Le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux de la Commission européenne (SCENIHR ou CSREN en français) vient de publier son avis final sur les effets du nanoargent sur la santé et l'environnement ainsi que son rôle dans la résistance antimicrobienne1.
Lavis étaye ce que dautres instances ou publications ont montré : l'utilisation "généralisée" et "croissante" de nanoargent dans des produits de consommation est source d'exposition des consommateurs et de l'environnement.
Il laissera néanmoins les lecteurs sur leur faim, puisqu'il redit ce que l'on savait également : à long terme, les effets de cette exposition sont aujourd'hui mal connus...
Le SCENIHR déplore les lacunes de connaissances sur les risques de résistance bactérienne générés par le nanoargent et considère que des recherches sur le sujet sont nécessaires.
Les positions d'autres acteurs sur ce sujet
Cet avis est la version finalisée de l'avis préliminaire publié en décembre 2013, qui avait été soumis à consultation jusquau 2 février 2014. Les 60 contributions obtenues dans le cadre de cette consultation sont regroupées dans un rapport de 200 pages accessible en ligne2 : elles permettent d'identifier les arguments et positionnements des 14 ONG, six autorités publiques et cinq entreprises privées qui se mobilisés pour répondre à la consultation.
Fruit de plusieurs années déchanges entre experts, la feuille de route du NanoSafety Cluster a été publiée en avril. Son titre "Closer to the market" identifie les principaux défis à relever, étape par étape, pour accélérer la commercialisation de nanoproduits "sûrs" :
la construction d'un réseau de collaboration entre experts scientifiques et industriels
le dialogue de toutes les parties prenantes pour accroître les synergies et échanger des ressources
la mise en uvre d'un nouveau cadre d'évaluation des risques soutenu par des initiatives réglementaires et mis en uvre par des organismes de recherche sous contrat
la création de plates-formes de conseil pour aider les entreprises à commercialiser leurs produits.
Les ONG sont mentionnées parmi les acteurs à associer, mais elles nont pas été directement sollicitées dans le cadre de lélaboration de cette feuille de route. Pas plus que les chercheurs en sciences sociales. Dommage, car ces acteurs ont pourtant des choses à proposer (cf. pp.3 et 10 de la lettre VeilleNanos n°16). (Avicenn a pour sa part envoyé des commentaires) ! Sils avaient été consultés et entendus, le titre du document ainsi que son contenu auraient été moins orientés sur laccélération de la commercialisation des nanoproduits et davantage sur les questions de vigilance et de pertinence autour des innovations proposées.
Quelle vigilance concernant les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux ?
Quelle vigilance concernant les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux ?
D'ici juin 2017, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux. C'est ce que prévoit l'article 60 de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016.
Cet article introduit par Aline Archimbaud du groupe écologiste du Sénat devrait permettre de faire progresser l'information et la vigilance concernant les nanos dans le domaine médical.
Il y avait en effet, selon Les Entreprises du médicament (LEEM) début 2015, 157 médicaments de médecine humaine, 8 médicaments de médecine vétérinaire et 65 dispositifs médicaux constitués d'éléments "nano" mais très peu d'informations sur l'encadrement de leur utilisation. Or à notre connaissance, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n'a toujours pas demandé de données issues du registre R-nano collectées dans le cadre de la déclaration obligatoire ! C'est pourtant l'un des très rares organismes à y avoir droit. Depuis son rapport de 2011 sur ce sujet, l'ANSM n'a pas communiqué sur l'utilisation des nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux.
Pourtant les risques associés aux nanomatériaux méritent qu'une attention soigneuse leur soit apportée, faute de quoi les précautions ne peuvent être prises pour protéger les médecins, les personnels soignants ainsi que les patients contre leurs effets indésirables.
Nous avons appris par ailleurs qu'en avril 2016, des nanoparticules de métaux (manufacturées à dessein à l'échelle nano ?) avaient été détectées par le laboratoire italien Nanodiagnostics dans le vaccin Meningitec, utilisé pour combattre les méningites. Près de 700 familles françaises ont assigné en justice le laboratoire CSP (Centre Spécialités Pharmaceutiques), distributeur français du Meningitec, produit par le laboratoire américain Nuron. La députée européenne Michèle Rivasi a écrit à l'Agence européenne du médicament (EMA) et à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour demander la transparence quant à la présence de ces particules toxiques dans les médicaments et les vaccins mis sur le marché. L'ANSM avait annoncé la parution des résultats d'une contre-expertise en mai. Début juillet elle ne les avait pas encore communiqués.
Pour aller plus loin : Nanomédecine et NBIC dans le domaine médical : promesses et risques.
Etats généraux de l’alimentation : une BD sur les nanos pour pousser à l’action !
Etats généraux de l’alimentation : une BD sur les nanos pour pousser à l’action !
Par MD et DL - Article mis en ligne le 23 octobre 2017 (mise à jour 25/10/2017)
Sommaire
Cet article a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Le communiqué
Les nanoparticules seront au menu des Etats généraux de l’alimentation cet après-midi, dans le cadre du volet "sécurité sanitaire de l’alimentation française" dont l’un des buts est de diminuer "les contaminations chimiques".
Cinq ONG profitent de cette trop rare attention portée au dossier nano pour rappeler l’urgence à agir, au vu des soupçons qui pèsent sur les risques que peuvent entraîner ces nanoparticules pour la santé (les nanoparticules de dioxyde de titane du colorant E171 peuvent entraîner des lésions précancéreuses chez le rat [1] !).
En premier lieu, les ONG pressent le gouvernement de faire enfin respecter la loi sur l’étiquetage [nano] : dans les rayonnages, quasiment aucun produit alimentaire ne porte la mention [nano], alors que la présence de nanoparticules a été établie dans la totalité des produits testés par des associations [2]. Nous attendons avec impatience la présentation des résultats des contrôles effectués par la répression des fraudes (DGCCRF), annoncés depuis presque un an maintenant !
Les ONG rappellent également la demande d’interdiction des nanoparticules de dioxyde de titane dans l'alimentation (E171) [3], en attendant les résultats des travaux de l’ANSES (annoncés pour fin 2018 au plus tôt !) et la mise en place d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux. Douze marques ou distributeurs se sont engagés ces douze derniers mois à retirer cet additif de leurs produits [4], preuve qu’il est possible de s’en passer !
Elles réitèrent enfin le besoin de traçabilité, qui nécessite d’améliorer le registre français « R-nano » [5], afin d’identifier les produits qui contiennent des nanos – mission très difficile aujourd’hui !
Pour l’occasion, les ONG ont réalisé une mini BD pédagogique sur les nanos dans les produits du quotidien, illustrée par Géraldine Grammon, pour faire connaître ce sujet si peu connu et les solutions à déployer. Chaque participant à l’atelier des Etats généraux de l’alimentation en recevra un exemplaire. La BD est également accessible en ligne : à consommer et partager sans modération !
Associations signataires : Agir pour l’Environnement, Avicenn, le Comité pour le développement durable en santé C2DS, France nature environnement et Générations Futures
Notes et références :
Les nanoparticules, particules extrêmement réactives et petites (10 000 fois plus petites qu’un grain de sel) sont déjà largement répandues dans notre alimentation, notamment dans les additifs suivants :
- le dioxyde de silice (SiO2, E551), dans le sel, le café, les épices, soupes instantanées... pour empêcher les grumeaux.
- le dioxyde de titane (TiO2, E171), pour colorer ou rendre plus brillants confiseries, pâtisseries et chocolats
- mais aussi l'argent (le E174), l’or (le E 175), l’oxyde de fer (E172) colorants pour pâtisseries et chocolats (entre autres)
Quelles actions des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'eau concernant les risques émergents associés aux nanomatériaux dans l'eau ?
Quelles actions des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'eau concernant les risques émergents associés aux nanomatériaux dans l'eau ?
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Dernier ajout novembre 2019
Cette fiche fait partie de notre dossier Nano et Eau : elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Sommaire :
Quelles actions des structures publiques ou parapubliques ?
Peu d'informations sur les nanoparticules dans l'eau par les pouvoirs publics
En 2008, dans un rapport exclusivement dédié aux nanoparticules manufacturées dans l'eau, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) avait préconisé une grande prudence par rapport à l'utilisation des nanoparticules compte tenu de l'importance des lacunes de connaissances sur leurs conséquences pour le milieu aquatique. Elle avait également proposé plusieurs axes de recherche (métrologie, étude du devenir des nanoparticules dans les différents compartiments de l'environnement, évaluation de l'efficacité des filières de traitement classiques de production d'eau potable et d'épuration des eaux résiduaires)1.
Si depuis quelques années quelques projets de recherche financés sur fonds publics se penchent sur les nanos dans l'eau, aucune structure publique ou industrielle n'a, depuis ce rapport de l'ANSES, fourni d'informations vulgarisées concernant les risques émergents spécifiquement liés aux nanomatériaux dans l'eau. Seules sont aujourd'hui accessibles des publications scientifiques éparses, souvent difficiles à comprendre pour le non spécialiste ou n'abordant qu'un aspect particulier de cette question.
Des efforts sont néanmoins entrepris par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui coordonne la recherche-développement et la prospective sur le domaine de l'eau et de l'écotoxicologie au niveau national et a mis en place des partenariats sur le sujet des nanos dans l'eau, notamment :
une convention avec l'Université de Lorraine pour que cette dernière réalise en 2015 une revue de littérature scientifique sur les nanoparticules manufacturées dans l'eau (présence dans les écosystèmes aquatiques, transferts trophiques, etc.)
une convention avec AVICENN pour que l'association lui apporte un éclairage associatif et citoyen sur le degré d'information, de préoccupation et de mobilisation des acteurs concernés par les risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux dans l'eau
Au niveau international, des initiatives existent, notamment :
aux Etats-Unis, l'agence de protection de l'environnement (EPA) a lancé une consultation publique à l'automne 2014 sur la version préliminaire de ses lignes directrices sur les effluents 2014 ; elle souhaitait notamment recueillir des données et des informations sur les risques potentiels associés aux effluents industriels en provenance de sites de fabrication de nanomatériaux2 ; dans le document final qu'elle a publié en juillet 2015, elle dresse le constat du manque de données et de méthodes fiables concernant la quantification et la caractérisation des nanomatériaux présents dans les rejets d'eaux usées industrielles et préconise, outre le développement de méthodes et techniques appropriées, de recherches sur la toxicité des nanomatériaux dans ces effluents (à des doses pertinentes), l'identification des sites de production et d'utilisation de nanomatériaux, des déchets qu'elles génèrent ainsi que l'évaluation et la caractérisation du devenir, de la transformation et du traitement des nanomatériaux dans les eaux usées industrielles3
Quasiment pas de surveillance des nanoparticules dans l'eau par les pouvoirs publics
A ce jour, la surveillance des nanoparticules dans l'eau n'est toujours pas requise par la loi et ne figure pas dans la directive cadre sur l'eau (DCE) au niveau européen. Les agences de l'eau ne réalisent donc pas de mesure des nanoparticules dans l'eau.
Les nanomatériaux ne figurent :
ni dans l'étude prospective sur les contaminants émergents des eaux de surface continentales publiée par l'INERIS en 2014, qui a recherché 182 substances dans les eaux et/ou les sédiments sur 158 sites de prélèvement répartis sur le territoire métropolitain et les DOM4,
ni dans l'étude sur les substances "émergentes" dans les boues et composts de boues de stations d'épurations d'eaux usées collectives menée par l'INERIS et le CNRS publiée en 20155
La mention des nanomatériaux figure parmi les "pollutions accidentelles" ou "phénomènes émergents" dans le Projet Régional de Santé de Bretagne 2012-2016 de l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne (région très concernée par la protection de l'eau)...
le nickel (dont les sources globales d'émission sont dans l'atmosphère par poussières volcaniques, combustion de pétrole, fuel, charbon, bois, incinération de déchets, et vers les eaux par les activités industrielles, les eaux domestiques et les boues de stations d'épuration)
le chrome avec de fortes restrictions d'usages ( émissions vers les eaux par rejets industriels dans tannage cuir et industries textiles, teintures, pigments, traitements de surface; apports atmosphériques par combustion, dont transports routiers par carburant, huiles moteur et abrasion des pneus et freins.)
le cuivre (émissions d'industries de métaux, du bois, d'incinération d'ordures ménagères, du trafic routier, et aussi de l'agriculture - fertilisants phosphatés, fongicides, épandage de lisiers-)
le zinc, un métal "lourd" émis surtout dans l'atmosphère par les fumées (transports routiers) et l'abrasion et corrosion (bâtiments, mobiliers urbains, toitures), avec aussi des origines agricoles (traitements des cultures, engrais, épandages de fumiers et lisiers).
l'aluminium qui est fortement présent à l'état naturel et de plus en plus utilisé comme substitution à d'autres métaux (mais avec des usages interdits dans les cosmétiques et l'alimentation). Les émissions sont importantes dans les rejets de stations d'épuration.
l'argent : le nano-argent représenterait plus de 50% des nanomatériaux utilisés (loin devant le carbone et le zinc). [Alors que le registre français R-nano ne le rend pas visible ! Le marché européen de produits contenant du nano-argent serait passé de 30 tonnes en 2004 à 130 tonnes en 2010...L'origine des émissions vers les eaux provient du lessivage des sols par les pluies, du relargage par lavage de textiles. 15% du nano-argent relargué dans les eaux de l'Union européenne aurait pour origine l'activité plastique et textile (Gaffet, 2009). Des émissions atmosphériques sont dues aux combustions (déchets urbains, industriels). Les rejet par l'industrie photographique deviennent minoritaires. Un retour aux sols (agricoles) peut être provoqué par l'épandage de boues de station d'épuration.
Une cartographie des teneur en argent des rivières de Seine-Normandie indique que 70% des eaux brutes arrivant dans les station d'épuration ont des concentrations d'argent moyennes de 1 à 10 µg/L. Il s'accumule dans les boues, dont la plupart (70% des observations) contiennent 10 à 100 mg/kg de poids sec.
Les impacts écotoxiques du nano-argent seraient liés autant à la forme nano qui permet de le fixer temporairement sur certains supports qu'à la transformation de ces NP avec émission d'ions argent. (communication orale du CEREGE en mars 2018 au Synchrotron à Saclay).]
le cobalt, utilisé pour partie sous forme nano dans des revêtements, peintures, solvants, diluants. Les émissions proviennent surtout de fumées, retournant aux eaux par la pluie. La prévention serait de recycler les matériaux contenant du cobalt.
le titane, présent dans de très nombreux produits comme pigment blanc et opacifiant, des peintures aux médicaments. C'est à la fois la forme nano du dioxyde de titane, de plus en plus utilisée, qui pose problème et l'augmentation de tous les usages. Les milieux aquatiques sont touchés directement par le relargage des crèmes solaires et l'altération des matériaux du bâtiments, et les eaux usées par les cosmétiques, aliments et textiles). La prévention consisterait au recyclage du titane et à la valorisation des déchets de titane appelé "scrap".
le sélénium d'origines géophysique, biologique, industrielle, il est présent partout et dans les plantes qui l'absorbent du sol (en particulier dans le thé vert). Il peut être utilisé sous forme de nanoparticules en médecine. Les émissions vers les milieux aquatiques peuvent provenir de la combustion de charbon, fioul, rejets industriels ou miniers ou d'eau usées, d'apports agricoles (fertilisants ou irrigation en eaux naturellement chargée).
En 2011 pourtant, l'Agence européenne de l'environnement (AAE) a recommandé la mise en place d'une surveillance ciblée des nanomatériaux parmi d'autres polluants émergents afin de permettre une réactivité en temps opportun ; elle a préconisé la réalisation de recherche européennes sur le sujet6.
Se focalisant sur les défis liés à l'eau, la JPI Water qui réunit depuis novembre 2014 vingt pays partenaires et quatre observateurs sous la présidence et la coordination de l'Agence Nationale de la Recherche, entend répondre à cinq grands objectifs d'ici à 2020 :
impliquer les utilisateurs finaux de l'eau dans la prise en compte effective des résultats de recherche,
atteindre une masse critique des programmes de recherche,
aboutir à une coordination efficace et durable de la recherche européenne dans le domaine de l'eau,
harmoniser les agendas et activités de recherche sur l'eau des pays partenaires,
et enfin soutenir le leadership européen en science et technologie.
Parmi ses activités, la JPI lance des appels à projets permettant de financer des consortia de chercheurs européens pluridisciplinaires sur des thèmes très ciblés. Elle a lancé un appel pilote en 2013 sur les contaminants émergents de l'eau qui mentionnait les nanomatériaux... mais parmi les sept projets retenus, aucun ne portait spécifiquement sur les nanomatériaux. A voir dans les prochaines années si les choses évoluent ?
NORMAN (Network of reference laboratories for monitoring the emerging environmental pollutants- FP6 n° 018486 – 2005-2007) a été transformé en février 2009 en une association qui donne accès à un important réseau de laboratoires européens travaillant sur les thématiques des produits nouvellement retrouvés dans l’environnement. Sa liste de février 2016 répertoriant 1035 substances comme polluants émergents contient certains stéroïdes, des médicaments soumis ou non à des prescriptions médicales (antibiotiques, hormones) à usage humain ou vétérinaire, des produits de dégradation de détergents non ioniques (composés du nonyl- et octyl-phénol), des désinfectants, des phtalates, des retardateurs de flamme, des antioxydants, des nanoparticules, etc. Un seul nom contient explicitement le mot "nano" : Perfluorononanoic acid (introuvable dans le bilan R-nano 2017). Le bilan de 10 ans de NORMAN est accessible en français sur le site de l'INERIS. Les nanos ne sont pas cités.
Des progrès à venir ?
Le laboratoire d'hydrologie de Nancy (LHN) de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) s'est récemment doté d'un équipement permettant de doser les nanoparticules dans l'eau ; des mesures et analyses devraient être réalisées courant 2015. Le premier pas vers une meilleure prise en charge de ce dossier par les pouvoirs publics ?
Quelle mobilisation des entreprises gestionnaires de l'eau ?
En 2010, les trois principales sociétés françaises qui traitent l'ensemble du circuit de l'eau, du captage à l'épuration (Saur, Suez Environnement, Veolia Environnement) disaient être dans un large flou quant aux dangers des nanoparticules dans l'eau et ne disposer d'aucun outil pour mesurer, identifier, quantifier et évaluer la dangerosité des nanoparticules dans le milieu aquatique7.
Une enquête sociologique dont les résultats ont été publiés en 2013 est venue ensuite confirmer la faible mobilisation des gestionnaires de l'eau : ces derniers considèrent les nanoparticules d'argent comme une "substance indésirable mais non prioritaire en termes de gestion de la santé et l'environnement" ; le risque de contamination est placé dans la "file d'attente" des préoccupations des gestionnaires locaux qui s'appuient sur le fait qu'il n'est plus obligatoire de mesurer la concentration d'argent dans l'eau destinée à la consommation humaine8.
Des chercheurs français que nous avons contactés déplorent la faiblesse des financements des travaux de recherche qui seraient nécessaires : selon eux, les industriels n'étant pas soumis à une règlementation spécifique, il n'y a pas de pression particulière pour développer des techniques innovantes.
Suez Environnement a pris part à la consultation organisée en 2014 par la Commission européenne en envoyant une contribution qui manifeste un degré de préoccupation significatif quant aux risques soulevés par les nanomatériaux dans l'eau.
Beaucoup de vêtements de sport seraient traités au nanoargent. En décembre 2018, Svenskt Vattens, le syndicat suédois des eaux et des eaux usées a alerté sur l'argent antibactérien et anti-odeur provenant de textiles de sport9 : c'est la plus grande source connue d'argent dans les stations de traitement de l'eau, une menace pour nos lacs et nos mers, ainsi qu'un risque de propagation de la résistance aux antimicrobiens. Les marques et distributeurs sont invités à cesser de vendre des vêtements traités à l'argent pour protéger l'eau (Adidas est pointé comme le plus mauvais élève).
p 1-2 : Research and information to date suggest that industrial wastewater discharges may contain ENMs, which may have impacts on human health and the environment. From its initial review, EPA identified four main areas of research appropriate to better assess the potential presence and impact of ENMs in industrial wastewater: (1) development of standard methods and sampling techniques to detect and characterize ENMs in industrial wastewater; (2) evaluation of the toxic impacts of ENMs in industrial wastewater, taking into consideration their relevant forms and concentrations; (3) identification of the universe of facilities, production values, and waste associated with the manufacturing and processing of ENMs; and (4) evaluation and characterization of the fate, transformation, and treatment of ENMs in industrial wastewaters. EPA plans to continue to monitor ongoing research in these areas in future annual reviews and collect any new information on the discharge of ENMs as it becomes available.
p 4-5 : EPA initiated a review of a group of emerging pollutants of concern and continued its review of industrial wastewater treatment technology performance data as part of the 2014 Annual Review (U.S. EPA, 2015). Below are the findings from these reviews :
Review of Engineered Nanomaterials (ENMs) in Industrial Wastewater. EPA reviewed current literature and scientific research and communicated with researchers and government stakeholders regarding ENMs. As a result, EPA determined the following:
Some manufacturing and processing methods likely generate wastewater, but the quantity generated and waste management practices are not documented.
Toxicity hazards from ENMs have been demonstrated in the laboratory, but the environmental and human health risks are largely unknown.
Fate of and exposure to industrial wastewater releases of ENMs to the environment have not been studied.
The small size, unique properties, and complexity of ENMs present a challenge for environmental monitoring, risk assessment, and regulation.
Methods for detecting and characterizing nanomaterials in complex media, like industrial wastewater, are under development.
EPA has not approved any standardized methods for sampling, detecting, or quantifying of nanomaterials in aqueous media.
Research has shown that common treatment technologies employed at municipal wastewater treatment plants can remove nanomaterials from the wastewater, but that these may then accumulate in the sludge.
EPA's review also identified four main areas of further research appropriate to better assess the potential presence and impact of ENMs in industrial wastewater:
Development of standard methods and sampling techniques to detect and characterize nanomaterials in industrial wastewater.
Evaluation of ENM toxicity impacts and potential occurrence in industrial wastewater, taking into consideration relevant forms and concentrations of ENMs.
Identification of the universe of ENM facilities, their production values, and the waste generated and disposed of during the manufacturing and processing of ENMs.
Evaluation and characterization of the fate, transformation, and treatment of ENMs in industrial wastewaters.
Public comment : page 4-3 : For nanomaterials, the consultant to local government pretreatment programs and one industry representative supported EPA's effort to characterize nanomaterials in industrial wastewater discharges. Specifically, the industry representative urged EPA to recognize the diversity of nanomaterials and their applications across multiple industries in its future reports; coordinate closely with EPA's New Chemicals Program to understand nanomaterial releases in water; consider work on the fate and transport of nanomaterials completed or currently underway; and recognize the potential for nanotechnology to provide new and improved tools for wastewater treatment. One wastewater treatment products manufacturer also commented that he is currently testing a coagulant/flocculent/filter aid that has shown success at settling nano-particles, E. coli, phosphorus and other particulates.
6 - Hazardous substances in Europe's fresh and marine waters An overview, Agence européenne de l'environnement, 2011 : "For some pollutants, awareness and a currently incomplete understanding of potential effects have developed only recently. These emerging pollutants include (...) relatively new substances, such as nanomaterials. Their inclusion in routine monitoring programmes has so far been limited, making it difficult to robustly assess the risks to the environment and human health, and thus to justify regulation and better monitoring. Targeted monitoring of selected emerging pollutants across the EU would be desirable to ensure timely awareness of potentially problematic substances that might need to be regulated. This monitoring should be supported by European research studies." (p.7)
8 - L'argent (Ag, nanoAg) comme contaminant émergent dans l'estuaire de la Gironde : évaluations scientifiques et gouvernance des risques, Salles D. et al., ERS, 12 : 317-323, juillet/août 2013 : "Le principe argumentatif des gestionnaires de l'eau et des autorités administratives, vis-à-vis d'un potentiel risque environnemental Ag, se construit essentiellement en référence aux normes en vigueur : « Il n'y a pas de risque car il n'existe plus de norme pour l'argent dans l'eau », selon un gestionnaire de l'eau. Alors que les décrets de 1980 et 1989 relatifs à la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine exigeaient des valeurs de concentration de Ag inférieures ou égales à 10 mg/L (Ag), cette norme n'est désormais plus en vigueur dans les dispositifs réglementaires*. En l'absence de faisceaux convergents ou de sources connues sur une contamination de l'environnement par Ag, le modèle normatif privilégie le statu quo : Ag est considéré comme une substance indésirable mais non prioritaire en termes de gestion de la santé et l'environnement, contrairement aux contaminants prioritaires par leur abondance et leur toxicité pour l'homme. À ce titre, le risque de contamination Ag est placé dans la « file d'attente » des préoccupations des gestionnaires locaux."
* Depuis 2001, date de modification du décret de 1989 ?
Nanoparticules de dioxyde de titane dans l'alimentation : quels risques ? quelles précautions ?
Nanoparticules de dioxyde de titane dans l'alimentation : quels risques ? quelles précautions ?
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Le 31 mars 2015 - Dernière modification le 1er avril 2015
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Le 17 mars, le député européen et militant anti-malbouffe José Bové a appelé au boycott des produits alimentaires contenant des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂)1, brandissant sur un plateau télé des paquets de M&M's et de chewing gums Hollywood.
En cause : la nocivité supposée des nanoparticules de TiO₂ présentes dans le colorant sous le code "E171".
Les particules de TiO₂ sont utilisées pour rendre des aliments plus blancs ou plus brillants ou pour décliner une palette de couleurs en étant associées à d'autres colorants alimentaires (sur le glaçage de pâtisseries par exemple, du E171 peut être mélangé avec un colorant rouge pour obtenir du rose, etc.).
Selon José Bové, les nanoparticules contenues dans le E171 ont "des conséquences graves" : elles présentent "des risques de cancer".
Moins d'un an après la pétition s'opposant à l'utilisation de nano TiO2 dans les yaourts, le sujet revient donc une fois de plus à la "une".
Des risques de cancer ? Rien ne le prouve mais l'appel à la vigilance est justifié
Vérification faite2, il n'y a pas d'études permettant aujourd'hui de considérer ces nanoparticules comme un cancérogène (ni "possible" ni "certain") lorsqu'il est ingéré.
Certes en 2006 le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le dioxyde de titane (TiO₂) comme cancérigène possible pour l'homme (classe 2 B) lorsqu'il est inhalé - et ce, toutes tailles confondues : l'échelle nanométrique est donc concernée mais pas plus ni moins que le TiO₂ non nanométrique3.
A noter également : les études qui ont été considérées pour cette classification portaient sur le TiO₂ sous forme de poudre avec la présomption de risques par inhalation qui concernent d'abord les travailleurs potentiellement exposés4 (notamment dans le secteur de la chimie, du bâtiment, des cosmétiques ou de l'alimentaire).
Pour le secteur spécifique de l'alimentation, les professionnels qui peuvent inhaler une grande quantité de E171 à l'état de poudre - comme les agents qui confectionnent les colorants alimentaires ainsi que les pâtissiers (qui manipulent du sucre glace ou des colorants pour leurs préparations pâtissières) - sont particulièrement exposés et devraient faire l'objet d'une sensibilisation et d'une surveillance ciblée5.
En 2004, l'l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait considéré que l'utilisation de E171 comme additif alimentaire ne posait pas de problème. Une ré-évaluation par l'EFSA est néanmoins attendue pour fin 2015 au plus tard6.
L'évaluation des risques associés au dioxyde de titane est également prévue dans le cadre de REACH : elle sera réalisée par l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) en 20167.
En attendant les résultats de ces études, voici ce que l'on sait aujourd'hui8 :
Qu'advient-il des 5 à 10% restants ? Sur la base d'études menées essentiellement chez l'animal ou sur des cellules in vitro, on sait que :
Des nanoparticules de TiO₂ de 25 nm peuvent être absorbées au niveau de la bouche (études chez le cochon dont les caractérisques des cellules buccales sont très proches de celles de l'homme), avec comme effets possibles, un impact toxique, la production de molécules pro-inflammatoires et l'observation d'une destruction de cellules ("apoptose"), observés dans deux études in vitro sur cellules humaines et pour de fortes concentrations de TiO2.
Les autres transitent ensuite par l'estomac pour arriver aux intestins, et se trouvent dans des milieux aux niveaux d'acidité différents qui peuvent conduire les nanoparticules à s'agglomérer puis à se réindividualiser.
Une fois dans les intestins, les nanoparticules de dioxyde de titane peuvent être absorbées9 et pourraient :
induire des inflammations intestinales, des lésions chroniques
se diffuser dans l'organisme jusqu'au foie, à la rate, aux glandes endocrines et au cerveau, et entraîner des effets délétères - notamment en termes immunitaires - qui restent à préciser à des doses proches de celles auxquelles l'homme est réellement exposé.
avec des doses plus importantes que celles auxquelles nous sommes exposées,
sur des cellules cultivées in vitro ou sur des animaux de laboratoire (pour l'étude des effets dans l'intestin, sur des rongeurs, qui n'ont pas la même alimentation ni le même métabolisme que les hommes),
et avec des nanoparticules qui sont différentes de celles qui sont incorporées dans les produits, en l'occurrence des nanoparticules dix fois plus petites que celles que l'on trouve dans les colorants E 171.
Mais hormis les travaux en cours de réalisation à l'INRA de Toulouse dans le projet NanoGut dont les résultats ne sont pas encore connus, il n'y a pas de recherches sur les éventuels effets cancérigènes de TiO₂ ingéré, les premiers signaux mis en évidence par les rares études menées justifient les appels à la vigilance par rapport à l'ingestion répétée et chronique de ces nanoparticules.
Francelyne Marano, professeure émérite de toxicologie, considère que l'absorption de dioxyde de titane peut être nocive et pose une question centrale : "L'utiliser uniquement comme colorant pour rendre des produits plus agréables à l'il est-il vraiment utile et raisonnable ?" 10. Dans la mesure où les risques ne sont pas bien connus aujourd'hui, il est choquant de voir l'industrie agroalimentaire utiliser en grande quantité ce type de produits (ainsi que les autres additifs et composés nanométriques) sans avoir fait vérifier au préalable leur innocuité, le tout pour rendre des produits artificiellement plus "esthétiques".
Certains experts se veulent rassurants en arguant que les résultats des études sont contradictoires et qu'il n'y a pour l'instant aucune certitude sur la toxicité des nanoparticules de dioxyde de titane que l'on ingère. "C'est comme si nous venions de découvrir que le papier peut provoquer des coupures, sans avoir pu encore déterminer s'il s'agit d'un inconvénient mineur ou potentiellement mortel" a ainsi écrit Andrew Maynard11, directeur du Risk Science Center de l'Université du Michigan (USA).
Mais comparaison n'est pas raison : le rapport bénéfices / risques dans le cas du papier est incontestablement positif. Or concernant le TiO₂ (nano ou pas) dans les aliments, il est beaucoup moins évident. En outre, on peut facilement visualiser une feuille de papier, tenter d'éviter voire soigner les coupures qu'elle peut générer, tandis que les nanoparticules de dioxyde de titane sont invisibles à l'oeil nu, et leur présence n'est pas toujours signalée sur les produits !
D'autres "experts" relativisent : "La consommation de M&M's conduit plus rapidement à l'obésité qu'à un cancer"12. C'est vrai : bon nombre d'aliments contenant des nanoparticules sont des confiseries et pâtisseries. Mais les paquets de M&M's et de chewing gums Hollywood apportés par José Bové sur le plateau télé ne sont que l'arbre qui cache la forêt : beaucoup d'autres aliments en contiennent, ainsi que des produits censés ne pas nuire à la santé, notamment les dentifrices et les médicaments !
Des nanoparticules de TiO2 dans les aliments mais pas seulement : on en absorbe aussi via les dentifrices et les médicaments
Outre les confiseries et les viennoiseries, on trouve l'additif E171 dans des pains de mie, des mayonnaises, du sucre glace, des plats préparés et également des boissons.
Le site Openfoodfacts.org propose une liste des produits alimentaires contenant du TiO2 E171, avec en mars 2015, 109 produits vendus en France, dont des M&M's, des Mentos, des chewing gums Hollywood, Freedent, Malabar et Casino, des gâteaux LU, des raviolis Panzani, le hachis parmentier William Saurin, des gâteaux apéritifs Belin, les blanquettes de veau Leader Price et William Saurin, des bûches pâtissières, pizzas, sirops, etc.
Mais on trouve également du dioxyde de titane dans de nombreux médicaments (comprimés pelliculés) et dentifrices* (signalé sous la mention Cl77891). Nous avons interrogé l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour connaître sa position sur la présence, les risques et le cas échéant, les exigences vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques concernant le TiO₂ dans les médicaments et vous tiendrons informés si nous parvenons à obtenir une réponse.
* Certes, le dentifrice n'est pas censé être ingéré, mais les muqueuses buccales sont perméables ; c'est d'ailleurs pour ça que les granules homéopathiques et d'autres médicaments dits "orodispersibles" doivent être placées sous la langue (on parle d'un mode d'administration "sublingual") pour "fondre" à cet endroit et être rapidement absorbés par l'organisme. Donc on "absorbe" bien du dentifrice même si on ne l'"avale" pas à proprement parler.
Toutes sources cumulées, des chercheurs ont ainsi estimé l'ingestion moyenne quotidienne de TiO₂ entre 1 à 2 mg/kg de poids corporel/jour pour les enfants vivant aux USA, voire 2 à 3 mg/kg/jour pour ceux du Royaume Uni8.
Une grande variété de types de nanoparticules de TiO2
dans l'alimentaire (E171) et dans les médicaments, elles sont très majoritairement sous forme anatase (parfois associée à la forme rutile en très petite proportion) et sans enrobage
dans les cosmétiques (Cl 77891) elles sont présentes dans du maquillage, des décolorations capillaires ou crèmes solaires, sous forme rutile (ou mélange anatase / rutile) et enrobées d'une couche de silice ou d'alumine ; elles ne sont pas enrobées dans le dentifrice
dans les peintures et les ciments (CI Pigment White 6), elles sont principalement sous forme anatase (ou mélange anatase / rutile) et sans enrobage.
Cristallographie du rutile - Cristallographie de l'anatase. Voir la source
Et même au sein d'une même catégorie de produit, les nanoparticules peuvent être différentes d'un produit ou d'une marque à l'autre. Ainsi, dans le seul domaine alimentaire, l'additif E171 est composé de particules primaires d'une grande variété de tailles (de 40 à 300 nm, avec un diamètre moyen compris entre 100 et 130 nm) ; 10 à 40 % d'entre elles, selon les études, présentent au moins une dimension inférieure à 100 nm13.
Rappelons enfin que les nanoparticules de TiO₂ ne sont pas les seules nanoparticules à être utilisées dans l'agro-alimentaire...
L'opacité et la confusion entretenues par l'industrie agroalimentaire
On notera également que la marque n'a pas dit si, oui ou non, elle utilisait du dioxyde de titane de taille nanométrique dans ses M&M's et autres confiseries. Ce mutisme n'est pas nouveau ; lorsque nous avions réalisé notre dossier Nanos et alimentation en 2013, nous avions interrogé le groupe, parmi d'autres, à ce sujet : notre question était restée sans réponse15.
En fait l'ensemble des entreprises agro-alimentaires cultivent l'opacité la plus complète sur cette question16. En 2014, Ofi AM a fait une enquête auprès de 60 sociétés du Stoxx 600 pour connaître leur utilisation de nanoparticules ; sur les 30 sociétés interrogées impliquées dans le domaine de l'agroalimentaire, seules 5 (toutes spécialisées dans les boissons) ont répondu... qu'elles n'utilisaient pas de nanoparticules17. Dernier exemple en date : en janvier 2015, le magazine 60 millions de consommateurs a également partagé le même constat : près de 75 sur 100 entreprises agroalimentaires sollicitées (Nestlé, Danone, Heinz, Mars, Panzani, Nespresso, Toupargel, ...) n'avaient pas donné suite au courrier que le magazine leur avait envoyé en octobre 2014 dans lequel il leur était demandé si elles utilisaient des nanoparticules sous la forme d'additifs (E551, E550, E170, E171, E172), de nanotextures, d'ingrédients en nanoencapsulation ou de nanomatériaux utilisés dans les emballages alimentaires18.
Autre pays, autres moeurs : le principe de précaution de la marque Dunkin
Au début du mois, le TiO₂ avait aussi fait parler de lui outre-atlantique : l'entreprise américaine Dunkin a annoncé en février qu'elle renonce à l'utiliser dans le sucre de ses pâtisseries Donuts, sous la pression de l'ONG As You Sow19.
Un coup de pub pour l'entreprise soucieuse de protéger, sinon la santé de ses clients, au moins la santé de sa notoriété ?
Comme l'a rappelé Andrew Maynard, directeur du Risk Science Center de l'Université du Michigan (USA), dans un billet paru en février dans Nature Nanotechnology20, ce type de réajustement peut être un choix privilégié par certaines entreprises qui préfèrent renoncer à un risque qui peut leur coûter cher plus tard soit parce que leur produit sera interdit soit parce qu'il sera à l'origine de problèmes sanitaires ou environnementaux et/ou parce qu'il n'aura pas la confiance des clients.
Si la volonté de minimiser le risque en termes d'image de marque est une motivation à une plus grande responsabilité sociale des entreprises (RSE), donnons quitus au leader qui franchit le premier pas et invitons les autres à utiliser les recommandations des pouvoirs publics21 et des ONG (cf. ci-dessous).
Neuf ONG préconisent une plus grande responsabilité sociale des entreprises (RSE)
1 - adopter et rendre publique leur politique d'utilisation de nanomatériaux et publier une analyse des risques sanitaires de tous les nanomatériaux utilisés
2 - informer leurs fournisseurs soit de l'interdiction d'utiliser des nanomatériaux dans les aliments, les boissons et les emballages, soit de l'adoption de la politique décrite au point un
3 - étiqueter tous les produits qui contiennent des nanoparticules de taille inférieure à 500 nm
4 - adopter une approche basée sur la hiérarchie des mesures de contrôle des risques pour prévenir l'exposition des employés aux nanomatériaux.
Quels efforts de la part des acteurs français ?
AVICENN invite les acteurs français de l'agroalimentaire et de l'emballage à s'emparer de ce sujet et à nous informer sur les efforts entrepris dans le sens d'une meilleure information sur les risques associés aux nanoparticules dans l'alimentation et d'une meilleure protection du personnel et des consommateurs.
Chercheurs, fabricants, transformateurs, distributeurs, associations de consommateurs, fonctionnaires de la répression des fraudes, agences sanitaires, etc. vos contributions nous intéressent : envoyez-nous un mail à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr et nous complèterons le dossier "Nano et Alimentation".
2 - Notre vérification a été effectuée par le moyen d'entretiens téléphoniques auprès des chercheurs et experts que nous avions déjà interrogés pour réaliser notre dossier "Nano et Alimentation" en 2013 et en consultant les articles académiques disponibles en ligne, référencés ci-dessous ainsi que dans notre bibliographie Nano et Alimentation
4 - Voir notre bibliographie Nano et Santé au travail. A noter, le fait que cette classification en cancérigène 2B a été contestée au motif que les études portaient sur des rats, dont le système respiratoire est différent de celui de l'homme.
5 - Des efforts commencent à être faits en ce sens : en 2014, les données recueillies dans le cadre de la déclaration obligatoire relatives aux nanoparticules de dioxyde de titane ont été communiquées à l'InVS dans le cadre du projet Epinano pour le suivi de cohortes de travailleurs exposés aux nanomatériaux. Combien seront suivis ?
15 - Voici la question que nous avions postée le 20 avril 2013 sur le formulaire de contact du groupe Mars Chocolat France : "Bonjour, Selon une étude scientifique publiée il y a plus d'un an, les M&M's contiennent des nanoparticules de dioxyde de titane (Titanium Dioxide Nanoparticles in Food and Personal Care Products, Weir A. et al., Environ. Sci. Technol., 46 (4), pp 22422250, 2012 : http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es204168d). Sur la liste des ingrédients des M&M's, on voit en effet que du E171 est utilisé, mais il n'est pas précisé s'il s'agit de TiO2 nano ou pas. Pourriez-vous préciser s'il vous plaît ? En vous remerciant par avance, Sincères salutations"
20 - "'course corrections' early on in the innovation development process can help reduce or avoid liabilites later on - whether these are associated with unanticipated health and environmental impacts, prohibitive costs of regulatory compliance, or loss of stakeholder confidence" : extrait de l'article d'Andrew Maynard, The (nano) entrepreneur's dilemma, Nature Nanotechnology, février 2015
"Caractéristiques physico-chimiques" et toxicité des nanomatériaux
"Caractéristiques physico-chimiques" et toxicité des nanomatériaux
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout mars 2020
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A l'échelle nano, on ne peut plus considérer que "c'est la dose qui fait le poison", cette phrase du médecin et alchimiste Paracelse qui avait fondé la toxicologie et est très souvent invoquée pour évaluer les risques liés aux substances chimiques de synthèse. Scientifiquement, elle est désormais remise en question, notamment par le cas spécifique de la toxicité des nanomatériaux sur laquelle influent fortement les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux considérés, et notamment :
leur composition chimique (identité de la substance ; ex "argent" / "dioxyde de titane" / etc.) :
on peut extrapoler les connaissances que l'on a sur la substance à l'état macro, dont les propriétés (et parfois la toxicité) connues peuvent être décuplées du fait de la réactivité de surface
de nouvelles propriétés (ou une toxicité nouvelle) peuvent également apparaître spécifiquement à l'échelle nanométrique ; elles sont nettement plus difficiles à prévoir, et on en sait encore souvent trop peu.
attention toutefois, les nanomatériaux d'une même famille ne peuvent pas être considérés comme une "monosubstance" : au sein de la même famille, différentes substances peuvent présenter une toxicité et une génotoxicité différentes1
leur dimension (taille et distribution de tailles) : leur taille nanométrique permet aux nanomatériaux de pénétrer la cellule et y entraîner des effets néfastes2, mais la taille des nanomatériaux n'est pas le seul qui rentre en ligne de compte ; la liste qui suit est également déterminante.
leur forme (ou morphologie) :
il existe une grande diversité de formes de nanoparticules : des nanotubes, des nanofils, des nanofeuillets, des nanocubes, etc.
il semble que les structures en tubes, fibreuses ou à multiples facettes présentent une toxicité plus importante que les structures lisses (comme les sphères), en lien avec la réactivité de surface3 ; l'action toxique peut également se révéler plus importante sur l'une des facettes, par exemple pour les nanomatériaux de forme et nature complexes (mais là encore, cela dépendra du type de nanomatériau).
leur surface spécifique : il s'agit de la surface d'une particule ou d'un matériau rapportée à son volume ; elle a un rôle important pour expliquer certaines modifications du comportement d'un même matériau (par exemple du sucre en poudre va fondre plus rapidement dans un thé chaud qu'un gros morceau de sucre)
leur réactivité de surface / chimie de surface (et le cas échéant, leur revêtement : enrobage ou encapsulation4)
leur état de charge
leurs degrés d'agglomération / agrégation :
agglomérat : amas de particules (nano-objets ou agrégats associées par des liaisons physiques faibles ou enchevêtrées ; à la différence des agrégats dont les liaisons entre les particules sont fortes
agrégat : amas de particules fortement associées par des liaisons chimiques (liaisons covalentes) ou fusionnées.
leur solubilité (dans l'eau, les fluides biologiques, ...)
leur cristallinité
leur pulvérulence
Chacun de ces paramètres influe sur la toxicité des nanomatériaux.
Et chacun d'entre eux est lui-même sujet à variation au cours du cycle de vie des nanomatériaux.
D'où la complexité, pour les chercheurs, à statuer sur la toxicité des nanomatériaux...
The dialogue continues, Nature Nanotechnology, 8, 69, février 2013 : The nanotoxicology community has numerous ideas and initiatives for improving the quality of published papers.
Join the dialogue, Nature Nanotechnology, 7, 545, août 2012 : The nanotoxicology community should implement guidelines on the types of information that are required in their research articles to improve the quality and relevance of the published papers.
EUROPE : Vers un encadrement des nanomatériaux par le Règlement CLP ?
EUROPE : Vers un encadrement des nanomatériaux par le Règlement CLP ?
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout octobre 2019
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Le Règlement européen CLP porte sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et mélanges chimiques.
Le CLP s'applique, de façon obligatoire, aux substances depuis décembre 2010 et aux mélanges à partir de juin 2015.
C'est l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), initialement créée pour REACh, qui est au centre de la mise en oeuvre des règlements Reach et CLP, afin d'en assurer la cohérence au sein de l'Union Européenne
En avril 2014, l'Agence nationale française de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a préconisé l'encadrement des nanomatériaux selon la réglementation européenne CLP1.
Selon l'ANSES, "les nanotubes de carbone devraient, en toute première priorité, faire l'objet d'une demande de classement comme substance dangereuse dans le cadre du règlement CLP".
Ces nanomatériaux sont utilisés dans l'électronique, les revêtements de surface ou les cadres de vélo par exemple.
→ Voir notre fiche "Risques associés aux nanotubes de carbone"
"D'autres nanomatériaux tels que l'argent, le dioxyde de titane, le dioxyde de silice, l'oxyde de zinc, l'oxyde de cérium, l'oxyde d'aluminium, l'or, etc. sont eux aussi suffisamment documentés pour envisager une classification".
→ Voir nos fiches :
Un classement de ces nanomatériaux comme "substances dangereuses" aurait pour conséquence la mise en place des mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public.
Entre autres dispositions, cette mesure obligerait les fournisseurs de substances à l'état nanoparticulaire à fournir à leurs clients des fiches de données de sécurité (FDS) pour les substances "nano" - ce qui n'est pas obligatoire aujourd'hui puisque ces dernières ne sont pas "classées" comme dangereuses, au sens du Règlement CLP.
Quelles suites les autorités françaises donneront-elle aux recommandations émises par l'agence ?
Le projet de PNSE3 publié en août 2014 stipule qu'"au niveau européen, le projet est de porter, au titre du règlement n° 1272/2008 dit « CLP», des demandes de classifications réglementaires harmonisées de familles de nanomatériaux manufacturés pour lesquelles il existe un faisceau de preuves significatif sur des propriétés CMR ou sensibilisants. Cette classification permettra notamment d'étiqueter les produits en contenant et d'assurer ainsi une traçabilité de ces nanomatériaux".
Elle permettra également de déployer les dispositions de gestion des risques prévues notamment par les directives cadres sur les déchets et sur l'eau.
Elle a été prise en compte par l'action 1.13 du Plan Santé au travail (2016-2019) PST 3. Nous ignorons à ce stade quelles déclinaison le ministère du travail a donné, ou non, à cette action. Des demandes ont-elles été déposées ou sont-elles en préparation ?
A noter : le CLP est issu du Système Général Harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques (SGH), élaboré aux Nations-Unies. En juillet 2014, nous avons été informés que la France anime depuis 2013 un groupe de travail sur l'applicabilité du SGH pour les nanomatériaux. Ce groupe espère établir d'ici fin 2014 dans quelles mesures le GHS s'applique aux nanomatériaux et si ceci n'est pas le cas, convenir des pistes de clarifications et /ou amendements nécessaires.
⇒ Vos avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site :
- Notre rubrique Gouvernance
- Nos fiches :
Le comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" de l'ANSES
Le comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" de l'ANSES
par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout décembre 2020
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L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a conçu le comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" comme un espace d'échanges et de questionnements visant à nourrir et interroger les travaux scientifiques conduits ou encouragés par le groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" que l'ANSES a mis en place en 2012.
Objectifs du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé"
Les objectifs assignés au comité de dialogue :
échanger et débattre sur les travaux scientifiques produits ou à encourager ;
questionner leurs domaines de validité ou d'application ;
faire des propositions sur les orientations de recherche à conduire ou sur des expertises à mener ;
faire des recommandations sur la valorisation de ces travaux à des fins d'information.
Composition
Ce comité de dialogue est ouvert à des représentants en France d'associations de citoyens, de syndicats de salariés, de fédérations d'entreprises, et d'organisations patronales qui peuvent justifier d'activités (information, analyse/réflexion, veille, production, distribution, etc.) et de connaissances dans le domaine des nanomatériaux.
Composition actuelle* :
représentants associatifs : Avicenn, le Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), France Nature Environnement (FNE), Sciences Citoyennes (FSC), UFC Que Choisir, l'Union nationale des associations familiales (UNAF), Women in Europe for a Common Future (WECF).
représentants des industriels ou fédérations d'entreprises : l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), EDF, la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), le MEDEF, le Syndicat de l'industrie du médicament vétérinaire (SIMV), THALES, l'Union des industries chimiques (UIC), et depuis fin 2014 la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)
* Un appel à manifestation d'intérêt pour la mise en place du comité avait été lancé en avril 2012 : les organisations intéressées ont été invitées à se manifester par courriel. La configuration du comité a depuis évolué pour intégrer de nouveaux acteurs ayant manifesté de l'intérêt pour faire partie de cette instance de dialogue.
Réunions
Le comité se réunit de 1 à 4 fois par an.
La 11ème réunion s'est tenue le 1er décembre 2020. Au programme :
Résultats de l’étude juridique sur les enjeux, freins et leviers juridiques autour de l’exploitation et du partage des données issues du registre R-nano (T. Berger)
Présentation de l’avis et du rapport sur la déclaration annuelle des nanomatériaux : « évaluation des potentialités d’exploitation et de partage des données déclarées » (ANSES)
Feuille de route sur les nanomatériaux dans le cadre du PNSE (DGS et DGPR)
Projet de recherche APR : ExproPNano, Evaluation des expositions professionnelles aux particules nanométriques (stratégie de mesurage couplée à de l’analyse d’activité)
La 10ème réunion s'est tenue le 9 juin 2020, en visioconférence (du fait du covid-19). Au programme :
Présentation de l’avis et du rapport sur les nanomatériaux dans les produits destinés à l’alimentation (ANSES)
Point d’information sur l’avancement des travaux de l’Agence (ANSES)
Bilan R-Nano 2019 et évolution de l’Annexe REACh (DGPR)
Avis scientifique et technique sur la définition des nanomatériaux (ANSES)
Travaux sur la Valeur Toxicologique de Référence (VTR) Nanos TiO2 par inhalation et Valeur Limite d’Exposition Professionnelle (VLEP)
La 9ème réunion a eu lieu le 26 novembre 2018. Au programme :
Registre R-nano : retour sur l’exercice de déclaration 2018 et perspectives (DGPR)
Actualités règlementaires nationales et européennes (DGPR)
Contrôle de l’étiquetage des nano-ingrédients dans les produits alimentaires ; actions européennes (DGCCRF)
Nanomatériaux dans l’alimentation : De l’identification à la substitution (ANIA)
Actions de terrain pour le repérage des situations à risque et la prévention des risques professionnels liés aux nanoparticules (DIRECCTE Nouvelle Aquitaine)
Point sur les projets retenus dans le cadre du PNR-EST (ANSES)
Point sur les travaux en cours dans le domaine des nanomatériaux (ANSES)
Avancement des travaux du GT « Nanomatériaux et alimentation » (ANSES)
La 8ème réunion s'est tenue le 14 décembre 2017.
Présentation du bilan 2017 de la base r-nano
Les actualités nano suivies par le ministère de la transition écologique aux niveaux national, européen et international
Les nanomatériaux dans le Plan santé travail (PST 3)
L'utilisation des nanomatériaux dans le secteur du bâtiment et l'approche de prévention de l'OPPBTP
Le programme de travail de l'ANSES sur les nanomatériaux
Les résultats d'analyses menées par la DGCCRF sur la présence de nano-ingrédients dans les produits alimentaires
Le projet NAnERO, suivi longitudinal d'une cohorte en milieu aéroportuaire : exposition professionnelle aux nanoparticules atmosphériques et santé respiratoire
La 7ème réunion s'est tenue le 28 mars 2017.
Autosaisine « Nanomatériaux dans les produits destinés à l'alimentation »
Saisine « Exposition alimentaire aux nanoparticules de dioxyde de titane »
Travaux en cours à l'Agence sur la présence de nanoparticules dans les préparations phytopharmaceutiques
Point sur l'évaluation du TiO2 et de ses nanoformes par l'ANSES dans le cadre de Reach
Projet de recherche 'Nanotransbrain' financé dans le cadre de l'APR
Nanoparticules et médicaments
La 6ème réunion s'est tenu le 31 mars 2016. Au programme :
Présentation du bilan 2015 de la base r-NANO
Présentation des outils de nanométrologie du Laboratoire National d'Essais (LNE)
Présentation de la méthode de screening à haut débit pour la nanotoxicologie (CEA)
Bilan des travaux de l'Anses dans le domaine des matériaux et perspectives
La 6ème réunion s'est tenue le 30 avril 2015. Au programme :
La présentation du bilan 2014 de la base r-NANO par la Direction générale de la prévention des risques du Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie
Le projet de recherche en cours NANOGUT par Eric Houdeau, Directeur de Recherche à l'INRA, Unité Toxalim
Le rapport et l'avis de l'Anses relatif à la mise à jour des connaissances sur l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux liés à l'exposition aux nanoparticules d'argent.
La 5ème réunion s'est tenue le 11 décembre 2014.
Matinée sur les risques professionnels liés aux nanomatériaux
Après-midi : point d'avancement des rapports :
Évaluation des risques sanitaires et environnementaux liés à l'exposition aux nanoparticules d'argent : mise à jour des connaissances
Méthode d'évaluation des niveaux de risques sanitaires et des dangers écotoxicologiques des produits contenant des nanomatériaux manufacturés
La 4ème réunion devait se tenir à l'automne 2013. Elle a été reportée au 29 avril 2014. Ont été présentés :
La composition, le fonctionnement et le périmètre de travail du Comité de dialogue
Portée et limites
Ce comité est un exemple concret de l'ouverture d'une agence sanitaire nationale à la société civile sur le champ des nanos demandée depuis longtemps par cette dernière et que l'Etat s'était engagé à renforcer, via le groupe de travail interministériel nano ("task-force") piloté par le Commissariat général au Développement durable dans son communiqué de février 2012.
Le périmètre de ce comité de dialogue, limité aux effets sanitaires des nanomatériaux, ne recouvre qu'un segment de l'ensemble des enjeux soulevés par les nanotechnologies ; il constitue une pièce du puzzle plus large qu'il reste à construire, celui demandé expressément par certaines associations lors du débat national sur les nanotechnologies en vue d'une discussion plus en amont et plus générale sur l'utilité des nanos.
Questions subsidiaires : les autres instances publiques ou para-publiques (notamment le CCNE, le CPP, la CNIL, le CNC, le CNRS, le CEA, l'INERIS, l'ANSM, l'Agence de Biomédecine, l'INVS, ou l'INRS) proposeront-elles des initiatives similaires en ce qui les concerne ? Si oui, la société civile pourra-t-elle suivre ? Comment économiser le temps de chacun et grouper les efforts ? En amont de la participation aux initiatives de concertation, réelles ou hypothétiques, l'AVICENN réalise une veille de l'information mutualisée dans un esprit citoyen à laquelle nous vous invitons à participer dans un esprit de partage de l'information et de co-vigilance.
Vigilance autour des déchets contenant des nanomatériaux : des propositions concrètes plutôt qu'une controverse stérile !
Vigilance autour des déchets contenant des nanomatériaux : des propositions concrètes plutôt qu'une controverse stérile !
Une accusation de manipulation peu étayée jette le trouble sur un récent rapport de l'OCDE qui pointe les risques liés à la présence croissante de nanomatériaux dans les déchets.
A l'opposé du déni émanant de scientifiques "nanorisk-sceptiques", un collectif d'ONG européennes veut renforcer le message de vigilance adressé par l'OCDE et proposer des mesures pour une approche constructive, concrète et collective de la question.
Par MD - Article mis en ligne le 17 mars 2016 (mis à jour le 13 avril 2016)
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Les nanomatériaux dans les flux de déchets ont fait l'objet d'un récent rapport de l'OCDE ("Nanomaterials in waste streams"), dont nous avions relayé la publication en février dernier à la "une" de veillenanos.fr et sur nos réseaux sociaux.
Le rapport propose un état des connaissances sur les impacts du recyclage, de la mise en décharge, de l'incinération de ces déchets ainsi que de l'épandage agricole des boues des stations d'épuration en contenant.
Il présente les données de façon factuelle, en pointant les nombreuses incertitudes qui demeurent et met en évidence les effets négatifs potentiels des nanomatériaux relargués par certains processus de traitement des déchets : des nanomatériaux peuvent passer à travers des installations de traitement des déchets, voire contaminer l'environnement via les déchets résiduels, tels que les boues d'épuration ou les résidus provenant des usines d'incinération des déchets (en particulier, les cendres et mâchefers).
Bien qu'il ne tire pas de conclusions sur les risques et les impacts des nanomatériaux relâchés dans l'environnement, faute de données suffisantes, il appelle néanmoins à davantage de recherches sur les risques liés à la présence croissante de nanomatériaux dans les déchets.
Que les associations et agences sanitaires mettent en garde sur les risques nano n'est pas étonnant, elles le font depuis une dizaine d'années maintenant1. Mais "si même l'OCDE le dit, c'est que c'est vrai !" a-t-on pu entendre à l'occasion de la sortie de ce dernier rapport.
Or voilà que la polémique apparaît... où on ne l'attendait pas : "L'OCDE a peut-être cédé à la pression des industriels du traitement des déchets, désireux d'augmenter leurs tarifs" : c'est du moins la thèse assez déconcertante avancée par la journaliste Hélène Crié dans un article de Sciences & Avenir le 4 mars dernier.
Sollicité par Avicenn, l'auteur de l'un des chapitres du rapport, le chercheur Jean-Yves Bottero du CEREGE2 considère cette controverse comme "totalement artificielle" : il a insisté sur le fait qu'il a écrit son chapitre"seul et en fonction de (son) activité de recherche dans le domaine des nanotechnologies" permise par des financements de l'ANR, l'Europe, l'ANSES et aussi des Etats-Unis via un groupement de recherche associé à CEINT. Il n'a pas été contacté par les entreprises gérant les déchets lorsqu'il a rédigé ce chapitre.
Contacté par email, Peter Börkey, à la direction de l'Environnement de l'OCDE, a réfuté lui aussi une telle accusation : "pour l'élaboration de son rapport, l'OCDE a utilisé un processus ouvert et transparent qui a permis à toutes les parties prenantes, des pays membres de l'OCDE en passant par le secteur privé et les ONG, en particulier les délégués et les experts du Groupe de travail de l'OCDE sur les nanomatériaux manufacturés et du Groupe de travail sur la productivité des ressources et les déchets, d'apporter leur contribution".
Au-delà de l'OCDE, ce sont les filières de traitement des déchets qui sont mises en accusation
Non seulement l'article, dès son titre, fait peser le soupçon de "manipulation" de l'OCDE par les filières de traitement des déchets, mais il va même bien plus loin, jusqu'à accuser ces dernières de ce qui s'apparente même à une vraie "machination". Selon les propos (présumés) rapportés d'un toxicologue3, "les traiteurs de déchets [feraient] le choix tactique de maximiser les quantités relâchées dans l'environnement, donc le danger potentiel pour leurs sites et leurs travailleurs, afin de pouvoir facturer plus cher leurs prestations de service" !
Cette deuxième accusation est plus lourde encore que la première. Or la journaliste la relaie, sans que l'article ne donne plus d'éléments permettant d'apprécier la réalité de telles pratiques.
Avicenn a sollicité divers représentants des industries du traitement des déchets (la FP2E en France et AquaFed au niveau international) dont nous attendons toujours les réponses à ce jour.
Selon le chercheur Jean-Yves Bottero cité plus haut, les entreprises qui traitent les eaux usées se penchent seulement depuis peu sur les questions entourant les impacts sanitaires et environnementaux des nanomatériaux manufacturés : jusqu'à présent, elles se concentraient davantage sur les apport des nanotechnologies pour améliorer l'efficacité des stations d'épuration pour traiter les polluants majeurs.
Avicenn espère pouvoir avoir prochainement plus d'éléments sur cette question : nous avons en effet lancé une consultation en ligne "nano et eau" auprès des acteurs mobilisés autour de l'eau, accessible jusqu'au 28 mars 2016, que nous vous invitons à remplir et diffuser dans vos réseaux.
Qui manipule qui ?
Les personnes avec qui nous avons pu échanger à ce sujet sont unanimes pour considérer qu'il s'agit d'un faux semblant de controverse. "Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage" commente-t-on, au sein même de la communauté scientifique.
Ce n'est pas parce que l'on pourrait constater que les médecins ont un retour financier lorsqu'il y a plus de cancers du poumon qu'il viendrait à l'idée d'accuser les médecins de manipuler les autorités sanitaires lorsqu'elles mettent en garde contre les méfaits du tabac ! Une telle façon de présenter les choses, ou plutôt de (dis)tordre la réalité, est non seulement assez fallacieuse mais également peu robuste. Poussons la logique jusqu'à son terme : quand bien même les industriels des déchets auraient un intérêt financier à facturer leurs services plus cher pour compenser les coûts supplémentaires de la pollution nano, ils n'auraient pas intérêt à alerter de façon trop "alarmiste" sur les risques car ils prendraient alors le risque de tuer cette (présumée) poule aux oeufs d'or !
Au final, à qui profite l'affaire ? Au final, ce genre de polémique sert ceux qui veulent minimiser les risques, en créant de la confusion. L'accusation relayée par la journaliste émane d'un toxicologue3 réputé pour son caractère trempé et volontiers provocateur. Représentant des Pays-Bas à l'OCDE, il est également coordinateur du programme de recherche européen (NanoReg), un programme qui vise à proposer une approche européenne commune aux tests réglementaires des nanomatériaux. Les Amis de la Terre Australie y voient de leur côté un tapis rouge déroulé aux fabricants et utilisateurs de nanomatériaux pour écrire les règles à leur convenance et donc minimiser l'encadrement réglementaire des nanomatériaux4...
David Azoulay, directeur du programme Santé et Environnement de l'ONG Center for International Environmental Law (CIEL), considère que le poids économique des industriels fabricants de nano est bien plus important au sein de l'OCDE que le poids des industriels du traitement des déchets. Il rappelle ainsi que malgré dix ans de travaux et de rapports techniques les lignes directrices de l'OCDE (utilisées pour les essais toxicologiques des substances chimiques) ne sont pas encore complètement adaptées à l'étude des nanomatériaux5 ! Elles font l'objet de négociations au sein du Groupe de Travail sur les Nanomatériaux Manufacturés (WPMN), lequel est sans doute bien plus soumis à la pression des fabricants nano que le Groupe de travail sur la productivité des ressources et les déchets (GTPRD) ne l'est à celle des industries du traitement des déchets...
L'article fustige un rapport "alarmiste". En guise de "cris d'alarme", on y lit plutôt des constats factuels sur lesquels les auteurs nous alertent, posément, en jouant le rôle qui est le leur.
C'est une chose de juger alarmante la réalité décrite (à savoir, la commercialisation croissante de nanomatériaux malgré un déficit patent de connaissances sur les risques qu'ils peuvent entraîner sur les écosystèmes). C'en est une autre de disqualifier un rapport en l'étiquetant, à tort, d'"alarmiste".
M. Bottero rappelle ainsi que "la réutilisation des boues en agriculture est très peu étudiée par rapport à l'apport direct de nanomatériaux manufacturés en agriculture comme fertilisants, pesticides, etc" : un constat qu'Avicenn a pu dresser de son côté et partage pleinement6.
Ce faux procès se fait parallèlement l'écho de contre-vérités sidérantes... surtout lorsqu'elles sont présentées comme émanant de la bouche de scientifiques comme Claus Svendsen, le responsable de projets européens sur les nanos et l'environnement, notamment NanoFATE (qui évalue leur impact) et [[http://nanofase.eu/ NanoFASE]] (qui travaille sur les protocoles) : "On n'a trouvé aucune évidence du fait que les nanomatériaux présentent plus de risques que les matériaux dont ils sont faits" peut-on ainsi lire dans l'article. Voilà une aberration qui balaie d'un revers de main d'innombrables articles académiques parus dans des revues scientifiques à comité de lecture ! Plutôt inquiétant quand on sait que ces projets européens sont censés apporter des éléments aux instances européennes et nationales de gestion des risques. Après les scientifiques "climato-sceptiques", est-on en train d'assister au coming-out de scientifiques "nanorisk sceptiques" ?
Des propositions concrètes pour avancer
Plutôt que de jeter le discrédit sur des travaux sérieux et nécessaires à la mise en oeuvre d'une vigilance collective, il faut aujourd'hui se donner les moyens de cerner et prévenir les risques encourus.
Trois ONG européennes, ECOS, CIEL (membres associés d'Avicenn) et Öko-Institute ont proposé une "Déclaration sur les déchets contenant des nanomatériaux" rendue publique le 13 avril 2016 et signée par plus de 80 organismes de toute la planète, dont en France :
Nanomaterials in Waste Streams, OCDE, Février 2016 ; le rapport est en anglais, mais ses chapitres ont été traduits et publiés en français isolément en novembre 2015 :
L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et les nanos
L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et les nanos
par MD - Dernière modification janvier 2018 (mises à jour à venir)
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L'ECHA travaille depuis 2011 sur l'évaluation des risques des nanomatériaux au niveau européen, notamment dans le cadre des règlements REACh et CLP.
Depuis 2017, l'ECHA est mobilisée également sur l' l'Observatoire européen des nanomatériaux, un site web public censé regrouper les informations disponibles sur les nanomatériaux.
En savoir plus
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- Nos rubriques Gouvernance et Acteurs
- Nos fiches :
En octobre 2012, l'Echa avait mis en place un groupe de travail (ECHA-NMWG) sur les nanomatériaux chargé de discuter des aspects scientifiques et techniques pertinents pour les processus REACh et CLP et de formuler des recommandations sur les questions stratégiques.
Il s'agit d'un groupe consultatif informel constitué d'experts des États membres, de la Commission européenne, de l'Echa et de parties prenantes accréditées ayant pour mandat de "donner des conseils informels sur toute question scientifique et technique concernant la mise en œuvre des règlements REACh et CLP dans le domaine des nanomatériaux".
Début décembre 2014, le directeur exécutif de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), Geert Dancet, avait précisé avoir demandé à la la Commission européenne d'accélérer le processus et de clarifier les exigences d'information d'enregistrement des nanomatériaux dans Reach, afin que son agence puisse s'assurer que les nanomatériaux sont enregistrés correctement (et ce malgré une réduction prévue des effectifs de l'ECHA souhaitée par la Commission...)1.
La version de mars 2014 du plan d'action continu communautaire de l'ECHA (CoRAP) pour 2014-20162 qui répertorie les substances devant être soumises à évaluation dans le cadre de REACh, prévoyait une évaluation de l'argent (et nanoargent) et du dioxyde de silice par les Pays-Bas en 2014, du fait des inquiétudes concernant l'écotoxicité et le devenir environnemental de l'argent sous forme nano. En décembre 2014, cette évaluation était toujours en cours.
La version de mars 2015 du projet de CoRAP pour la période 2015-20173 prévoit :
une évaluation par l'Allemagne des nanomatériaux d'oxyde de zinc en 2016 puis des nanotubes de carbone à multiples parois (MWCNTs) en 2017 et des nanomatériaux de dioxyde de cérium.
Quels effets des nanomatériaux sur la faune et la flore aquatiques ?
Quels effets des nanomatériaux sur la faune et la flore aquatiques ?
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification mai 2020
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La contamination des eaux par les nanoparticules manufacturées ou leurs résidus entraîne également la contamination des organismes aquatiques comme les algues, les crustacés et les poissons.
Les études sur les effets des nanomatériaux sur la faune et, dans une moindre mesure, sur la flore aquatiques se développent mais beaucoup d'incertitudes demeurent (la salinité ou l'acidité de l'eau peuvent modifier leur toxicité par exemple1) et les préoccupations sont fortes.
On sait déjà que des nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent pénétrer et s'accumuler dans différentes espèces aquatiques, être transférés de génération en génération et remonter la chaîne alimentaire.
Des chercheurs ont mis en évidence le transfert de nanomatériaux de l'eau de mer vers l'appareil digestif des moules2, des algues au zooplancton puis aux poissons qui s'en nourrissent3.
On parle de "bioamplification" : il y a augmentation de la teneur en toxique d'un maillon de la chaîne alimentaire à l'autre :
Quelques exemples d'effets déjà constatés en 20114 :
effets sur les algues : augmentation de la mortalité, retards de croissance, diminution de la photosynthèse et génération d'espèces réactives de l'oxygène
effets sur les crustacés : augmentation de la mortalité, modification du comportement, malformations chez la daphnie, accumulation dans l'organisme
effets sur les poissons : mortalité et perturbation du développement avec apparition de malformations ; le nanoargent notamment peut entraîner des malformations très marquées sur l'embryon de poisson-zèbre5
effets sur d'autres organismes aquatiques :
dégâts dans tout l'organisme de la moule, notamment induction de processus inflammatoires, augmentation de l'expression de gènes impliqués dans la régulation de stress, augmentation de l'activité des enzymes antioxydantes et de la peroxydation lipidique
effets toxiques sur les escargots d'eau douce, les larves de chironomes, les cnidaires et les polychètes : diminution de la nutrition, augmentation du nombre de malformations, stress oxydant, dommages à l'ADN corrélés à une augmentation de la mortalité
effets toxiques sur les amphibiens
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre6.
Même altérées et agglomérées, des nanoparticules (de dioxyde de cérium notamment, utilisées comme agent protecteur anti-rayure anti-UV dans des peintures extérieures) peuvent conserver leur écotoxicité vis-à-vis des organismes aquatiques (des micro-algues dans l'expérience menée)7.
Outre les effets toxiques qu'ils peuvent induire directement, les nanomatériaux peuvent entraîner des dommages indirects mais néanmoins très préoccupants :
Les nanomatériaux ou leurs résidus peuvent traverser la paroi des cellules des plantes ou des animaux et y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie"), ils peuvent jouer un rôle de "vecteurs" et favoriser le transport de polluants (métaux lourds, HAP ou pesticides par exemple)8.
Les nanomatériaux peuvent fragiliser les plantes ou les animaux :
Des chercheurs aux USA viennent de mettre en évidence que des nanomatériaux de zinc et d'oxyde de cuivre, même à faibles concentrations, peuvent rendre des embryons d'oursins plus sensibles à d'autres contaminants9.
D'autres chercheurs allemands et américains ont récemment mis en évidence le fait que des nanoparticules de dioxyde de titane peuvent perturber le système immunitaire de poissons (vairons) et leur résistance aux pathogènes bactériens10, fragilisant ainsi leur survie en cas de maladie.
D'autres études sont menées avec des conclusions également préoccupantes 11
Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, pourraient devenir (encore) plus dangereux : on parle alors d'"effet cocktail" 12. "Les études s'accordent sur le fait que la présence des nanoparticules dans un milieu liquide mène à une accumulation plus importante de polluants dans les organismes. Les risques pour la chaîne alimentaire jusqu'à l'homme sont donc réels, à la fois à cause des nanoparticules en elles-mêmes ainsi qu'au travers de leur rôle de vecteur de contamination" 13.
Écrans UV nanos : un danger pour la vie marine, L'Observatoire des Cosmétiques, 5 septembre 2014 : Des chercheurs espagnols ont ainsi estimé que l'activité touristique sur une plage de Méditerranée durant une journée d'été peut relarguer de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane dans l'eau, et aboutir à une augmentation de 270 nM/jour de la concentration en peroxyde d'hydrogène (une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins) → Résumé vulgarisé en français de l'article suivant : Sunscreens as a Source of Hydrogen Peroxide Production in Coastal Waters, Sánchez-Quiles D and Tovar-Sánchez A, Environ. Sci. Technol., 48 (16), 9037-9042, 2014
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition".
Quels effets néfastes des nanomatériaux sur la santé ?
Quels effets néfastes des nanomatériaux sur la santé ?
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2021
Cette fiche est la troisième partie de notre Dossier Nano et Risques pour la santé. Elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Sommaire :
Fruit de l'évolution, le corps humain s'est adapté à un environnement relativement stable depuis des milliers d'années : il a développé depuis longtemps des mécanismes de défense contre les agressions extérieures. Mais depuis plus d'une cinquantaine d'années maintenant, soit un temps très court au regard de l'évolution, un nombre exponentiel de molécules chimiques de synthèse ont été mises sur le marché, avec pour certaines des effets très néfastes sur notre organisme, qui n'est pas armé pour y faire face. Aux problèmes liés au plomb, au mercure, au DDT, aux perturbateurs endocriniens, etc. viennent désormais s'ajouter des enjeux sanitaires liés aux nanoparticules manufacturées, qui du fait de leur petite taille, peuvent pénétrer dans le corps humain et se diffuser ensuite dans l'organisme... avec des effets encore très mal connus sur la santé humaine pour plusieurs raisons :
il n'y a pas d'études épidémiologiques chez l'homme1 ; les études menées jusqu'à présent ont été effectuées principalement in vitro sur des cellules isolées ou sur des organes mis en culture, plus rarement in vivo chez l'animal : les résultats ne sont donc pas nécessairement généralisables à l'homme ;
les effets des nanomatériaux sont très différents d'un nanomatériau à un autre : ils dépendent fortement des caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux considérés (par exemple, les nanoparticules de dioxyde de titane et de carbone sous forme fibreuse génèrent plus d'effets inflammatoires que les formes sphériques)
les effets des nanomatériaux varient en fonction de l'état dans lequel ils pénètrent dans l'organisme (différent selon l'étape du cycle de vie des nanomatériaux) et des transformations qu'ils subissent dans l'organisme au contact d'autres éléments (notamment les différents fluides biologiques : sang, lymphe, salive, suc gastrique, mucus, etc. dont l'acidité ou la teneur en sel, par exemple, affectent la toxicité des nanomatériaux).
du fait de leur petite taille et des transformations qu'elles subissent au cours de leur parcours dans l'organisme, et malgré des progrès en nanométrologie, les nanoparticules restent difficiles à détecter, à quantifier, à caractériser et à suivre dans le corps humain et jusque dans les cellules.
Dans les poumons, les nanomatériaux peuvent provoquer une inflammation pulmonaire : les macrophages ne parviennent pas toujours à éliminer les nanomatériaux non agrégés et agglomérés, dont l'accumulation peut causer à la longue une inflammation pouvant conduire à certaines pathologies pulmonaires ; les nanotubes de carbone rigides et longs soulèvent des inquiétudes sur leur capacité à provoquer des réactions pulmonaires similaires à celles induites par l'amiante2 (voir aussi plus bas : veillenanos.fr/...AppareilRespiratoire)
D'autres effets toxiques ont déjà été démontrés au niveau du coeur, du foie, de la rate, de l'estomac, des reins notamment3 (oedèmes du foie, lésions du coeur, mastocytes dans les tissus de l'estomac chez de jeunes rats par exemple4).
- Effet des nanomatériaux sur les cellules (cytotoxicité) :
C'est au niveau cellulaire que s'intéressent la majorité des études sur la toxicité des nanoparticules à ce jour ; il s'agit d'observer la survie des cellules après l'exposition.
il a été montré que les nanoparticules peuvent alors avoir des effets sur la morphologie, le fonctionnement et la viabilité des cellules (détérioration du cytosquelette cellulaire, lésions des membranes cellulaires et des mitochondries, interruption de la synthèse d'ATP) ; l'échelle nanoparticulaire permet à la particule d'interagir avec les différents organites de la cellule.
une augmentation du stress oxydant ainsi que des inflammations cérébrales entraînées par des nanoparticules ont également été mises en évidence, or ces deux phénomènes sont susceptibles d'endommager les neurones et d'accélérer les maladies neurodégénératives, telles que les maladies d'Alzheimer ou de Parkinson
les nanoparticules paraissent même capables d'entraîner l'apoptose (le suicide cellulaire) des neurones
L'apoptose des cellules (suicide cellulaire) a été observé sur d'autres types de cellules pour différents types de nanoparticules (dont les nanotubes de carbone, quantum dots, fullerènes, nanoparticules d'or ou de TiO2 )6.
En outre, l'agrégation de nanoparticules au sein d'une cellule provoque en elle-même des mécanismes toxiques.
- Effet des nanomatériaux sur l'ADN (génotoxicité) :
Les nanomatériaux peuvent entraîner des perturbations au niveau de l'ADN (pour rappel, l'ADN humain a une largeur de 2 nm)...
Jusqu'à présent, peu d'études ont examiné la génotoxicité de nanoparticules, un phénomène qui ne détruit pas nécessairement les cellules, mais qui peut conduire à :
des mutations cancéreuses si le dommage n'est pas (ou mal) réparé (les dommages à l'ADN et les mutations sont la première étape vers le cancer : deux ou trois mutations peuvent suffire à déclencher le processus)
des problèmes sur le système reproductif et le développement foetal
Mais les premières études menées ont montré que certaines nanoparticules peuvent endommager directement l'ADN7 : des dommages ont été constatés in vitro (nanotubes de carbone, nanoparticules d'oxyde de zinc) et in vivo (nanotubes de carbone, nanoparticules de dioxyde de titane).
En 2014, des chercheurs du MIT et de la Harvard School of Public Health (HSPH) ont mis au point un outil permettant de comparer la génotoxicité de différentes nanoparticules. Ils ont observé notamment la génotoxicité de nanoparticules d'oxyde de zinc (ZnO - utilisé dans les écrans solaires), d'argent, d'oxyde de fer, d'oxyde de cérium et de dioxyde de silicium8.
En 2019, des chercheurs canadiens ont montré que les nanoparticules d'argent entraînaient des dommages de l'ADN chez les moules d’eau douce9.
En 2020, des chercheur·es français·es ont eux établi que les particules de dioxyde de titane (TiO2), qu'elles soient de taille nanométrique ou microscopique, produisent des dommages génotoxiques sur divers types de cellules, même à des doses faibles et réalistes10.
La génotoxicité peut être le résultat :
de la production de radicaux libres (stress oxydant), la plus fréquemment mise en évidence, y compris à distance de la particule
de la libération d'ions à partir des nanoparticules
de perturbations des fonctions de contrôle du cycle cellulaire (perturbation de la division cellulaire et désorganisation du trafic cellulaire)
de l'interaction des nanomatériaux avec l'ADN ou l'appareil mitotique (lésions ou mutations de l'ADN, perturbation de la ségrégation des chromosomes pendant la mitose - potentiel aneugène)
Beaucoup de questions restent encore très peu explorées et méritent d'être mieux étudiées. Outre les effets cités plus haut, on manque encore cruellement de données sur les points suivants :
- Effet des nanomatériaux sur le système immunitaire ?
Des nanomatériaux peuvent entraîner des effets adjuvants (pouvant induire des réactions d'hypersensibilité ou d'allergie) - dans le cas de nanoparticules utilisées à cette fin dans les vaccins notamment.
Par ailleurs, de nombreuses interactions avec le système immunitaire ont été mises en évidence11 : réactions inflammatoires très fortes, immunostimulation, immunosuppression (par exemple des nanotubes de carbone par blocage des lymphocytes B) ou encore réactions auto-immunes.
Les cellules de l'immunité ne parviennent pas nécessairement à éliminer les nanomatériaux et peuvent elles-mêmes s'en trouver dégradées voire éliminées (ex : apoptose des macrophages).
En outre, la sensibilité aux nanoparticules semble plus forte pour les organismes dont le système immunitaire est défaillant : des nanoparticules de TiO2 ou d'or utilisées à des doses faibles, n'induisant pas d'inflammation chez l'animal sain, augmentent l'hyperréactivité bronchique, provoquent des dommages épithéliaux et une inflammation dans un modèle d'asthme professionnel induit chez la souris. Des observations similaires ont été faites chez des animaux exposés à des nanoparticules de noir de carbone et présensibilisés à un allergène12.
NB : La recherche biomédicale cherche à synthétiser des nanoparticules "furtives", c'est-à-dire non reconnues par l'organisme afin d'éviter une réaction immunitaire, ce qui n'est pas le cas des nanomatériaux utilisés pour des applications industrielles. A cette fin, les chercheurs les enrobent d'un polymère, souvent le poly-éthylène-glycol (PEG). Or, même dans le cas où elles sont synthétisées de cette façon, le problème se pose à long terme de la stabilité de l'enrobage, car ce dernier peut se modifier et s'altérer avec le temps. De plus, une étude a montré la possibilité de production d'anticorps anti-PEG avec un risque de réponse inflammatoire ou anaphylactique13 .
- Effet des nanomatériaux sur les capacités reproductrices et le développement embryonnaire (reprotoxicité) et la descendance
Les dommages à l'ADN mentionnés plus haut peuvent introduire des mutations, pouvant également contribuer à perturber la reproduction et le développement des générations suivantes.
La petite taille et la grande mobilité des nanoparticules permet leur passage dans les organes reproducteurs et à travers la barrière placentaire.
Un certain nombre d'études expérimentales ont montré, chez l'animal, des perturbations du développement embryonnaire14.
Les études concernant le système reproducteur font également état d'une toxicité des nanoparticules pour le système reproducteur mâle (perturbation de la production de testostérone, diminution de la prolifération des spermatogonies, diminution de la mobilité et de la vitalité des spermatozoïdes) et féminin conduisant à une diminution de la fertilité15.
Des nanomatériaux peuvent entraîner des perturbations hormonales (et considérés comme perturbateurs endocriniens ?)16.
Les premières études cherchant à évaluer l'effet des nanoparticules sur la santé du fœtus et de l'embryon et les implications sur la santé de la descendance après la naissance sont particulièrement inquiétants17.
En avril 2020, une analyse de la littérature a de nouveau souligné le manque de données concernant l'impact des nanomatériaux sur la fertilité féminine et le besoin d'études sur leurs effets sur les capacités reproductives18.
- Effet des nanomatériaux sur le cerveau et l'ensemble du système nerveux ?
Encore peu d'études in vivo de toxicité pour le système nerveux sont disponibles, mais les rares études existantes suggèrent que l'exposition in utero et postnatale aux nanomatériaux est possible, avec des changements dans la plasticité synaptique, l'expression des gènes et le neurocomportement19.
Selon une revue de la littérature de 201420, outre les effets sur les cellules neuronales déjà citées plus haut :
des perturbations de l'activité électrique des neurones de souris ont aussi été relevées, avec parfois l'inhibition de réseaux entiers, ce qui laisse présager des perturbations des fonctions de traitement et de transfert de l'information normalement assurées par les neurones
les nanoparticules sont également susceptibles de perturber la synthèse de neurotransmetteurs (les molécules qui assurent la communication entre neurones), notamment la dopamine et la sérotonine, qui jouent un rôle clé dans la régulation du sommeil et de l'humeur
une baisse des capacités locomotrices a été observée chez la souris
enfin, plusieurs expériences en tube à essai ont montré que les nanoparticules peuvent accélérer l'agrégation de certaines protéines formant des fibres dans les neurones ou autour, en particulier les bêta-amyloïdes et alpha-synucléines, qui s'agrègent respectivement dans les maladies d'Alzheimer et de Parkinson ; les nanoparticules pourraient alors entraîner ou accélérer ces maladies ainsi que d'autres pathologies neurodégénératives.
D'autres travaux plus récents confortent ces craintes :
la thèse de Clémence Disdier : Evaluation of TiO2 exposure impact on adult and vulnerable brains, Université Paris-Saclay, juin 2016 : "l'exposition aux NPs de TiO2 induit des altérations fonctionnelles de la BHE et une neuro-inflammation qui pourraient conduire à des troubles neurologiques. L’identification des médiateurs et la description des effets neurotoxiques restent encore à préciser".
- Effet des nanomatériaux sur la flore intestinale ?
Des nanoparticules (argent, zinc, magnésium, titane, ...) sont très utilisées industriellement pour leurs propriétés bactéricides, avec des conséquences inquiétantes sur la flore intestinale.
Une perturbation de la flore intestinale a également été mise en évidence par plusieurs études récentes21.
- Effet des nanomatériaux sur le système cardiovasculaire ?
Les nanoparticules inhalées par l'homme et qui passent à travers les poumons jusque dans le système sanguin, augmentent les risques d'accident cardiaque :
des chercheurs de l'Université d'Edimbourg ont par exemple montré qu'une fois présentes dans le sang, elles ont tendance à s'accumuler sur les vaisseaux endommagés et fragiles des patients ayant déjà été victimes d'un accident cardiaque ; selon Mark Miller, qui a dirigé la recherche publiée en 2017, "un nombre même limité de ces particules peut avoir des conséquences graves"22.
d'autres chercheurs en Italie ont publié en juin 2019 des résultats montrant que l'inhalation de nanoparticules de dioxyde de titane chez des personnes souffrant d'hypertension induit une altération hémodynamique irréversible associée à des dommages structurels cardiaques pouvant conduire à une insuffisance cardiaque23.
- Effet des nanomatériaux sur l'appareil respiratoire ?
La pénétration, la déposition, la translocation et l’élimination pulmonaire des nanomatériaux ont des effets biologiques potentiels sur l’appareil respiratoire (stress oxydant, inflammation, génotoxicité,…).
Les expositions cumulées aux nanomatériaux peuvent entraîner à long terme :
la survenue ou l’aggravation de pathologies respiratoires chroniques (asthme, broncho-pneumopathies chroniques obstructives)24
mais aussi de graves infections pulmonaires comme après exposition à l’amiante ou à la silice2.
- Effet des nanomatériaux sur la chevelure ?
Des dermatologues des Hôpitaux Bichat et Rothschild ont, pour la première fois, observé au Synchrotron soleil la présence de nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) le long de follicules pileux d’une patiente atteinte d’alopécie frontale fibrosante (chute de cheveux en haut du front) qui utilise quotidiennement, depuis 15 ans, des écrans solaires contenant du TiO225.
Quel rôle de vecteur d'autres toxiques ?
Outre les effets toxiques qu'ils peuvent directement entraîner au sein des espèces bactériennes et des cellules dans lesquelles ils peuvent pénétrer, les nanomatériaux peuvent y apporter des molécules extérieures. C'est l'effet "cheval de Troie" ; on redoute donc notamment qu'ils favorisent le transport de polluants - métaux lourds ou pesticides par exemple26, ce qui pose question à l'heure où nous sommes exposés de façon chronique à différents polluants à faibles doses.
Quels effets cocktails ?
Les interactions entre les nanomatériaux et d'autres substances sont difficilement identifiables et maîtrisables ; on parle alors d'"effet cocktail" avec un corpus scientifique qui commence à se constituer sur ceux impliquant des nanomatériaux 27.
Quels mécanismes expliquent la toxicité des nanomatériaux ?
Différents mécanismes expliquent la toxicité des nanomatériaux mais ils ne sont pas tous encore bien compris.
- Libérations d'ions :
Les métaux lourds présentent souvent une toxicité lorsqu'ils sont sous formes d'ions (solubles et biodisponibles). Or, outre leur toxicité propre, les nanoparticules constituent également de potentiels réservoirs d'ions pouvant les diffuser par exemple au contact de l'eau ou en fonction des interactions avec l'environnement et générer une toxicité à distance. C'est le cas en particulier des nanoparticules d'argent, qui libèrent des ions d'argent très toxiques pour les bactéries (sans que cette libération soit le seul facteur de toxicité du nanoargent)28.
- Induction ou amplification d'un stress oxydant :
L'induction d'un stress oxydant est considérée comme un mécanisme majeur dans la toxicité des nanoparticules. Certains types de nanomatériaux (en particulier les oxydes métalliques) peuvent produire des espèces réactives de l'oxygène (ERO ou radicaux libres), des molécules très réactives qui oxydent et dégradent d'autres molécules à leur surface ou induire leur production par des cellules29 ; ces ERO entraînent un stress oxydant, mécanisme indirect de la carcérogénèse. De nombreuses maladies sont associées au stress oxydant observé lorsque la production de radicaux libres dépasse la capacité de l'organisme à les combattre. Les nanoparticules pourraient également amplifier les effets d'un stress oxydant causé par d'autres contaminants : des études récentes ont ainsi montré qu'en présence de nanoparticules, même à faibles doses, l'organisme est susceptible de moins bien réagir au stress oxydant provoqué par la présence de polluants dans l’environnement cellulaire, avec des conséquences non négligeables (mutagénèse, instabilité génomique) potentiellement à l’origine de pathologies variées, et notamment de cancers30.
- Interactions des nanomatériaux avec des protéines :
Lorsqu'elles pénètrent dans un environnement cellulaire, les nanoparticules sont rapidement recouvertes d'une couronne de biomolécules (des protéines, qui forment la "corona") ; la nature des molécules présentes dans la corona est susceptible de modifier le devenir et la persistance de la nanoparticule dans l'organisme ainsi que sa toxicité. L'albumine a par exemple un effet stabilisant sur les nanoparticules tandis que le fibrinogène peut provoquer leur agrégation31. Le système immunitaire réagit différemment selon le type de nanoparticules et de protéines composant leur couronne.
Vers un accroissement des résistances à certains traitements ?
Des nanomatériaux sont utilisés pour leurs propriétés bactéricides, fongicides (toxiques pour les champignons), antivirales32 voire antirétrovirales (VIH et hépatites B pour les nanoparticules d'argent33). Or, leur utilisation massive dans l'industrie soulève des inquiétudes quant aux résistances potentiellement développées par les agents pathogènes34.
Devant tant de signaux d'alerte, des acteurs réclament l'application du principe de précaution
Mener des études supplémentaires ? Lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
Un consensus se dégage clairement dans la communauté scientifique et au-delà sur la nécessité de développer les efforts de recherche au vu des divers effets nocifs déjà identifiés, même en assez faible quantité. De nombreux acteurs ont appelé à la réalisation d'études supplémentaires afin de combler les incertitudes restantes sur les risques sanitaires nanomatériaux. Pour autant, est-ce réalisable dans des délais raisonnables sachant que de nouveaux nanomatériaux toujours plus complexes sont produits et commercialisés chaque jour ? Se pose en outre la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
Les méthodes scientifiques pour approfondir les connaissances sur la toxicité des nanoparticules sont l'objet de débats également. Certains chercheurs recommandent de recourir à des modèles animaux reproduisant des scénarios d'exposition chronique prolongée, pour lesquels les données manquent tant sont nombreux les points qui restent à confirmer et à préciser et qui ne peuvent être totalement éclaircis par des études in vitro35. Avec en arrière-plan l'épineuse question des considérations éthiques sur l'expérimentation animale...
(In)former les médecins et les soignants
La médecine moderne s'est développée en valorisant auprès des médecins la dimension thérapeutique de leurs outils de travail, sans suffisamment les encourager à s'interroger sur leurs éventuels effets toxiques en dehors des effets secondaires présentés par les industriels.
Par ailleurs, notre environnement a considérablement changé depuis un siècle avec une accélération technologique de plus en plus forte et la mise sur le marché de produits contenant des substances chimiques dont la multiplication et la diffusion à grande échélle génère, pour certaines, des effets largement indésirables ; si quelques formations de santé-environnementale ont vu le jour ces dernières années, elles restent rares et optionnelles pour les médecins et pharmaciens.
Sur le terrain, de nombreuses maladies dont on ne comprend pas les causes ("idiopathiques") sont donc très probablement en lien avec des expositions chroniques à ces polluants environnementaux.
Ainsi, constatant que des nanoparticules peuvent provoquer une inflammation (directe ou à distance) sur les cellules ou tissus et dans la mesure où elles sont susceptibles de suivre tout type de trajets (nerveux, sanguins et lymphatiques), des altérations neurologiques non expliquées pourraient par exemple être dues à des nanoparticules.
Les nanoparticules ayant la taille de virus et étant repérées comme des éléments du "non-soi" par le corps, celui-ci met en place des procédés de défense identiques à ceux des maladies infectieuses, pouvant porter gravement à confusion.
Enfin, les différents impacts des nanoparticules sur le système immunitaire et les cellules sanguines pourraient également être à l'origine de nombreux problèmes de santé inexpliqués.
Au-delà du fait que ce type de risque n'est pas pris en compte par les soignants aujourd'hui, la grande difficulté réside ensuite, même en cas de doute, à mettre en évidence... :
d'une part la présence de nanoparticules du fait de leur taille et de leurs possibles migrations
et d'autre part le lien de cause à effet avec la (ou les) pathologie(s) constatées : les tumeurs cancéreuses par exemple ne livrent pas d'indication sur ce qui les a déclenchées, et nous sommes exposés à une grande quantité de substances chimiques, avec des interactions difficilement identifiables et maîtrisables (cf. l''"effet cocktail" 27).
En savoir plus
- Sur notre site :
La rubrique Nano et Santé de notre site veillenanos.fr
1 - Un dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux a cependant été mis en place en France, mais ses résultats ne seront pas connus ni exploitables avant de nombreuses années. Voir notre fiche sur le programme EpiNano
3 - Afssaps (devenue ANSM), Évaluation biologique des dispositifs médicaux contenant des nanomatériaux, Rapport scientifique, février 2011, p 45 : "Les organes les plus souvent touchés appartiennent au système réticulo-endothélial, incluant le foie et la rate, en accord avec l'observation fréquente de la capture des nanomatériaux par ce système. Le rein est un autre organe habituellement touché, puisqu'il a été identifié dans certaines études de toxico-cinétique comme la voie d'élimination primaire pour de nombreux nanomatériaux dont les nanotubes de carbone et les fullerènes" (se référer au document pour les références bibliographiques détaillées)
Aillon, KL et al., Effects of nanomaterial physicochemical properties on in vivo toxicity. Advanced Drug Delivery Reviews, 61 (6), 457-466, 2009
Hussain, S et al., Carbon black and titanium dioxide nanoparticles elicit distinct apoptotic pathways in bronchial epithelial cells, Part Fibre Toxicol, 7, 10, 2010
10 - Cf. TiO2 genotoxicity: an update of the results published over the last six years, Carriere M, Arnal ME, Douki T, Mutation Research/Genetic Toxicology and Environmental Mutagenesis, 15 mai 2020 : cette revue de la littérature scientifique, réalisée par des chercheur·es du CEA, montre que les particules de dioxyde de titane (TiO2), de taille nanométrique et microscopique, entraînent des dommages de l'ADN sur divers types de cellules, pulmonaires et intestinales, même à des doses faibles et réalistes.
Immunotoxicité des nanoparticules, Brousseau P et al., intervention au 83e du Congrès de l'Acfas, Colloque 210 - Présence, persistance, devenir et effets des nanomatériaux dans l'environnement, mai 2015
13 - Cf. Ishida T et al., PEGylated liposomes elicit an anti-PEG IgM response in a T cell-independent manner, Journal of Controlled Release, 122 (3), 349-355, 2007
Maternal exposure to nanosized titanium dioxide suppresses embryonic development in mice, Hong F et al., International Journal of Nanomedicine, 12: 6197–6204, 2017 : "Chez la souris gestante exposée par voie orale aux NPs de TiO2 entre 0 et 17 jours de gestation à des doses allant jusqu’à 100 mg/kg pc/jour, la concentration en Ti augmente dans le sérum de la mère, dans le placenta et dans le fœtus. Des anomalies de poids et de développement squelettique sont également retrouvées dans le fœtus. Ces résultats indiquent que les NPs de TiO2 peuvent traverser la barrière placentaire chez la souris en entrainant des conséquences dans le développement foetal" (résumé du HCSP in Bilan des connaissances relatives aux effets des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) sur la santé humaine, avril 2018)
Hormonal and molecular alterations induced by sub-lethal toxicity of zinc oxide nanoparticles on Oreochromis niloticus, Saudi Journal of Biological Sciences, 27(5) : 1296-1301, mai 2020 : "Zn-ONPs treatment in a doses equal to 1/2 and 1/3 of LC50 can induce hormonal alteration in fish at both cellular and molecular levels. At cellular levels represented in a significant decrease in serum GH, TSH, T3, T4, FSH, LH, E2, testosterone and insulin hormones with a significant increase in both ACTH and cortisol levels with no change in glucagone levels. At the molecular levels there were a significant down regulation in transcriptional levels of GH, IGF-I, insulin and IRA genes"
Silver nanoparticles disrupt regulation of steroidogenesis in fish ovarian cells, Degger N et al., Aquat Toxicol., 4;169:143-151, novembre 2015 : cette étude montre que des nanoparticules d'argent (nAg) peuvent affecter les gènes spécifiques qui régissent la stéroïdogenèse, conférant aux nAg un potentiel de perturbation endocrinienne (cité par la lettre RES-Actus n°15, novembre 2015).
27 - Dans leur grande majorité, les études de nanotoxicologie isolent les substances nanométriques ; rares sont celles qui étudient les effets d'interaction entre substance(s) nanométrique(s) et autres substances pénétrant dans l'organisme, mais on commence à voir apparaître la confirmation d'effets cocktails impliquant des nanomatériaux (la liste qui suit n'est pas exhaustive !) :
Pour plus d'information sur l'effet cocktail, voir :
le rapport State of the Art Report on Mixture Toxicity, 2009, par Andreas Kortenkamp, Thomas Backhaus, et Michael Faust, commandité par la DG Environnement de la Commission européenne
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Les nanoparticules sont expressément mentionnées comme risques émergents dans la Stratégie nationale de santé 2018-2022 rendue publique par le Ministère des solidarités et de la santé fin 2017 : sont prévues des actions sur les sources de pollution qu'elles représentent et la limitation de notre exposition. Reste à voir quand et comment... Avicenn plaide pour apporter rapidement des améliorations au registre R-nano, afin que les professionnels de la santé disposent d'un outil opérationnel pour mieux cerner les expositions, afin de les réduire.
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Rubrique initialement mise en ligne en juillet 2015
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Article mis en ligne le 15 mai 2014 - Dernière modification le 10 juillet 2014
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a rendu public son rapport d'évaluation des risques liés aux nanomatériaux attendus depuis 2013. Ce rapport largement relayé par les médias est maintenant dans les mains des tutelles de l'ANSES. Quelles suites donneront-elles aux recommandations émises par l'agence ?
Depuis 2006, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié plusieurs expertises sur les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux manufacturés ; la dernière analyse concernant les nanomatériaux dans leur globalité remontait à 20101.
En 2012 l'ANSES a confié à son groupe de travail pérenne "nanomatériaux et santé" un travail de mise à jour des connaissances sur ces risques.
Fin avril 2014, le rapport finalisé a été présenté au comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" ouvert à la société civile et auquel Avicenn participe. Il a ensuite été publié le 15 mai sur le site de l'ANSES2.
Il s'agit d'une "revue de la littérature" et non pas de la présentation de résultats de recherches effectuées au sein des laboratoires de l'ANSES.
Le point sur les risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement
Le rapport traite :
- des risques liés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement ; il ne porte donc pas sur les nanoparticules naturelles ou "incidentelles".
- dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et de la santé ; bien que les risques sur les dérives éthiques possibles liées aux mésusages des nanotechnologies (surveillance ou manipulation du vivant notamment) ne soient pas traités en profondeur car hors du domaine de compétence de l'ANSES, ils font tout de même l'objet d'une présentation synthétique - phénomène suffisamment rare pour être signalé.
Des risques préoccupants mais encore difficiles à évaluer
L'ANSES montre que malgré la progression des connaissances scientifiques, les incertitudes restent importantes quant aux effets des nanomatériaux sur la santé et l'environnement.
Elle met en évidence des caractéristiques de danger très diverses - un tableau clinique qui fait "froid dans le dos" selon Pierre Le Hir du Monde3 qui cite parmi les effets répertoriés par l'ANSES de certains nanomatériaux sur les organismes vivants : "des retards de croissance, des malformations ou anomalies dans le développement ou la reproduction chez des espèces modèles", ainsi que "des effets génotoxiques et de cancérogénèse", ou encore "des effets sur le système nerveux central, des phénomènes d'immunosuppression, des réactions d'hypersensibilité et d'allergie".
L'ANSES insiste néanmoins sur la grande complexité à appréhender les situations d'exposition pour l'homme et l'environnement, rendant difficile de mener des évaluations spécifiques des risques.
Sur la base de tests in vitro et in vivo sur l'animal (il n'y a pas de données sur l'homme), le rapport met en évidence la capacité des nanomatériaux à passer les barrières physiologiques et pointe également la toxicité de certains d'entre eux.
Principales recommandations
L'ANSES émet plusieurs recommandations, notamment :
stimuler la recherche pour réduire les incertitudes scientifiques encore très nombreuses, via la mise en œuvre de projets pluridisciplinaires permettant de développer les connaissances sur les caractéristiques des nanomatériaux et de leurs dangers, tout au long du cycle de vie des produits; il s'agit notamment de favoriser le développement d'essais de sécurité pertinents pour évaluer les risques sanitaires des produits contenant des nanomatériaux destinés à être mis sur le marché.
se doter d'outils réglementaires et normatifs pour mieux protéger l'homme et l'environnement : l'ANSES se dit favorable à l'interdiction de certains nanomatériaux dans des produits grand public ! Le faisceau de données disponibles sur la toxicité de certains nanomatériaux apparaît en effet à l'Anses scientifiquement suffisant pour envisager leur encadrement selon la réglementation européenne CLP (règlement de classification, étiquetage et empaquetage des substances et des mélanges) et REACh (substances chimiques). L'Anses a, dans ce cadre, récemment publié des recommandations visant à adapter le règlement REACh à la prise en compte des caractéristiques propres aux nanomatériaux1. Ce cadre réglementaire permettrait de renforcer la traçabilité des nanomatériaux destinés à être intégrés dans les produits de consommation, depuis leur production jusqu'à leur distribution, afin notamment de mieux caractériser les expositions des populations, et permettre de mieux cibler les évaluations de risque à réaliser.
Premiers éléments d'analyse d'Avicenn
Une pression accrue sur les pouvoirs publics chargés de la gestion des risques
Comme le fait remarquer Pierre Le Hir du Monde3, "en 2010, l'agence s'était contentée de mettre en avant "le principe de précaution". Elle va aujourd'hui plus loin, en préconisant d'inscrire les nanomatériaux dans le cadre du règlement européen CLP (classification, étiquetage et emballage) sur les substances chimiques dangereuses.
L'ANSES souligne que "malgré les efforts entrepris en pointillés [par les pouvoirs publics] pour adapter les cadres réglementaires préexistants à cet ensemble hétéroclite et potentiellement infini que constituent les nanomatériaux, l'absence d'évaluations sociale et économique concrètes de leur déploiement continue de se faire sentir" (p.28).
Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'ANSES, est clair : "Dans dix ans, il sera trop tard pour se poser la question de leur encadrement".
L'enjeu est de taille : il s'agit donc de mobiliser les pouvoirs publics afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour ne pas répéter les erreurs du passé, en mettant notamment en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction.
L'ANSES est favorable à des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction pour certains nanomatériaux, notamment :
les nanotubes de carbone,
les nanoparticules d'argent,
les nanoparticules de dioxyde de titane,
les nanoparticules de dioxyde de silice,
les nanoparticules d'oxyde de zinc,
les nanoparticules d'oxyde de cérium,
les nanoparticules d'oxyde d'aluminium,
les nanoparticules d'or
Classer ces nanoparticules comme substances dangereuses aurait pour conséquence la mise en place de mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public.
Cette préconisation sera-t-elle suivie par les ministères de tutelle de l'ANSES ? Si oui, la France pourrait porter le dossier au niveau de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Une question politique : comment financer les études de risques ?
Comment financer les études de risques liés aux nanomatériaux ? Cette question est cruciale mais pourtant largement éludée par les pouvoirs publics ou les industriels. Dans son rapport l'ANSES préconise "la mise en place de mécanismes d'incitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour d'autres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)". Depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par l'intermédiaire d'une taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes.
Cette proposition rejoint celle faite par la société civile concernant la mise en place d'une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants. Une taxe ne serait cependant "pas à la mode" a-t-on entendu lors de la réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" fin avril (2014)...
Quelle autre solution envisager alors ? Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose que "l'argent du Crédit Impôt Recherche, qui est l'argent de l'État, soit utilisé pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Vos avis et suggestions nous intéressent ! Car il s'agit assurément d'un chaînon manquant pour passer des paroles aux actes.
Quid des recherches sur les nanos dans l'alimentation à l'ANSES ?
L'Anses souligne que "la voie orale, peu étudiée jusqu'à aujourd'hui, devrait faire l'objet d'efforts de recherche spécifiques" (cf. p.8).
Problème : malgré cette recommandation, l'ANSES a demandé aux chercheurs de ses propres laboratoires de Fougères et Lyon de finir leurs recherches en cours sur le sujet et de ne pas en lancer de nouvelles.
→ Voir à ce sujet notre lettre VeilleNanos parue en décembre dernier.
Depuis, le tout récent rapport d'activité 2013 du laboratoire de Lyon de l'ANSES publié début juin 2014 a confirmé que son "unité Maladies neurodégénératives (MND) a dû arrêter, à la demande de la direction scientifique des laboratoires de l'Anses, toute recherche sur la toxicologie des nanomatériaux" !
Interrogé à ce sujet par Avicenn le 29 avril 2014, à la fin de la dernière réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", le directeur général adjoint scientifique de l'ANSES avait invoqué un "recentrage" de l'ANSES sur ses domaines d'excellence, qui dans le domaine nano concernent davantage l'exposition par inhalation.
Reste que les recherches sur l'ingestion des nanomatériaux sont aujourd'hui très limitées (principalement au CEA de Grenoble et à l'INRA de Toulouse).
Autres points marquants
Parmi les autres points marquants, Avicenn a relevé les éléments suivants :
Le groupe de travail considère que "la prise en compte du cycle de vie des nanomatériaux est incontournable pour l'évaluation des risques" (depuis la conception jusqu'à la destruction ou recyclage des produits en passant par la consommation). Cette prise en compte passe notamment par "la transmission des FDS [fiches de données de sécurité] tout au long de la chaîne logistique", qui "devrait permettre le suivi du produit au cours de ses étapes de transformations industrielles" (p.27).
Le groupe de travail préconise "une amélioration du dispositif de déclaration (...) afin d'identifier de manière certaine les nanomatériaux manufacturés produits, distribués et importés sur le territoire national" (p.20). Il rejoint ici l'analyse produite par Avicenn le 2 décembre dernier4.
Il recommande également que soient recherchées, "dans le processus de gouvernance des risques des nanomatériaux, la transparence et une participation accrue des publics concernés (associations de citoyens, partenaires sociaux, professionnels de santé, etc.)" (p.70).
Premières réactions au rapport
Un rapport applaudi par des élus écologistes et des professionnels de la santé...
Michèle Rivasi, députée européenne et tête de liste Europe Ecologie pour les élections européennes dans le Grand Sud-Est, a réagi le jour même de la publication de ce rapport, appelant d'urgence à règlementer les nanotechnologies au niveau européen5.
Corinne Lepage, autre députée européenne verte, aurait affirmé que "mettre sur le marché des produits dont on ne peut pas garantir l'innocuité, c'est prendre les consommateurs européens pour des cobayes. Il est urgent d'établir un cadre législatif rigoureux pour les nanomatériaux au niveau européen. L'union européenne doit imposer une évaluation indépendante des effets de ces particules sur la santé et l'environnement"6.
Le 18 mai, William Dab, médecin et épidémiologiste, écrit sur son blog que "le développement [des nouvelles technologies, dont les nanotechnologies] est plus rapide que notre capacité à en évaluer les risques. Ce n'est pas une raison suffisante pour les bloquer, mais cela justifie la plus grande vigilance et des investissements en recherche qui soient à la hauteur des enjeux sanitaires"7.
Le 19 juin, le groupe écologiste du Conseil régional du Centre a soumis un projet de vœux au vote visant à accroître la vigilance s'agissant des nanomatériaux, en s'appuyant notamment sur le rapport de l'ANSES. Il n'a pas réuni la majorité nécessaire pour être adopté 8.
... moins bien accueilli par l'industrie chimique
Selon l'Usine Nouvelle, "les industriels ne digèrent toujours pas les recommandations" de l'ANSES qui pourraient, selon l'Union des industries chimiques (UIC) "nuire aux capacités de compétitivité et d'innovation européenne" 9.
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L'ANSES recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules d'argent
L'ANSES recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules d'argent
Par MD - Brève mise en ligne le 5 mars 2015 - Dernier ajout le 20 mars 2015
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) vient de rendre publics son avis et son rapport d'évaluation des risques liés aux nanoparticules d'argent attendus depuis 2013.
Elle recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules d'argent aux applications dont l'utilité est clairement démontrée. Mais qui va juger de cette "utilité", et comment ?
Dans le rapport qu'elle a publié le 5 mars dernier, lAgence passe en revue les effets sanitaires et environnementaux potentiels des nanoparticules d'argent.
Elle regrette l'insuffisance des efforts de recherche permettant une évaluation des risques sanitaires.
Néanmoins, s'appuyant sur les conclusions de son avis d'avril 2014 relatif aux risques liés aux nanomatériaux manufacturés, l'Anses recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules d'argent aux applications dont l'utilité est clairement démontrée.
L'ANSES "sera t-elle entendue par les industriels ? Et qui sera chargé de dire ce qui est "utile" ?" se demande le 9 mars l'équipe du projet Nesting1 qui milite pour un environnement sain pour les enfants.
Olivier Toma, directeur de l'Agence primum non nocere, a réagi à son tour le 17 mars2: "Va-t-on reproduire avec les nanoparticules le scandale de l'usage immodéré des phtalates ou du Bisphénol A qu'on s'efforce maintenant de chasser des produits où ils étaient largement utilisés ? L'Anses joue les saint Thomas (ou les Ponce Pilate) sur la toxicité éventuelle des nanoparticules sur la reproduction, les gènes ou le cerveau, mais elle ne craint pas l'accusation de désinvolture en reconnaissant que ces substances ont un effet sur l'environnement "avéré par de nombreuses études, en favorisant la mortalité des organismes aquatiques et terrestre, tout en inhibant leur croissance et leur reproduction". Il nous semblait que tout l'effort actuel entrepris dans les voies du développement durable et de la protection de l'environnement, était lié à l'idée, enfin admise, que l'environnement et l'humain ne faisaient qu'un et que toute dégradation du premier avaient des conséquences funestes sur le second !
Alors l'Anses, comme soucieuse de ménager la chèvre (des industriels) et le chou (des consommateurs) accouche de deux recommandations principales.
1/ Elle consiste à renforcer la traçabilité des données et l'information des consommateurs. "L'argent ne figure pas dans la liste des minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires, qu'il soit sous forme nanoparticulaire ou non", rappelle l'Agence. En bref, elle nous dit qu'on peut continuer à empoisonner éventuellement les consommateurs à condition qu'ils en soient dument informés.
2/ Elle recommande la limitation de l'usage des nanoparticules d'argent aux applications dont l'utilité est clairement démontrée suivant un savant dosage où les bénéfices pour la santé humaine contrebalanceraient positivement les dégradations de l'environnement. Ce qui nous ramène au problème de fond : la non prise en compte de l'étroite dépendance de l'une et de l'autre.
Nous en sommes là et nous pouvons nous demander à quoi nous allons aboutir avec des demi-mesures, inutiles s'il n'y a vraiment rien à craindre (ce dont nous doutons fortement pour notre part) et détestables si, comme le prouvent un certain nombre d'études les nanoparticules d'argent sont nocives pour l'environnement et, à terme, pour nous-mêmes."
Dany Neveu, porte-parole de la commission santé environnement d'EELV Aquitaine abonde : "C'est une bonne chose que l'ANSES se préoccupe des effets du nano argent ; mais qui déterminera l'utilité incontournable de cette molécule ? Dans l'état actuel des choses, ce seront encore les industriels qui donneront leur avis, partial. Il conviendrait donc d'interdire complètement l'utilisation du nano argent, tant que des études sérieuses et indépendantes n'auront pas statué sur ses effets collatéraux.
Dans la mesure où c'est un biocide puissant, il peut être suspecté de deux choses :
lorsqu'il est utilisé sous forme de peintures biocides, il peut favoriser les pathogènes les plus résistants qui sont souvent les plus toxiques,
lorsqu'il est libéré dans l'environnement après lavage des vêtements qui en sont enduits, il peut devenir une arme contre la micro faune des cours d'eau, ce qui entraîne des déséquilibres biologiques potentiels dont les effets peuvent se révéler dramatiques sur la santé humaine et environnementale"
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Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux ?
Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux ?
Par MD et DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification juillet 2018
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Une faible proportion des budgets de recherche nano porte sur les risques
De l'aveu même de scientifiques impliqués dans les études de toxicologie et écotoxicologie, évaluer correctement les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux a un coût prohibitif. En janvier 2012, Mark Wiesner, directeur du CEINT (USA) qui étudie les effets des nanomatériaux sur l'environnement, a ainsi résumé la situation : "le nombre et la variété des nanomatériaux est sidérant, il n'y a pas assez d'éprouvettes dans le monde pour procéder à toutes les expériences nécessaires"1. En 2009, des chercheurs ont estimé le coût des études de toxicité à réaliser pour les nanomatériaux déjà existants à 250 millions de dollars au minimum, voire 1,18 milliards de dollars en fonction du degré de précaution adopté, nécessitant entre 34 et 53 ans d'études2.
Quelle est la part des financements à destination des études sur les risques sanitaires et environnementaux des nanotechnologies dans les budgets publics consacrés aux recherches en nanosciences et nanotechnologies ? 5% en 2010 aux Etats-Unis, pas même 3% en Europe entre 2007 et 20133.
Roger Lenglet, dans son enquête "Nanotoxiques" publiée en mars 2014 chez Actes Sud, explique ces faibles pourcentages par "la manière dont les industriels présentent leurs besoins aux conseillers politiques et font valoir les enjeux de leur compétitivité" : le journaliste d'investigation a ainsi recueilli les propos d'un lobbysite "qui arpente les couloirs de Bruxelles pour une firme française" et qui résume ainsi leur argumentation : "Tout ce que vous nous enlèverez pour le donner à la prévention retardera l'Europe par rapport aux concurrents internationaux".
Et en France ? Dans le cadre du plan de relance, 10% des 80 millions d'euros alloués aux projets en nanotechnologies auraient été consacrés à l'étude des dimensions sociales et sanitaires des nanotechnologies4. Restent à préciser les projets concernés, les études menées et les résultats obtenus.
En février 2012, le gouvernement Fillon s'était engagé à développer la recherche publique dans les domaines de la toxicologie, l'écotoxicologie et la métrologie et amplifier la recherche sur les bénéfices-risques, en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie et en réduisant les incertitudes... sans préciser toutefois les moyens financiers qui y seront consacrés5.
En avril 2012, l'Académie des Technologies a recommandé que 5 à 10% des budgets de tous les projets de recherche sur les nanoparticules financés par les pouvoirs publics et les collectivités territoriales soient consacrés à l'étude des risques et aux moyens de les prévenir6.
Les pourcentages cités plus haut sont souvent critiqués pour leur faiblesse : 3 ou 5% c'est peu en proportion7. Mais en valeur absolue, le chiffre de 3% représentait tout de même la modique somme de 90 millions de dollars aux Etats-Unis rien que pour l'année 2010 et 102 millions d'euros publics en Europe entre 2007 et 20133. Entre 2015 et 2020, la somme envisagée par l'Europe avoisine les 200 millions d'euros8.
Fixer des pourcentages par rapport au soutien public à la recherche et développement des nanotechnologies n'est pas nécessairement la façon la plus pertinente de procéder - et ce, d'autant moins que ce soutien est sujet à caution.
Une piste à explorer : consacrer une partie du crédit impôt recherche aux études de risques ? Rien que pour la France, son montant avoisinne les 5 milliards d'euros par an pour une efficacité contestée9. Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose même que "l'argent du Crédit Impôt Recherche, qui est l'argent de l'État, soit utilisé dans sa totalité par les entreprises pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Est-ce aux contribuables de payer ?
Un certain nombre d'acteurs considèrent que le financement des recherches sur les risques liés aux nanomatériaux manufacturés ne doit pas se faire principalement sur fonds publics puisque les nanoproduits commercialisés permettent déjà à des entreprises privées d'engranger des bénéfices. Il y a donc "privatisation des bénéfices" et "socialisation des coûts" comme l'a résumé, en termes économiques, Christian Gollier, Président de la Toulouse School of Economics lors du Colloque "Comment débattre des nouvelles technologies ?" organisé le 8 novembre 2011 par le Centre d'Analyse Stratégique10.
Controverses sur la participation financière des entreprises privées
Les co-financements entre organismes publics et industriels seraient-elles la solution ? Pas de l'avis de tous, comme en témoigne la récente controverse autour de l'annonce en mai 2012 du partenariat entre le Ministère de l'environnement allemand, l'Institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail (BAuA) et le géant de l'industrie chimique BASF autour d'une étude sur les effets des nanoparticules sur la santé. BASF, qui contribuerait à hauteur de 3,5 millions d'euros au financement de l'étude, est aussi l'un des principaux producteurs de nanomatériaux ; des doutes planent donc sur l'impartialité et l'objectivité des futurs résultats11.
En Europe, nombre de projets de recherche sur les risques nano bénéficiant d'euros publics dans le cadre des programme-cadres européens depuis plusieurs années reçoivent également des financements des partenaires privés sans que la question des conflits d'intérêt ait été soulevée à leur endroit. A l'exception notable de la récente polémique entourant l'étude de chercheurs britanniques qui ont prétendu avoir montré que les nanoparticules ne traversent pas la barrière cutanée. Financés dans le cadre du projet européen NAPOLEON, aujourd'hui achevé, mais qui comptait parmi ses membres L'Oréal et BASF... utilisateurs ou fabricants de nanomatériaux, ils ont été critiqués tant sur leur protocole que sur l'objectivité de leur étude12.
En France, des entreprises privées contribuent également au financement de projets impliquant des recherches publiques sur les risques associés aux nanotechnologies, notamment :
le laboratoire NAUTILE (NAnotUbes et écoToxIcoLogiE) étudie la l'écotoxicité des nanotubes de carbone en milieu aquatique. Créé en 2010, il relève du programme Genesis qui porte sur la recherche et le développement de nanomatériaux intégrant des nanotubes de carbone et des copolymères à architecture contrôlée ; l'ANSES (dont l'indépendance est garantie notamment par les déclarations d'intérêt des chercheurs et un financement exclusivement public) a en charge le suivi des données fournies par Arkema, le partenaire privé chef de file du programme, concernant la toxicologie, la métrologie et le cycle de vie des produits ; les partenaires privés participent au financement du programme, qui a reçu également une aide publique de 45,7 millions d'euros d'OSEO pour la période 2008-2013 ; il est prévu un retour d'argent privé au donateur public, avec, "en cas de succès commercial raisonnable", un remboursement par Arkema d'une somme supérieure à la totalité de l'aide reçue (tant sous forme de subvention que d'avance remboursable)13".
Selon des chercheurs français impliqués dans cette démarche, "une structuration de la recherche nécessitant un réseau étroit entre le monde académique et le monde industriel" est nécessaire et "la participation des industriels est essentielle pour développer plus vite des recherches facilitant la fabrication de nano-produits prenant en compte les risques"14.
Il est vrai que les études sur la toxicité des nanomatériaux manufacturés menées jusqu'à présent sont critiquées pour ne porter que sur des nanomatériaux synthétisés en laboratoire et donc différents de ceux qui sont réellement incorporés dans les produits actuellement sur le marché et des résidus nanométriques effectivement relargués dans l'environnement.
Reste à s'assurer que l'implication des industriels ne conduise pas à une orientation par trop marquée des projets et de leurs résultats15. On peut s'interroger par exemple sur le financement sur fonds publics du volet "Economic and Workforce Development" du Labex Serenade mentionné plus haut, visant notamment à promouvoir une formation pour le marketing des nano-produits.
Plus généralement, les attentes des industriels en contrepartie de leur investissement dans la recherche sur la sécurité sanitaire et environnementale des nanos ont été publiquement résumées par deux chercheurs américains en nanomédecine auditionnés par la National science foundation (NSF) américaine : outre des matériaux plus sûrs et de nouvelles applications, figurent parmi les contreparties attendues un accès facilité au marché et de nouveaux droits de propriétés intellectuelles16. Avec quelle redistribution des revenus économiques entre les partenaires privés et publics ? Et quel partage du savoir ?17
Vers un auto-financement par les entreprises ? Avec quels garde-fous ?
Une solution issue de la société civile consisterait à établir une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants.
C'est une idée proposée dès octobre 2009 par l'association Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV) : "la mise en place d'un fond abondé par les industriels du secteur, sans que ceux-ci ne puissent intervenir dans le choix, la conception et le déroulement des études ainsi financées"18.
En avril 2012, douze ONG européennes - dont le Réseau Environnement Santé pour la France - ont demandé la mise en place d'un tel mécanisme d'auto-financement de la gestion des risques associés aux nanomatériaux manufacturés, conforme au principe pollueur-payeur, pour soulager les contribuables et responsabiliser les industriels19.
Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait déclaré que "l'alerte citoyenne (associations, ONG, ...) doit déclencher des études approfondies opérées par des expertises contradictoires et non suspectes d'instrumentalisation par des groupes de pression"20.
En octobre 2012, Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire et membre du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) a défendu cette idée à l'Assemblée nationale : il a plaidé en faveur de la mise en place d'études longues, menées par des chercheurs de façon transparente et publique, indépendante des compagnies... ce qui ne veut pas dire, comme on peut l'entendre souvent, exclusivement sur financements publics. En effet il est "difficile pour l'Etat de financer des études sur tous les produits commerciaux qui sont mis sur le marché"21.
En septembre 2013, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis des préconisations concernant le traitement des nanoparticules par le PNSE322 :
intégrer l'évaluation de leur potentiel dangereux dans le dispositif REACh sous une forme adaptée
envisager un mécanisme stable de longue durée (une taxe parafiscale par exemple sur les volumes de production et d'importation des nanoparticules, y compris dans les nanoproduits - ou une autre modalité de financement dédié) pour financer la recherche et le développement méthodologique sur les expositions et l'identification de leur potentiel dangereux à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences
Dans son rapport d'avril 2014, l'ANSES préconise "la mise en place de mécanismes d'incitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour d'autres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)" : depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par l'intermédiaire d'une taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes23.
Comme l'a souligné la Cour des comptes en septembre 201624, "le « verdissement » de la fiscalité passe par l'internalisation des coûts externes liés aux atteintes portées à l'environnement »". Le souci de ne pas alourdir le poids des prélèvements obligatoires doit être mis en balance avec les coûts indirects qui seront entraînés par les problèmes sanitaires et environnementaux à venir causés par la dissémination à grande échelle des nanomatériaux et de leurs résidus dans l'environnement.
Un mécanisme stable de longue durée (un compte-épargne « nano-safety » proportionnel aux volumes de production et d'importation des nanoparticules des entreprises), à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences ou les produits phytosanitaires sera-t-il examiné par le gouvernement actuel ?
En mars 2017, lors d'un comité de dialogue nano et santé, l'ANSES a également fait référence au Programme national de toxicologie (NTP) américain soutenu par plusieurs agences fédérales américaines, visant à mobiliser des financements publics pour des études sanitaires d'envergure et d'intérêt public sur des sujets marqués par un manque de connaissances scientifiques. Il a notamment pour mission d'évaluer les agents (chimiques, biologiques, physiques) d'importance en santé publique, par le développement et la mise en oeuvre d'outils innovants en toxicologie et en biologie moléculaire.
RISQUES : Plateformes spécialisées sur les risques nano
RISQUES : Plateformes spécialisées sur les risques nano
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification le 10 juillet 2015
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Début octobre 2013 a été inauguré le Pôle nano de l'INRS (l'Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) à Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe et Moselle).
Il regroupe sur 500 m² des activités de recherche et comporte trois zones :
1. une zone d'études toxicologiques (inhalation)
2. une salle propre de classe ISO 5 dédiée aux travaux sur les équipements de protection collective
3. une zone dédiée à l'évaluation de l'efficacité des appareils de protection respiratoire, à l'étude des performances d'instruments de mesure des nano-aérosols et à la caractérisation de l'émissivité de nanomatériaux en poudre.
La plate-forme nano-sécurité (PNS) du CEA à Grenoble
Fin novembre 2013 c'est la Plate-forme nano-sécurité (PNS) du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) qui a été inaugurée à Grenoble. La PNS est spécialisée sur les questions de protection et de sécurité liées à la mise en uvre des nanomatériaux (mesure, intervention et formation).
Cet équipement rassemble 150 professionnels issus du CEA et de l'INSTN qui coopèrent sur le plan national avec l'INERIS, l'INRS, l'INVS, l'INSERM, l'IRSN, le LNE, le CNRS et conduisent également des projets en région avec les CHU de Saint-Etienne et Aix-Marseille, le CNRS Lyon, ainsi que les universités du site grenoblois.
Le bâtiment de 5000 m2 héberge un service médical de santé au travail, un laboratoire de recherche en biologie médicale et des salles de formation.
La PNS bénéficie des financements de la Région Rhône-Alpes (10 M€) et de l'Etat (3 M€) dans le cadre de l'opération Campus, pour un montant total de 17,3 M€.
Parmi les clients de la PNS du CEA : Schneider Electric, Caterpillar, ...
Une plate-forme nano-sécurisée S-Nano dans l'Oise à Verneuil-en-Halatte
L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) s'est dotée, sur le site de l'Institut à Verneuil-en-Halatte (Oise) en Picardie, d'une
dans l'air ambiant par des matériaux et produits tout au long de leur cycle de vie
⇒ Ainsi que l'a rappelé Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes, lors de l'inauguration de la plate-forme de Grenoble, ces installations qui ont pour but de « mieux connaître les nanoparticules et leurs effets ainsi qu'à comprendre et évaluer les risques éventuels qui y sont liés » sont un moyen de « répondre aux attentes de nos concitoyens ». Une véritable coordination nationale de ces efforts et de ces investissements est-elle assurée afin de garantir que les doublons soient évités et que l'argent des contribuables soit utilisé au mieux ?
D'autres plate-formes également outillées "nano" dans le sud est de la France
D'autres organismes ont développé une instrumentation mobilisable pour mieux évaluer les risques nano (parmi d'autres), notamment :
le Centre de recherche et d'expertise Ardevie (INERIS-CNRS-CEREGE) vers Aix-en-Provence : il est dédié à lévaluation du comportement dans le temps des matériaux ou déchets avec nanomatériaux. Elle est constituée de laboratoires (lixiviation, percolation...), de pilotes plurimétriques extérieurs (casiers contrôlés, lysimètres...). Elle propose :
d'identifier la présence de nanomatériaux dans des milieux complexes (fractions lixiviables)
de comprendre le vieillissement/altération de déchets et matériaux contenant des nanomatériaux du fait d'agressions chimiques ou environnementales
de modéliser la géochimie et le transport dans le sol vers la nappe
FRANCE : L'idée de faire financer les évaluations des risques des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent entre à l'Assemblée nationale
FRANCE : L'idée de faire financer les évaluations des risques des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent entre à l'Assemblée nationale
Par MD - 11 octobre 2012
Face aux députés, Gilles-Eric Séralini a défendu avant-hier l'idée de faire financer les évaluations des risques des OGM et des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent.
Mardi 9 octobre, Gilles-Eric Séralini, l'auteur de l'étude de toxicologie sur un maïs génétiquement modifié qui a déclenché une vive polémique fin septembre1 a été auditionné par la Commission du développement durable et la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale2.
Lors de son intervention, le professeur de biologie moléculaire et membre du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) a dépassé le cadre strict des biotechnologies et élargi son propos à l'ensemble des nouvelles technologies, dont les nanotechnologies.
Concernant l'évaluation des risques associés à ces nouvelles technologies, le professeur considère que nous sommes au "Moyen-Age de la science" : "Comment pouvons-nous penser aujourd'hui que tous ces produits qui ne sont pas testés à long terme, comme les nanoparticules et en son temps l'amiante, n'incluent aucun risque ? (...) L'externalisation des risques à long terme des nouvelles technologies est un phénomène commun de notre société. (...) On s'interdit de demander ou de commanditer à nos agences sanitaires des tests à long terme pour des raisons économiques, et même la recherche publique n'a pas de financement pour cela. (...) En tant que scientifique, je ne comprends pas l'argument qui dit qu'on va retarder l'industrie. Je pense qu'au contraire, en triant bien, on aura les bons produits en faveur de la santé et de l'environnement et que l'Etat fera des économies".
Gilles-Eric Séralini a plaidé en faveur de la mise en place d'études longues, menées par des chercheurs de façon transparente, publique et indépendante des compagnies... ce qui ne veut pas dire, comme on peut l'entendre souvent, exclusivement sur financements publics. Comme il est "difficile pour l'Etat de financer des études sur tous les produits commerciaux qui sont mis sur le marché", a souligné le chercheur, c'est à l'industrie de prendre en charge le financement de ces études. Pierre-Henri Gouyon, professeur au Museum national d'histoire naturelle, à l'AgroParisTech et à Sciences Po et également membre du CRIIGEN, était également intervenu dans ce sens la semaine dernière sur France Inter3, en insistant sur le fait que ce sont aux entreprises - et non aux contribuables - de payer, pour des études menées quant à elles dans un cadre public et transparent.
Cette proposition rejoint celles formulées ces derniers mois par différents chercheurs et groupements d'ONG en faveur d'un mécanisme dauto-financement de la gestion des risques associés aux nanomatériaux manufacturés, conforme au principe pollueur-payeur, pour soulager les contribuables et responsabiliser les industriels. L'Avicenn a mis en ligne une fiche sur cette question en septembre dernier4. LIRE AUSSI sur notre site :
- Nos rubriques :
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
par MD - Dernière modification mars 2016
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Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" ("GT pérenne nano") était issu d'une autosaisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Il avait pour mission d'encourager ou de conduire des travaux scientifiques d'évaluation des risques associés aux nanomatériaux.
Résultats attendus
réaliser chaque année une synthèse de l'état des connaissances relatives à l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés pour l'ensemble de leurs usages (le premier (et finalement unique) rapport annuel attendu pour l'automne 2013 a été publié en mai 2014)
Alan Sanh, ANSM, Toxicologie Nanoproduits de santé
Anne Van der Meeren, CEA, Biologie cellulaire
Agenda
Il s'est réuni :
le 9 juillet 2012 ; les 13 et 14 septembre 2012 ; le 19 novembre 2012
plusieurs fois en 2013, 2014, 2015
Arrivé au terme de son mandat en 2015, il n'a pas été renouvelé, contrairement à ce qui avait été initialement prévu par l'ANSES (cf. son rapport de 2014 : "l'Agence a installé, le 9 juillet 2012, un groupe de travail (GT) pérenne « Nanomatériaux et santé - alimentation, environnement, travail » (il a vocation à être renouvelé tous les 3 ans)", page 25).
- les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux testés ont, jusqu'à peu2, été insuffisamment décrites ou de façon trop hétérogène pour pouvoir reproduire les expériences et/ou comparer les résultats entre les différentes études or ces caractéristiques jouent un rôle très important sur la toxicité de ces matériaux, mettant à mal un principe phare de la toxicologie selon lequel "tout est poison, rien n'est poison : c'est la dose qui fait le poison" (phrase du médecin et alchimiste Paracelse a fondé la toxicologie et est très souvent invoquée pour évaluer les risques liés aux substances chimiques de synthèse).
Il n'existe pas encore de tests normalisés : les lignes directrices de l'OCDE, utilisées pour les essais toxicologiques des substances chimiques classiques ne sont pas encore complètement adaptées à l'étude des nanomatériaux3.
→ Ceci étant dit, il ne faut pas "jeter le bébé avec l'eau du bain" : ces études qui montrent des effets toxiques4 ne doivent pas être balayées d'un revers de main sous prétexte qu'elles ne permettent pas d'obtenir d'indications précises sur les mécanismes qui les ont causés.
Les recherches en cours donnent lieu à des améliorations notables.
- les études in vitro réalisées sur des modèles cellulaires sont difficilement extrapolables à l'homme
→ Les nanomatériaux sont testés sur différentes souches cellulaires (humaines, animales, végétales) et sur de nombreux micro-organismes (bactéries, virus, champignons...). Ces études donnent surtout des indications en termes de cancérogenèse et de viabilité cellulaire. Elles ne pourront remplacer totalement les tests in vivo.
- les études in vivo présentent elles aussi des limites : les modèles animaux de toxicité posent des problèmes éthiques et financiers mais également méthodologiques : leur extrapolation à l'homme est certes plus fiable que les tests in vitro mais n'est pas pour autant garantie5.
- les études sont souvent réalisées dans des conditions non représentatives de l'exposition réelle - et pour cause, les applications industrielles n'étant à l'heure actuelle pas bien connues ni quantifiées, elles ne peuvent être qu'estimées. L'exposition "probable" de la population et de l'environnement ne peut donc être, elle aussi, qu'estimée. Sur quels critères ?
pour des questions pratiques, les nanomatériaux testés sont introduits directement dans certaines parties du corps et organes (ex : injections intracérébrales, intra-péritonéales par exemple), selon des modalités qui sont très éloignées des conditions par lesquelles l'environnement ou la population est réellement exposée, empêchant de bien prendre en compte ce qui se passe lors des mécanismes importants qui entrent en jeu "dans la vraie vie" (processus intervenant lors de la digestion / la fermentation / la détoxification par exemple). Des progrès sont néanmoins réalisés en matière environnementale, avec des études réalisées dans des mésocosmes par exemple - d'énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquels est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau6.
les études sont souvent menées sur des périodes bien trop courtes pour refléter les conditions réalistes d'exposition, largement chroniques en l'occurrence (les cas d'accidents sont aussi à prendre en compte, mais selon des configurations bien spécifiques)
les nanomatériaux considérés sont souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux (et résidus de nanomatériaux) auxquels sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines7, souvent plus complexes et mêlées à des éléments issus du vivant. Pour l'heure, les scientifiques ont en effet une connaissance très limitée des types de nanomatériaux qui sont incorporés dans les produits actuellement sur le marché, et a fortiori des résidus de dégradation des nanomatériaux relargués dans l'environnement tout au long du "cycle de vie" de ces produits
les nanomatériaux peuvent se transformer au cours de leur cycle de vie, que ce soit dans l'environnement ou dans le corps humain : de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, comme le degré d'acidité8 ou de salinité9 de l'eau par exemple.
les doses de nanomatériaux testés sont en outre plus importantes que les concentrations auxquelles sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines (notamment à cause des limites des appareils de détection et de mesure utilisés en laboratoire). Toutefois on ne peut écarter l'hypothèse que les effets constatés (ou d'autres) pourraient également intervenir à des concentrations plus faibles ; certains nanomatériaux (de silice notamment) sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses10. En outre les fortes concentrations permettent de simuler des situations de contamination aiguë et ponctuelle (par exemple un déversement accidentel sur un site de production, ou encore en cours de transport). Fin 2019, une étude a par ailleurs montré qu'une fraction importante des nanoparticules testées dans les études de nanotoxicité et de nanomédecine peut rester dans les seringues en plastique utilisées pour doser les nanoparticules ! Cela remet en cause la fiabilité et la reproductibilité des études11...
En avril 2020, une analyse de la littérature a de nouveau souligné le manque de données concernant l'impact des nanomatériaux sur la fertilité féminine et le besoin d'études sur leurs effets sur les capacités reproductives12
La situation s'améliore cependant au niveau méthodologique13. Et à terme, le registre R-Nano devrait faire progresser les connaissances, en permettant de travailler plus précisément sur les nanomatériaux produits ou importés en France.
Mais les incertitudes resteront malgré tout très nombreuses, dans la mesure où pour évaluer le risque, il faut également prendre en compte ce avec quoi les nanomatériaux considérés - ou leurs résidus - vont entrer en contact dans l'environnement (êtres vivants végétaux, animaux, micro-organismes, et autres substances chimiques) et dans le corps humain...
→ On comprend pourquoi en 2009, des chercheurs ont estimé à cinquante années de travail et plusieurs centaines de millions de dollars le montant des études nécessaires pour étudier les risques des nanomatériaux déjà mis sur le marché14 ; des modalités de financement des études de risques associés aux nanomatériaux sont donc à inventer. Le regroupement de nanomatériaux ayant des potentiels de toxicité similaire (read-accross) est une stratégie préconisée par certains acteurs industriels mais il est également contesté tant les écueils méthodologiques sont nombreux15.
Certains scientifiques préconisent de travailler sur des "nanoparticules modèles"16 ; on est donc encore loin d'obtenir des connaissances sur la toxicité et l'éco-toxicité des nanoparticules utilisées par les industriels...
⇒ L'absence de certitudes sur les risques ne doit pas être assimilée à l'absence de risques - ni conduire à l'inaction : il s'agit de ne pas renouveler les erreurs du passé (essence au plomb, amiante, etc.) !
Le Groupe de travail de l'OCDE sur les nanomatériaux manufacturés se penche actuellement sur l'évaluation des dangers et de l'exposition à différents types de nanomatériaux manufacturés et devrait prochainement formuler des orientations à cet égard. Il a suggéré fin 2015 de s'intéresser en priorité aux nanomatériaux manufacturés contenus dans des gaz ou des liquides, pour lesquels le risque d'exposition est plus élevé que pour les solides, dans la mesure où les gaz et liquides se propagent plus rapidement et pénètrent plus facilement dans le corps humain par inhalation ou ingestion17.
Plusieurs projets européens sont dédiés à ces questions, notamment :
Le projet GRACIOUS : "Grouping, Read-Across, CharacterIsation and classificatiOn framework for regUlatory risk assessment of manufactured nanomaterials and Safer design of nano-enabled products", projet de recherche H2020, 2018-2021
Le projet PATROLS : "Physiologically Anchored Tools for Realistic nanOmateriaL hazard aSsessment", projet de recherche H2020
NOTES et REFERENCES 1 - Les différentes raisons ont été soulignées par les agences sanitaires et scientifiques ; voir par exemple Évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et pour l'environnement, Afsset (aujourd'hui ANSES), mars 2010 : "Nombreux sont les travaux toxicologiques et écotoxicologiques analysés au cours de cette étude pour lesquels les travaux de caractérisation sont absents ou incomplets. Cependant, les articles les plus récents tendent à prendre de plus en plus en compte la caractérisation des nanomatériaux étudiés. Les études de cas reposent la plupart du temps sur des études génériques (toxicologie et écotoxicologie) non propres au produit de consommation considéré. La majorité des études sur l'écotoxicité des nanoparticules a été conduite avec des nanoparticules de synthèse et non issues du produit fini considéré. De plus, les concentrations sont si élevées qu'elles ne reflètent pas la réalité de l'exposition environnementale à ces contaminants. L'hétérogénéité des travaux et des effets selon les espèces, les protocoles, les nanoparticules et les doses considérés est à souligner" (p.119).
2 - Des améliorations sont déjà perceptibles. Divers groupes de travail ont tenté de définir les paramètres qui devraient être systématiquement précisés dans tous les articles (et insistent sur le fait que la description détaillée des conditions expérimentales est également indispensable). Dans son édito du 19 août 2012, la revue Nature Nanotechnology a appelé les chercheurs à se mettre d'accord pour définir les informations nécessaires à préciser dans les publications scientifiques afin de stabiliser ce socle de caractérisation que devraient comporter tous les articles de nanotoxicologie. Voir les suites de cet appel dans le numéro de février 2013 de la même revue : The dialogue continues, Nature Nanotechnology, 8, 69, février 2013 : The nanotoxicology community has numerous ideas and initiatives for improving the quality of published papers.
3 - Des travaux sont en cours en vue de cette adaptation. Voir notamment :
10 - Cf. Résultats du programme européen Nanogenotox sur la génotoxicité des nanomatériaux, présentés en français à l'ANSES, lors de la Restitution du programme national de recherche environnement santé travail : Substances chimiques et nanoparticules : modèles pour l'étude des expositions et des effets sanitaires : Dossier du participant et Diaporama, novembre 2013. Et "L'évaluation toxicologique des nanomatériaux doit évoluer, selon un projet européen de recherche", APM International, 14 novembre 2013. Plus généralement, on commence à mieux comprendre l'effet des faibles doses et à s'apercevoir que ces effets peuvent être tout aussi délétères que des doses importantes ou avoir des effets antagonistes en fonction des doses. Les effets-doses viennent complexifier considérablement les recherches en toxicologie. Voir par exemple Le problème sanitaire des faibles doses, Elizabeth Grossman, juillet 2012 ; La seconde mort de l'alchimiste Paracelse, Stéphane Foucart, 11 avril 2013
13 - Un exemple, à titre illustratif : le projet Nanomique développé au CEA en partenariat avec l'Institut Lavoisier (CNRS) de l'Université de Versailles, est une approche de criblage systématique pour définir la toxicité d'une quinzaine de nanoparticules (déjà utilisées dans l'industrie) sur des lignées cellulaires de cancers de poumon humain et sur des tissus pulmonaires cultivés en trois dimensions. Il s'appuie sur une plateforme de criblage (« screening ») à haut débit : un dispositif permettant d'effectuer de très nombreux tests en parallèle sur des cultures de cellules. Il permet ainsi de tester rapidement différentes concentrations de nanoparticules et différents types de cellules. Cf. "Mesures des effets toxicologiques de nano-oxydes métalliques sur cellules humaines in vitro", Chevillard S, in Nanomatériaux et santé - Comprendre où en est la recherche, ANSES, Les cahiers de la recherche, octobre 2015
15 - Voir au sujet du regroupement des nanomatériaux ("grouping" et "read-accross") :
NanoApp, un projet ECETOC, lancé en décembre 2020 ("this tool is used to establish and justify sets of nanoforms and identify poorly soluble – low toxicity (PSLT) nanoforms").
Effets des nanoparticules sur les cellules immunitaires humaines, Denis Girard, IRSST, novembre 2017 : "L’ensemble des résultats démontre clairement qu’il est difficile de classifier les NP strictement selon leur potentiel à modifier l’une ou l’autre des fonctions étudiées. Il est préférable de présenter un tableau plus nuancé dans lequel les effets provoqués par une NP donnée sur la biologie des ÉO humains in vitro doivent être pris en considération pour en éclaircir le mode d’action. Les effets des NP sont donc extrêmement variés et la présente étude vise à démontrer qu’elles n’agissent pas toutes de la même façon."
les travaux du projet européen de recherche NanoSolutions (2013-2017), qui cherche à identifier les caractéristiques des nanomatériaux manufacturés qui déterminent leur potentiel de risque biologique. Il permettra de développer un modèle de classification de sécurité pour ces nanomatériaux, basé sur une compréhension de leurs interactions avec des organismes vivants
"Vers un matériau modèle en nanotoxicologie ?", Rose J et "Mesures des effets toxicologiques de nano‐oxydes métalliques sur cellules humaines in vitro", Chevillard S in Nanomatériaux et santé - Comprendre où en est la recherche, ANSES, Les cahiers de la recherche, octobre 2015
Par MD - DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification avril 2018 - Mises à jour nécessaires
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L'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS) a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur :
la santé,
la sécurité des personnes et des biens,
l'environnement.
L'INERIS a mis en place une "task force nanos" chargée d'animer la thématique et de regrouper les compétences en caractérisation des dangers (éco-) toxicologiques et physico-chimiques, métrologie, sécurité des procédés, évaluation des expositions, analyse des risques chroniques et accidentels.
Fin 2013, l'INERIS comptait une quarantaine de personnes travaillant sur les nanos.
2018 : Publication d'un bulletin bimestriel de veille "nanomatériaux"
L'INERIS s'est dotée, sur le site de l'Institut à Verneuil-en-Halatte (Oise) en Picardie, d'une plate-forme nano-sécurisée S-Nano1 pour renforcer l'expertise et la recherche sur les risques liés aux nanotechnologies.
Cette infrastructure de 300 m2 est composée de quatre laboratoires et de locaux à empoussièrement de nanoparticules contrôlé.
Cette plateforme est dédiée à la métrologie et à la caractérisation des potentiels de danger des nanomatériaux dans le cadre de la sécurité industrielle. Elle doit permettre, entre autres, d'étudier :
Participation à des programmes nationaux, européens et internationaux
En France :
L'INERIS participe au dispositif de surveillance EpiNano pour ce qui concerne l'évaluation des expositions aux nanomatériaux et la métrologie des aérosols aux postes de travail
L'INERIS participe au programme européen NANoREG et coordonne désormais le programme NanoREG II qui réunit 38 partenaires et vise à développer et implémenter des outils à finalité réglementaire, des outils d'aide à la catégorisation des dangers des substances et des outils d'aide à la conception de produits plus sûrs dans une approche substance (dangers intrinsèques), production (sécurité industrielle) et usage (maitrise du cycle de vie).
L'INERIS est également partenaire du projet européen NANOFASE coordonné par NERC (Natural Environment Research Council) et qui vise à comprendre et maitriser le comportement des nanomatériaux dans l'environnement, en proposant une approche intégrée de maitrise des risques.http://nanofase.eu/
L'INERIS pilote le développement de nouveaux protocoles pour l'inflammation et l'explosivité des nanomatériaux dans le cadre du CEN/TC 352, comité technique européen dédié aux nanotechnologies
Au niveau international :
L'INERIS fait aussi partie du groupe d'experts de l'OCDE en charge de stabiliser des documents de référence sur la problématique des nanomatériaux et de définir les outils, moyens d'essais et modes opératoires devant être mis en œuvre pour leur gestion (stockage, valorisation, recyclage).
Des missions d'appui, d'expertise, de formation et de certification
L'INERIS réalise également des missions d'appui (technique, réglementaire), d'expertise (publique ou privée), de formation et de certification.
Guide méthodologique pour l'évaluation de l'exposition professionnelle associée à la mise en œuvre de nanomatériaux
En décembre 2011, il a publié un guide méthodologique pour l'évaluation de l'exposition professionnelle associée à la mise en œuvre de nanomatériaux2 avec ses partenaires (CEA et INRS) : les potentiels d'émission et d'exposition professionnelle aux aérosols lors d'opérations mettant en œuvre des nanomatériaux sont en effet considérés par l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA) comme l'un des principaux risques émergents sur les lieux de travail.
Le Guide propose des recommandations sur les critères de mesure à prendre en compte pour caractériser l'aérosol et le différencier de l'aérosol ambiant (taille des particules, concentration, morphologie, composition chimique, fraction présente dans les voies respiratoires).
Cinq phases sont déclinées :
- les trois premières déterminent si le procédé génère des nanoparticules et confirment la nécessité d'une campagne de mesure
- La quatrième est la campagne de mesure (avec deux niveaux d'approche)
- la dernière consiste à analyser les résultats.
Sa mise en application et un travail d'harmonisation sont en cours au plan européen (évaluation de 6 postes de travail conduite dans la cadre d'un projet européen, création d'un groupe de travail dédié au sein du Comité Européen de Normalisation).
Certifications volontaires : Nano-CERT et Nano-CERT MTD
Pour accompagner les recommandations du Guide et renforcer la sécurité au poste de travail par la formation qualifiante des intervenants (opérateurs, préventeurs sécurité, formateurs et personnels de secours), l'INERIS a été à l'initiative d'une démarche de certification volontaire appelée Nano-CERT3.
Le référentiel a été adopté par un comité de certification constitué du CEA, du CNRS, d'industriels, de représentants des ONG et d'organismes de formation.
Une autre certification volontaire a également été engagée en 2012 sur les meilleures techniques disponibles (MTD) pour la prévention collective des opérateurs4.
Une aide financière pour les PME et ETI qui souhaitent maîtriser les risques liés aux nanomatériaux
Les PME et les ETI qui font appel à l'INERIS bénéficient d'un cofinancement respectif de 50% et de 25% du coût des prestations
relatives aux nanos via le dispositif d'aide financière GERINA (GEstion des RIsques NAnomatériaux) mis en place par BPIFrance et soutenu par la DGCIS (Direction Générale de la Compétitivité Industrielle et des Services).
Le MPS® instrument de caractérisation des nano et microparticules dans l'air ambiant
Le 30 juin 2014, l'INERIS et ECOMESURE ont annoncé5 le développement d'un instrument de caractérisation des nano et microparticules dans l'air ambiant. Ce dispositif de prélèvement, le MPS® (Mini Particle Sampler) est utilisable pour effectuer des prélèvements dans les ambiances de travail, dans le cadre du contrôle des émissions industrielles, pour la gestion de la pollution de l'air intérieur et de la pollution atmosphérique6.
Reste à savoir comment lire les prélèvements, ce qui nécessite une microscopie électronique à transmission (MET).
En 2013, le coût était estimé à 5000 € pour le préleveur et 10 000 € pour le compteur.
Un autre défi reste encore à relever : celui de l'interprétation des résultats, qui nécessite une expertise pointue.
Les résultats du projet NanoFlueGas sur les émissions des déchets nano-structurés dans les procédés d'incinération
L'INERIS, les Mines de Nantes et Trédi, filiale du groupe Séché Environnement ont conduit, avec le soutien de l'Ademe, le projet NanoFlueGas, qui constitue l'un des premiers projets sur la sécurité des nanomatériaux en fin de vie, notamment dans le cadre de la filière incinérative.
Ces travaux exploratoires montrent, d'une part, que la nanostructure de certains déchets peut être transférée dans les émissions brutes en sortie de four qui sont générées par le processus de combustion. D'autre part, les premiers résultats indiquent que les systèmes d'épuration de type filtre à manche font preuve d'une bonne efficacité pour traiter ces émissions contenant des nanos7.
Les résultats d'une étude sur l'émissivité de particules par un nanorevêtement de dioxyde de titane (BTP)
Une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a montré qu'un nanorevêtement de dioxyde de titane existant dans le commerce, une fois appliqué sur une façade de bâtiment, peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux)8, il convient donc dans ces conditions de minimiser le recours aux nanorevêtements.
Source : Emission of titanium dioxide nanoparticles from building materials to the environment by wear and weather, Shandilya, N et al., Environmental Science & Technology, 49(4): 2163-2170, 2015
D'autres études sont en cours dans le cadre du projet Nano-Data12. Lire aussi SUR NOTRE SITE :
L'essentiel pour savoir... et pour agir, dans notre 2 pages d'informations, diffusé auprès des professionnels de santé
Par l'équipe Avicenn - Mise en ligne 21 mai 2019
Avicenn est sollicitée depuis plusieurs années par des organismes de formation des médecins, médecins du travail, infirmiers pour faire le point sur les impacts sanitaires et environnementaux des "nanos".
Avicenn engage en 2019 une information spécifique pour les professionnels de santé : sur la ville de Paris, avec le soutien de la Mairie de Paris, un réseau de médecins, dentistes et tous professionnels de santé est destinataire de cette fiche de deux pages, téléchargeable en cliquant ici et accompagnée de bandes dessinées à afficher à l'attention de leur patientèle :
Vous êtes professionnel de santé sur Paris ? Vous souhaitez relayer l'information ?
Vous pouvez demander votre kit d'information auprès de contact@avicenn.fr
Pour en savoir plus, consulter notre rubrique Nanomatériaux et santé
Lettre ouverte au gouvernement, 12 juillet 2017
Lettre ouverte au gouvernement, 12 juillet 2017
Étiquetage et restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation
après la discussion, place à l'action !
LETTRE OUVERTE A L'ATTENTION DU PREMIER MINISTRE EDOUARD PHILIPPE,
ET DES MINISTRES AGNES BUZYN, NICOLAS HULOT, BRUNO LEMAIRE, MURIEL PÉNICAUD,
STEPHANE TRAVERT et FRÉDÉRIQUE VIDAL
Paris, le 12 juillet 2017
Étiquetage et restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation
après la discussion, place à l'action !
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Alors que les industriels viennent de réclamer à l'Etat un milliard d'euros publics pour les nanotechnologies afin de faire suite au plan « Nano 2017 » [1], nous, associations participant au groupe de travail (GT) « étiquetage et restriction des nanomatériaux » piloté par le ministère de l'environnement [2] avons jugé utile de vous faire part de nos propositions en termes de prévention et précaution autour des nanotechnologies. Cela fait en effet bientôt deux ans qu'a eu lieu la première réunion de ce GT et une dizaine d'années que plusieurs d'entre nous formulons, sur la base de considérations scientifiques, des recommandations concernant l'étiquetage et la restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation sans résultat tangible à ce jour, ni signal clair d'une volonté de prendre des mesures concrètes à court terme.
Pourtant nous sommes tous exposés, le plus souvent sans le savoir, à toutes sortes de nanomatériaux présents dans des produits de beauté, vêtements, aliments, médicaments, détergents, etc. Chaque année en France, près de 500 000 tonnes de nanomatériaux sont importées ou fabriquées sur le sol national (un chiffre officiel bien en deçà de la réalité [3]). Or ces matériaux extrêmement petits, réactifs et largement utilisés présentent des risques pour la santé et pour l'environnement [4] qui suscitent des inquiétudes très fortes. Les alertes sanitaires mises en évidence depuis plus d'une dizaine d'années se confirment. L'INRA et l'ANSES viennent notamment de confirmer le soupçon de cancérogénicité des nanoparticules de dioxyde de titane contenues dans de nombreux aliments, médicaments et dentifrices [5].
Nos organisations ont souligné les questions, inquiétudes et problèmes posés par cet état de fait et proposé des solutions au sein de ce groupe de travail, mais également au sein d'autres groupes et comités ou par écrit [6]. Cela n'a de sens, au-delà de la richesse des échanges et des regards croisés entre « experts » et société civile, que si, intégrant tout ou partie de ces réflexions, le décideur s'en empare et... décide ! Trois mesures concrètes à prendre de toute urgence sont listées en annexe 3 : 1 ) interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane susceptibles d'être ingérées, 2 ) mieux informer les consommateurs et enfin 3 ) assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent.
La mise en place d'une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » est indispensable. Si la recherche d'un consensus est louable, l'ériger en principe conduit à ne rien faire... et donc à favoriser la position d'un groupe d'acteurs minoritaires, les fabricants de nanomatériaux, au détriment de la protection de la santé humaine et des écosystèmes. Sur le sujet controversé des nanomatériaux, à l'instar des débats autour des perturbateurs endocriniens et des pesticides, l'unanimité est en effet impossible. Les récentes propositions du Medef sont, de ce point de vue, édifiantes : ne rien initier ou ne réagir qu'en cas de « crise sanitaire avérée ». Très a posteriori donc et en totale contradiction avec le principe de précaution inscrit dans notre Constitution et qui s'applique pourtant par définition en cas d'incertitude.
Comptant sur la volonté politique de l'exécutif en matière de protection de la santé et de l'environnement, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre et mesdames et messieurs les Ministres, l'expression de nos salutations les plus respectueuses.
David Azoulay (CIEL), Philippe Bourlitio (AVICENN), Michel Dubromel (FNE), Jean-Marc Harmand (ORGECO 54 - FDF), Stéphen Kerckhove (APE), Véronique Moreira (WECF), François Mourgues (C2DS) et Aline Read (CIEAS)
Annexes à la lettre ouverte
Annexe 1 - Fonctions des signataires de la lettre
David Azoulay, directeur du programme Santé environnementale du Center for International Environmental Law (CIEL)
Philippe Bourlitio, président de l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN)
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE)
Jean-Marc Harmand, président de l'Organisation générale des consommateurs de Meurthe-et-Moselle, Familles de France (ORGECO 54 - FDF)
Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement (APE)
Véronique Moreira, présidente de Women Engage for a Common Future France (WECF France)
François Mourgues, président du Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS)
Aline Read, présidente du Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS) Annexe 2 - Détail des mesures concrètes qui doivent être prises sans plus tarder :
1. Interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane présentes dans le colorant E171 utilisé dans des confiseries, biscuits, sauces, plats préparés, médicaments et dentifrices. Cette mesure doit être prise de façon urgente, le temps de mettre sur pied une procédure plus générale d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux en France*.
L'INRA a en effet récemment démontré que le colorant E171, qui contient des nanoparticules, peut entraîner des perturbations immunitaires, des inflammations et des lésions précancéreuses chez les rats. L'ANSES, confirmant la rigueur de cette publication et la valeur des résultats, a rappelé « sa recommandation de limiter l'exposition des salariés, des consommateurs et de l'environnement, notamment en favorisant les produits sûrs, dépourvus de nanomatériaux » [5].
Aussi, en attendant la publication des résultats du groupe de travail « nano et alimentation » tout juste mis en place par l'ANSES sur le sujet et qui ne débouchera pas avant 2018, cette interdiction provisoire constituera une « mesure proportionnée » en phase avec le principe de précaution afin de protéger au plus vite la population, tout particulièrement les enfants et les personnes malades, qui n'ont pas à jouer le rôle de rats de laboratoires en attendant la confirmation des résultats déjà convergents et alarmants.
L'opportunité de lever ou de poursuivre cette interdiction sera ré-évalué(e) en fonction des données obtenues par le GT nano et alimentation de l'ANSES à l'issue de son travail.
* Une procédure d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux permettra plus généralement à terme que les nanomatériaux ne soient plus utilisés à grande échelle dans de nombreux biens de consommation courante en contact direct avec le corps humain, sans que les conditions sérieuses d'évaluation, de régulation et d'information n'aient été réunies.
Une fois la procédure d'autorisation de mise sur le marché opérationnelle, toute mise en oeuvre de nanoparticules / nanomatériaux devra faire l'objet d'une demande et de justifications précises : intérêt économique, intérêt technique ou technologique, intérêt sociétal (utile / futile), risques sanitaires, environnementaux, éthiques, analyse bénéfices-risques...
Une telle approche présente l'avantage évident d'encadrer la commercialisation des nanomatériaux et produits qui en contiennent, de limiter les risques et d'éviter des restrictions d'usages a posteriori.
Elle renforcera en outre la « marque France » non seulement auprès des consommateurs français mais aussi à l'export, car elle sera une garantie inédite d'un point de vue de la sécurité nano.
2. L'information des consommateurs :
L'étiquetage [nano] obligatoire des biens de consommation qui contiennent des nanoparticules manufacturées est une première étape, nécessaire mais pas suffisante pour assurer le « droit de savoir » des citoyens.
L'obligation d'étiquetage existe au niveau européen pour les produits alimentaires, biocides et cosmétiques depuis plusieurs années mais elle est très inégalement appliquée. Aussi demandons-nous à la DGCCRF un meilleur contrôle de l'application de l'obligation européenne d'étiquetage et la publication des résultats des tests attendus depuis fin 2016 / début 2017.
Nous demandons également un élargissement de l'étiquetage [nano] aux autres biens de consommation en France, mesure qu'il s'agira de promouvoir également au niveau européen par la suite. Cet étiquetage est demandé en vain depuis plus d'une dizaine d'années maintenant par la société civile et les agences sanitaires [7]. De leur côté, des fédérations industrielles ont validé une norme ISO pour un étiquetage volontaire [8] - qu'aucune entreprise n'a jamais appliqué. Il est temps de passer des incantations à l'action.
Cet étiquetage doit être accompagné de mesures d'information complémentaires, avec notamment le renvoi au site https://www.r-nano.fr enrichi d'une nouvelle rubrique « accès grand public », sur laquelle devront être présentés à terme, pour chaque produit, un tableau avec des pictogrammes synthétisant l'exposition pour les travailleurs, les consommateurs et l'environnement, ainsi que les risques toxiques et écotoxiques [9] et les précautions d'usage.
3. Assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent, en améliorant les fonctionnalités et l'accessibilité du registre français des nanomatériaux R-nano [10] :
Les travaux du groupe de travail R-nano ont été ralentis depuis la consultation européenne de 2014 sur les mesures de « transparence » autour des nanomatériaux : la perspective (bien que peu probable) qu'un registre européen soit mis en place par la Commission européenne a freiné les réflexions en vue d'améliorer le registre français. En 2016, la Commission a cependant rejeté la création d'un tel registre européen. Il est donc temps de procéder aux améliorations du registre R-nano, pour mieux tirer profit de cet outil français qui a le mérite d'exister mais demeure très difficilement exploitable en l'état.
Des modifications relativement simples de l'outil R-nano permettront d'obtenir la traçabilité de chaque substance déclarée, tout au long de la chaîne de transformation jusqu'aux produits finis (ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui [11]) ainsi que le nombre de travailleurs concernés, sans lesquelles les actions de prévention et les mesures de précaution, bien qu'indispensables, ne peuvent être prises.
Ces chantiers urgents prolongent les orientations du PNSE3 et du PST3 et doivent permettre d'abonder une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » et de réactiver la dynamique interministérielle observée autour du débat public national nano de 2009-2010, mais perdue depuis [12]. Outre les ministères déjà ouvertement impliqués dans le dialogue avec la société civile sur le dossier « nano » (ministères de l'environnement, de la santé, de l'alimentation, de la consommation), nous souhaitons que les ministères du travail, de l'économie, de la recherche s'impliquent davantage dans les discussions auxquelles nous participons. Une « task force nano » doit être remise sur pied et dotée d'un interlocuteur dédié pour dialoguer avec nos organisations.
La France n'a pas attendu l'Europe pour créer le registre r-nano et cette décision pionnière a motivé d'autres pays européens à faire de même. Il est urgent, sur ce dossier sensible et complexe des nanos, de séparer le bon grain de l'ivraie, de faire preuve de transparence et de prendre les décisions de restriction qui s'imposent. Plus largement, il est urgent, y compris pour reconstruire la confiance des citoyens en l'expert et le décideur, de conjuguer précaution et prévention !
Nous restons bien entendu à votre disposition pour toutes précisions sur l'un ou l'autre de ces sujets. Nous considérons, après plusieurs années d'échanges sur toutes ces questions, que l'heure est bien à prendre des décisions qui servent l'intérêt général et qui vont dans le sens de la protection de la santé humaine et de celle de l'environnement.
[2] Le groupe de travail « étiquetage et restriction des nanomatériaux » a été constitué en 2015 dans le cadre du Plan National Santé Environnement 3 ; il a été réuni cinq fois depuis 2015 par le ministère de l'environnement Cf. http://veillenanos.fr/...GtEtiqRestricNano
[6] Cf. Les « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national [voir ci-dessus, point 2]
[7] Cf. page 3 du document « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national mentionné ci-dessus
[8] Cf. Norme XP CEN ISO/TS 13830 - Nanotechnologies - Lignes directrices pour l'étiquetage volontaire des produits de consommation contenant des nano-objets manufacturés, février 2014
[11] Cette recommandation a été également formulée par le feu « GT pérenne nano » de l'ANSES en 2015 : « Le GT estime que cette traçabilité [de la substance tout au long de la chaîne menant à sa commercialisation finale grâce au numéro de déclaration] qui est une information précieuse devrait être possible à obtenir, alors qu'aujourd'hui elle s'arrête au 5ème rang (saisie unique) sans nécessairement atteindre le stade du produit fini ».
Le Monde, 25 août 2017 : "Huit associations ont adressé, le 17 juillet dernier, une lettre ouverte au gouvernement français demandant « la mise en place urgente de mesures de précaution », avec notamment l'interdiction temporaire des nanoparticules présentes dans le colorant E171"
Lettre VeilleNanos n°017 - Version mise en ligne le 11 mai 2017 - Lire en ligne
Par MD et l'équipe AVICENN
Edito
La lettre VeilleNanos évolue*, au gré des priorités de notre association Avicenn qui a beaucoup diversifié et développé ses activités des derniers mois. Nous avons ainsi accru notre présence sur les réseaux sociaux, via nos comptes twitter, facebook, scoopit. En 2016, la parution et la diffusion de notre livre ont également mobilisé une grande part de notre énergie, avec plus d'interventions en régions en appui à des acteurs relais (notamment les ONG) ou pour les médias.
Veillenanos a, de fait, acquis une notoriété et visibilité accrues, de nouveaux acteurs sont devenus membres associés pour mutualiser et enrichir la veille et soutenir nos efforts vers une plus grande transparence et vigilance nano.
Notre veille d'information citoyenne relaie les recommandations et questions de la société civile et nous essayons d'en tracer les impacts sur les politiques publiques et les stratégies industrielles ; ce numéro propose un éclairage détaillé sur le dossier nano et alimentation, dont les tenants et les aboutissants sont importants : il connaît une forte médiatisation depuis un an, notamment en ce qui concerne les nanoparticules contenues dans les confiseries.
Pour autant, les nanoparticules utilisées dans les bonbons ne doivent pas faire oublier les nombreux autres nano-objets qui nous entourent. Lors du débat national de 2009-2010, il avait été question des dérives liées à la multiplication des nano-objets dans toutes sortes de produits (alimentaires mais aussi textiles, cosmétiques, produits d'entretien, phytosanitaires et vétérinaires, peintures, médicaments... sans oublier les objets "high tech" vantés comme "smart" ou "intelligents"). Aujourd'hui, cette préoccupation remonte jusqu'à la Commission européenne : le document Support for 3rd regulatory review on nanomaterials, rendu public en mars dernier, pointe avec justesse qu'en sus des nanomatériaux et nanoparticules au sens strict, il ne faut pas négliger les matériaux dits "avancés" qui déploient aussi pour beaucoup des propriétés spécifiques à l'échelle nano (céramiques & polymères "de pointe", renforcés par des biofibres et/ou des nanocharges, matériaux composites "intelligents", matériaux bio-actifs, nanocapteurs, etc.), qui ne font pas l'objet d'un encadrement spécifique.
Leur essor entraîne des risques trop peu encadrés à ce jour, au motif que les intérêts industriels et commerciaux doivent être préservés. Cet état de fait a contribué à accroître la crise de confiance des citoyens vis-à-vis des acteurs industriels et des institutions publiques, notamment européennes.
Or nul ne peut plus aujourd'hui ignorer à quel point cette défiance citoyenne et ces défaillances dans la protection des populations et des écosystèmes sont dommageables pour l'avenir - non seulement environnemental et sanitaire mais aussi démocratique - de notre pays et de l'Europe !
En 2013, nous publiions notre dossier "Nano et alimentation", socle documentaire mis à jour au fil de l'eau depuis, en support à la veille et à l'information d'associations, de certaines administrations et même d'industriels.
Ce dossier s'est vu largement étoffé depuis juin dernier, suite au lancement de la campagne de l'association Agir pour l'Environnement (APE). Cette dernière, après avoir adhéré comme membre associé à Avicenn, avait en effet révélé l'année dernière la présence de nanoparticules de dioxyde de titane et de silice dans quatre produits alimentaires grand public, mais sans la mention [nano] sur leur étiquette pourtant requise par la réglementation). Nous avions relayé cette information dans notre précédente lettre et la campagne d'APE avait reçu une forte couverture médiatique1.
Le dossier "nanoparticules et alimentation" a continué de connaître de nombreux rebondissements et pris une ampleur inégalée ; la montée en puissance de la mobilisation des associations, les alertes scientifiques et la médiatisation de ce dossier ont conduit le secteur alimentaire et les décideurs politiques à se pencher plus sérieusement sur le dossier.
Retour sur les nombreux épisodes qu'a connu ce feuilleton depuis l'été dernier :
Septembre 2016 : l'autorisation du E171 est renouvelée
En septembre 2016, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a validé la prolongation de l'autorisation de l'additif alimentaire E171.
Le E171 est un colorant très courant de dioxyde de titane, pour partie d'échelle nanoparticulaire2.
L'EFSA a considéré que la littérature scientifique ne mettait pas en évidence de problèmes de santé pour les consommateurs (elle a néanmoins recommandé de nouvelles études sur les effets possibles sur le système reproducteur).
Avicenn a sollicité différents experts pour avoir leur avis sur cette interprétation. Les réponses que nous avons obtenues insistaient toutes sur le très faible nombre d'études menées à ce jour sur le E171 dans des conditions réalistes d'exposition. Autrement dit, l'EFSA a ainsi donné son feu vert à la poursuite de l'utilisation d'un additif très répandu, sans procéder à des tests ni disposer d'études suffisamment nombreuses et solides pour permettre d'évaluer les effets réels de notre consommation cumulée (au quotidien et tout au long de la vie, via les différentes catégories de produits qui en contiennent : aliments, mais aussi médicaments et dentifrices pour ce qui concerne la seule voie orale).
Septembre 2016 - Janvier 2017 : Les associations montent au créneau contre l'utilisation de nanoparticules dans l'alimentation
Pour la troisième réunion du Groupe de travail étiquetage / restriction nano (piloté par le ministère de l'écologie) qui s'est tenue fin septembre, Avicenn a compilé onze mesures demandées par ses membres associés et d'autres acteurs de la société civile ou membres d'instances d'évaluation et de gestion des risques. Parmi ces mesures, figure l'interdiction temporaire dans l'alimentation, les médicaments et les dentifrices des additifs contenant des nanomatériaux dont l'innocuité est sujette à caution (E171 en priorité), afin de remédier au laxisme de l'EFSA - l'idée étant de procéder à un bilan / évaluation après la remise des résultats des travaux du groupe de travail « nano et alimentation » de l'ANSES (cf. infra), pour reconduction (ou non) de l'interdiction.
Début octobre 2016, une dizaine d'associations réunies pour une rencontre interassociative nano à Lille ont toutes exprimé leurs inquiétudes face à l'utilisation de nanoparticules dans l'alimentation : parmi elles, France Nature Environnement, le Comité pour le développement durable en santé (C2DS), Agir pour l'Environnement, la CLCV et le WECF notamment ont de nouveau unanimement dénoncé l'utilisation des nanoparticules dans l'alimentation malgré les doutes sur leur innocuité : ce qui n'a pas d'intérêt nutritif mais est susceptible de nuire à notre santé doit tout simplement supprimé des aliments.
Au moment d'Halloween en octobre, Agir pour l'Environnement a alerté sur la présence généralisée de l'additif E171 (dioxyde de titane) dans les confiseries3.
L'association a fait tester des bonbons "Têtes brûlées" (goût framboise) et des chewing-gums NEW'R de Leclerc ; les résultats publiés en janvier 20174 ont montré, une fois de plus, la présence (non étiquetée) de nanoparticules de dioxyde de titane dans ces produits !
Forts de ces tests confirmant que l'obligation d'étiquetage n'est pas appliquée, des membres d'APE munis de banderoles ont apporté à Bercy un caddie rempli de 200 produits alimentaires susceptibles de contenir des nanoparticules (bonbons, chewing-gums, soupes, mélanges d'épices...) et ont fait remettre une lettre à la Secrétaire d'Etat au commerce et à la consommation réitérant leur demande que soient retirés du marché les produits testés (dont les quatre testés six mois plus tôt, toujours en vente et toujours pas étiquetés [nano]). Cet épisode a lui aussi été largement relayé dans les médias5.
Janvier 2017 : Des risques de lésions précancéreuses selon l'INRA
Hasard du calendrier, le lendemain, vendredi 20 janvier 2017, était publiée une étude de l'INRA sur le E171 aux résultats très préoccupants6 : administré à des rats, l'additif (et particulièrement sa fraction nanométrique) induit en effet un affaiblissement immunitaire au niveau de l'intestin, une prédisposition à l'inflammation dans le reste de l'organisme et des lésions précancéreuses au niveau du côlon des rongeurs ! Ces résultats viennent préciser des inquiétudes fortes déjà documentées scientifiquement. Les scientifiques de l'INRA ont néanmoins refusé de se prononcer sur la généralisation de leurs résultats à l'homme, réitérant un refrain répété en vain depuis des années : "il faudrait mener davantage d'études pour en savoir plus". Pour autant, l'absence de certitudes sur les risques pour les humains ne doit pas être assimilée à l'absence de risques !
(En photo à droite, les deux co-auteurs de l'étude, Eric Houdeau et Fabrice Pierre, INRA)
Les pouvoirs publics entre agitation et lenteur
- Quelles mesures pour minimiser les risques ?
Prévenu à l'avance de la parution de cette étude, le gouvernement a immédiatement saisi l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) afin qu'elle le renseigne davantage sur la dangerosité du E171 pour les consommateurs. Dans son avis rendu début avril 20177, l'ANSES a confirmé que les soupçons mis en évidence sont à prendre au sérieux et qu'il est nécessaire de réaliser d'autres études sur les effets sanitaires de l'ingestion de l'additif alimentaire E171.
Le contraire aurait été étonnant : l'Anses avait en effet proposé en 2016 de classer le dioxyde de titane en tant que substance cancérogène de catégorie 1B8 ("c'est pas une très bonne note" ainsi que le précise Sarah Grosjean, alias Jackie Poulard dans la websérie Cobayes Squad de Générations Cobayes...) Les ministères à l'origine de la saisine (économie, santé et agriculture) n'avaient cependant pas encore réagi officiellement à l'heure de la mise en ligne de cette lettre.
L'ANSES est en train de mettre sur pied un groupe de travail plus largement dédié aux nanos dans l'alimentation, suite à une saisine de ses ministères de tutelle formalisée en octobre 2016. Les résultats de l'expertise initialement attendus pour fin 2017 ne seront pas connus avant septembre 20189.
Comment et quand l'EFSA prendra-t-elle en compte ces nouvelles données dans le cadre de sa ré-évaluation des additifs alimentaires ? Dix jours après la publication de l'INRA mentionnée plus haut, la Commission européenne a demandé à l'industrie de fournir des données complémentaires sur le E171 d'ici le 30 juillet prochain, notamment en rapport avec la distribution de la taille des particules10. Mais devant des députés européens début mai, le directeur de l'EFSA a affirmé que l'étude de l'INRA ne suffit pas, à elle seule, à revenir sur l'autorisation renouvelée par son agence en septembre dernier, et que... oui, vous l'avez deviné, "de nouvelles données sont nécessaires" !
- Et concernant l'étiquetage [nano] ?
La nécessité de mieux contrôler l'application de l'obligation européenne d'étiquetage et de la renforcer au niveau français a été soulignée par Avicenn dans le cadre du Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie ; elle figure en tête des onze mesures qu'Avicenn a compilées en 2016 pour ce groupe de travail.
En novembre 2016, nous avons appris11 que la DGCCRF a lancé des contrôles pour vérifier l'étiquetage de produits suspectés contenir des nanomatériaux ; les résultats devaient être publiés début 2017, mais, selon nos informations, prennent plus de temps qu'escompté.
Mi-février 2017, la ministre de l'environnement, Ségolène Royal, a tweeté qu'elle allait signer un arrêté sur l'étiquetage des nanomatériaux dans les produits alimentaires12 ; soumis à la co-signature d'autres ministères, cet arrêté a été signé juste avant le deuxième tour de l'élection présidentielle et a été publié le 10 mai au Journal officiel13. Aux yeux d'Agir pour l'Environnement, le nouvel arrêté du 5 mai 2017 est au mieux un "rappel à la loi, au pire (un moyen de) gagner du temps à défaut d'agir réellement et sérieusement !". Dans sa version finale, il est vrai que cet arrêté n'apporte rien de nouveau. Mais selon nos informations, une version initiale plus ambitieuse avait été proposée par Ségolène Royal, mais elle a été retoquée en interministériel (deux autres ministères sont cosignataires : le ministère de l'économie et des finances, ainsi que le ministère des affaires sociales et de la santé).
A tout le moins, cet épisode permet de rappeler une nouvelle fois que l'obligation d'étiquetage existe au niveau européen depuis décembre 2014. Elle a été trop longtemps passée sous silence par les fournisseurs et lobbys, et méconnue par d'autres, comme en atteste le communiqué de l'INRA de janvier 2017 qui indiquait malencontreusement que "le E171 n'est pas soumis à l'étiquetage « nanomatériau »". Avicenn en avait informé les auteurs, mais ce message ayant malheureusement été largement relayé14, nous avions demandé à la DGCCRF de rappeler officiellement l'obligation d'étiquetage : notre requête avait abouti à la publication du communiqué "Produits alimentaires : étiquetage obligatoire pour les nanomatériaux manufacturés" le 24 février 2017 sur le portail du ministère de l'économie.
Rappelons ici que fin 2013, l'étiquetage des nano-objets avait également fait l'objet d'une "norme expérimentale XP CEN ISO/TS 13830" approuvée par des industriels, qui se sont bien gardés de se l'appliquer depuis15. Contrairement à ce qui a pu être affirmé selon certains fournisseurs et fédérations industrielles16, il n'y a pas à ce jour de seuil minimum de 50% requis pour l'obligation d'étiquetage des nanomatériaux dans l'alimentation : c'est le Règlement INCO n°1169/2011 qui impose l'obligation d'étiquetage et c'est sa définition du terme "nanomatériau" (sans seuil !) qui s'impose (coupée-collée dans le Règlement Novel Food n°2015/2283), pas celle de la "recommandation" de la Commission de 2011 (qui n'a pas valeur de règlement).
L'argument souvent entendu dans la bouche des acteurs de l'agroalimentaire, "si c'est blanc, c'est pas nano" n'est pas non plus exact : ainsi que nous l'avions pointé dans notre lettre VeilleNanos de juillet 2015, le dioxyde de titane, même blanc, contient une forte proportion de nanoparticules.
A cela s'ajoute l'usage du E171 pour donner un aspect brillant ou vernis aux produits : dans ce cas, la proportion de particules inférieures à 100 nm peut largement excéder les 50% et même monter jusqu'à 100%, comme en attestent des mesures réalisées par le laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) sur les bonbons Têtes Brûlées4 et d'autres produits !
Mais revenons aux risques : suite aux alertes récapitulées plus haut, de plus en plus de voix se font entendre pour condamner les lenteurs de l'appareil administratif : attendre encore et encore d'hypothétiques futures études plus concluantes revient à perpétuer l'inaction à l'oeuvre depuis trop de temps maintenant. Faute de déclinaison concrète et rapide du principe de précaution, c'est la population qui joue le rôle de rats de laboratoires, dans une expérience grandeur nature dont les conclusions risquent de ne pouvoir être tirées que trop tard, comme dans tant d'autres scandales sanitaires. Face à cette situation néfaste pour l'environnement et la santé publique, les associations se mobilisent.
L'été dernier, Agir pour l'Environnement (APE) avait lancé une pétition "Stop aux nanoparticules dans nos assiettes !" ; toujours en ligne, elle a recueilli plus de 48 000 signatures, en écho aux demandes de restriction déjà formulées par la société civile mais aussi de scientifiques et agences sanitaires depuis plusieurs années maintenant17. Des députés européens18 et plusieurs candidats à la présidentielle19 sont récemment venus les appuyer.
L'association APE a également mis en ligne mi-mars 2017 le site http://www.infonano.org qui répertorie fin avril déjà plus de 300 produits alimentaires suspectés de contenir des nanoparticules de dioxyde de titane (E171) et silice (E551)*. Autant de produits qui viennent s'ajouter aux 128 produits alimentaires déjà listés par la "Nanodatabase" danoise (qui recense au total 3000 produits, toutes catégories confondues).
* Pourquoi aussi le E551 ? Non seulement car il s'agit d'un additif très communément utilisé comme anti-agglomérant (dans le sel et préparations alimentaires en poudre), composé quasi à 100% de nanoparticules, mais aussi parce que des études, jusqu'à présent moins nombreuses et/ou (un peu) moins alarmantes que pour le E171, sont venues renforcer les suspicions sur cet additif20.
La revue Que Choisir a quant à elle dénombré 4 000 médicaments mis sur le marché en France contenant du E17121 ! Doliprane, Dafalgan, Efferalgan et les génériques de paracétamol, Advil et les génériques d'ibuprofène, Spasfon, Augmentin et génériques d'amoxicilline, Tahor et Crestor (statines), antidiabétiques, médicaments contre les ulcères et le reflux gastro-sophagien, antihypertenseurs, etc.
Générations Cobayes a choisi de traiter le sujet sur le mode de l'humour, avec le youtubeur Max Bird dans son épisode 6 de la série déjantée "Cobayes Squad" sur les additifs alimentaires, mis en ligne fin mars.
Début avril, France Nature Environnement a également consacré le quatrième volet de ses "dix propositions pour la France" aux perturbateurs endocriniens et aux nanoparticules : "Un affichage clair est nécessaire pour sensibiliser les consommateurs, et à terme inciter l'industrie à se passer de ces molécules. Il est temps d'agir afin de prévenir les risques et limiter l'exposition, en particulier celle des populations sensibles, femmes enceintes, nourrissons et jeunes enfants"22.
Et Agir pour l'Environnement a haussé le ton mi-avril : "L'inaction du gouvernement engage désormais sa responsabilité pénale"23.
Olivier Toma, fondateur de l'agence Primum non nocere®, est lui aussi en colère et reproche aux autorités de ne pas remplir leur devoir. "Comme pour les phtalates, comme pour le bisphénol A, comme pour les pesticides de toutes sortes" il ne faut pas attendre "les catastrophes à venir pour (...) nous débarrasse(r) des nanoparticules et de leurs méfaits". (...) "En attendant et en respect absolu du principe de précaution inscrit dans la constitution de notre pays, nous appelons les praticiens, pharmaciens et établissements de santé à prescrire ou délivrer des médicaments sans nanoparticules aux femmes enceintes et aux jeunes parents et à proscrire les bonbons et aliments industriels qui contiennent du E171"24.
Le principe de précaution ? Bien qu'il soit inscrit dans notre Constitution, il est, si tôt évoqué, balayé d'un revers de main, au nom du principe de libre circulation des biens et des marchandises ! C'est ce dernier qui fait obstacle à la mise en place des onze mesures demandées par la société civile et les agences environnementales et sanitaires et que nous tentons de faire avancer dans le cadre du Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie.
Le livre de Corinne Lepage et Dominique Bourg, Le choix du pire, de la planète aux urnes, paru en février 2017, résume bien la situation : "En fait, le vrai sujet n'est pas le principe de précaution, mais la responsabilité, responsabilité au sens le plus large du terme, c'est-à-dire le fait d'assumer les conséquences de ses choix. Or, avec les nouvelles technologies, qu'il s'agisse des OGM ou des nanotechnologies, à un certain seuil, la dissémination rend impossible la recherche des responsabilités. L'objectif des industriels est de faire traîner les choses en longueur jusqu'à ce que ce seuil soit atteint. Or ce stade me semble atteint aujourd'hui. Les nanotechnologies sont très largement utilisées sans aucun contrôle. Nous vivons dans un système dans lequel le monde industriel invente les règles de son irresponsabilité. On est parvenu à vider la précaution de son contenu et à en faire un principe purement virtuel en faisant croire, comble de l'hypocrisie, qu'il est un obstacle au développement".
Heureusement, malgré le lobbying intense déployé par les fédérations de l'agroalimentaire et de la chimie, les marques, en contact plus direct avec les consommateurs, commencent à adapter leurs pratiques.
Le marché évolue
Plusieurs raisons pouvaient expliquer le silence des marques jusqu'à l'année dernière : réticence par peur de voir les consommateurs se détourner de leurs produits, ignorance (réelle pour certains, feinte pour d'autres), informations incomplètes ou erronées voire déni de la part de leurs fournisseurs et/ou de leur branche professionnelle25.
Société civile, médias et scientifiques ont un rôle important à jouer pour faire évoluer les choses dans le bon sens. Car la population et l'environnement méritent mieux que cela. Les personnes impactées ont le droit de savoir, les fabricants et distributeurs ont le devoir de précaution.
A retenir dans le reste de l'actu nano...
Ci-dessous, une sélection des points saillants des semaines passées et à venir, en Europe et en France.
En bref, en Europe
La révision de la définition européenne du terme "nanomatériau" est annoncée comme "imminente" depuis 2014, mais cette fois-ci, la Commission promet qu'on y est "presque". La Commission annonce qu'elle vise une adoption au second semestre 2017, après une consultation publique de plusieurs semaines. Comme dans le cas des perturbateurs endocriniens, les négociations sur la nouvelle définition des nanomatériaux sont très tendues, car en fonction des critères retenus, beaucoup de matériaux pourraient être concernés ou au contraire sortir du radar des autorités. A suivre avec attention donc !
La révision des annexes de Reach, autre dossier en souffrance (depuis sept ans), devrait elle aussi progresser cet été. Mais le CASG Nano, un sous-groupe européen spécifiquement dédié aux nanomatériaux s'est vu dépossédé de ce dossier ; plusieurs représentants d'Etats membres contestaient sa gestion "peu méthodique" par la Commission. Cette dernière a décidé de traiter désormais directement avec le comité Reach et a promis de soumettre une proposition avant l'été 2017 (dans l'espoir d'être moins critiquée dans ce comité plus docile ?28). Rappelons que depuis plusieurs années, l'industrie chimique refuse de jouer le jeu de la transparence et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : elle multiplie les recours contre les demandes d'informations sur leurs nanomatériaux formulées par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) ; deux ont abouti fin 2016 et début 2017 avec la victoire des fabricants qui se sont réfugiés derrière des arguments juridiques formels29. Cette bataille procédurale se fait au détriment de la protection de l'environnement et de la santé humaine, avec quelles conséquences, potentiellement "catastrophiques" en termes de défiance et de rejet de l'Europe et de ses institutions ?30.
L'Observatoire européen des nanomatériaux (EuOn) est en construction ; une première version devrait être mise en ligne pour l'été. Les internautes pourront à terme y retrouver les informations déjà disponibles ailleurs sur les nanomatériaux. Proposé par la Commission, il est censé compenser la non création du registre européen des nanomatériaux et des produits qui en contiennent demandé en vain et de longue date par de nombreux acteurs (ONG et institutions sanitaires notamment) pour combler notre manque d'information sur les produits nano sur le marché et l'absence d'étiquetage clair et systématique. Les ONG européennes mobilisées sur les nanos ont refusé de participer à son élaboration31, faute de temps, de ressources et d'avoir été entendues : les ONG considèrent en effet que cet "observatoire" est un succédané au registre européen nano tué dans l'uf, et qu'il ne sera pas à la hauteur des besoins en termes de de transparence et de vigilance autour des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux.
Les organisations de la société civile ont également renouvelé leurs appels à une meilleure protection de la santé humaine et de l'environnement par rapport à la dissémination des nanomatériaux et dénoncé, une fois encore, la résistance déployée depuis des années par la Commission européenne. Dans un texte publié en décembre 201632, elles ont notamment réaffirmé le besoin d'une réglementation spécifique aux nanomatériaux concrétisant réellement le principe de REACH "pas de données, pas de marché", de responsabilisation des fabricants sur l'ensemble du cycle de vie des nanomatériaux ou produits en contenant, de transparence sur les données collectées, d'étiquetage des nanomatériaux, d'études sur les impacts sanitaires, environnementaux, éthiques, légaux et sociaux des nanotechnologies, d'une bio-surveillance de l'environnement, des populations et des travailleurs et d'une gouvernance plus inclusive et participative, avec une meilleure prise en compte des recommandations des ONG.
En bref, en France
Le Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie se réunira le 30 mai prochain, pour la cinquième fois depuis sa création ; deux réunions ont eu lieu depuis notre dernière lettre, en septembre et en novembre 2016. Avicenn y participe et a compilé onze propositions. Le MEDEF a également communiqué des propositions au ministère, sans les partager avec le reste du groupe à ce stade.
Le 4 octobre 2016 à Lille, une rencontre interassociative a réuni différents acteurs de la société civile impliqués dans le dossier nano, notamment Agir pour l'environnement (APE), le Collectif citoyen nanotechnologies du plateau de Saclay, la CFDT, CIEL la CLCV, le C2DS, France Nature Environnement (FNE), Générations Cobayes, Sciences citoyennes, Women in Europe for a common future (WECF). L'essentiel en vidéo (6 minutes) est accessible en cliquant sur la photo à droite. Le compte-rendu complet et l'intégral des vidéos des interventions sont réservés aux adhérents (en ligne ici). Quelques mois plus tard, les acteurs industriels et institutionnels ont débattu à Lille des conditions de la confiance, loin d'être réunies dans le contexte actuel.
Les observatoires régionaux des déchets auront accès aux informations du registre R-nano, pour l'exercice de leurs missions et dans la limite des informations correspondant à leur domaine d'expertise, grâce au décret n°2017-765 signé in extremis par la ministre de l'environnement Ségolène Royal le 4 mai 2017.
Nous vous invitons à consulter la "une" de notre site http://veillenanos.fr où nous compilons les actualités nano que nous n'avons pas la place ni le temps de développer dans cette lettre, et où vous trouverez également notre agenda nano régulièrement mis à jour.
Vous pouvez également suivre nos comptes twitter, facebook et scoopit !
Soutenez notre association et bénéficiez d'informations complémentaires !
Une part importante de notre attention sera consacrée dans les mois qui viennent au suivi des dossiers nano pour lesquels des évolutions fortes sont attendues en 2017, notamment les questions de définition, d'enregistrement et traçabilité (améliorations du registre R-nano en France, de l'encadrement des nanomatériaux dans REACH et mise en place de l'Observatoire européen des nanomatériaux (EuOn) au niveau européen).
Nous prévoyons d'ici fin 2017 une quinzaine d'interventions en réponse à des demandes d'acteurs régionaux en plus des réunions des groupes de travail nationaux (au ministère de l'environnement, à l'ANSES). Avicenn a ouvert une nouvelle rubrique dans laquelle elle mettra à disposition de ses adhérents et membres associés des documents ciblés, notamment des comptes rendus de ces réunions et groupes de travail nano. Avis aux intéressés : invitez votre organisation à devenir membre associé d'Avicenn pour pouvoir en bénéficier !
Et pour soutenir notre veille citoyenne, nous lançons un appel aux dons, nécessaires pour nous permettre de continuer nos activités entre deux subventions.
L'essor des nanotechnologies suscite de "maxi défis" pour notre "nano équipe" dynamique et volontaire, mais toujours précaire. Merci à ceux d'entre vous qui peuvent nous aider dans nos efforts pour assurer cette veille transversale, mutualiser et diffuser l'information, construire des ponts entre les différents acteurs afin de concrétiser la vigilance nano !
Avicenn a eu le plaisir de voir grandir le nombre de ses membres associés en 2016 et début 2017 : dix-sept organisations - très diverses - ont déjà adhéré à Avicenn en tant que membres associés ; par ordre historique d'adhésion :
1. Centre Médical Interentreprise Europe (CMIE)
2. Le Collectif citoyen Nanotechnologies du Plateau de Saclay
3. Sciences et Démocratie
4. Sciences Citoyennes
5. APAVE Sud Est
6. OFI Asset Management
7. Center for International Environmental Law (CIEL)
8. Agir pour l'Environnement (APE)
9. European Environmental Citizens' Org° for Standardisation (ECOS)
10. Générations Futures
11. Comité Départemental de Protection de la Nature et de l'Environnement du Loir et Cher (CDPNE)
12. Génération Cobayes, Non, Merci
13. Institut National de l'Environnement industriel et des risques (INERIS)
14. Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE)
15. Le Réseau Santé Environnement (RES)
16. ZeroWaste
17. UFC Que Choisir
Faîtes commes elles et rejoignez-nous ou, à défaut, faîtes un don !
Vos préférences pour la lettre VeilleNanos ?
*Vous souhaitez nous faire part de vos commentaires ou suggestions sur le format et/ou le contenu de la présente lettre ? Nous accueillons vos remarques à l'adresse redaction@veillenanos.fr !
Risk Analysis of Nanomaterials: Exposing Nanotechnology’s Naked Emperor, Miller G et Wickson F, Review of Policy Research, 32(4) : 485, juillet 2015
L’"analyse des risques" utilisée par les autorités pour encadrer le développement des nanotechnologies est inopérante. C’est le constat sans appel que dressent deux spécialistes en études des sciences et des techniques, Georgia Miller et Fern Wickson dans un article de la Review of Policy Research publié en juillet 2015.
Alors que les nanotechnologies sont souvent présentées comme vecteurs de la prochaine "révolution industrielle", l’analyse des risques leur apparaît non seulement bien peu "révolutionnaire" mais surtout inadaptée aux enjeux à la clef.
Reprenant la métaphore filée dans le conte dAndersen Les habits neufs de l’empereur, les auteurs rapprochent la suprématie accordée à l’analyse des risques en matière de gouvernance des nanotechnologies à la déférence excessive portée à l’empereur du conte par ceux qui l’entourent. Petit rappel : à la fin du conte, l’empereur se promène nu en public, persuadé par deux charlatans que les habits exceptionnels qu’ils lui ont fournis ne sont pas visibles des sots ; seul un enfant s’exclame "le roi est nu ! ", confirmant ce que tout le monde pensait sans oser le dire, de peur de passer pour des imbéciles.
L’empire nano, disent en substance les auteurs de l’article, est incroyablement foisonnant et se développe de façon anarchique. Rappelant que les nanomatériaux manifestent des propriétés physico-chimiques et biologiques inédites et pour certaines imprévisibles, elles soulignent aussi les défis sans précédent auxquels se heurte la communauté scientifique en matière de métrologie, de caractérisation et d’évaluation de l'exposition aux nanomatériaux des écosystèmes et des personnes.
Pourtant à ce jour, regrettent-elles, seules des mesures non contraignantes ont été adoptées pour encadrer le développement des nanotechnologies : entre autres outils d’autorégulation, se trouvent quelques "codes de conduite" et programmes parrainés par l'État visant à promouvoir l’engagement du public ou le dialogue entre parties prenantes, ou encore le développement de nouveaux concepts de gouvernance comme celui de "recherche et innovation responsables" (RRI).
Le seul "empereur " auquel ait été donné le mandat de contrôler cet empire nano est l’analyse des risques. Pourtant, l’inadaptation de cette méthode aux technologies émergentes a été mise en évidence depuis plusieurs années par un certain nombre de spécialistes, signalent les auteurs qui les rappellent brièvement, références bibliographiques à l’appui, avant d’examiner plus spécifiquement les lacunes de l’analyse des risques dans le cas précis des nanomatériaux.
Les lacunes de l’analyse des risques pour les technologies émergentes
Les auteurs soulignent que des travaux de recherche ont déjà mis en évidence la façon dont l’analyse des risques, sous l’apparence objective d’une analyse quantitative dite bénéfices / risques (ou coûts / avantages), véhicule des valeurs et croyances fortes et tenues pour universelles par ses promoteurs alors qu’elles sont en fait largement peu scientifiques et largement discutables.
L’analyse des risques associe souvent le développement des sciences et technologies au progrès et à la prospérité. En filigrane, le développement technologique et la commercialisation des innovations sont considérés comme absolument inéluctables et souhaitables ; vecteurs de croissance économique, ils seraient nécessairement synonymes de progrès social, et il serait donc normal de les promouvoir.
A l'inverse, les revers du développement technologique sont présentés comme incertains, les éventuels risques associés aux innovations sont perçus comme pouvant être maîtrisés via une application rationnelle de l’évaluation quantitative des risques.
Autrement dit, il y a (sur)valorisation des bénéfices escomptés des technologies et minimisation des risques qui y sont associés.
L’incertitude des dangers est largement soulignée, alors que les promesses de bénéfices sont considérées comme devant inéluctablement se réaliser. Bien qu’hypothétiques, les bénéfices affichés suscitent une politique généreuse de soutien à l’innovation, qui échappe en grande part à toute évaluation objective et débat contradictoire pourtant nécessaires dans une démocratie.
A cela s’ajoute le fait que l’analyse des risques se limite aux seuls risques toxicologiques, sans prendre en considération les questions relatives à leur efficacité et rentabilité, à leurs utilisations militaires, au respect de la vie privée et des libertés civiles, à leur durabilité, ainsi que les enjeux en termes d’équité, de propriété intellectuelle et de bioéthique. Autant d’aspects balayés d’un revers de main par la petite minorité qui possède le pouvoir de décider si, et comment, des technologies doivent être commercialisées, sans que le reste de la population ait eu son mot à dire.
Les problèmes de l’analyse des risques dans le cas spécifique des nanomatériaux
Les auteurs distinguent six problèmes spécifiques aux nanomatériaux qui empêchent une analyse des risques adéquate dans leur cas précis :
1. la faiblesse de l’appareil réglementaire : la grande majorité des nanomatériaux utilisés dans les produits commercialisés n’ont pas fait l’objet d’une évaluation des risques adéquate ;
2. l’absence de consensus sur la définition des nanomatériaux, du fait des pressions des industriels ;
3. le manque de méthodes, d’instruments et de tests standardisés pour évaluer les risques des nanomatériaux, ainsi que l’influence prépondérante des industriels dans les instances de normalisation ;
4. le manque de certitudes scientifiques : l’évaluation des risques des nanomatériaux est extrêmement complexe en soi, et devient encore plus délicate lorsque l’on considère le cycle de vie des produits qui en contiennent, puisque les caractéristiques des nanomatériaux qui influent sur leur toxicité peuvent se modifier en fonction du pH, de la salinité ou dureté de l’eau ou de la présence de matière organique ;
5. le manque d’information fiable sur leur utilisation commerciale ;
6. les obstacles à la réduction de l’exposition des travailleurs, particulièrement ceux, faiblement rémunérés, chargés de la manutention, de l'emballage ou du transport des nano-produits, ou du nettoyage et de l'entretien.
Comme l’enfant du conte d’Andersen, les auteurs attirent l’attention sur le fait que l'impériale "analyse des risques" est nue, alors que personne ne semble avoir le courage de l'admettre par naïveté, de peur d’être taxé d’"anti-science" ou "anti-progrès", ou par conflit d’intérêts. Au sein des gouvernements, de l'industrie et de la communauté scientifique, beaucoup de personnes promeuvent les nanotechnologies comme facteur essentiel de la compétitivité économique, scientifique et militaire car elles se sont engagées dans la course nano et craignent de perdre leur suprématie si l’analyse des risques était remise en cause, et avec elle la croissance de ce secteur.
Dans le conte d’Andersen, l'empereur continue de marcher à travers la foule, conscient qu’il est nu mais faisant comme si de rien n’était. Mais lorsque la santé publique et l’environnement sont en jeu, il ne peut être question de s’accommoder de faux-semblants.
Jusqu'à présent, les gouvernements se sont contentés de promettre davantage de soutien public en faveur des recherches visant à réduire les incertitudes et à renforcer l'évaluation des risques.
De telles démarches sont certes nécessaires mais trop limitées selon les auteurs, qui insistent sur le fait que l'incertitude, l'ambiguïté et l'ignorance qui entourent les risques associés aux nanotechnologies ne pourront pas être réduits au fil du temps.
Face à ce constat, G.Miller et F.Wickson préconisent donc d’aborder la prise de décision sous un autre angle. Les débats publics ont malheureusement tendance à être enfermés dans une approche bénéfices / risques et à se limiter à la seule réglementation des risques, sans articulation directe avec l'élaboration des politiques. Les auteurs les décrivent comme construits en vue de favoriser l'acceptation du public et d’éteindre la controverse. Ce-faisant, les autres enjeux sociétaux sont escamotés.
Les auteurs militent pour l’adoption d’une approche plus large, qui intègre à la fabrique des décisions, outre les données scientifiques, un débat sur les valeurs sociales et les objectifs à poursuivre collectivement, plus large que le seul cadre économique. La question des défis majeurs qui se posent à notre société et à l'environnement doit être abordée, en lien avec le choix de civilisation que l’on souhaite favoriser, afin d’analyser dans quelle mesure certains domaines de la science et du développement technologique ont le potentiel d’y contribuer.
Une telle approche offre l’avantage de permettre l'exploration et le développement des politiques d'innovation mais aussi ceux des réglementations, d’élargir l’évaluation des technologies en les rattachant à des objectifs définis collectivement et en prenant en compte les incertitudes scientifiques.
La concrétisation d’une telle approche peut sembler relativement irréaliste et bien éloignée des conditions actuelles dans lesquelles s’exercent l'innovation technologique ou l'élaboration des politiques publiques. Pourtant elle s’inscrit en phase avec un concept en plein essor : celui de "recherche et innovation responsables" (RRI), apparu récemment en réponse aux défis posés par les technologies émergentes comme les nanotechnologies.
Parce qu’elles bouleversent les schémas classiques de gouvernance et dépassent nos capacités d’anticipation et de contrôle des interactions et des effets de ces technologies, les nanotechnologies et les technologies émergentes demandent le développement de nouveaux outils. Une RRI, pour être pleinement "responsable" ("responsible") doit être attentive ("care") et "répondre" aux besoins ("responsiveness") ; elle doit ouvrir le débat sur les aspirations, les normes et les hypothèses qui influent sur la recherche scientifique, les trajectoires technologiques et les futurs souhaitables.
Tout un travail reste à mener pour voir comment une telle approche peut être déclinée et mise en uvre d’un point de vue pratique malgré les pressions politiques et économiques, comment fonder sa légitimité, et enfin comment elle peut être évaluée.
→ Ces propos de chercheuses anglophones rejoignent celui que l’historien François Jarrige déploie dans son ouvrage Technocritiques, paru aux éditions La Découverte en 2015 également.
Rappelant qu’aucune innovation n’est inéluctable, il déconstruit la rhétorique des "techno-optimistes", celle d’un progrès intrinsèquement associé à l’innovation technologique et qui disqualifie les critiques présentés comme réactionnaires ou passéistes. Il appelle de ses voeux une réappropriation démocratique des sciences et techniques, en favorisant la prise en compte des besoins et attentes de la population. "Il faut trouver les ressources pour sauver le progrès de ses illusions progressistes, car seul l’horizon d’un progrès peut nous faire agir, mais ce progrès doit être dissocié du changement technique car celui-ci ne peut plus être le seul étalon de mesure du bonheur des sociétés" (p. 348-9). A bon entendeur...
Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons Vigilants !
Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons Vigilants !
Notre livre est paru aux Editions Yves Michel début 2016.
En février 2018, le 1er tirage des 4000 exemplaires avait trouvé un lecteur, un 2ème tirage a donc été effectué.
Vous pouvez l'acheter ici.
Les nanomatériaux sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne. Comment les repérer et quels sont leurs risques ?
Sel de table, plats préparés, dentifrice, crème solaire, pneus, électroménager, peinture, engrais et pesticides : les industriels intègrent désormais des nanomatériaux dans de nombreux produits. Or, leurs impacts sanitaires et environnementaux sont encore insuffisamment connus et des effets néfastes très préoccupants ont déjà été mis en évidence, notamment en laboratoire sur des cellules végétales, animales et humaines. Leur dissémination à large échelle est problématique. Pourtant, aucune réelle restriction n'est aujourd'hui mise en oeuvre par les pouvoirs publics qui encouragent même les industriels à accélérer leur commercialisation via des financements conséquents. Il n'y a pas de traçabilité ni d'étiquetage fiables : il est impossible d'identifier l'immense majorité des produits commercialisés contenant des nanomatériaux.
Consommateurs, pouvoirs publics, acteurs mobilisés sur les questions de santé et d'environnement, entreprises confectionnant des produits en s'approvisionnant auprès de fournisseurs extérieurs : il est urgent de s'informer et d'être vigilants !
12 x 22 cm - Collection Société civile - 7 €
Réalisé par Avicenn avec le soutien du ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie, de la Fondation de France, du Centre Médical Inter-Entreprises Europe (CMIE) et du Conseil régional Rhône-Alpes.
Nous documenterons progressivement les questions qui nous reviennent, certaines ayant un début d'analyse sur notre site, d'autres à documenter. Pour prolonger votre lecture, faites le maximum pour rendre le sujet audible sur vos sites internet, citoyens, associatifs et professionnels, et merci de nous en faire un retour.
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout septembre 2020
Cette sélection de documents initialement compilés pour réaliser notre dossier Nano et Alimentation est périodiquement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Elle est classée par type d'acteurs (recherche, industries, pouvoirs publics, ONG, ...), afin de permettre aux lecteurs de contextualiser l'information qu'il y trouvera. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
"Ouvrir le droit à la diversité des risques en matière alimentaire et restaurer la confiance par une meilleure visibilité des risques existants", Arnaud F in Les risques invisibles, Riseo, février 2018
"Nanoparticules et barrière intestinale : comprendre les mécanismes de franchissement" : Diaporama, Carrefour de l'innovation agronomique (CIAG), novembre 2012 ; Article académique, E. Houdeau (INRA), Innovations Agronomiques, 24, 105-112, 2012
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et Organisation mondiale de la Santé (OMS) :
projet de document présentant les initiatives et activités relatives à la gestion et à l'évaluation des risques des nanotechnologies dans l'alimentation et l'agriculture, juin 2012
- "L'alimentation à l'heure des nanos" (chapitre 2) in La NANO révolution - Comment les nanotechnologies transforment déjà notre quotidien, Azar Khalatbari, éditions Quae, septembre 2018
- "Vous reprendrez bien une cuillerée de nanoparticules ?" (chapitre 5) in La civilisation des nanoproduits, Jean-Jacques Perrier, éditions Belin, septembre 2017
- "Des nanos se cachent dans les aliments" (chapitre 2) et "Que deviennent les nanos quand nous les avalons" (chapitre 3) in Faut-il avoir peur des nanos ?, Francelyne Marano, Buchet Chastel, avril 2016
- "Etiquetage des aliments : la hantise des industriels" (chapitre 2) in Nanotoxiques, Roger Lenglet, Actes Sud, mars 2014
Industries et professionnels du domaine agro-alimentaire
Opacité généralisée sur les applications nano dans l'agro-alimentaire
A la suite de plusieurs rapports pointant l'opacité généralisée sur les applications nano dans l'agro-alimentaire1, OFI AM avait lancé deux enquêtes en 2014 et 20152 auprès des sociétés européennes du secteur agroalimentaire à propos de l’utilisation et de l'étiquetage des nanoparticules, confirmant une absence totale de transparence sur ce sujet.
Des nanoparticules détectées dans l'alimentation mais non étiquetées
Depuis lors, plusieurs enquêtes réalisées en France par des associations, des médias et les pouvoirs publics (la DGCCRF) ont mis en évidence, dans la quasi totalité des produits alimentaires testés, la présence de nanoparticules3... sans que l'étiquetage comporte de mention [nano] comme le prévoit pourtant la réglementation européenne depuis fin 20144.
Des risques non négligeables
Du côté scientifique, une étude publiée début 2017 par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA, 1er institut de recherche agronomique en Europe) a mis en évidence les dangers d’une exposition orale aux nanoparticules de dioxyde de titane chez le rat5, soupçonnées de favoriser des problèmes immunitaires voire certains cancers colorectaux.
Le dioxyde de titane est utilisé de manière très répandue dans plusieurs domaines : cosmétiques, peintures, industrie agro alimentaire... Dans l’agroalimentaire, ce colorant blanc est utilisé comme additif (E171), en pâtisserie par exemple, où il permet, en étant intégré à des proportions variables, de décliner une palette de couleurs. Il également peut avoir des propriétés tantôt opacifiantes tantôt brillantes : ces dernières sont très appréciées par certains confiseurs notamment (l'effet varie en fonction de la taille des nanoparticules : plus elles sont petites, plus elles translucides).
Les populations les plus exposées actuellement sont les enfants consommateurs de bonbons et les malades car 4000 médicaments contiennent du E1716.
Si l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (ANSES) souligne que des études complémentaires devront être menées afin de confirmer ou non les effets cancérogènes de l’ingestion de ces nanoparticules, elle préconise toutefois, en attendant, de "limiter l’exposition des salariés, des consommateurs, de l’environnement" et de "peser l’utilité pour le consommateur ou la collectivité, de la mise sur le marché de tels produits contenant des nanomatériaux, pour lesquels les bénéfices devraient être clairement démontrés"7.
Vers une responsabilité accrue des professionnels de l'alimentaire
Il y a donc bel et bien urgence à voir émerger davantage de transparence sur l’utilisation de nanomatériaux, en particulier dans l’alimentation, comme l'ont signalé différentes ONG au gouvernement français en juillet 20178.
L’association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN), dont OFI AM est membre associé, propose notamment un panorama de l’avancement des connaissances scientifiques, des débats en cours, de la réglementation et de son application sur son site http://veillenanos.fr.
De son côté, l'association Agir pour l'Environnement (APE) a mis en ligne en mars 2017 le site http://www.infonano.org, où sont répertoriés aujourd'hui plus de 300 produits alimentaires suspectés de contenir des nanoparticules...
Le marché évolue : de plus en plus de marques et de distributeurs se sont engagées à retirer les nanoparticules de TiO2 et/ou le E171 de la composition de tout ou partie de leurs produits : William Saurin, Mars, Lutti, Verquin, Sainte-Lucie, Picard, Manufacture Cluizel, Motta, Malabar, Fleury Michon, et côté distributeurs : Carrefour, Leclerc, Auchan, Système U, et la liste promet encore de s'allonger (voir la "liste verte" d'infonano.org).
Début 2018, les choses se sont accélérées :
L'association de consommateur UFC-Que Choisir a déposé plainte contre des fabricants de produits alimentaires (et cosmétiques) pour non-respect de l’obligation de l'étiquetage [nano]9.
La répression des fraudes (DGCCRF) a indiqué qu'elle poursuit ses contrôles et engagera les suites appropriées, y compris des suites pénales, face aux manquements mis en évidence. En outre, elle agit auprès de la Commission européenne et de ses homologues des autres Etats membres afin que les contrôles appropriés soient menés aussi dans les autres pays européens10.
En tant qu’investisseur responsable, OFI AM veut s'assurer que les risques potentiels liés à l’utilisation de nanoparticules dans l’alimentation ont bien été analysés par les acteurs industriels, notamment du secteur agro-alimentaire, au regard des bénéfices pour les fabricants, les consommateurs, l’environnement et que la transparence devienne la règle.
OFI-AM propose donc à l’ensemble des signataires des PRI de se joindre à lui pour interpeller les industriels du secteur agro-alimentaire à ce sujet et les encourager à exiger de leurs fournisseurs des informations fiables, sur la base de tests menés avec les méthodes et outils appropriés12.
4 - Cf. le Règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires (dit Règlement INCO) de 2011 : son article 18, alinéa 3, stipule en effet qu'à compter de la mi-décembre 2014 "tous les ingrédients qui se présentent sous forme de nanomatériaux manufacturés sont indiqués clairement dans la liste des ingrédients. Le nom de l'ingrédient est suivi du mot "nano" entre crochets".
Contrairement à ce que certaines fédérations professionnelles ont pu indiquer à leurs adhérents, les nanomatériaux sont soumis à l’obligation européenne d’étiquetage « nanomatériau », même s’ils comportent moins de 50% de nanoparticules en nombre. Ce seuil de 50% de particules en nombre sous la barre des 100 nm, certes invoqué dans le recommandation de définition du terme « nanomatériau » de 2011, n'est en effet pas inclus dans la définition du Règlement INCO et n'a donc aucune valeur juridique concernant la mise en oeuvre de l'étiquetage.
Le dioxyde de titane utilisé dans l’alimentaire (E171) est composé de particules primaires d'une grande variété de tailles pouvant aller de 40 à 300 nm, avec un diamètre moyen proche de 100 nm. En 2017, plusieurs rapports ont établi que la proportion de particules de dioxyde de titane inférieures à 100nm pouvait être supérieure à 50% dans le E171.
8 - Cf. [[LettreOuverteNanoAction201705 Lettre ouverte au gouvernement - Étiquetage et restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation
après la discussion, place à l'action !]], Avicenn, Agir pour l'Environnement, Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé, Center for International Environmental Law, Comité pour le Développement Durable en Santé, France Nature Environnement, Organisation générale des consommateurs de Meurthe-et-Moselle, Familles de France, Women Engage for a Common Future France, juillet 2017
Des études ont montré que des nanomatériaux peuvent :
franchir les barrières buccale et intestinale et se diffuser dans l'organisme1 ; des études ont montré également que des nanoparticules de silice ou d'argent s'agglomèrent dans l'eau ou dans les milieux acides (comme l'estomac) mais se réindividualisent dans l'intestin où le pH est neutre ; elles peuvent alors traverser plus facilement la barrière intestinale2.
s'accumuler ensuite dans les organes3 (tube digestif, foie, rate mais aussi estomac, reins, poumons, testicules, cerveau), dans le sang et à l'intérieur des cellules ;
y causer des perturbations voire des effets toxiques :
- Nanoparticules de dioxyde de titane (E171) :
L'additif alimentaire E171 est constitué de particules de dioxyde de titane (TiO2) (dont une partie sous forme nano). Il est autorisé au niveau européen par l'EFSA, qui a néanmoins recommandé en 2016 que soit menées de nouvelles études sur le système reproducteur4. De nombreuses publications postérieures à 2016 font état d'effets délétères sur la santé liés à l'ingestion de nanoparticules de TiO2 : risques pour le foie, les ovaires et les testicules chez les humains, problèmes immunitaires et lésions précancéreuses au niveau du côlon chez le rat, perturbations du microbiote intestinal, inflammations et altérations de la barrière intestinale chez les animaux comme chez les humains, effets néfastes pour la descendance chez les rongeurs, etc.5L'additif E171 est donc suspendu en France depuis le 1er janvier 2020.
- Nanoparticules de silice (E551) :
Des effets potentiellement néfastes sur la santé associés à l'ingestion de nanoparticules de silice (le SiO2 correspond à l'additif E551) ont été montrés6, notamment des dysfonctionnements de la division cellulaire et des perturbations du trafic cellulaire7, ainsi que des effets indésirables sur le foie8 ; inquiétant si l'on considère que nous absorbons en moyenne environ 124 mg de nano-silice (E551) par jour9 ; en outre certaines nanosilices sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses10. Ayant constaté in vitro que des nanoparticules de dioxyde de silicium peuvent générer des inflammations dans le tractus gastro-intestinal de souris (une atteinte à la défense immunitaire du système digestif), une équipe de chercheurs suisses préconise une moindre utilisation de particules de silice comme additif alimentaire11. La réévaluation de la silice sous forme de E551 (nano et non nano), a été adoptée avec beaucoup de retard sur le calendrier initial, fin 2017, sans que des conclusions définitives puissent en être tirées concernant l'innocuité ou la toxicité de cet additif12. Depuis, de nouvelles études ont été publiées, qui confirment l'existence d'effets néfastes de l'ingestion de nanoparticules de silice, notamment sur le foie, les intestins et les reins13. Des fabricants de silice ont tenté de défendre leur produit en attaquant l'une de ces études, parue en 2019 ; les chercheur·es visé·es ont à leur tour répondu, toujours dans la même revue, en démontant point par point les critiques mises en avant par les fabricants de silice14.
- Nanoparticules d'argent (E174 notamment) :
Des nanoparticules d'argent sont présentes dans l'additif E174 mais également dans des emballages ou contenants alimentaires antibactériens ; or des nanoparticules d'argent injectées dans le sang de rats ont été retrouvées jusque dans le foie, au niveau noyau des hépatocytes, et altèrent les cellules de cet organe vital15 ; une autre étude a montré que des nanoparticules d'argent administrées par voie orale à des souris ont endommagé les cellules épithéliales ainsi que les glandes intestinales des rongeurs et entraîné une diminution de leur poids16 ; une perturbation de la flore intestinale a également été observée chez des poissons zèbres alimentés avec de la nourriture contenant des nanoparticules d'argent17, ainsi que chez la souris18. Il a été également démontré que l'ingestion de nanoparticules d'argent provoque des altérations permanentes du génome chez la souris et pourraient donc conduire à un cancer19, etc. D'autres résultats concordants ont été publiés récemment, montrant également des effets néfastes des nanoparticules d'argent au niveau des reins sur des rats20.
- Nanoparticules d'oxyde de zinc (ZnO):
Les nanoparticules d'oxyde de zinc présentes sur le revêtement intérieur des boîtes de conserve se retrouvent dans les aliments et risquent d'entraîner une moins bonne absorption des nutriments et une plus grande perméabilité de l'intestin, transférant dans le sang des composés indésirables21.
Des nanocomposites de dioxyde de cerium (CeO2) peuvent provoquer une altération du métabolisme22.
On ignore aujourd'hui encore beaucoup de choses sur les répercussions que l'ingestion de nanomatériaux peut avoir sur la santé humaine24. Les études de toxicité des nanoparticules par voie orale sont rares et beaucoup ont pu comporter des faiblesses méthodologiques25 qui rendent difficile l'utilisation de leurs résultats. Les conditions expérimentales reflètent encore mal la façon dont les consommateurs sont exposés ; les nanomatériaux considérés sont souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux (et résidus de nanomatériaux) que les consommateurs ingèrent réellement26.
En outre les caractéristiques physico-chimiques des nanoparticules testées et leurs interactions avec la matrice alimentaire sont insuffisamment documentées.
Néanmoins des progrès sont en cours depuis peu, grâce aux améliorations des pratiques des chercheurs, des outils et des protocoles.
L'un des problèmes qui risque de durer encore néanmoins a trait à la grande complexité de l'évaluation des risques liés à l'ingestion de nanomatériaux : la toxicité des nanoparticules diffère en effet selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, degré d'agglomération, etc.). Or, ces caractéristiques sont très variables selon les nanomatériaux et peuvent évoluer tout au long de leur cycle de vie :
en fonction des conditions dans lesquelles les nanomatériaux sont synthétisés, stockés, éventuellement enrobés ;
par les transformations qu'ils subissent lors de la cuisson et de la préparation des plats ou dans l'appareil digestif27 (par exemple au contact du milieu acide de l'estomac, etc.)
lors des interactions avec les emballages et/ou avec les autres ingrédients et substances chimiques avec lesquels les nanomatériaux se retrouvent mélangés (avant puis pendant l'ingestion et la digestion) ; on peut craindre par exemple un "effet cocktail" avec certaines molécules28
L'évaluation du risque doit en outre tenir compte :
de la susceptibilité individuelle (le stress augmente par exemple la perméabilité intestinale aux xénobiotiques)29 ;
de la durée et de la période d'exposition30, sachant que selon une étude récente, les enfants consommeraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de l'ingestion de sucreries ayant des niveaux élevés de nanoparticules de dioxyde de titane31
→ Autant d'éléments qui rendent extrêmement difficile l'évaluation de l'exposition du consommateur et des risques sanitaires liés à l'ingestion des nanoparticules.
En 2009, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont convoqué une réunion d'experts sur les incidences des nanotechnologies sur la sécurité sanitaire des aliments : le rapport qui en est issu, publié en 2011, liste les besoins de recherche pour mieux évaluer les risques dans le domaine. Nonobstant le large consensus sur la nécessité de renforcer les recherches sur les risques liés aux nanomatériaux ingérés, ces dernières sont aujourd'hui encore très limitées (voir notre fiche Les travaux de recherche sur les risques associés aux nanomatériaux en lien avec l'alimentation pour plus de détails).
Mais de l'aveu même de scientifiques impliqués dans les études de toxicologie et écotoxicologie, évaluer correctement les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux a un coût prohibitif. En 2012, Mark Wiesner, directeur du CEINT (USA) avait ainsi résumé la situation : "le nombre et la variété des nanomatériaux est sidérant, il n'y a pas assez d'éprouvettes dans le monde pour procéder à toutes les expériences nécessaires"32. En 2009, des chercheurs ont estimé le coût des études de toxicité à réaliser pour les nanomatériaux déjà existants à 250 millions de dollars au minimum, voire 1,18 milliards de dollars en fonction du degré de précaution adopté, nécessitant entre 34 et 53 ans d'études33. Se pose ainsi la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
En attendant des évaluations concluantes, la commercialisation de produits alimentaires contenant des nanoparticules continue
En octobre 2016, l'ANSES a été saisie par ses ministères de tutelle pour étudier les risques liés aux nanoparticules dans l'alimentation, et plus précisément :
réaliser une étude détaillée de la filière agro-alimentaire au regard de l'utilisation des nanos dans l'alimentation,
prioriser les substances et/ou produits finis d'intérêt en fonction de critères pertinents déterminés au cours de l'expertise,
réaliser une revue des données disponibles (effets toxicologiques et données d'exposition)
et en fonction de leur disponibilité, étudier la faisabilité d'une évaluation des risques sanitaires pour certains produits.
Un "groupe de travail" ("GT nano alimentation") composé d'experts indépendants a été mis en place courant 2017. Les résultats de l'expertise initialement attendus pour fin 201734 ne seront pas connus avant fin 201935.
Résultats du programme européen Nanogenotox sur la génotoxicité des nanomatériaux, présentés en français à l'ANSES, lors de la Restitution du programme national de recherche environnement santé travail : Substances chimiques et nanoparticules : modèles pour l'étude des expositions et des effets sanitaires : Dossier du participant et Diaporama, novembre 2013.
Documents présentés lors de la réunion du bureau chargé de l'évaluation des risques et de la recherche pour l'autorité de sûreté des produits de consommation des Pays Bas (NVWA) en octobre 2013
Silicon dioxide nanoparticle exposure affects smallintestine function in an in vitro model, Guo Z et al, Nanotoxicology, avril 2018 : "SiO2 NP exposure significantly affected iron (Fe), zinc (Zn), glucose, and lipid nutrient absorption. Brush border membrane intestinal alkaline phosphatase (IAP) activity was increased in response to nano-SiO2. The barrier function of the intestinal epithelium (...) was significantly decreased in response to chronic exposure. Gene expression and oxidative stress formation analysis showed NP altered the expression levels of nutrient transport proteins, generated reactive oxygen species, and initiated pro-inflammatory signaling. SiO2 NP exposure damaged the brush border membrane by decreasing the number of intestinal microvilli, which decreased the surface area available for nutrient absorption. SiO2 NP exposure at physiologically relevant doses ultimately caused adverse outcomes in an in vitro model".
Nanotechnologies et nanoparticules dans l'alimentation humaine et animale, Afssa (aujourd'hui ANSES), mars 2009 : "L'évaluation des risques liés aux nanoparticules est limitée par l'absence de méthodes validées et applicables en routine permettant la détection, l'identification et la quantification des nanoparticules, dans les différentes matrices (aliments, eau, air...), dans les liquides biologiques et les tissus" (p.26).
28 - Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, ne pourraient-ils pas devenir (plus) dangereux ? Les toxicologues travaillent en isolant des substances ce qui ne permet pas d'établir les effets d'interaction d'une pluralité de substances pénétrant dans l'organisme. Cf. http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=EffetsNanoSante#EffetCocktail
29 - Voir aussi E. Houdeau (INRA), "Nanoparticules et barrière intestinale : comprendre les mécanismes de franchissement" : Diaporama, Carrefour de l'innovation agronomique (CIAG), novembre 2012 ; Article académique, Innovations Agronomiques, 24, 105-112, 2012
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout juillet 2020 (partie "Recherches" à actualiser)
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Depuis 2006, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES, née de la fusion de l'Afsset et de l'Afssa) a publié de nombreuses expertises sur les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux :
Parallèlement à ces activités, l'ANSES a contribué aux actions de développement de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques, en direction des professionnels, au travers d'actions de normalisation ou de la définition de tests de sécurité :
RISKGONE, projet financé par la Commission européenne (2019-2023)
Trois projets relatifs aux risques associés aux nanomatériaux avaient été retenus par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans le cadre de son Programme national de recherche "Environnement Santé Travail" (PNR EST) suite à l'appel à projets 2019 :
NanOCo : Impact sur les fonctions endocrines de NANoparticules métalliques seules et en mélange avec des composés Organiques perturbateurs endocriniens pour l’analyse de l’effet COcktail
NANOWAVE : Evaluation de la co-exposition de nanomatériaux avec des ondes radiofréquences
NaPeauLi : Développement d’un modèle expérimental pour l’étude de la décontamination de la peau après une exposition cutanée aux nanoparticules métalliques
En mars 2014, le laboratoire de Fougères de l'ANSES a commencé son projet SolNanoTOX : Détermination de facteurs de toxicité au niveau intestinal et hépatique de deux nanoparticules de taille similaire utilisées en alimentation et en emballage (aluminium et dioxyde de titane) : Recherches in vitro et in vivo sur l'absorption et les mécanismes impliqués.
Autres partenaires français : ISCR Institut des Sciences Chimiques de Rennes et Biosit UMS Biosit - Plateforme microscopie électronique MRic TEM
Partenaires allemands : Federal Institute for Risk Assessment (BfR ) et University of Leipzig (ULEI)
De 2010 à 2013, l'ANSES a coordonné le programme de recherche NANOGENOTOX auquel ont participé plusieurs laboratoires de l'ANSES (Anses Fougères et Maisons Alfort). Ce programme a rassemblé 30 partenaires (organismes scientifiques et ministères) issus de 13 Etats-membres de l'Union européenne pour étudier quatorze types de nanomatériaux manufacturés dont certains à usage alimentaire. Il a permis de contribuer au développement futur d'une méthode de détection du potentiel génotoxique des
nanomatériaux manufacturés. → Voir notre brève RISQUES : Les leçons du programme de recherche Nanogenotox, veillenanos.fr, 30 décembre 2013
Depuis 2012, l'ANSES a mis en place un comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", ouvert à la société civile et auquel AVICENN participe. Ses réunions sont néanmoins de plus en plus rares.
Depuis 2012 également, le Réseau R31 animé par l'ANSES (qui regroupe 31 instituts ou organismes français de recherche et d'évaluation de risques environnementaux ou sanitaires) se penche sur les risques associés aux nanomatériaux.
Depuis 2013, le laboratoire de Fougères participe au programme européen NANoREG.
Depuis 2013, l'ANSES est chargée de la gestion des déclarations et des données de R-Nano, le dispositif de déclaration des nanomatériaux produits, importés et distribués en France ; elle est également chargée d'examiner les possibilités d'exploitation à des fins d'évaluation des risques sanitaires des informations issues des déclarations.
En 2014-2015, l'exploitation des données du registre R-Nano et leur impact sur l'évaluation des expositions et des risques professionnels ont fait l'objet de discussions au sein du "groupe de travail permanent nanomatériaux et santé" de l'ANSES2, mais début 2015, le groupe a été remercié sans être renouvelé, malgré les indications contraires qui avaient été données au moment de sa création (et qui lui avaient valu l'appellation, a posteriori inopportune, de "groupe pérenne").
A partir de 2014, l'exploitation des données du registre R-Nano a permis de documenter l'évaluation du dioxyde de titane dans le cadre du plan d'action communautaire pour l'évaluation des substances du règlement REACH2.
réaliser une étude détaillée de la filière agro-alimentaire au regard de l'utilisation des nanos dans l'alimentation,
prioriser les substances et/ou produits finis d'intérêt en fonction de critères pertinents déterminés au cours de l'expertise,
réaliser une revue des données disponibles (effets toxicologiques et données d'exposition)
et en fonction de leur disponibilité, étudier la faisabilité d'une évaluation des risques sanitaires pour certains produits.
Les résultats de l'expertise initialement annoncés pour fin 20174 ont été d'abord repoussés à septembre 20185 avant d'être encore reportés à l'été 20196 voire fin 20197.
Les nanomatériaux sont toujours au programme de travail 2020 de l'Anses : préparation de la consultation publique sur la recommandation de définition des nanomatériaux, poursuite des travaux sur les nanoparticules dans l’alimentation prévus par le PNSE3, ainsi que sur les filières industrielles qui utilisent des nanoparticules, poursuite de la gestion du portail national de déclaration obligatoire et synthèse des pistes d'exploitation et de partage de données issues de r-nano, évaluation de substances sous forme nanométrique dans le cadre de REACH, ... LIRE AUSSI :
Les nanotechnologies et nanomatériaux vus par les assurances
Les nanotechnologies et nanomatériaux vus par les assurances
Par MD - Dernier ajout Octobre 2016
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Les assureurs sont pour l'instant très réticents concernant le fait d'assurer les risques des nanotechnologies et/ou nanomatériaux.
Des compagnies de ré-assurance (General Re ou Munich Re) mettent même en garde les assureurs et conseillent à ces derniers de mieux prendre en compte ces risques, d'adapter leurs polices d'assurances aux défis qu'ils posent et d'exiger de leurs entreprises clientes les informations sur leur production, utilisation, et/ou commercialisation de nanomatériaux.
Pour aller plus loin :
En français :
Roger Lenglet, "Les assureurs pressentent le gouffre" in Nanotoxiques, Actes Sud, mars 2014
"Les nanoparticules ne pénètrent pas dans la peau" selon des chercheurs britanniques
Des chercheurs de l'université de Bath au Royaume-Uni prétendent avoir prouvé que les nanoparticules ne peuvent traverser la peau.
Dans le communiqué de presse annonçant la publication de leur étude par le Journal of Controlled Release en août dernier, ils affirment que les résultats obtenus vont apaiser les inquiétudes de ceux qui redoutent que les nanoparticules potentiellement nocives (notamment celles utilisées dans les écrans solaires) puissent être absorbées par l'organisme.
Une étude menée dans des conditions contestées
Mais les Amis de la Terre Australie contestent cette présentation des choses qu'ils qualifient d'"irresponsable".
Ils soulignent aussi les faiblesses méthodologiques de l'étude, dont le protocole ne reflète pas les conditions réelles d'utilisation des crèmes solaires. Ainsi, l'étude a été menée sur des échantillons de peau de cochon et sur une durée maximale de 16 heures seulement. Une expérience trop courte et restrictive selon les Amis de la Terre : elle ne prend pas en compte des facteurs pourtant déterminants, comme la flexion de la peau ou les produits rajoutés par les industries cosmétiques pour favoriser la pénétration cutanée des produits actifs.
Les Amis de la Terre citent à titre d'exemple une autre étude publiée en 2010 menée par des chercheurs de Macquarie University (Australie) et l'organisation fédérale pour la recherche scientifique et industrielle australienne (le CSIRO) : effectuée sur des hommes et des femmes (et non pas des cochons), et utilisant du nano oxyde de zinc utilisé dans les crèmes solaires, elle avait montré que de faibles quantités de zinc traversaient la barrière cutanée. Il avait fallu attendre deux jours pour en détecter dans le sang des volontaires. Une étude publiée dans la très sérieuse revue Toxicological Sciences que les universitaires britanniques ne mentionnent pas...
Le parallèle est troublant avec la polémique en cours sur la durée des expériences de toxicité des OGM relancée par la publication de léquipe du Pr. Gilles-Eric Séralini dont l'étude menée sur deux ans a montré des effets que les études menées sur 90 jours par les industriels n'avaient pas permis d'observer.
Rappelons qu'une fois dans lorganisme, les nanoparticules ne sont pas nécessairement dégradées ou éliminées et peuvent s'accumuler et avoir des effets toxiques.
Un conflit d'intérêt ?
Autre point souligné par les Amis de la Terre : l'étude a été financée dans le cadre du projet européen NAPOLEON, aujourd'hui achevé, mais qui comptait parmi ses membres L'Oréal et BASF... utilisateurs ou fabricants de nanomatériaux. De quoi alimenter les doutes sur l'objectivité des chercheurs qui ont mené l'étude et étayer les appels à un renforcement de la déontologie de lexpertise lancés notamment par la Fondation Sciences Citoyennes. Cette dernière travaille actuellement à défendre la proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement que le Sénat devrait examiner prochainement. L'enjeu est de taille : prévenir de futurs scandales sanitaires comme ceux du Médiator et de l'amiante.
S'ils ont raté leur objectif (nous convaincre de l'incapacité des nanoparticules à pénétrer à travers la peau), les chercheurs britanniques ont en revanche réussi à confirmer le besoin de plus de sérieux dans la déontologie scientifique et d'une vraie transparence. Dans le cas des nanotechnologies et des nanomatériaux aussi, la vigilance de tous - scientifiques, mais aussi employeurs, salariés, syndicats, associations - doit être encouragée.
LIRE AUSSI sur notre site :
- Notre rubrique Nano et Cosmétiques
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Nano et Bâtiment / Travaux publics (BTP) / Construction
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Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout juin 2020
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Le BTP, premier secteur utilisateur de nanomatériaux ?
Selon une étude publiée en 2012, diligentée par le ministère du Redressement productif, le BTP est le secteur le plus gros utilisateur de nanomatériaux1.
Une liste des nanomatériaux utilisés dans le BTP est disponible dans les bilans annuels de la déclaration obligatoire des nanomatériaux, préparés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et publiés par le ministère de l'écologie2.
Dans quels produits du BTP trouve-t-on des nanomatériaux ?
Vitres autonettoyantes, bois lasurés, bétons3, ciments et peintures4 (particulièrement les ciments et peintures dits "dépolluants"), vernis, matériaux d'isolation, carrelages et joints, interrupteurs, conduits aérauliques, revêtements de trottoirs et de routes5, les nanomatériaux sont de plus en plus utilisés dans le bâtiment et la construction :
Pourtant, la législation n'oblige pas encore les producteurs et distributeurs à étiqueter la présence de nanomatériaux dans leurs produits, à l'inverse de ce qui se pratique dans les cosmétiques, les biocides et l'alimentation.
Le registre R-nano ne permet pas non plus d'identifier les produits concernés.
Les nanomatériaux n'apparaissent pas (ou très peu) non plus dans les Fiches de Déclarations Environnementales et Sanitaires (FEDS) ni les fiches de données de sécurité (FDS).
Il faut donc croiser les sources*, interroger les fabricants et fournisseurs, sans garantie de pouvoir identifier les nanomatériaux dans les produits finis - si ce n'est en recourant à des tests en laboratoire.
* Quelques documents peuvent vous aider, notamment :
Nano Pigments Inventory, ECHA, 2018 : plus de 80 pigments de taille nano recensés sur le marché européen
Le site nanoshop.com permet de repérer des nanomatériaux utilisés dans la construction (vitres, métal, ...).
Les nanomatériaux sont utilisés dans le BTP pour leurs propriétés nouvelles ou renforcées par rapport aux matériaux classiques, structurés à l'échelle milli- ou micrométrique :
les fumées de silice amorphes, 100 fois plus petites que des grains de ciment, présentent une surface très élevée, de 15 à 30 m²/gramme ; comme les nanotubes de carbone, elles confèrent des propriétés de fluidité ou de résistance mécanique accrue, pour des bétons "très hautes performances" ou des mortiers de réparation nano-structurants.
les nanoparticules de dioxyde de titane et d'oxyde de zinc permettent un moindre salissement, sous l'effet des UV, de matériaux utilisés notamment dans le BTP6 comme le ciment, les céramiques, les peintures, les vernis, les vitrages ou les revêtements plastiques.
les nanoparticules d'argent sont utilisées pour ses propriétés antibactérienne ou antifongique.
l'oxyde d'aluminium accroît la résistance aux rayures des matériaux.
les nanomousses (hydro-NM-oxyde) et nanostructures confèrent une bonne isolation thermique et phonique.
En décembre 2017, l'OPPBTP a présenté ses travaux et son approche sur les nanos au comité de dialogue nano de l'ANSES.
En juin 2018, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) a publié un rapport7 appelant à protéger les travailleurs et les populations à proximité des sites industriels produisant ou manipulant du nano-TiO2, assorti d'un ensemble de préconisations pratiques à destination des pouvoirs publics et des industriels. Il recommandait notamment ceci : "Dans le cas particulier du BTP (construction et recyclage), des recherches complémentaires sur l’émissivité du mobilier urbain doivent être conduites car il contient des NPs de TiO2 (pavé nano, béton nano, verre autonettoyant) ; leurs résultats devront être communiqués aux services de santé au travail".
En janvier 2019, la Déclaration sur les problèmes émergents de santé et d'environnement (2018) du Comité scientifique européen sur les risques sanitaires, environnementaux et émergents (SCHEER) a alerté sur les nanoparticules relarguées dans l'environnement par des matériaux et déchets de construction (lors des processus de rénovation et de démolition, lors du recyclage, de la mise en décharge ou de l'incinération mais aussi lorsque les nano-revêtements ne sont pas correctement fixés, lorsqu'ils se dégradent). Le SCHEER a rappelé que les nanoparticules qui se retrouvent alors dans les systèmes aquatiques peuvent avoir des effets néfastes sur la vie aquatique et marine et dans les sols. Des interactions microbiennes essentielles peuvent être perturbées. Il a déploré l'absence de réglementation exigeant l’étiquetage ou d'identification des matériaux de construction contenant des nanomatériaux, qui entrave l'identification pourtant nécessaire des sources et des flux de nanomatériaux qui peuvent être relargués - ainsi que l'évaluation des risques qu'ils peuvent entraîner.
En juin 2019, un webinar du LNE a présenté les risques liés à la dégradation thermique des nanomatériaux dans le transport et l'habitat.
Risques économiques
Les risques ne sont pas seulement sanitaires et environnementaux : ils sont aussi d'ordre économique, notamment pour les maîtres d'ouvrages. En effet, le désamiantage leur coûte très cher. Les autorités pourraient être amenées à ordonner le "dénanoparticulage" de bâtiments, à l'occasion des travaux de rénovation de peintures ou de déconstruction d'un bâtiment par exemple, les maîtres d'ouvrage devront en supporter les coûts !
Quelles sont les recherches sur le sujet ?
En France, l'INRS, l'INERIS, l'ANSES, le CEA et d'autres organismes de recherche en France et à l'international travaillent pour en savoir plus. Nous relayons leurs publications quand nous les repérons. (Voir aussi notre rubrique Nano et Santé au travail). A noter plus particulièrement :
Le projet EnDurCrete (2018-2021) mené dans le cadre du programme de recherche et d’innovation européen Horizon 2020 vise ainsi à concevoir des bétons innovants, "verts" et durables, intégrant des sous-produits industriels et des systèmes hybrides faisant intervenir des nanotechnologies.
Le projet "Release_NanoTox" (financement ANSES 2015-2018) qui vise à apporter, par une approche réaliste, des connaissances nouvelles concernant l’impact potentiel des nano-objets issus de matériaux nanocomposites sous contrainte d’usage, sur les fonctions cérébrales. « L’impact toxicologique in vivo sur les fonctions cérébrales associé à l’inhalation d’un aérosol est encore trop peu étudié », précise-t-on au LNE. Les équipes scientifiques ont développé un banc expérimental permettant de réaliser une exposition réaliste à partir de nanoparticules de TiO2 issues du ponçage de matériaux nanoadditivés. Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et le LNE (Plateforme MONA) ont participé à la phase de caractérisation aéraulique de ce banc et à la caractérisation physico-chimique des nano-objets émis dans la chambre d’exposition. Puis l’ANSES et le laboratoire CarMeN ont été impliqués pour les phases d’exposition par inhalation et d’analyse in vivo des altérations morphofonctionnelles cérébrales des souris au cours de l’exposition. Les premiers résultats, en cours d’exploitation, montrent une altération des performances locomotrices des souris exposées aux peintures contenant des nanoparticules de TiO28.
Le projet IMP-AIR (Impact des matériaux photocatalytiques sur la qualité de l'air des environnements intérieurs", CSTB, CEA) : Le marché voit se développer des matériaux nano-additivés dont une grande partie revendique une action dépolluante de l'air. Le projet IMP-AIR a étudié l'efficacité, l'innocuité et la pérennité de plusieurs matériaux photocatalytiques soumis à différentes conditions de vieillissement : des céramiques, des peintures, des enduits et des lasures. Le projet a apporté des connaissances nouvelles sur l'impact de ces matériaux sur la qualité de l'air intérieur. Cela concerne notamment les sous-produits réactionnels formés en présence d'une pollution chimique représentative des environnements intérieurs, et le relargage de (nano)particules lors de sollicitations mécaniques.
Le projet EMANE : "Etude du relargage de nano-objets manufacturés en fonction du vieillissement de matériaux nanocomposites dédiés au bâtiment" (LNE, CSTB ; financement de l'ADEME)
Au niveau européen :
Le projet EnDurCrete (2018-2021) vise à concevoir des bétons innovants, "verts" et durables, intégrant des sous-produits industriels et des systèmes hybrides faisant intervenir des nanotechnologies, pour des applications civiles, industrielles et offshore
Le projet NanoGeCo vise à caractériser les fractions non volatiles des peintures aérosols dans les applications sous forme de process de revêtements sous forme de spray
Un projet de recherche européen intitulé NanoHouse a étudié le cycle de vie des nanomatériaux pour la construction, en particulier sur l'exposition chronique pour les nanoparticules d'argent et de dioxyde de titane contenues dans les peintures et revêtements utilisés en intérieur et à l'extérieur des habitations. Les travaux menés de 2010 à 2013 ont évalué le taux de relargage des nanoparticules de 1 à 2% seulement - et sous forme d'agglomérats9. Mais d'autres études sont beaucoup moins rassurantes : une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a par exemple montré que le nanorevêtement de dioxyde de titane appliqué sur une façade de bâtiment peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux)10, il convient donc dans ces conditions de minimiser le recours aux nanorevêtements.
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève déconseille l'utilisation du TiO2 nanoparticulaire sur les chantiers de l'Etat ainsi que dans les constructions des entreprises privées11. Il se base notamment sur l'étude réalisée par le Service cantonal de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures qui considère qu'il est "irresponsable d'utiliser un tel produit avant même de rechercher les dangers connus et d'évaluer leurs risques", déplore "l'emploi prématuré de ces produits en Italie, en France et en Belgique" et souhaite "que ces imprudences ne soient pas répétées sur le territoire de notre Canton"12.
List of nano-pigments on the EU market : Plus de 80 pigments de taille nano ont été recensés sur le marché européen en 2018 par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA).
5 - Il s'agirait de nanorevêtements de dalles de béton conçus par l'université de Twente, aux Pays-Bas, censés décomposer les oxydes d'azote (polluants urbains nocifs) commercialisés en France par la société URBAPT. Cf. "Le titane : promesses et risques d'un dépolluant" in La civilisation des nanoproduits, Jean-Jacques Perrier, éditions Belin, septembre 2017 :
"La Cité des arts et de la musique de Chambéry, inaugurée en 2003, a été l'un des premiers bâtiments dont le ciment de couverture comprenait du TiO2 ; l'ont bientôt suivie l'hôtel de police de Bordeaux et l'îlot Mermoz à Maisons-Laffitte. Le pavillon italien de l'Exposition universelle à Milan en 2015 et l'église du Jubilé à Rome, inaugurée en 2007, sont d'autres exemples de bâtiments blancs autonettoyants utilisant des ciments à base de dioxyde de titane" : "Le titane : promesses et risques d'un dépolluant" in La civilisation des nanoproduits, Jean-Jacques Perrier, éditions Belin, septembre 2017 :
Eco-efficient construction and building materials, Torgal, FP & Jalali, S, Constr. Build. Mater., 25, 582-590, 2011
Application of titanium dioxide photocatalysis to create self- cleaning materials, Stamate, M.; Lazar, G. Modell. Otpim. Mach., Build. Field (MOCM), 13 (3), 280-285, 2007
12 - Annexe 2 du précédent document
Fiche créée en novembre 2013
COSMÉTIQUES - C'est l'été, le temps du soleil... et des controverses sur les risques liés aux nanomatériaux dans les crèmes solaires
COSMÉTIQUES - C'est l'été, le temps du soleil... et des controverses sur les risques liés aux nanomatériaux dans les crèmes solaires
par MD et DL avec l'équipe Avicenn - 6 juillet 2011
Ne pas utiliser de produits cosmétiques - en particulier les crèmes solaires - contenant des nanoparticules de dioxyde de titane sur une peau lésée ou sur les coups de soleil. Ne pas les utiliser non plus sur le visage ou dans des locaux fermés quand elles se présentent sous formes de spray. Voilà les recommandations de l'Afssaps rendues publiques à la mi-juin.
Jugeant que la pénétration cutanée "semble limitée aux couches supérieures de la peau saine", l'agence se veut néanmoins rassurante... tout en demandant davantage d'études.
Une semaine plus tard, le 23 juin, aux Etats-Unis, la Food & Drug Administration (FDA) est accusée de manquer à sa mission de protection des consommateurs par trois associations qui militent pour l'étiquetage et la vérification de l'innocuité des nanos dans les crèmes solaires.
En ce début d'été, l'Avicenn fait le point sur le dossier controversé des nanos dans les écrans solaires.
Répondant à une demande de la Direction générale de la santé (DGS), l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a analysé les données scientifiques relatives à la pénétration cutanée, la génotoxicité et la cancérogénèse des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) et de l'oxyde de zinc (ZnO) utilisées sous forme de nanoparticules comme anti-UV dans les produits cosmétiques.
Dans deux rapports publiés mi-juin1, elle constate que les études scientifiques actuelles ne montrent pas de pénétration cutanée significative du nano TiO2 pour les peaux saines, mais ne permettent pas de tirer de conclusion dans un sens ou dans l'autre pour les peaux lésées. L'Afssaps recommande donc de ne pas appliquer de crème contenant du nano TiO2 sur des peaux lésées (par exemple par des coups de soleil) du fait des risques potentiels pour la santé humaine.
Concernant le nano ZnO, une étude menée en Australie montre en revanche que le zinc peut se retrouver dans la circulation sanguine et les urines - mais à des doses très faibles.
Les études de génotoxicité issues de la littérature scientifique sur les nanoparticules de TiO2 et de ZnO ont donné des résultats contradictoires et ne permettent pas d'évaluer le risque des nanoparticules utilisées dans les produits cosmétiques car elles ont été menées sur des nanoparticules différentes de celles utilisées dans les produits cosmétiques.
Les données de toxicité chronique et de cancérogenèse sont également limitées - quantitativement et qualitativement - si bien que l'Afssaps ne tire pas de conclusion. Toutefois, des études réalisées par voie respiratoire ayant montré une toxicité pulmonaire chez le rat - dans des conditions d'exposition néanmoins différentes de celles rencontrées par les humains - l'Afssaps déconseille d'utiliser sur le visage ou dans des locaux fermés les cosmétiques contenant des nanoparticules et se présentant sous formes de spray.
Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration vient quant à elle d'être pointée du doigt pour son absence de prise de position en la matière : trois associations de protection de l'environnement ou des consommateurs demandent l'étiquetage et la vérification de l'innocuité des nanos dans les crèmes solaires du fait des risques potentiels pour la santé2.
Risqués les nano dans les cosmétiques ? Tout dépend qui l'on écoute
Certaines marques cosmétiques se veulent rassurantes et affirment qu'il n'y a pas de risque.
En octobre 2009, lors de la réunion publique d'Orléans organisée dans le cadre du débat public national par la CNDP, Pascal Courtellemont, responsable du département sécurité du produit au sein du groupe LVMH Recherche, affirmait qu'"il n'y a pas de pénétration cutanée du dioxyde de titane à travers la peau (...). La maîtrise de la sécurité de nos produits cosmétiques et solaires est totale. En aucun cas, une industrie cosmétique, quelle qu'elle soit, ne va prendre le risque de mettre sur le marché un ingrédient dont elle ne maîtrise pas le profil toxicologique"3.
Plus près de nous, en avril dernier, la Nanodermatology Society, financée par de grandes industries pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques, a publié sa position officielle sur les crèmes solaires : "The Nanodermatology Society believes that nano-based sunscreens do not pose serious health risks to consumers"4. Traduction : la Nanodermatology Society croit que les écrans solaires contenant des nanos ne posent pas de risques graves pour la santé des consommateurs". Et ce sur la base d'une sélection d'études dont les protocoles - et donc les conclusions - sont contestés par des associations de protection de la santé, de l'environnement ou des consommateurs.
De leur côté, les associations de protection de la santé, de l'environnement ou des consommateurs appellent à la vigilance.
Dans le communiqué que trois associations américaines ont tout récemment envoyé à la FDA et à la presse, Michael Hansen, de l'association de protection des consommateurs Consumers Union critique les études de pénétration cutanée des nanomatériaux : menées sur des temps très courts (24h maximum pour la plupart)2, elles ne reflètent pas les conditions réelles d'utilisation. L'Afssaps note également que beaucoup d'études sont réalisées sur une durée de 72 heures maximum. Des chercheurs européens qui viennent de publier une revue de la littérature sur les risques sanitaires du nano TiO2 appellent eux aussi à la réalisation d'études plus poussées sur l'application répétée de crème solaire au nano TiO2, ainsi que sur l'application sur une peau endommagée.
Les trois signataires du communiqué - Consumers Union, ICTA et Les Amis de la Terre - figurent parmi les ONG les plus actives sur le sujet ; ils militent depuis 20065 contre l'utilisation généralisée des nanomatériaux par l'industrie cosmétique, notamment dans les crèmes solaires, alors qu'ils présentent des risques pour la santé humaine. Ils exercent un lobbying auprès des pouvoirs publics et des industriels afin de promouvoir le principe de précaution.
Sur la base des mises en garde des Amis de la Terre, une section du syndicat enseignant australien (the Victorian branch of the Australian Education Union - AEU) a même recommandé que ces crèmes solaires ne soient pas utilisées par les élèves ni par les enseignants6 : les enfants notamment, dont la peau est plus fine, pourraient être davantage exposés et vulnérables.
Les ONG soulignent la mise en évidence, par des scientifiques, de la capacité du nano Tio2 à endommager les membranes cellulaires des bactéries et des crustacés ; à causer le cancer chez la souris, suite aux perturbations qu'il entraîne au niveau de l'ADN ; à passer la barrière du placenta, entraînant des troubles fonctionnels et pathologiques.
La vigilance est toutefois de mise, car ces constatations ont été faites pour des expérimentations qui sont éloignées des conditions d'utilisation du nano TiO2 des crèmes solaires (certaines études portent par exemple sur l'ingestion de nanoparticules, et non pas leur application cutanée). Pour en savoir plus, se rapporter au rapport de l'Afssaps, au site NanoCEO qui liste de nombreux articles académiques sur les risques du nano dioxyde de titane, ou sur la base de données alimentée par ICON (International Council on Nanotechnology) aux Etats-Unis.
Ces ONG font remarquer qu'une étude de toxicologie australienne (Gulson, 2010 - citée par l'Afssaps1 mais à laquelle ni la FDA ni la Nanodermatology Society ne font référence) a montré une augmentation des taux en zinc dans le sang et les urines chez des volontaires traités avec du nano ZnO.
Une autre association environnementale américaine, the Environmental Working Group, est moins opposée à l'utilisation de crèmes solaires contenant des nanomatériaux ; elle fait valoir que le dioxyde de titane et l'oxyde de zinc sont moins nocifs pour l'organisme que d'autres substances utilisées dans certaines crèmes solaires, véritables perturbateurs endocriniens. Toutefois, EWG déconseille les crèmes solaires au nano TiO2 et ZnO qui se présentent sous forme de poudre ou de sprays7.
Les questions liées à la santé des consommateurs ne pas doivent pas faire oublier les questions liées à la santé des travailleurs de l'industrie cosmétique potentiellement exposés aux nanomatériaux (comment garantir qu'ils soient bien protégés ?), ni celles liées à l'environnement : l'Afsset a estimé l'année dernière que lusage des crèmes solaires aboutit à un relarguage de nano TiO2 dans le milieu naturel de 230 tonnes par an, rien quen France.
Comment éviter d'utiliser des produits... non identifiables ?
La mise en garde de l'Afssaps va donc dans le sens des messages envoyés depuis 2006 par ces ONG. Reste un détail... pourtant crucial : comment éviter d'utiliser ces produits... alors qu'ils ne sont ni identifiés et ni identifiables aujourd'hui par le consommateur ? Il est en effet impossible aujourd'hui de savoir si une crème solaire contient des nanos ou non, car il n'est pas fait mention des nanomatériaux sur létiquetage par les marques de cosmétiques.
Le ministère de la santé, l'Anses ou l'Affsaps ne fournissent pas non plus les informations dont ils peuvent disposer sur le sujet. Le projet de décret relatif à la déclaration des substances à l'état nanoparticulaire mises sur le marché protège au contraire la confidentialité des informations fournies par les entreprises, au nom de la protection du secret industriel ou commercial.
La situation devrait changer en Europe dans deux ans : le nouveau Réglement Cosmétiques de 2009 exige qu'à partir de 2013 les fabricants indiquent la présence de ces nanomatériaux dans la liste des ingrédients des cosmétiques. Une règle détiquetage prévoit que soit indiqué, dans le cas du TiO2 : Titanium dioxyde [nano].
Transparence des crèmes solaires nano, opacité des industries cosmétiques
Enfin, aux présomptions de toxicité de ces produits, vient se greffer un autre problème, lié aux réticences structurelles d'une grande majorité des entreprises à communiquer les informations requises.
Si les crèmes solaires deviennent translucides grâce à l'utilisation de nano TiO2 et ZnO, les associations de protection de la santé, de l'environnement ou des consommateurs regrettent pour leur part le manque de transparence des marques cosmétiques.
Des crèmes solaires nano moins blanches
En octobre 2009, lors de la réunion d'Orléans2 du débat public national sur les nanotechnologies, Gérard Redziniak, de la Société française de Cosmétologie, a insisté sur le gain, pour le consommateur, de la transparence permise par les nanoparticules de TiO2.
Commentant la photo ci-après, qui montre, à droite une "vieille" crème solaire avec de l'oxyde de titane non nanoparticulaire et à gauche, la même protection solaire, avec des nanoparticules d'oxyde de titane, il a affirmé : "quand il utilise un produit solaire, le consommateur ne veut pas ressembler au Pierrot. Il préfère être beau et bien bronzé."
"Etre beau", certes, mais est-on sûr que le gain obtenu en terme d'esthétique n'est pas perdu en terme de sécurité pour le consommateur ? Non, selon Francis Quinn, alors directeur du développement durable chez L'Oréal, qui ajoutait, lors de la même réunion : "C'est un produit qui intrinsèquement est beaucoup plus efficace pour arrêter le rayonnement ultraviolet que la version traditionnelle qui est toute blanche. Ce n'est donc pas seulement un choix esthétique pour le consommateur, qui n'est pas tout blanc, mais une protection nettement meilleure".
Rien n'est moins sûr, répondent de leur côté les Amis de la Terre qui conseillent de s'en tenir aux formules sans nanoparticules - dont certaines peuvent également être transparentes - et reprochent aux marques cosmétiques leur opacité.
Opacité des industries cosmétiques
En 2008, l'association de protection de consommateurs Consumers Union avait testé un certain nombre de crèmes solaires prétendument "naturelles" et révélé que 80% des crèmes testées contenaient des nanoparticules8.
En mai 2010, les Amis de la Terre Australie ont dénoncé le fait que de nombreuses marques de cosmétiques refusent de révéler si leur produits solaires contiennent ou non des nanoparticules ; le résultat de leur enquête menée début 2010 permet de voir la réponse fournie par 140 marques de cosmétiques à la question de la présence ou non d'éléments nano dans leurs crèmes solaires. Quatre marques (Clarins, M.A.C. Cosmetics, Skinceuticals and Tropicare) ont explicitement refusé de répondre. Seules quelques marques, dont Dior et Body Shop, ont reconnu en utiliser9.
Critiquée pour avoir refusé de participer en 2007 au Nanoforum consacré aux cosmétiques10, la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) a tout de même participé au débat public national de 2009-2010 en France, et produit un cahier d'acteurs qui affirme que le nano dioxyde de titane est utilisé dans les produits de protection solaire "depuis bientôt 20 ans".
Dans un échange11 très intéressant et très riche avec le toxicologue Andrew Maynard, l'association des Amis de la Terre estime qu'il est du devoir des industries non seulement de mieux tester l'innocuité de leurs produits mais également d'être plus transparents.
Se pose ainsi la question du rôle des différents acteurs : si les associations de consommateurs, de protection de l'environnement ou de la santé sont un rôle de garde-fou, le poids de la preuve ne doit pas porter uniquement sur elles : les entreprises ont une responsabilité à assumer, sous la vigilance des pouvoirs publics.
Quels sont les défis à relever en terme de réglementation et de traçabilité ?
Aux USA, trois députés américains viennent de déposer une proposition de loi intitulée Safe Cosmetics Act au Congrès américain le 24 juin dernier. S'il est voté, ce texte obligerait les entreprises à déclarer à la FDA leur utilisation de nanomatériaux, en donnant des précisions sur ces derniers (dont la taille et des données toxicologiques) - informations qui devraient être rendues publiques. Le texte donnerait à la FDA le pouvoir d'exiger que l'étiquette des cosmétiques concernés mentionne la présence de nanomatériaux manufacturés, ce dont se félicitent les Amis de la Terre USA dans un communiqué.
De ce côté-ci de l'Atlantique, la déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire prévue par les lois de Grenelle en France ou le Réglement Cosmétiques en Europe changeront-ils la donne en assurant un meilleur accès à l'information et une meilleure prévention des risques ? Certains en doutent.
Un futur étiquetage déjà sujet à caution
S'il permettrait au consommateur, théoriquement, d'y voir un peu plus clair, l'étiquetage prévu par le Réglement Cosmétiques européen ne réglera pas tous les problèmes, liés à la question plus générale de la définition des nanomatériaux, toujours pas stabilisée et source de controverses.
Par exemple, si les nanomatériaux utilisés excèdent le seuil des 100 nm et/ou forment des aggrégats ou agglomérats, ils pourraient échapper aux dispositions prévues par le Réglement. Or Pascal Courtellemont (LVMH Recherche) affirmait (toujours en octobre 2009) que le nano dioxyde de titane s'agglomère "lorsqu'il est mis dans les matrices cosmétiques. (...) On passe de tailles qui avoisinent les dizaines de nanomètres à 150 nanomètres, puis à des agglomérats à 1 ou 3 microns"2.
Selon un journaliste américain12, la marque Burts Bees a déclaré renoncer à utiliser des particules d'une taille inférieure à 200nm. Depuis mars 2011, une autre marque américaine, Badger, affiche avoir renoncé à utiliser des particules d'oxyde de zinc d'une taille inférieure à 120 nm depuis mars 201113.
100, 120, 150, ou 200 nm : dans tous les cas, le seuil choisi l'est de façon arbitraire (le SCENIHR, Comité scientifique européen pour les nouveaux risques émergents, a ainsi souligné l'absence de fondement scientifique au seuil souvent avancé de 100 nm) et laisse sceptiques les consommateurs, associations et agences sanitaires : comment prétendre en toute bonne foi que la toxicité des particules disparaît à telle ou telle taille, mais que leurs propriétés anti-UV ou leur transparence, elles, sont conservées ?
Comment s'assurer du respect de l'obligation de déclaration des nanomatériaux par les entreprises ?
En France, le projet de déclaration des substances à l'état nanoparticulaire mises sur le marché prévoit que les importateurs, fabricants ou distributeurs les déclarent à l'Anses. Les entreprises se conformeront-elles aux exigences de la loi ? Beaucoup en doutent. Les sanctions prévues seraient trop peu dissuasives : de nombreuses entreprises pourraient préférer prendre le risque d'une amende plutôt que d'afficher la composition nano de leurs produits et prendre alors le risque de voir les consommateurs se détourner de leurs produits.
En Nouvelle Zélande, les nanomatériaux utilisés ou importés pour être intégrés dans les cosmétiques doivent être signalés à l'Autorité de Management des Risques Environnementaux ; mais en juin 2010, le Sustainability Council de Nouvelle Zélande déplorait qu'aucun signalement n'ait été effectué, malgré la présence de nombreux produits cosmétiques contenant des nanomatériaux sur le marché néozélandais14.
Dans le doute, comment choisir sa crème solaire ?
Pour ceux qui voudraient éviter d'utiliser des produits solaires contenant des nanomatériaux, sachez que "les produits de protection solaire de haut grade, produits 50 ou 50 +, contiennent tous du dioxyde de titane nano" selon Anne Dux, représentante la Fédération des entreprises de la beauté2.
Rien ne sert de déboucher les tubes de crèmes au supermarché ou dans sa pharmacie pour vérifier leur transparence : certaines marques ont développé des produits solaires sans nano mais tout de même transparents.
L'ONG américaine Environmental Working Group (EWG) a mis en place une base de données "Skin Deep Cosmetic Safety database" et un guide des crèmes solaires accessible en ligne à l'adresse http://breakingnews.ewg.org/2011sunscreen.
Le 1er décembre 2010, Les Amis de la Terre Australie ont publié de leur côté un Guide des crèmes solaires 2010-2011 téléchargeable sur leur site internet, où figurent notamment, parmi les marques utilisant des nanomatériaux : Ambre Solaire, Garnier, Kosmea, Avéne, Helena Rubinstein, Lancôme, L'Oréal, Maybelline et Shu Uemera15.
Le référentiel "Cosmos Organic" de la certification Cosmos (Cosmetic Organic Standard) interdit les nanomatériaux16.
A l'heure actuelle, au vu des nombreux problèmes de seuil, de mesure, et d'opacité relevés plus haut, il est cependant difficile de s'assurer de l'absence de nanomatériaux dans les crèmes.
60 millions de consommateurs a réalisé dans son n° de juillet-août un dossier sur cette question : sur les dix crèmes solaires testées, tous contenaient des nanoparticules, même dans les produits bio où elles sont interdites. Des résultats qui font (re)dire à Marie-Jeane Husset, directrice de la rédaction, que "le droit à l'information est l'un des droits fondamentaux des consommateurs". Tant que la mise en regard du gain d'efficacité des formules nanométriques par rapport à leur plus grande toxicité ne sera pas effectuée de manière plus poussée et plus transparente, le doute subsistera et le principe de précaution s'imposera.
Quelles alternatives ?
Du fait des controverses nées de l'utilisation de nanoparticules métalliques dans les crèmes solaires, certains chercheurs se sont penchés sur des alternatives... faisant néanmoins intervenir elles aussi des éléments nanométriques, mais naturels et, selon eux, moins toxiques : des chercheurs de l'Université du Tennesse ont ainsi mis en évidence les propriétés anti-UV de nanoparticules secrétées par du lierre grimpant et font valoir qu'il s'agit d'une alternative sérieuse aux nanoparticules de dixoyde de titane ou oxyde de zinc17.
En attendant la confirmation de cette piste (parmi d'autres), les recommendations des agences sanitaires, médecins et associations de protection de la santé ou de l'environnement sont, elles, sans effet secondaire inconnu : minimiser le temps d'exposition au soleil entre midi et 16h, porter chapeau, lunettes de soleil et vêtements légers, et privilégier l'ombre sont les meilleurs moyens de limiter les risques liés au soleil. Et nul besoin d'avoir une thèse en toxicologie pour les appliquer !
Ce qu'il reste à éclaircir...
Au niveau européen, le Réglement Cosmétiques qui prendra effet à partir de 2013, prévoit un régime de notification spécifique des produits contenant des nanomatériaux six mois avant leur mise sur le marché, mais ce régime ne s'applique pas aux filtres ultra violets. Les raisons de cette exception ? Elles ne sont pas explicitées dans le texte. L'Avicenn cherche à éclaircir ce point et a interrogé plusieurs personnes à ce sujet. Nous sommes encore dans l'attente de leur réponse.
Si vous avez des éléments d'information sur la question, n'hésitez pas à envoyer un mail à redaction[AT]veillenanos.fr
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification mai 2020
Ce dossier a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
La commercialisation et l'utilisation de nanomatériaux manufacturés se sont considérablement accrues depuis le début des années 2000 dans de nombreux domaines : cosmétiques, textiles, électroménager, équipements de sport, vitres et matériaux de construction, voitures, aéronautique, bateaux, alimentation, etc. De plus en plus de nanomatériaux, nanoparticules ou résidus de nanoparticules sont présents dans les eaux usées et conduits pour partie jusqu'aux stations d'épuration, puis dans les rivières et cours d'eau. Avec quelles conséquences pour la faune et la flore aquatiques ? Quid des microorganismes des sols sur lesquels sont épandues les boues de station d'épuration ?
Des inquiétudes se profilent parmi un nombre croissant d'acteurs. Qui fait quoi sur ces différents aspects ?
Sur toutes ces questions, seules sont aujourd'hui accessibles des informations éparses, souvent difficiles à comprendre pour le non spécialiste ou n'abordant qu'un aspect particulier sans donner de vision d'ensemble.
Ce dossier initié en 2015 rassemble donc les informations disponibles ainsi que les questions qui se posent aujourd'hui et qui pourraient devenir un problème en l'absence d'action de la part des différentes institutions concernées. Il s'agit d'une base que nous souhaitons compléter et mettre à jour en fonction de l'évolution des connaissances : vos contributions sont les bienvenues ! En savoir + Sommaire
Fiche initialement mise en ligne entre février 2015
Nanomatériaux / Nanoparticules / Nanotechnologies et Eaux : Bibliographie
Nanomatériaux / Nanoparticules / Nanotechnologies et Eaux : Bibliographie
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout octobre 2020
Cette sélection de documents compilés pour préparer notre dossier Nano et Eau a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Vulnerability of ground water resources regarding emerging contaminants and nanoparticles : Résumé et vidéo, Hofmann T, Harvard Chan School's NIEHS Center for Environmental Health, 5 avril 2018
Les nanoparticules d'argent en milieu naturel : cas d'un estuaire, Millour M, UQAR (Université du Québec à Rimouski), intervention au 83e du Congrès de l'Acfas, Colloque 210 - Présence, persistance, devenir et effets des nanomatériaux dans l'environnement, mai 2015
Les nanoparticules : quels risques en Seine ?, Yann Sivry et al., communication aux 22èmes Journées Scientifiques de l'Environnement - Reconquête des environnement urbains : les défis du 21ème siècle, février 2011
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition."
Écrans UV nanos : un danger pour la vie marine, L'Observatoire des Cosmétiques, 5 septembre 2014 : Des chercheurs espagnols ont ainsi estimé que l'activité touristique sur une plage de Méditerranée durant une journée d'été peut relarguer de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane dans l'eau, et aboutir à une augmentation de 270 nM/jour de la concentration en peroxyde d'hydrogène (une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins) → Résumé vulgarisé en français de l'article suivant : Sunscreens as a Source of Hydrogen Peroxide Production in Coastal Waters, Sánchez-Quiles D and Tovar-Sánchez A, Environ. Sci. Technol., 48 (16), 9037-9042, 2014
Quelles informations sur les nanomatériaux dans les fiches de données de sécurité (FDS) ?
Quelles informations sur les nanomatériaux dans les fiches de données de sécurité (FDS) ?
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification juillet 2020
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Les FDS : un support d'information nécessaire pour une meilleure protection des travailleurs
Les fiches de données de sécurité (FDS) ont pour objectif de permettre aux travailleurs de manipuler en sécurité des substances et mélanges en étant informés des risques possibles et des mesures de précaution à prendre. Ces documents sont censés délivrer une information complète sur les propriétés et les dangers des substances et des mélanges tout au long de la chaîne de transformation du produit1.
Problème : pas - ou très peu - de données spécifiques pour les nanomatériaux dans les FDS aujourd'hui
Malheureusement, les FDS contiennent très rarement des informations spécifiques sur le caractère nanométrique des matériaux ainsi que sur les risques liés à leur utilisation et les moyens de prévention recommandés. Tout au plus fournissent-ils des données sur matériau parent (à l'échelle micro- ou macroscopique) dont les propriétés et les risques sont très différents.
Ainsi aux USA, des fiches pour des nanotubes de carbone disponibles dans le commerce fournissent les limites d'exposition admissibles du graphite (composé de carbone également)2...
En Australie, selon une étude de l'agence australienne pour la santé et la sécurité publiée en 2010, à peine 18 % des FDS fournissaient une description adéquate et suffisante pour pouvoir évaluer le risque professionnel, et la plupart des fiches ne fournissent pas de description et de données spécifiques pour les nanomatériaux3.
Des chercheurs coréens ont également analysé des FDS pour 97 des nanomatériaux testés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)4. Ils ont mis en évidence :
une information insuffisante ou absente en ce qui concerne, par exemple, les caractéristiques physico-chimiques, les voies d'exposition, les profils toxicologiques et les mesures de protection ;
l'utilisation de données (notamment les valeurs limites d'exposition professionnelle, VLEP) provenant de la même substance mais sous forme non nanométrique, alors qu'elles ne sont pas validées pour la forme nanométrique
l'utilisation d'informations trompeuses, comme un n° CAS (n° de produit chimique) pour une autre forme de carbone (par exemple, le noir de carbone ou graphite) sur une FDS de nanotubes de carbone ;
l'absence d'information concernant le risque d'explosion de poussières, en particulier de l'oxyde d'aluminium.
Des membres de l'Institut national pour la sécurité et la santé au travail des USA (NIOSH) étaient parvenus aux mêmes conclusions après avoir analysé le contenu de cinquante FDS préparées entre 2007 et 20115.
Nous n'avons pas trouvé de chiffres spécifiques portant sur des FDS européennes, mais il y a fort à parier qu'ils sont également très faibles. En 2012, l'INRS affirmait que la plupart des informations fournies dans les FDS (notamment les données toxicologiques et les mesures de prévention) ne se rapportaient pas spécifiquement aux nanomatériaux mais concernaient les matériaux parents c'est-à-dire les matériaux (nature chimique et structure cristalline identiques) à l'échelle micro ou macroscopique6.
Enfin, lorsqu'il s'agit de produits contenant des nanomatériaux, il est encore plus difficile détablir des fiches correspondant à ces produits car les nanomatériaux ne présentent pas forcément les mêmes propriétés ni les mêmes dangers qu'à l'état libre.
En 2014, Avicenn a pu identifier environ une quarantaine de produits vendus en agriculture ayant été déclarés au registre R-nano. Aucune des 42 fiches de sécurité consultées ne mentionne cependant d'information sur un ingrédient à la taille nanométrique, bien que certaines aient été mises à jour après la mise en place des définitions réglementaires européenne et française.
A partir de 2021, des informations sur les nanoformes seront obligatoires sur les FDS en Europe
A partir de 2021, il deviendra obligatoire de préciser dans les FDS si les substances ou les mélanges se présentent sous une forme nanométrique. Le règlement n°2020/878 qui modifie l'annexe II du règlement REACH sur les exigences relatives à l'élaboration des fiches de données de sécurité (FDS)7prévoit en effet que soient enfin obligatoirement fournies des informations spécifiques aux nanoformes à compter du 1er janvier 2021 (au plus tard au 31 décembre 2022) :
la FDS devra mentionner dans chaque rubrique pertinente si elle concerne des nanoformes et, le cas échéant, préciser lesquelles, et relier les informations de sécurité pertinentes à chacune de ces nanoformes
la FDS devra indiquer les caractéristiques des particules qui définissent la nanoforme et, en plus de la solubilité dans l’eau, la vitesse de dissolution dans l’eau ou dans d’autres milieux biologiques ou environnementaux pertinents
en ce qui concerne les nanoformes d’une substance à laquelle le coefficient de partage n-octanol/eau n’est pas applicable, il y a lieu d’indiquer la stabilité de la dispersion dans différents milieux
pour les solides, la taille des particules [diamètre équivalent médian, méthode de calcul du diamètre (sur la base du nombre, de la surface ou du volume) et la fourchette dans laquelle cette valeur médiane varie] devra être indiquée ; d'autres propriétés peuvent également être indiquées, telles que la répartition par taille (par exemple sous la forme d’une fourchette), la forme et le rapport d’aspect, l’état d’agrégation et d’agglomération, la surface spécifique et l’empoussiérage.
En attendant, comme l'avait précisé dès 2013 l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), si la substance est fournie sous la forme de nanomatériau, cela peut déjà être indiqué dans la sous-rubrique "aspect". Par exemple, état physique: solide (nanomatériau)8.
Ces précisions ont été demandées de longue date par de nombreux acteurs
De nombreuses institutions ont exprimé leur souhait que les FDS contiennent des données spécifiques pour le format nano et que la présence de nanomatériaux dans les produits soit signalée. Parmi elles figurent notamment :
la Confédération européenne des syndicats dès 2008 (CES ou ETUC)9
le secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) de la Suisse en décembre 2010 puis en 201210
Les nanomatériaux étant des agents chimiques, les règles générales relatives à la protection de la santé des salariés doivent être appliquées (prévention du risque chimique selon le code du travail) d'où la nécessité d'avoir des FDS adaptées.
Un consensus assez large se dégage sur la nécessité de :
faire figurer dans les FDS les caractéristiques physico-chimiques et dangers des nano-objets ; de fournir des recommandations spécifiques en termes de précaution, protection - tant en ce qui concerne la manipulation, le stockage que la fin de vie du produit et de signaler les informations qui ne sont pas (encore) disponibles - notamment les données toxicologiques ou écotoxicologiques)
améliorer la lisibilité des informations fournies : trop souvent les informations sont trop techniques et complexes, empêchant leur bonne compréhension et leur utilisation par des non-experts
veiller à la mise à jour régulière des FDS pour intégrer l'avancée des connaissances (et signaler les informations qui ne sont pas (encore) disponibles - notamment les données toxicologiques ou écotoxicologiques)
garantir l'information des travailleurs concernant les risques pour permettre aux employeurs d'adopter des mesures de contrôle pratiques en milieu de travail, ainsi que pour les représentants des travailleurs afin de vérifier ces mesures13
assurer la transmission des FDS tout au long de la chaine logistique afin de "permettre le suivi du produit au cours de ses étapes de transformations industrielles, c'est-à-dire sur une partie de son cycle de vie" 14. L'objectif, à terme, étant de transmettre la FDS du début à la fin du "cycle de vie". Ces transformations peuvent conduire à la nécessité de produire de nouvelles FDS correspondant au produit formé (cas de fonctionnalisation de nanomatériaux). Certains caractères dangereux peuvent être réduits dans le produit final - par exemple, dans un liquide ou un composite, le risque d'inhalation est faible - même si la prudence doit toujours être de mise16.
Des données techniques plus précises peuvent être consultées dans les documents suivants :
En avril 2014, l'ANSES a recommandé l'encadrement des nanomatériaux selon la réglementation européenne CLP qui obligerait les fournisseurs de substances à l'état nanoparticulaire à fournir à leurs clients des fiches de données de sécurité (FDS) pour les substances "nano" 14.
Même obligatoires, les FDS devraient être accompagnées d'autres mesures d'information et de protection des travailleurs
Ainsi que le précisait déjà l'Afsset (ex-ANSES) en 2008, "la mise à disposition de ces FDS ne saurait, à elle seule, garantir une information suffisante ; l'employeur doit, en outre, établir, pour chaque poste ou situation de travail, une notice indiquant les dispositions prises pour prévenir les risques, les règles d'hygiène applicables et, selon les circonstances, les règles d'utilisation des équipements de protection collective et des équipements de protection individuelle" 17.
En effet même dans les grandes entreprises où les institutions représentatives du personnel (IRP) jouent un rôle important dans la protection de la santé des salariés, les FDS ne sont pas tout le temps bien exploitées. A fortiori, dans les petites et très petites entreprises, les FDS ne sont pas nécessairement lues ; la santé des travailleurs est alors moins protégée18. Une information (complémentaire) plus opérationnelle est donc nécessaire.
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Dossier : Nanomatériaux et Environnement
Nano et environnement
Dossier : Nanomatériaux et Environnement
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2021
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Les "promesses" des nanos en matière d'environnement
Les nanotechnologies sont souvent présentées comme une solution miracle à de nombreux problèmes d'environnement. En 2009, l'Union des Industries Chimiques (UIC) affirmait ainsi que "les nanomatériaux contribuent à réduire l'empreinte environnementale des activités : pneus à basse consommation, véhicules moins gourmands en énergie, habitations mieux isolées, téléphones cellulaires et ordinateurs plus autonomes et moins énergivores. (...) Les nanotechnologies interviennent de plus en plus dans la dépollution des sols et des eaux, le stockage du CO2 ou encore la production et le stockage d'énergies renouvelables. Au niveau industriel, elles permettent de fabriquer des produits manufacturés en consommant moins d'énergie et de matières premières"1.
Ainsi que le rapportait le Président de la Commission nationale du débat public en avril 2010 à l'issue du débat, ce discours est entretenu par des institutions de recherche française : "Qu'attend-on de positif des nanotechnologies ? Selon le CNRS et le CEA, un des objectifs est de contribuer au développement d'une société économe en ressources naturelles et en énergie, porteuse d'une forte exigence de préservation de la santé et de l'environnement"2.
Dépollution et remédiation des sols et des eaux par les nanos
Selon une étude réalisée pour l’Ademe en 2010, le marché de la dépollution était de 470 millions d’euros. Une piste de solution serait d'utiliser des nanoparticules de fer pour dépolluer les sols.
Des chercheurs du Gisfi (Groupement d’intérêt scientifique sur les friches industrielles) ont réitéré en mars 2019 l'intérêt de la nanoremédiation. Les nanoparticules de fer sont les plus utilisées. Elles permettent de décontaminer des eaux et des sols chargés en composés chlorés, qui figurent parmi les polluants les plus répandus. Elles sont aussi efficaces pour le chrome, en réduisant l’une de ses formes particulièrement toxiques. Elles peuvent être injectées dans les nappes et mélangées à des sols, jusqu’à des profondeurs d’une douzaine de mètres, permettant dans certains cas de venir à bout de la quasi-totalité de la pollution.
Les auteurs soulignent cependant les incertitudes sur les risques, "les barrières à franchir d’ordre réglementaire et concernant l’acceptabilité de ces techniques par les entreprises, les clients, les élus et le public".
Les études continuent avec le Gisfi, la région Grand Est et quatre partenaires européens (Finlande, Grèce, Hongrie et Italie) dans un nouveau programme TANIA TreAting contamination through NanoremedIAtion (1 285 735 € pour des travaux de janvier 2017 à décembre 2021).
Autres "promesses" des nanomatériaux et/ou nanotechnologies en matière d'environnement
A travers notre veille sur le web, nous repérerons également de nombreuses annonces de développement d'applications nanos prétendument "vertes"3.
La vigilance est néanmoins de mise : outre qu'il existe beaucoup d'incertitudes sur les risques associés à ces développements (voir plus bas), certains s'interrogent sur la réalité et l'empreinte environnementale de ces promesses.
Quelle réalité ?
De nombreuses associations environnementales, parmi lesquelles les ONG réunies au sein du Bureau européen de l'environnement (BEE) et du Réseau international pour l'élimination des Polluants organiques persistants (IPEN), considèrent que les bénéfices affichés sont souvent exagérés, non testés et, dans un grand nombre de cas, à des années de pouvoir être concrétisés4.
Quel bilan écologique ?
Les nanotechnologies permettent d'obtenir une meilleure efficacité avec moins de quantités de produits ? C'est oublier la hausse de la démographie et des volumes de consommation... et l'association Les Amis de la Terre International redoute même que les nanotechnologies ne fassent en fait qu'accentuer la consommation et les coûts de l'énergie5.
Avec le BEE et l'IPEN4, ils soulignent également que les promesses environnementales associées aux nanos ne concernent souvent que l'utilisation ou l'exploitation des produits auxquels elles sont associées et ignorent l'empreinte environnementale des autres étapes du cycle de vie des produits - élaboration, fabrication, utilisation, recyclage ou élimination - lors desquelles l'environnement peut être déterioré.
Par exemple les recherches, l'extraction des matières premières, la fabrication et le traitement en fin de vie de certains nanomatériaux requièrent des installations et équipements plus sophistiqués que les procédés classiques, et également plus d'énergie, plus d'adjuvants (notamment d'eau) et parfois plus de solvants néfastes pour l'environnement6.
Les rejets de gaz à effet de serre générés par la production de certains nanomatériaux, le nanoargent notamment, peuvent être également plus importants7, or ils sont en cause dans le réchauffement climatique et l'épuisement de la couche d'ozone.
En outre, même pendant la seule phase de leur utilisation, certains produits présentent un faible rendement de production, à cause d'un coût énergétique élevé pour une durée de vie limitée (particulièrement tous les gadgets électroniques, smartphones en première ligne, utilisant micro et nano-électronique qui ne dépassent guère quelques années).
La production high-tech de nanomatériaux à base de carbone, tels que les fullerènes, nanotubes de carbone et nanofibres de carbone, est aujourd'hui extrêmement énergivore ; les gains d'énergie potentiellement liés à certaines de leurs utilisations - notamment, pour les véhicules, les économies de carburant liées au gain de poids qu'ils permettent d'obtenir - sont loin de compenser les coûts énergétiques liés à leur production. L'impact du cycle de vie des nanofibres de carbone pourrait être cent fois supérieur à celui des matériaux auxquels on les substitue (aluminium, acier ou polypropylène) dans l'aéronautique ou l'automobile par exemple8.
La facture énergétique dépend évidemment des quantités de nanomatériaux produites : lorsque de très petites quantités sont utilisées, par exemple dans le cas des nanotubes de carbone pour produire des films plastiques spéciaux, il peut y avoir un gain d'énergie9. Mais l'autre question qui émerge alors concerne les risques que peuvent poser ces nanotubes pour l'environnement. Ce qui nous amène à la question suivante...
Des risques pour l'environnement de plus en plus documentés mais encore insuffisamment cernés
Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés par exemple11 :
- sur des micro-organismes : effets sur la croissance et la viabilité de protozoaires et autres micro-organismes,
- sur des végétaux : diminution de la viabilité cellulaire ou de la quantité de chlorophylle de végétaux, impact (parfois positif, parfois négatif) sur la germination des graines et la croissance racinaire
- sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre
- sur des organismes terrestres : réduction de la mobilité voire mort de drosophiles, diminution du taux de reproduction de vers de terre.
Plus récemment, des chercheurs ont mis en évidence un lien entre l'incinération de thermoplastiques contenant des nanotubes de carbone et l'augmentation des émissions et de la toxicité des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)12.
La dissémination des nanoparticules manufacturées de dioxyde de titane peut être source de toxicité pour les environnements terrestres et aquatiques14.
Les nanoparticules contenues dans les crèmes solaires sont relarguées dans les eaux de baignade (de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane par jour sur une plage espagnole), et aboutir à une augmentation de la concentration en peroxyde d'hydrogène, une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins15, ce qui peut donc avoir des conséquences sur toute la chaîne alimentaire !
En 2020, des travaux menés par des chercheurs français et espagnols ont montré que des nanoparticules d'oxyde de zinc sont absorbées par les roseaux, avec différents effets toxiques à la clé (réduction de leurs croissance, teneur en chlorophylle, efficacité photosynthétique et transpiration)16.
Mais ces données sont encore très parcellaires ; malgré le développement des recherches à ce sujet18, les incertitudes relatives aux risques posés par les nanomatériaux pour l'environnement sont nombreuses.
Les conditions d'expérimentation sont souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité
De fait, la plupart des études menées jusqu'à présent ont été réalisées dans des conditions souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité : leurs résultats sont donc peu généralisables et à considérer avec prudence.
Les nanomatériaux considérés sont en effet souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux et résidus de dégradation des nanomatériaux auxquels sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines. Pour l'heure, les scientifiques ont en effet une connaissance très limitée des types de nanomatériaux qui sont incorporés dans les produits actuellement sur le marché, et a fortiori des résidus de dégradation des nanomatériaux relargués dans l'environnement tout au long du "cycle de vie" de ces produits ; ils ignorent également beaucoup de choses sur la mobilité et les transformations subies par ces derniers dans l'environnement : là encore de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, comme le degré d'acidité ou de salinité19 de l'eau par exemple.
Les concentrations de nanomatériaux testés sont en outre plus importantes que celles estimées dans l'environnement (à cause des limites des appareils de détection et de mesure utilisés en laboratoire). Toutefois on ne peut écarter l'hypothèse que les effets constatés (ou d'autres) sur les écosystèmes pourraient également intervenir à des concentrations plus faibles ; on vient en outre d'avoir la preuve scientifique que certains nanomatériaux (de silice notamment) sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses20. En outre ces fortes concentrations permettent de simuler des situations de contamination aiguë et ponctuelle (par exemple un déversement accidentel sur un site de production, ou encore en cours de transport).
La situation s'améliore cependant (au niveau méthodologique s'entend), avec de nouvelles méthodes d'analyses pour étudier les effets de nanoparticules sur les écosystèmes21 - par exemple en utilisant des "mésocosmes" : d'énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquels est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau.
Les effets néfastes du nanoargent sur des plantes et micro-organismes mentionnés plus haut ont également été observés dans des conditions expérimentales "réalistes"13.
L'évaluation des risques se heurte à la complexité due à la multitude de paramètres à prendre en compte
Le problème rencontré par les scientifiques pour évaluer les effets des nanomatériaux sur l'environnement vient notamment du grand nombre de paramètres à prendre en compte et des multiples combinaisons dues aux variations de beaucoup d'entre eux :
- d'une part la toxicité et l'écotoxicité des nanoparticules varient selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, structure, état de charge, degré d'agglomération, composition, solubilité, etc.) qui varient elles-mêmes selon les conditions dans lesquelles les nanoparticules sont synthétisées, stockées, éventuellement enrobées, intégrées dans un produit puis relarguées dans l'environnement.
- d'autre part, il faut également prendre en compte ce avec quoi les nanomatériaux considérés - ou leurs résidus - vont entrer en contact : êtres vivants végétaux, animaux, micro-organismes, et autres substances chimiques.
Toute évaluation des risques associés aux nanomatériaux est donc très complexe. Pour autant des pistes d'amélioration sont proposées par la communauté scientifique22.
Les incertitudes donnent lieu à des divergences d'interprétation
Ces incertitudes et difficultés expliquent que les résultats soient peu généralisables et à considérer avec prudence.
Quand certains minimisent les risques en arguant du fait que les expériences ont été réalisées sur la base d'un "scénario du pire" (pour "worst case scenario" en anglais, impliquant par exemple des nanoparticules utilisées sous forme dispersée et à doses très fortes), d'autres soulignent a contrario que les conclusions amènent à tirer la sonnette d'alarme.
Les nanomatériaux peuvent accroître la dissémination d'autres polluants
On sait déjà que les nanomatériaux ou leurs résidus peuvent traverser la paroi des cellules des plantes et y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie"), on redoute qu'ils favorisent le transport de polluants (métaux lourds ou pesticides par exemple)23.
Des risques accrus par les interactions des nanomatériaux entre eux ou avec d'autres polluants
Comment ne pas craindre également un "effet cocktail" avec certaines molécules ? Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, ne pourraient-ils pas devenir (encore) plus dangereux ?24
Quelles conséquences de la dissémination des nanomatériaux bactéricides ?
Utilisé dans de nombreux produits de consommation pour ses propriétés antibactériennes, le nanoargent nuit à certaines bactéries jouant aujourd'hui un rôle essentiel dans les stations d'épuration : les conséquences sont encore mal évaluées, mais les inquiétudes grandissent sur les problèmes qui pourraient se poser à moyen terme pour garantir la qualité des eaux25.
Pire, les nanomatériaux utilisés pour dépolluer les sols ou les eaux26 pourraient entraîner eux-mêmes des pollutions importantes des écosystèmes au point que de nombreux acteurs insistent sur la nécessité d'interdire l'utilisation de nanoparticules pour dépolluer des sols ou de l'eau jusqu'à ce que des recherches démontrent que les bénéfices sont supérieurs aux risques27.
Les nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent laissent le champ libre à des différences d'appréciation des risques par les scientifiques voire de vraies controverses. Outre les problèmes qu'il pourrait poser dans les stations d'épuration, le nanoargent par exemple est pointé du doigt par certains experts qui le soupçonnent d'accroître le risque d'émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques, ce que d'autres contestent28...
Comment appliquer le principe de précaution ?
Devant le peu de certitudes et de garanties sur l'innocuité des nanomatériaux pour l'environnement, s'impose le principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2005 : "Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".
Comment l'appliquer au cas des nanomatériaux pour lesquels demeurent de nombreux "verrous scientifiques" qui empêchent à ce jour une connaissance précise des risques encourus ?
Voici quelques-unes des pistes de solutions - parfois complémentaires, parfois exclusives les unes des autres - proposées par différents acteurs lors du débat public national de 2009-2010 et depuis :
Mener des études supplémentaires ? Lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
De nombreux acteurs ont appelé à la réalisation d'études supplémentaires afin de combler les incertitudes restantes sur les risques / la sécurisation des nanomatériaux. Pour autant, est-ce réalisable dans des délais raisonnables sachant que de nouveaux nanomatériaux toujours plus complexes sont produits et commercialisés chaque jour ? Se pose en outre la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
Limiter la commercialisation / les utilisations des nanomatériaux ?
Afin de prévenir les effets indésirés des nanomatériaux, certains acteurs ont demandé la mise en place de moratoires (avec des périmètres plus ou moins larges). Se basant sur les nombreux précédents qui témoignent des difficultés à intervenir "après-coup" (plomb, mercure, amiante, DDT, PCB, etc.), ils considèrent qu'une fois que de grandes quantités de nanomatériaux seront relarguées dans l'environnement et mélangées aux quelques centaines de milliers de substances chimiques de synthèse qui y sont déjà présentes, il sera sans doute trop tard pour agir.
Des chercheurs ont estimé qu'entre 63 et 91% des quelques 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont fini dans des décharges, le reste étant relargué dans les sols (8 à 28%), l'eau (de 0,4 à 7%), ou l'atmosphère (0,1-1,5 %)29.
Certains demandent de rendre obligatoires les évaluations avant la commercialisation de nanomatériaux, et d'interdire ces derniers lorsque les résultats de ces évaluations suggèrent qu'ils pourraient être nocifs pour l'environnement. On retombe alors sur les questions mentionnées plus haut concernant la fiabilité, le calendrier et le financement de ces études.
Développer l'éco-conception des nanomatériaux ?
Des scientifiques aident à la mise en place d'une éco-conception des nanomatériaux : le but est de minimiser la toxicité et l'exposition aux différentes étapes du cycle de vie des nanomatériaux en contrôlant les méthodes de synthèse, de stockage et/ou d'intégration des nanomatériaux dans les produits finaux. Le défi peut-il être relevé - tant techniquement que financièrement ? A quelle échéance les projets en cours de déploiement porteront-ils leurs fruits ? Et avec quelle possibilité de contrôle quant à la réelle innocuité des nanomatériaux développés ? Avec quelle portée et quelles limites ? Cet aspect est développé dans notre fiche sur l'approche nano "safe by design".
Contrôler les sources industrielles d'émissions de nanomatériaux ?
Géolocaliser les relargages de nanomatériaux afin de cibler les zones les plus à risques
Il est également urgent d'enregistrer les flux de produits contenant des nanomatériaux, de cartographier les lieux de distribution et de potentiel relargage puis de procéder à des observations ciblées de longue durée et sur le terrain, par exemple par bassins versants avec la participation de gestionnaires de l'eau. Une telle démarche pourrait permettre de corréler les volumes de nanomatériaux relargués aux éventuels problèmes qui pourraient être observés à court, moyen et long termes. La modélisation mathématique peut être un outil d'anticipation des risques collectifs.
Des initiatives concrètes ont-elles été mises en place en ce sens ? Pas à notre connaissance.
La question environnementale, porte d'entrée d'une approche plus globale ?
Le physicien Richard Jones, Pro-Vice Chancelier à la Recherche et l'Innovation de l'Université de Sheffield (Royaume-Uni), interpellait en 2009 la communauté scientifique en insistant sur le fait que les enjeux environnementaux soulevés par les nanos dépassent le simple domaine de la toxicologie et de la technique, et nous confrontent à des questions plus globales : qui contrôle ces technologies, qui en profite ? selon quelle gouvernance ? 32. Du fait des incertitudes relatives à l'efficacité et à la potentielle gravité des effets environnementaux causés tout au long du cycle de vie des nanomatériaux, il s'agit de considérer les questions de leur réversibilité et de notre capacité à remédier aux problèmes qu'ils pourraient engendrer. En matière de réversibilité, ce ne sont pas uniquement des considérations techniques qui doivent entrer en ligne de compte souligne toujours Richard Jones : notre expérience avec d'autres technologies montre que les sociétés, une fois engagées dans une voie spécifique, peuvent avoir de grandes difficultés à faire marche arrière, non seulement pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons économiques ou socio-politiques.
La question de l'utilité (ou de la futilité) de l'usage des différents nanomatériaux a été posée lors du débat public national : y a-t-il un réel progrès pour l'homme ? La réponse peut varier en fonction des valeurs et des cultures. En France, beaucoup d'associations considèrent que "l'urgence publique est d'investir d'abord dans la réduction des pollutions, la prévention des cancers, la sobriété énergétique, l'accès à l'eau et à la nourriture avant de développer, sans véritable instance de contrôle ou d'éthique, les nanoproduits", ainsi que le rapportait le Président de la CNDP à l'issue du débat public national sur les nanotechnologies en avril 20107.
Se pose également la question de l'autonomie ou de la dépendance à une technologie complexe : quelles solutions alternatives existent pour l'effet attendu ? Quels moyens sont consacrés à les améliorer ?
En définitive, c'est le fonctionnement de notre démocratie qui est ici en jeu : qui décide quoi à quel moment du cycle de vie des innovations ? Quels acteurs sont concernés à chaque étape du cycle ? Ont-ils pu exprimer un avis et en est-t-il tenu compte au moment où un vrai choix est encore possible, comme le requiert la convention d'Aarhus ? Avec quelle éthique ?
Annexe : Les acteurs mobilisés sur la question
Différentes organisations ont pris position sur les questions environnementales soulevées par les nanotechnologies et nanomatériaux, notamment :
les agences environnementales comme l'EPA aux Etats-Unis, la DEPA au Danemark, etc.
du côté des laboratoires de recherche :
les équipes de recherche françaises mobilisées sur la question sont pour la plupart listées sur le site du Groupement de recherche international iCEINT qui inclue également des équipes américaines du consortium CEINT
6 - Dans un scénario de fonctionnement à long terme, l'évaluation du cycle de vie de deux processus solaires de purification de l'eau a par exemple montré un impact sur l'environnement nettement plus élevé pour le processus photocatalytique à base de nano-TiO2 par rapport à l'approche conventionnelle, du fait d'une forte consommation des ressources dans la production du dioxyde de titane à l'échelle nanométrique (Untersuchungen des Einsatzes von Nanomaterialien im Umweltschutz, Martens, Sonja, et al. (Golder Associates Gmbh), 2010, solicited by: Umweltbundesamt, no. 34/2010, June 2010, Dessau-Roßlau: Umweltbundesamt).
18 - Voir le document plus détaillé et plus récent Compendium of Projects in the European NanoSafety Cluster, NanoSafety Cluster, juin 2015
Citons notamment le projet européen de recherche NanoSolutions (2013-2017), qui cherche à identifier les caractéristiques des nanomatériaux manufacturés qui déterminent leur potentiel de risque biologique. Il vise à développer un modèle de classification de sécurité pour ces nanomatériaux, basé sur une compréhension de leurs interactions avec des organismes vivants.
20 - Cf. Résultats du programme européen Nanogenotox : génotoxicité des nanomatériaux. Plus généralement, on commence à mieux comprendre l'effet des faibles doses et à s'apercevoir que ces effets peuvent être tout aussi délétères que des doses importantes ou avoir des effets antagonistes en fonction des doses. Les effets-doses viennent complexifier considérablement les recherches en toxicologie. Voir par exemple Le problème sanitaire des faibles doses, Elizabeth Grossman, juillet 2012 ; La seconde mort de l'alchimiste Paracelse, Stéphane Foucart, 11 avril 2013
Le projet MESONNET du CEREGE, initié en 2012, a contribué ainsi à étudier les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes en utilisant des "mésocosmes".
Nanomatériaux et Environnement : Bibliographie générale
Nanomatériaux et Environnement : Bibliographie générale
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout février 2021
Cette sélection de documents compilés pour réaliser notre dossier Nanomatériaux et Environnement a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Elle est classée par type d'acteurs (recherche, industries, pouvoirs publics, ONG, ...), afin de permettre aux lecteurs de contextualiser l'information qu'il y trouvera. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition."
NB : NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner (2016)
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout juillet 2020 (Page à compléter)
Cette sélection de documents compilés pour réaliser notre Dossier Nano et Risques pour la santé a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner (2016)
Cette sélection de documents compilés pour réaliser notre dossier Nanomatériaux et Santé au travail a vocation à être complétée et mise à jour.
Elle est classée par type d'acteurs, afin de permettre aux lecteurs de contextualiser l'information qu'il y trouvera. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
OSHA Europe, Suède: protection des travailleurs contre les nanotubes de carbone potentiellement dangereux dans le secteur manufacturier, novembre 2019 (Atlas Copco Industrial Technique, une entreprise manufacturière suédoise, a adopté une approche de précaution pour gérer l’exposition des travailleurs aux nanotubes de carbone, générés par les processus de travail dans son laboratoire d’essai, en installant des hottes d’aspiration et des dispositifs d’extraction afin que les travailleurs n’inhalent pas de poussières potentiellement dangereuses)
Direccte Nouvelle Aquitaine, Table Ronde "nanomatériaux", intervention de Nadine Renaudie, Colloque "Substances Dangereuses : les risques se dévoilent", Limoges, 11 octobre 2018
DIRECCTE et DREAL Pays de la Loire, SSTRN, AMEBAT, médecins du travail des services autonomes des Pays de la Loire et médecin du travail de Man Diesel, Nanomatériaux : Professionnels, êtes-vous concernés ?, novembre 2017
INRS, Rapport " Etudes & Recherche " 2016-2017, novembre 2017 (Ce document présente la synthèse des études terminées en 2016, une brève présentation de l'ensemble des études en cours en 2017, dont plusieurs sur les nanomatériaux)
Interview de Damien Moncoq, chargé de mission CNRS pour la prévention des risques liés à la manipulation de nanomatériaux, Prévention Infos CNRS, n°35, décembre 2013