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La Commission européenne et les nanos
La Commission européenne et les nanos
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification octobre 2020
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En Europe, le 7ème Programme cadre de recherche et développement technologique (PCRD) avait budgété 3,475 milliards d'euros pour les projets de recherche nano entre 2007 et 20131.
Les orientations de la Commission européenne en matière de R&D nano
Le 7ème PCRD a désormais laissé la place au programme européen pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 dont les premiers appels à propositions pour 2014 ont été publiés fin 2013.
Le champ des nanotechnologies et des nanomatériaux y occupe toujours une place significative2 : le seul volet "Nanotechnologies, Matériaux et nouvelles technologies de Production" (NMP) s'élève à 439,1 million d'euros (H2020-NMP-2014-2015).
Une stratégie de recherche au niveau européen sur la sécurité des nanomatériaux pour la période 2015-2025 avait été rendue publique en 20133. Elle avait été élaborée par l'Institut finlandais de sécurité au travail en concertation avec des chercheurs européens "en pointe" dans le domaine, parmi lesquels 4 Français (sur plus d'une centaine de chercheurs impliqués au total) : Daniel Bloch (CEA) ; Sonja Boland (CNRS) ; Jacques Bouillard (INERIS) ; Odile Boutou-Kempf (InVS). Elle devait servir à la Commission européenne d'outil d'aide à la décision et à l'allocation des financements de recherche en "nanosafety" (il était question de près de 200 millions d'euros sur 2015-2020).
Une Commission peu encline à encadrer les nanos au niveau européen
Depuis son deuxième examen réglementaire relatif aux nanomatériaux de 20124, la Commission européenne campe sur sa position : les nanos sont suffisamment encadrés au niveau européen* et vante les avantages des nanomatériaux et leur contribution à la croissance, à l'emploi, à l'innovation et à la compétitivité, ainsi que ses projets pour assurer la sécurité d'utilisation des nanomatériaux.
* Les principales réglementations européennes :
A l'inverse, le Parlement, les principaux Etats membres et de nombreuses associations critiquent l'attentisme de la Commission
Le point de vue de la Commission est loin d'être unanimement partagé : les réglementations européennes sont jugées globalement insuffisantes :
par les principaux Etats membres6 : à défaut d'une politique volontariste au niveau européen, ils sont pour l'instant amenés à agir à l'échelle nationale, qui n'est pas la plus pertinente mais la seule de leur ressort : ils mettent ainsi en place des registres de nanomatériaux au niveau national.
Y ont été présentées des informations sur les rejets de nanomatériaux dans l'environnement et les défis à relever pour les réglementer. Selon David Azoulay, de l'ONG CIEL, les participants n'ont "rien appris de révolutionnaire que nous ignorions auparavant" mais sont ressortis avec la conviction renforcée de l'urgence à adapter les règlements REACH et CLP. En l'absence de collecte adéquate des données collectées dans REACH du fait du refus des industriels de coopérer, la classification des nanomatériaux dans le règlement CLP ne peut être mise en place, empêchant le déploiement des dispositions de gestion des risques ad hoc prévues par un certain nombre de règlements, dont les directives cadres sur les déchets et sur l'eau.
Il est également clairement ressorti de l'atelier que la mise en oeuvre des mesures relatives aux nanomatériaux prévues dans les domaines des cosmétiques, de l'alimentation et des biocides rencontre de sérieuses difficultées, largement imputables à un "manque de volonté politique".
Steffen Foss Hansen (DTU) a également souligné la nécessité de mieux prendre en compte les matériaux de pointe qui déploient des propriétés spécifiques à l'échelle nanométrique (céramiques et polymères de pointe, matériaux composites intelligents, matériaux bio-actifs), qui ne font à ce jour l'objet d'aucune prise en compte réglementaire alors que leur utilisation et dissémination soulèvent elles aussi des questions importantes, sans information de la part des industriels.
Quels chantiers en cours et à venir ?
La mise en place du "Nano Observatory" (2017)
Depuis plusieurs années, la Commission avait dit étudier les moyens d'accroître la transparence et assurer l'encadrement des nanomatériaux, mais refuse de mettre en place un registre européen des nanomatériaux et des produits contenant des nanomatériaux, pourtant considéré comme indispensable par de nombreux Etats membres et organismes publics ou associatifs de protection de la santé, de l'environnement.
A la place, elle a décidé de demander à l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) de mettre en place un "Nano Observatory", site web mis en ligne en 2017 qui regroupe les informations disponibles sur les nanomatériaux, mais critiqué pour son manque d'ambitions par des ONG et des Etats membres.
L'adaptation des annexes de REACH pour mieux encadrer les nanomatériaux (entrée en vigueur en 2020)
En 2018, la révision des annexes de REACH pour les adapter aux nanomatériaux a enfin abouti ; attendue depuis 2013*, elle requiert enregistrement effectif des nanomatériaux dans REACH à compter de 2020.
*La Commission avait tardé à faire des propositions, du fait notamment de restructurations internes et de divergences entre le DG Environnement et la DG Marché intérieur (Grow). ONG et Etats membres avaient protesté à de nombreuses reprises contre cet état de fait, notamment lors des réunions du CASG nano.
La révision de la définition des nanomatériaux (2020 ?)
caLIBRAte (2016-2019) : "Performance testing, calibration and implementation of a next generation system-of-systems Risk Governance Framework for nanomaterials" (près de 8 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2017))
NanoFASE (2016-2019) : "Nanomaterial Fate and Speciation in the Environment" (près de 10 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2017))
GoNano (2017-2020) : "Governing nanotechnologies through societal engagement" (près de 8 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2017))
NanoCommons (2018-2021) : "Nano-knowledge community, the European Nanotechnology Community Informatics Platform: Bridging data and disciplinary gaps for industry and regulators" (5,4 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2018))
NanoEXPLORE (2018-2022) : "Integrated approach for exposure and health effects monitoring of engineered nanomaterials in workplaces and urban areas" (1,35 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Life programme, 2018))
PANBioRA (2018-2021) : "Personalized And/Or Generalized Integrated Biomaterial Risk Assessment" (près de 8 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2018))
BIORIMA (2018-2021) : "BIOmaterial RIsk MAnagement" (près de 8 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2017))
NANORIGO (2019-2023) : "Establishing a Nanotechnology Risk Governance Framework" (plus de 4,7 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2019)), avec une participation, côté français, de l'ONG WECF
GOV4NANO (2019-2022) : "Implementation of Risk Governance: meeting the needs of nanotechnology" (près de 8 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2019)), avec une participation, côté français, du CEREGE et de l'INERIS
RISKGONE (2019-2023) : "Risk Governance of Nanotechnology" (près de 5 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2019)), avec une participation, côté français, de l'ANSES.
HISENTS (2016-2019) : "High level Integrated Sensor for Nanotoxicity Screening" (plus de 6 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2020))
NanoHarmony (2020-2023) : "Towards harmonized test methods for nanomaterials" (près de 3 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2020), avec une participation, côté français, de l'INERIS.
SABYDOMA (2020-2023) : "SAfety BY Design of nanoMaterials" (plus de 7 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2020), avec une participation, côté français, de la société de recherche Rescoll.
SAbyNA (2020-2024) : "Simple, robust and cost-effective approaches to guide industry in the development of safer nanomaterials and nano-enabled products", 6 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis), avec une participation, côté français, du CEA, du CNRS, de la société ALLIOS, de l'institut Symlog
Sbd4nano (2020-2024) : "Safe by design for nano" (près de 6 millions d'euros reçus de l'Union européenne (source : Cordis, 2020), avec une participation, côté français, du CEA
...
Une publication de 2019, intitulée "Des matériaux industriels nano-améliorés: Préparer la prochaine révolution industrielle européenne" liste quatorze projets financés par l’UE qui ont porté sur le développement des procédés basés sur les nanotechnologies ayant déjà fait leurs preuves en laboratoire, avec pour perspective leur fabrication et leur application à grande échelle, "ce qui devrait apporter de nouvelles et passionnantes opportunités pour la production industrielle européenne".
Quelle prise en compte des préoccupations de la société civile ?
Dans son programme de travail NMP 2013, la Commission avait exprimé sa volonté de favoriser des dispositifs "innovants" d'information, de communication et de dialogue avec la société civile afin de "construire la confiance du public" (pp. 28-29). Le caractère innovant de ces dispositifs nous semble moins important que leur pertinence, leur efficacité et leurs finalités : comment s'assurer par exemple que les mécanismes développés ne relèvent pas de la manipulation mais permettent au contraire une réelle participation de la société civile à la définition des orientations des politiques nano ?
On peut saluer le fait que la Commission souhaite soutenir des dispositifs visant à favoriser l'engagement des parties prenantes (et notamment les citoyens et ONG) sur le long terme, et ne pas se contenter de simples sondages d'opinion. Mais entre le discours et la réalité, il y a un fossé qui ne cesse de s'agrandir.
Le projet NanoCap qu'elle a financé en ce sens de 2006 à 2009 par exemple avait abouti à des recommandations émanant d'ONG, de syndicats et d'universitaires qui sont depuis restées lettre morte au niveau européen (p.14). Au-delà des déclarations d'intention, comment ancrer réellement la participation des citoyens et organisations de la société civile à l'élaboration des orientations des politiques de recherche, de développement et d'encadrement des nanotechnologies et nanomatériaux ? Un défi de taille pour Horizon 2020.
Si une majorité d'Etats membres, le Conseil des ministres ou le Parlement européen - qui joue un rôle important et milite depuis longtemps pour un meilleur encadrement des nanomatériaux - intensifient leur demande d'un encadrement plus ambitieux des nanomatériaux, la Commission serait bel et bien contrainte de revoir sa position.
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