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EpiNano, dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux

EpiNano, dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout décembre 2021Cette fiche rattachée à notre dossier Nanomatériaux et Santé au travail a vocation à être complétée et mise à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Le dispositif de surveillance Epinano a été lancé début 2014 par l'Institut national de veille sanitaire (lnVS). Il vise à constituer une population de travailleurs produisant ou manipulant des nanomatériaux et à suivre dans le temps l'évolution de leur état de santé dans un objectif de surveillance épidémiologique.
Sommaire :
- Objectifs
- Origine
- Pilotage et partenaires
- Un protocole en trois étapes
- Un programme initialement centré sur les nanotubes de carbone et le nano-dioxyde de titane...
- ... puis élargi aux nanoparticules de silice
- Un dispositif pionnier...
- ... qui se heurte à des difficultés de mise en oeuvre
- Comment contribuer à sa réussite ?
- A quand une connexion automatique entre r-nano et Epinano ?
- En savoir plus
Objectifs
- Exercer un suivi généraliste des éventuels effets sur la santé à moyen et long termes d'une exposition professionnelle aux nanomatériaux
- Permettre la mise en place d'études ad hoc explorant des hypothèses de recherche spécifiques
Origine
Dès 2006, un rapport du Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP) avait souligné que "des études épidémiologiques sur des populations exposées, notamment en milieu professionnel, doivent être entreprises" 1.
Un groupe de travail2 comprenant des épidémiologistes, des toxicologues, des médecins du travail, des physico-chimistes et des acteurs du système de prévention a été réuni par l'Institut de recherche en santé publique (IReSP) à partir de 2007, pour analyser cette question.
En 2008, l'Afsset (devenue aujourd'hui ANSES) avait à son tour écrit qu'en vue de la "réalisation d'études épidémiologiques spécifiques chez les travailleurs potentiellement exposés, il est indispensable de mettre en oeuvre un dispositif de recensement des personnels travaillant au contact des nanomatériaux et de surveillance des conditions de travail" 3.
En réponse à une demande des ministères de la santé et du travail4, l'institut national de veille sanitaire (lnVS, devenu en 2016 Santé publique France) avait réalisé une étude de faisabilité d'un suivi épidémiologique des travailleurs et des chercheurs exposés aux nanomatériaux, publiée en 20115.
Le protocole du dispositif de surveillance EpiNano est déployé depuis par Santé publique France (qui a repris les missions de l'INVS depuis 2016).
Il est entré dans sa phase opérationnelle depuis le début de l'année 2014, après avoir été soumis début 2013 au Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) et à la CNIL qui lui tous deux donné un avis favorable.

Pilotage et partenaires
Santé publique France est responsable du pilotage du dispositif.
D'autres partenaires sont associés :
- l'ANSES, qui gère les déclarations obligatoires des nanomatériaux en France
- la Direction générale du travail (DGT) avec qui une convention a été signée en mars 2014 ; l'inspection médicale du travail (via les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - DIRECCTE) contribuera à faire connaître le dispositif auprès des entreprises
- l'INRS, le CEA, l'INERIS, pour ce qui concerne l'évaluation des expositions aux nanomatériaux et la métrologie des aérosols aux postes de travail.
Un protocole en trois étapes
Le protocole conçu par l'InVS se voulait pragmatique et évolutif. Pour son démarrage, EpiNano a été échelonné en trois étapes :
- 1) l'inclusion des entreprises oeuvrant dans le domaine des nanomatériaux manufacturés (par questionnaire adressé aux entreprises - identifiées notamment sur la base du registre R-Nano)
- 2) au sein des entreprises, le repérage des postes de travail potentiellement exposés aux nanomatériaux et caractérisation semi-quantitative de l'exposition (par visite d'observation en entreprise)
- 3) l'inclusion des salariés affectés ou intervenants à ces postes (par un questionnaire adressé aux salariés) et leur suivi généraliste dans une cohorte prospective, via un questionnaire tous les trois ans.
Les travailleurs identifiés comme potentiellement exposés doivent être inclus dans un registre pour constituer une cohorte prospective avec un suivi épidémiologique.
Le suivi sanitaire est orienté sur la surveillance des effets respiratoires et cardiovasculaires, mais conserve un caractère généraliste.
La cohorte doit servir également aux études ad hoc explorant des hypothèses de recherche spécifiques.
Un programme centré sur les nanotubes de carbone et le nano-dioxyde de titane...
Dans un premier temps EpiNano a été limité à deux familles de nanomatériaux : nanoparticules de dioxyde de titane et nanotubes de carbone, sous forme de poudres. Leurs risques commencent en effet à être bien documentés6 et sont souvent rapprochés de ceux de l'amiante.
Il était prévu dès le départ qu'il puisse être ensuite étendu à d'autres nanomatériaux.
En 2014, les données déclarées dans R-Nano et relatives aux nanotubes de carbone et au nano-dioxyde de titane ont été communiquées à l'lnVS pour ce projet Epinano.
.. puis élargi aux nanoparticules de silice et au noir de carbone
Le programme aurait été élargi aux nanoparticules de silice depuis janvier 2016 (information obtenue en mars 2017, lors du comité de dialogue nano de l'ANSES)..
Cette liste peut encore être amenée à évoluer en fonction du contexte industriel national et scientifique.
Un dispositif pionnier...
EpiNano est le premier dispositif d'une telle envergure à être mis en place7. D'autres pays et institutions à l'étranger ont préconisé de mettre en place un suivi des travailleurs exposés, le dispositif EpiNano pourrait donc avoir d'autres "petits frères" prochainement ? L'utilisation des outils d'EpiNano pour l'harmonisation au niveau européen des méthodes de surveillance des travailleurs exposés aux nanomatériaux fait l'objet de discussions8.
... qui se heurte à des difficultés de mise en oeuvre
L'exploitation des données du registre déclarées dans R-Nano s'avère très difficile : les données sont parcellaires, leur analyse est compliquée et l'identification des sites où sont manipulés les nanomatériaux déclarés n'a pas été aisée au lancement du projet.
En outre, très peu d'entreprises acceptent d'ouvrir leurs portes et celles qui acceptent ne vont pas nécessairement jusqu'au bout de la démarche.
Mi-20169, 156 entreprises avaient été contactées, sur lesquelles 22 entreprises seulement avaient accepté d'adhérer au dispositif et avaient été visitées par l'équipe EpiNano de l'InVS ; sur les 149 postes de travail mettant en oeuvre des nano-objets et observés par l'équipe, la moitié environ a été classée potentiellement exposant. Ce travail a permis d'identifier 158 personnes éligibles dans EpiNano dont un tiers a déjà intégré le dispositif en complétant le questionnaire d'inclusion.
Début octobre 201610, le nombre d'entreprises volontaires était passé à 29, dont 27 ont été visitées, avec 153 postes observés et 155 travailleurs éligibles ; 63 seulement avaient donné leur accord pour faire partie du suivi avec un double questionnaire (actif et passif) pour un croisement avec d'autres bases de données (SNIIRAM, PMSI, CepiDC).
Le médecin du travail était associé au projet dans 11 entreprises, en participant à la réunion de présentation de projet et/ou à la visite. Dans quatre entreprises, le médecin a porté le projet en tant que personne-ressource. Certains médecins ont décliné leur participation par manque de temps et/ou le caractère non-prioritaire des NOAA par rapport à d'autres risques professionnels.
En 2016 et 2017, de nouvelles modalités ont été élaborées avec l’Inspection médicale du travail pour faciliter l’identification des entreprises produisant ou utilisant des nanomatériaux et améliorer le repérage des postes exposants. Désormais le médecin du travail et son équipe sont au centre de ce dispositif de veille sanitaire, avec un rôle de promoteur de la cohorte, auprès de la direction de l’entreprise, avec l’appui des médecins inspecteurs du travail et de Santé publique France.
La première version de l'auto-questionnaire individuel d'inclusion comptait 27 pages à lui seul ! Il en fait 15 désormais, favorisant un meilleur taux de réponse de la part des travailleurs.
En décembre 2017, Santé publique France a lancé à appel à candidatures pour la constitution d'un Conseil scientifique pour le dispositif EpiNano.
Dans un article publié fin 202110 dans la Revue d’anthropologie des connaissances, deux sociologues rattachés au Centre de Sociologie des Organisations (CNRS, Sciences Po), donnent un coup de projecteur sur un pan jusqu'alors peu éclairé pour expliquer les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre d'EpiNano : les tensions institutionnelles et organisationnelles et les dynamiques de concurrence entre Santé Publique France (poursuivant prioritairement des objectifs de recherche) et l’Inspection médicale du travail de la Direction Générale du Travail (DGT), davantage portée sur la surveillance des risques professionnels, réalisée sur le terrain par les Médecins régionaux inspecteurs du travail (Mirt).
Interrogée par AVICENN, Santé publique France a indiqué fin novembre qu'au vu du faible nombre d’établissements participantes (moins 20) et de travailleurs enregistrés (moins de 400), il avait été décidé de faire mener une enquête-pilote à la société Ipsos dans le cadre d'un marché public pour assurer le recrutement des établissements et le suivi du processus de collecte de données (Santé publique France restant le seul destinataire des données et la méthodologie d’enquête restant par ailleurs inchangée). Les résultats sont attendus courant 2022.
Comment contribuer à sa réussite ?
Toutes les entreprises œuvrant dans le domaine de la production, de la transformation ou de l'utilisation de nanomatériaux en France sont invitées à prendre contact avec la responsable du projet : Kathleen Chami de Santé publique France.
A quand une connexion automatique entre r-nano et Epinano ?
En l'absence de nouvelle recrues "volontaires", AVICENN plaide pour rendre automatique l'inscription des entreprises dans EpiNano dès lors qu'elles remplissent une déclaration r-nano pour les nanomatériaux concernés (nanotubes de carbone, nanoparticules de dioxyde de titane et/ou de silice à ce stade).
A cause du faible nombre d'entreprises volontaires, des retards dus aux problèmes de gouvernance et de mise en oeuvre du projet, la bonne conduite du programme a été mise à mal, au moins temporairement. L'enjeu est donc aujourd'hui non seulement de garder les cohortistes mais d'en intégrer un plus grand nombre afin que ce dispositif puisse atteindre ses objectifs.
En savoir plus
Lire aussi sur notre site :
- Bibliographie "Nano et Santé au travail", veillenanos.fr
- Dossier "Nano et Santé au travail", veillenanos.fr
- Risques associés aux nanomatériaux, veillenanos.fr
Ailleurs sur le web :
- http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Travail-et-sante/EpiNano et le Dépliant EpiNano
- INRS, EpiNano : dispositif national de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux manufacturés, Références en santé au travail, n°152, décembre 2017
- Dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux manufacturés en France, EpiNano : premier bilan, premiers enseignements, Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 77(6), 1019, décembre 2016
- O33-2 Epinano, the french program for epidemiological surveillance of workers potentially exposed to engineered nanomaterials: the state of play after first 18 months of operation, Occupational & Environmental Medicine, 73(1), décembre 2016
- rnv3p : le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles
- Guseva Canu I et al. (InVS), Dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux manufacturés en France, EpiNano : bilan après deux ans de fonctionnement, 34e Congrès National de Médecine et Santé au Travail, Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 77(3) : 521-522, juin 2016
- Guseva Canu I et al. (InVS, INRS, LSTE, INERIS, CEA), Proposition d'une méthode de repérage des postes de travail potentiellement exposant aux nano-objets, leurs agrégats ou agglomérats dans les entreprises mettant en oeuvre des nanomatériaux manufacturés, Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 2015
- Epinano - dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux, InVS, avril 2014
- Dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux : EpiNano, Références en santé au travail, INRS, n°137, mars 2014
- Surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux intentionnellement produits en France : dispositif EpiNano, Archives des maladies professionnelles et de l'environnement, décembre 2013
- Comment évaluer les risques sanitaires éventuels d'une exposition professionnelle aux nanomatériaux ? (vidéo) : intervention d'Odile Boutou-Kempf lors de la Journée de l'Institut de veille sanitaire 2013 (InVS), 11 avril 2013
- Guseva Canu I et al., French registry of workers handling engineered nanomaterials as an instrument of integrated system for surveillance and research, Journal of Physics: Conference Series, 429, 2013
- Boutou-Kempf O et al., Development of a French epidemiological surveillance system of workers producing or handling engineered nanomaterials in the workplace, J Occup Environ Med., 53(6 Suppl) : S103-7, juin 2011
- InVS, Éléments de faisabilité pour un dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux intentionnellement produits, mars 2011.
NOTES et REFERENCES :
1 - Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP), Ministère de l'Ecologie, Nanotechnologies, nanoparticules : quels dangers ? quels risques ?, mai 2006
2 - Groupe de travail pour la mise en place d'un suivi épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux et cahier d'acteur "Risques pour la santé des nanotechnologies" pour le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010, IReSP
3 - Afsset, Les nanomatériaux, Sécurité au travail, mai 2008
4 - Plus précisément de la direction générale de la santé (DGS) et de la direction générale du travail (DGT)
5 - Institut national de veille sanitaire (InVS), Éléments de faisabilité pour un dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux intentionnellement produits, mars 2011. Deux volets avaient été proposés : d'une part, une étude de cohorte prospective, d'autre part, des enquêtes transversales répétées.
6 - Voir nos fiches :
- Risques associés aux nanotubes de carbone, veillenanos.fr
- Risques associés au nano dioxyde de titane, veillenanos.fr
7 - Une Enquête Nanoparticules a bien été mise en place par le CISME mais sa portée a été très limitée.
8 - Source : Surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux intentionnellement produits en France : dispositif EpiNano, Archives des maladies professionnelles et de l'environnement, décembre 2013
9 - Cf. Guseva Canu I et al. (InVS), Dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux manufacturés en France, EpiNano : bilan après deux ans de fonctionnement, 34e Congrès National de Médecine et Santé au Travail, Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 77(3) : 521-522, juin 2016
10 - Chiffres fournis par Kathleen Chami (Santé Publique France / InVS) lors de la Journée Nanomatériaux des J3P à Nancy le 13 octobre 2016
11 - Cf. "Surveiller sans savoir", Jean-Noël Jouzel et Jérôme Pélisse, Revue d’anthropologie des connaissances, décembre 2021
Fiche initialement créée en février 2014