Environmental Assessment and Management, Schwirn K et al., mars 2020 Experts call for updated guidance on nanomaterial risk assessment, Chemical Watch, 26 mars 2020
- Harmonizing across environmental nanomaterial testing media for increased comparability of nanomaterial datasets, Geitner NK et al., Environ. Sci.: Nano, 7, 13-36, 2020
23 - Voir par exemple :
- Fate of single walled carbon nanotubes in wetland ecosystems, Schierz A et al., Environ. Sci.: Nano, 2014 (et le communiqué de presse associé : Nanoparticles accumulate quickly in wetlands: Aquatic food chains might be harmed by molecules 'piggybacking' on carbon nanoparticles, Science Daily, 1er octobre 2014
- Carbon nanotubes as molecular transporters for walled plant cells. Liu Q, Chen B, Wang Q, et al. in Nano Lett., 9(3): 1007-10, 2009
- Toxicity and bioaccumulation of xenobiotic organic compounds in the presence of aqueous suspensions of aggregates of nano-C60, Baun, A., et al., in Aquatic Toxicology, 86: 379-387, 2008
- Enhanced bioaccumulation of cadmium in carp in the presence of titanium dioxide nanoparticles, Zhang et al., Chemosphere 67(1):160-6, 2007
24 - Cf. http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=EffetsNanoSante#EffetCocktail
25 - Voir notre page dédiée "Nano et Stations d'épuration" et Risques associés au nanoargent, veillenanos.fr
26 - Voir par exemple :
- Des nanoparticules de fer pour dépolluer les sols, The Conversation, 16 mars 2019
- La Carte Nanoremédiation réalisée par le Project on Emerging Nanotechnologies présente une cartographie des sites où des nanos sont déjà utilisées à des fins de remédiation (dépollution).
27 - Citons notamment la Royal society et la Royal Academy of Engineering britanniques qui ont pris position sur ce sujet dès 2004 dans leur rapport Nanoscience and nanotechnologies: opportunities and uncertainties ; ou encore l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), dans un rapport de 2008 intitulé Les nanoparticules manufacturées dans l'eau ; voir aussi l'appel lancé en 2010 aux USA par un groupe de scientifiques et d'associations contestant l'utilisation de nanoparticules pour lutter contre la marée noire dans le golfe du Mexique. Voir également Contaminated Site Remediation: Are Nanomaterials the Answer?, Project on Emerging Nanotechnologies et Environmental Protection Agency (USA), février 2010
28 - En décembre 2011, la Commission a donc mandaté le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) pour produire d'ici 2013 un avis scientifique sur les effets sanitaires et environnementaux du nanoargent et son rôle dans la résistance antimicrobienne.
29 - Global life cycle releases of engineered nanomaterials, Journal of Nanoparticle Research, Mai 2013.
30 - When enough is enough, J. Hansen & A. Baun, Nature Nanotechnology, 7, 409411 (2012)
31 - Cf. Nanomatériaux : Une revue des définitions, des applications et des effets sur la santé. Comment implémenter un développement sûr, Eric Gaffet, Comptes Rendus Physique, Volume 12, numéro 7, pages 648-658, septembre 2011
Voir notamment : ADEME, INERIS & CEREGE, Méthodologie d'évaluation de l'empreinte environnementale autour de sites producteurs ou utilisateurs de nanomatériaux - NanoIdent, Aguerre-Chariol O et al., mars 2019
32 - Richard Jones, 'It's not just about nanotoxicology', Nature Nanotechnology, vol 4, octobre 2009
Dossier initialement mis en ligne en septembre 2012