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Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout avril 2020
Cette fiche fait partie de notre dossier Nano et Environnement ; elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Questions sur le devenir et le comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement
Que deviennent les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux une fois qu'ils sont relargués dans l'environnement ? On sait que du fait de leur petite taille, les nanomatériaux ont une forte propension à se disperser et peuvent atteindre des endroits inaccessibles à des particules plus grandes. Mais jusqu'où et sous quelle(s) forme(s) ?
De nombreux aspects sont encore largement méconnus.
- Quelle persistance ou transformation des nanomatériaux dans l'environnement ?
Une fois relargués, les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent subir des transformations : lesquelles et dans quelles conditions ? Beaucoup de paramètres peuvent intervenir et entraîner par exemple leur dispersion ou sédimentation dans les milieux aquatiques, selon qu'ils restent isolés ou s'agrègent. Que se passe-t-il lorsqu'ils entrent en contact avec la matière en suspension naturellement présente (matériaux minéraux, chimiques ou biologiques) ? Beaucoup de questions... mais peu de réponses.
- Quelles mobilité et accumulation des nanomatériaux dans l'environnement ?
dans l'air : les nanomatériaux relargués dans l'air peuvent se disperser facilement et sur de longues distances dans l'atmosphère avant de retomber1
dans les sols2 : migrent-ils jusque dans les eaux souterraines ou sont-ils bloqués dans le sol avant d'atteindre les nappes phréatiques ? se retrouvent-ils dans les sols après l'épandage sur les terres agricoles de boues des stations d'épuration en contenant (réalisé pour achever l'épuration tout en servant d'engrais) ?
dans les milieux aquatiques, les nanoparticules peuvent3 :
sédimenter par gravité (notamment dans le cas de nanomatériaux agrégés et/ou hydrophobes comme les nanotubes de carbone) ce qui augmente les risques de contact avec des microorganismes qui vivent sur les sédiments aquatiques
ou au contraire rester en suspension (notamment si elles sont fonctionnalisées en surface ou enrobées) et se disperser facilement, augmentant le risque d'exposition ; on retrouverait déjà des nanomatériaux dans les stations d'épuration urbaines et de traitement des eaux industrielles, mais les traitements en place n'ont pas été conçus pour les filtrer4 : une part non négligeable d'entre eux se retrouve donc dans les eaux superficielles, quant aux autres, ils s'accumulent dans les boues des stations d'épuration épandues sur les terres agricoles !
concernant la flore et la faune, les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent également :
pénétrer et s'accumuler dans différentes espèces bactériennes, végétales, animales, terrestres et ou aquatiques,
être transférés de génération en génération, et remonter la chaîne alimentaire : des chercheurs ont en effet mis en évidence le transfert de nanomatériaux :
des racines vers les feuilles5 et graines des végétaux (par exemple dans des germes de soja)6
de l'eau de mer vers l'appareil digestif des moules7, ou des algues au zooplancton puis aux poissons qui s'en nourrissentSource : Cedervall et. al, 20128.
D'autres travaux plus récents ont depuis confirmé les craintes de transfert des nanomatériaux dans les chaînes alimentaires9, tout en montrant que ces questions ne peuvent avoir de réponse simple tant les facteurs qui entrent en jeu sont nombreux et variables (le degré d'acidité10 ou de salinité11 par exemple). Avec, en conséquence, une grande difficulté pour déterminer, dans chacun des cas, les effets sur les écosystèmes. Car beaucoup d'études ont longtemps été réalisées sur des nanoparticules de synthèse et dans des conditions différentes de celles rencontrées dans la réalité ; le comportement des nanomatériaux observé dans les expériences ne reflète pas celui (ou ceux) des résidus de nanomatériaux réellement présents dans l'environnement. Les résultats sont donc encore peu généralisables et à considérer avec prudence.
Des recherches sont en cours pour en savoir plus. Ces questions sont importantes à élucider car outre les effets cytotoxiques qu'ils peuvent directement entraîner au sein des espèces bactériennes, végétales, animales, terrestres et ou aquatiques dans lesquelles ils peuvent pénétrer, les nanomatériaux peuvent y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie") ; on redoute donc notamment qu'ils favorisent le transport de polluants12 - métaux lourds ou pesticides par exemple.
Travaux de recherche sur le devenir des nanomatériaux dans l'environnement
Rares sont les travaux qui portent spécifiquement et quasi-exclusivement sur le devenir des nanomatériaux dans l'environnement. En 2012, nous avions repéré les projets suivants (contribuez à compléter cette liste, en nous signalant les projets à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr) :
objet : le transfert et le devenir des nanoparticules vers les eaux souterraines
financement : 1,6 million d'euros de l'Agence Nationale de la Rercherche
période : 2007-2010
partenaires : le CEREGE, l'INERIS, le Centre de recherche de Suez-Environnement, le BRGM (coordinateur), organisme public référent dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources et des risques du sol et du sous-sol.
objet : l'impact environnemental des résidus de dégradation des nanomatériaux commercialisés : devenir, biotransformation et toxicité vis-à-vis d'organismes cibles d'un milieu aquatique
financement : 500 000 € de l'Agence Nationale de la Rercherche
objet : les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes ; l'approche utilise des "mésocosmes" : énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquel est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau. Le transfert des nanoparticules en milieu poreux de composition plus complexe doit y être étudié.
financement : près de 2 millions d'euros de l'ANR
période : fin 2010-fin 2014
partenaires : CEREGE, IMEP, LCMCP, ECOLAB, CIRIMAT, CEA, LIEBE, Institut Néel/FAME, CINaM, LHYGES, DUKE University
objet : si la présence de nanomatériaux dans les sols cultivés est probable à court terme, le risque de leur passage dans la chaine alimentaire via les cultures reste à préciser : il s'agit d'évaluer quantitativement la phytodisponibilité de nanomatériaux vis-à-vis de cultures destinées à l'alimentation des animaux ou des humains.
Des chercheurs de Zurich ont réitéré en 2017 le constat de la difficulté à appréhender le devenir des nanomatériaux dans l'environnement : Nanoparticles remain unpredictable, ETH Zurich, avril 2017
Au niveau européen :
le projet NanoFATE est dédié à l'évaluation du devenir des nanoparticules dans l'environnement. Initié en avril 2010, il est financé à hauteur de 2,5 millions d'euros par la Commission européenne (pour un budget global de 3,25 millions d'euros) jusqu'en avril 2014. Sur les douze partenaires impliqués, un seul est français : l'Institut Symlog. Les conclusions publiées en novembre 2014 ont été relayées par Science for Environment Policy, service de la Commission Européenne dans une fiche synthétique.
Le projet FP7 nanoMILE (2013-2017) : Engineered nanomaterial mechanisms of interactions with living systems and the environment : a universal framework for safe nanotechnology. Il vise à documenter les interactions entre nanoparticules et organismes vivants tout au long du cycle de vie.
Le projet européen NANOFASE coordonné par NERC (Natural Environment Research Council) et qui vise à comprendre et maitriser le comportement des nanomatériaux dans l'environnement, en proposant une approche intégrée de maitrise des risques et des protocoles. L'INERIS y participe pour la France.
Aux Etats-Unis, le consortium américain "Center for Environmental Implications of Nanotechnology" (CEINT) dirigé par Marc Wiesner étudie notamment sur le transfert des nanomatériaux dans l'environnement.
Au sein de l'OCDE, le Groupe de Travail sur la Productivité des Ressources et les Déchets (GTPRD) a travaillé sur le devenir et les impacts des nanomatériaux contenus dans les produits et libérés lors du traitement de ces produits en fin de vie (incinération, mise en décharge, épandage des boues de stations d'épuration).
la thèse de Marie Simonin de 2015 : Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d’oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes. L'étude concerne des NP de dioxyde de titane (TiO2) et d’oxyde de cuivre (CuO) dans six sols agricoles. L'étude conclut à une absence de toxicité des NPs de TiO2 sur les communautés microbiennes, sauf dans un sol limono-argileux à forte teneur en matière organique. Dans ce sol, des effets négatifs ont été observés après 90 jours d’exposition sur les activités microbiennes (respiration, nitrification et dénitrification), sur l’abondance des microorganismes nitrifiants et la diversité des bactéries et des archées. De plus, des effets négatifs sont observés sur la nitrification, même pour des concentrations extrêmement faibles de TiO2 (0.05 mg kg-1), liés principalement à une forte sensibilité à ce polluant des archées oxydatrices de l’ammonium (AOA) impliquées dans ce processus.
Accumulation et impact des nanoparticules dans les végétaux, Marie Carrière (CEA, Grenoble), présentation au séminaire "Nanomatériaux dans l'environnement et impacts sur les écosystèmes et la santé humaine" organisé par EnvitéRA, juillet 2012
Nanoparticules : une méthode pour étudier les faibles doses, CEA, 16 avril 2015 : deux équipes du CEA Saclay (DSM-Iramis et DSV-IBITECS) sont parvenues à suivre le parcours de nanoparticules de dioxyde de titane à des doses environnementales dans des moules de rivière.
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
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