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Les associations françaises se (re)mobilisent sur le sujet nano
Les associations françaises se (re)mobilisent sur le sujet nano
Par MD et l'équipe Avicenn - article initialement publié dans la lettre VeilleNanos n°12-13 du 23 décembre 2014
Le second semestre de l'année 2014 a vu ressurgir le sujet nano qui avait été quelque peu délaissé par les associations de défense des consommateurs, de l'environnement ou de la santé après le flop du débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010 :
L'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC) :
En juin et en septembre 2014, elle a participé à des réunions sur l'étiquetage nano (organisées respectivement par l'AFNOR et NanoRESP).
L'association y a rappelé son attachement à la délivrance d'une « information sincère et complète des consommateurs sur la présence de nano-objets dans les produits ». Elle a également défendu le fait qu'« une véritable pédagogie doit être mise en place sur ce sujet, de telle sorte que le consommateur, non seulement soit informé, mais puisse comprendre. L'étiquette est donc nécessaire; mais elle ne suffit pas. Il faut pouvoir remonter à des connaissances plus fines et faire en sorte que dans tous les secteurs il y ait une approche éducative de l'information délivrée ».
Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS) :
En octobre cette association a publié un texte détaillé sur son site internet demandant notamment :
- l'établissement d'un moratoire immédiat sur toutes les nanoparticules fabriquées en dessous de 800 nm ainsi que sur toutes les substances et produits en contenant, sans notion de seuil, fabriqués en France ou à l'étranger, tant que ne seront pas livrées à l'autorité publique des données précisées sur le site du CIEAS deux ans au moins avant leur utilisation
- l'obligation d'étiquetage des nanoparticules validées
- un dépôt légal des inscriptions figurant sur tous les emballages
- l'affectation du Crédit Impôt Recherche aux industriels ayant mené des recherches toxicologiques sur les nanoparticules qu'ils veulent commercialiser.
Le Collectif citoyen Nanotechnologies du Plateau de Saclay (CNanoS) :
Après le débat public qu'elle a organisé en avril sur le cycle de vie des nanomatériaux, l'association a continué son travail d'information et de sensibilisation des habitants, élus, chercheurs, entreprises et associations du plateau de Saclay.
A l'occasion de la Conférence environnementale fin novembre :
le Réseau Environnement Santé (RES) a demandé l'« exclusion des usages induisant une exposition grand public pour les nanomatériaux (alimentation, cosmétiques, produits domestiques) ».
France Nature Environnement (FNE) a inclus parmi ses revendications "le retrait immédiat de certains nanomatériaux présents dans les produits alimentaires et leurs emballages et tout particulièrement le nano-dioxyde de titane dans les produits destinés aux enfants".
Women in Europe for a Common Future (WECF) et son antenne française du Projet Nesting
Elles ont activement défendu une meilleure information et gestion des risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux lors de la Conférence environnementale et viennent d'applaudir l'initiative de dix Etats membres auprès du Conseil des ministres « Environnement » de l'Union européenne en ce sens.
Le Comité de développement durable en santé (C2DS) :
A plusieurs reprises au cours de l'année, il a publiquement alerté sur l'urgence « d'encadrer l'utilisation de ces substances que l'on commence à retrouver dans les produits de consommation courante, dans les aliments et dans les eaux de boissons », arguant qu'« il ne sert à rien et il est dangereux de diffuser en masse dans le grand public des produits contenant des nanoparticules dont on ne connaît pas la toxicité ».
Tout au long de l'année, AVICENN a mené un travail de veille et d'information :
via des envois d'informations ciblées à destination de ses partenaires et aux organisations de la société civile concernées ou susceptibles de l'être
en participant régulièrement aux réunions du comité de dialogue nano de l'ANSES et du groupe de travail R-Nano du ministère de l'écologie et plus ponctuellement à des rendez-vous nano ouverts à la société civile (réunion AFNOR sur l'étiquetage en juin, journée interassociative d'échanges organisée par FNE et la FRAPNA à Lyon en novembre) ou aux scientifiques (journée J2N à Orléans en décembre notamment)
en répondant à diverses consultations publiques ; vous pouvez ainsi retrouver sur veillenanos.fr :
→ Au niveau européen, trois ONG européennes actives sur le champ des nanos CIEL, ECOS et Öko Institute ont mis sur pied le projet « Safe Development of Nanotechnologies » visant à assurer une évaluation appropriée des risques associés aux nanomatériaux afin d'établir un cadre réglementaire en phase avec le principe de précaution.
Le projet vise à accroître la participation et l'engagement des organisations de la société civile dans les activités nano des instances de normalisation (ISO au niveau international et CEN au niveau européen) et des lignes directrices d'évaluation des risques de l'OCDE. Ce sont dans ces instances que se trament en effet des décisions qui influent ensuite grandement sur les régulations ou la façon dont elles sont mises en uvre. Or isolées, les associations n'ont pas les ressources nécessaires pour y. Grâce à ce projet financé pour trois ans par la Fondation Velux, elles vont pouvoir mutualiser et partager leurs informations et peser davantage sur la fabrique des normes, tests réglementaires et décisions politiques.
Le Comité de pilotage du projet est composé de représentants de la société civile (dont AVICENN), de chercheurs et de représentants d'instances de régulation nationales.
Un atelier ouvert aux ONG sera organisé le 10 Février 2015 à Bruxelles : il abordera les récents développements dans le domaine de l'évaluation des risques nanos et la stratégie à mettre en place pour promouvoir un meilleur encadrement des nanomatériaux.
→ Vers une coordination internationale de la société civile sur le sujet nano ?
Selon le journaliste et philosophe Roger Lenglet interviewé en décembre 2014 dans Basta!, « il faut une convention internationale. Nous l'avons obtenue sur le mercure en 2013 grâce à la mobilisation des ONG : environ 150 pays ont signé la convention de Minamata interdisant tous les usages du mercure d'ici 2020. Ce rapport de force sur une substance aussi utilisée était inimaginable il y a quelques années. On peut obtenir une convention sur les nanos et interdire les plus dangereuses. Il faut agir vite. »
Dans son ouvrage Nanotoxiques paru chez Actes Sud en 2014, Roger Lenglet espère que « de plus nombreuses associations montent au créneau » pour faire pression en ce sens, notamment sur le programme pour l'environnement des Nations unies (PNUE), qui a joué un rôle-clé dans la réalisation de la convention de Minamata.
2016JuinEnqueteApeNanoAlimentation
Des nanoparticules identifiées dans l'alimentaire en France,
mais non étiquetées !
Par MD - Article mis en ligne le 15 juin 2016, complété en octobre 2016 & février 2017
Cet article a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
On s'en doutait mais les preuves manquaient ; deux séries de tests réalisés sur des aliments vendus dans les supermarchés français ont confirmé la présence de nanoparticules dans les six produits examinés : biscuits LU, chewing gums Malabar, blanquette de veau William Saurin, épices Carrefour, bonbons "Têtes brûlées" (goût framboise) et chewing-gums NEW'R de Leclerc. Pourtant aucune mention [nano] ne figure dans la liste des ingrédients, contrairement à l'obligation d'étiquetage prévue par la réglementation européenne depuis 2014. L'association Agir pour l'Environnement (APE), à l'origine de ces révélations, demande le rappel des produits et un moratoire sur les nanoparticules dans les biens de consommation, en particulier dans l'alimentation. Les tests réalisés montrent qu'il est possible désormais de détecter les nanoparticules dans les produits finis. La transparence n'est pas venue des acteurs industriels... mais elle est rendue possible par les progrès des outils de détection. Espérons que ce premier pas va permettre l'accélération de la transparence - à grande échelle cette fois ! De nombreux média en parlent... et les réactions politiques commencent à arriver
Jusqu'en 2016, les consommateurs français et européens étaient bien dépourvus pour s'assurer de l'absence ou non de nanoparticules dans leur caddie. Il existe bien plusieurs recensements de produits contenant des nanoparticules, mais ils sont peu fiables, car élaborés ces dernières années à partir de déclarations des industriels ou d'hypothèses non vérifiées sur la composition des produits.
Plusieurs scientifiques et associations américains, australiens ou néerlandais avaient bien réalisé des tests montrant la présence de nanoparticules dans des produits alimentaires variés : chewing-gums, bonbons, denrées en poudres, barres chocolatées1. Mais, à notre connaissance, aucun résultat de test n'avait été publié spécifiquement sur le marché français2.
Des nanoparticules identifiées dans 6 produits alimentaires vendus en France...
L'association Agir pour l'Environnement, membre associé d'Avicenn, a apporté une pièce de taille au puzzle, sur le marché français : elle a fait réaliser deux campagnes de tests sur six produits (la première campagne, qui a porté sur quatre produits, a été publiée en juin 20163, la seconde sur deux autres produits, a été rendue publique en janvier 20174). Résultats ? Tous les produits testés contiennent des nanoparticules :
il y a ainsi des nanoparticules de dioxyde de titane utilisées pour blanchir les aliments ou modifier la teinte de leurs colorants dans la blanquette de veau William Saurin, des chewing-gums Malabar, les biscuits Napolitains LU, les bonbons « Têtes brûlées » (star effet rose à lèvres, goût framboise) et les chewing-gums NEW'R (Leclerc)
et des nanoparticules de dioxyde de silice dans un mélange dépices pour guacamole de la marque Carrefour, utilisées pour empêcher lagglomération des épices.
... mais pas étiquetées, contrairement à ce que prévoit la loi
L'enquête menée par Agir pour l'Environnement confirme par ailleurs que, quelque part dans la longue chaîne de l'industrie agro-alimentaire, l'information sur la taille nano des particules utilisées passe à la trappe. En effet, selon la réglementation européenne, la mention [nano] aurait dû figurer sur les étiquettes, dans la liste des ingrédients, juste après le code des additifs (E171 pour le dioxyde de titane et E551 pour la silice). Mais il n'en est rien. En fait, malgré un examen minutieux des rayons de plusieurs magasins, l'association n'a pas trouvé un seul produit étiqueté [nano]. Il y a fort à parier que beaucoup d'autres produits, bien que non étiquetés [nano], contiennent eux aussi des nanoparticules.
Selon Magali, Ringoot, coordinatrice des campagnes dAgir pour lEnvironnement, "cette enquête apporte la preuve quil y a défaillance dans linformation et la protection du consommateur. La réglementation, pour laxiste quelle soit, nest même pas appliquée !"
Du fait des risques de plus en plus documentés associés à ces substances...
... Agir pour l'Environnement et plusieurs dizaines de milliers de citoyens demandent un moratoire sur les nanoparticules dans les assiettes
Agir pour l'Environnement a demandé dès l'été 2016 à la DGCCRF de procéder au rappel des produits testés et de garantir l'information et la protection du consommateur. Comme d'autres associations avant elle, Agir pour l'Environnement a demandé à nouveau au gouvernement de mettre en place un moratoire sur les nanoparticules dans les biens de consommation, et en urgence dans l'alimentation et dans les produits destinés aux publics vulnérables tant qu'elles ne sont pas correctement évaluées. "Nous avons fait analyser quelques produits, mais bien dautres sont probablement concernés. Il est inadmissible quon y trouve des nanoparticules non évaluées et non étiquetées, proteste Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes de lassociation. Les pouvoirs publics doivent protéger les consommateurs, particulièrement les publics vulnérables comme les enfants et les femmes enceintes".
En phase avec différents experts académiques qui se sont récemment prononcés sur le sujet5, Agir pour l'Environnement pointe le faible intérêt des nanoparticules dans l'alimentation (elles sont essentiellement utilisées pour rendre les produits plus attractifs en jouant sur leur couleur, goût ou texture), qui ne peut justifier les risques qu'elles font inutilement peser sur le consommateur... qui plus est à son insu.
La pétition Stop aux nanoparticules dans nos assiettes ! lancée par Agir pour l'Environnement, exigeant un moratoire sur les nanoparticules dans les produits alimentaires courants, a recueilli près de 25 000 signatures en quelques jours, pour atteindre plus de 47 000 signatures en janvier 2017, après la publication de la deuxième série de tests publiés par APE et des conclusions inquiétantes d'une étude publiée par l'INRA le 20 janvier 20176.
Le 19 janvier 2017, des membres d'APE ont apporté au Secrétariat d'Etat à la consommation un caddie rempli de 200 produits alimentaires contenant ou susceptibles de contenir des nanoparticules (bonbons, chewing-gums, soupes, mélanges d'épices...) et publié les résultats de leur deuxième campagne d'analyses7. "A chaque fois quAgir pour lEnvironnement fait réaliser des analyses, des nanoparticules sont identifiées ! Nous craignons donc que la présence de nanoparticules soit bien plus généralisée que ce que l'on nous dit" a indiqué Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes. "Cela fait 6 mois que nous avons révélé les premières infractions à l'obligation d'étiquetage et les produits testés sont toujours en vente...et toujours sans étiquetage !"
Désormais les industriels et les pouvoirs publics ne peuvent plus feindre l'ignorance pour ne pas agir
Six produits : l'échantillon est certes limité... mais il pourra être élargi. Et il prouve que si on cherche... on trouve. Jusqu'à récemment, les méthodes et outils étaient encore insuffisants pour réaliser de tels tests. Mais un laboratoire comme celui qui a mené l'étude, le laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), est désormais à même de vérifier la présence de nanoparticules dans des produits alimentaires "complexes". Si on savait que de tels tests pouvaient être réalisés sur des ingrédients isolés (E171 ou E551 à l'état brut par exemple), il était quasiment impossible, selon les experts, de les réaliser sur des denrées mélangeant différents ingrédients, comme les plats en sauce, chewing gums, biscuits et épices qu'a fait tester Agir pour l'Environnement.
Début 2016, la RTS (Radio Télévision Suisse) avait tenté en vain de trouver un laboratoire en Suisse, en Hollande et en Allemagne pour tester plusieurs produits dont une bouteille de ketchup, mais aucun laboratoire n'avait été en mesure de les analyser8. Mais aujourd'hui les choses ont changé.
Transformateurs et revendeurs : soyez exigeants... et vigilants !
Les marques concernées par les tests publiés par APE, et plus généralement les transformateurs de l'agro-alimentaire et les centrales d'achat des points de vente, ont-ils été informés par leurs fournisseurs que les additifs contenaient des nanoparticules ? Qu'une déclaration au registre R-nano a été faite ? Que les aliments en contenant doivent être étiquetés ?
On peut s'interroger compte tenu que les fournisseurs de ces substances refusent de fournir à l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) les informations sur les nanoformes de silice ou de dioxyde de titane qu'ils fabriquent, quitte à demander des recours qui entravent les procédures d'évaluation de leur innocuité !
Si jusqu'alors les marques pouvaient rejeter la responsabilité sur les fabricants qui leur fournissent les ingrédients mais ne les informent ni de leur caractère nanométrique ni des risques qui y sont associés, désormais, les tests réalisés par le LNE montrent que les marques doivent - et peuvent - exiger et faire vérifier la transparence sur les ingrédients qu'elles achètent avant leur intégration et mélange dans les plats.
Nous rendrons compte d'éventuels témoignages de ces acteurs, dont on est en droit d'attendre une participation active à la traçabilité !
Pouvoirs publics et associations de consommateurs peuvent désormais mener des vérifications
L'un des enseignements majeurs de cette investigation réside dans le fait qu'à défaut de transparence de la part des acteurs de l'agroalimentaire, des organismes extérieurs - que ce soit les associations de consommateurs ou la DGCCRF - peuvent mener des vérifications, même sur les produits finis.
Dans le court ou moyen terme, cela signifie que les consommateurs ne seront plus contraints de subir car privés du droit de savoir et de choisir.
En novembre 2016, la DGCCRF a précisé qu'elle avait accéléré ses travaux de contrôle suite aux révélations d'Agir pour l'Environnement : des contrôles étaient alors en cours et devraient se poursuivre en 20179 en partenariat avec le Service commun des laboratoires de Bordeaux (SCL) et l'UT2A, basé à Pau.
Techniquement, la preuve est aussi apportée que le projet de registre européen des nanoproduits, refusé par les fabricants et la Commission européenne, peut bien être concrétisé !
En janvier 2017, suite à la publication des conclusions inquiétantes d'une étude publiée par l'INRA sur les effets du E1716, les ministères chargés de léconomie, de la santé et de lagriculture ont décidé de saisir conjointement lANSES afin de déterminer si ladditif alimentaire E171 présente un éventuel danger pour les consommateurs10.
Cette saisine dont les résultats seront connus fin mars sinscrit dans le cadre des travaux de lagence déjà engagés à la demande du gouvernement le 17 octobre 2016 sur limpact potentiel sur la santé des nanomatériaux présents dans lalimentation de manière plus générale.
Les média en parlent...
En juin 2016, la première série de tests menés par Agir pour l'Environnement avait reçu une forte couverture médiatique11.
En octobre de la même année, un deuxième communiqué de l'association12 a réveillé l'attention des médias sur la présence généralisée de nanoparticules de dioxyde de titane dans les confiseries.
En janvier 2017, les médias ont aussi été nombreux13 à relayer l'action des militants d'APE auprès du Secrétariat d'Etat à la Consommation (cf. supra6).
2 - On sait qu'en France des laboratoires effectuent des mesures et caractérisations similaires pour le compte d'industriels, au moins depuis 2013 (date de l'entrée en vigueur de l'obligation de déclarer les substances à l'état nanoparticulaire) mais sans que leurs résultats ne soient diffusés publiquement
11 - Nous avions commencé à compiler les articles et relais donnés à cette enquête... mais avons renoncé à viser l'exhaustivité tant ils ont été nombreux :
- En France :
D'ici juin 2017, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux. C'est ce que prévoit l'article 60 de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016.
Cet article introduit par Aline Archimbaud du groupe écologiste du Sénat devrait permettre de faire progresser l'information et la vigilance concernant les nanos dans le domaine médical.
Il y avait en effet, selon Les Entreprises du médicament (LEEM) début 2015, 157 médicaments de médecine humaine, 8 médicaments de médecine vétérinaire et 65 dispositifs médicaux constitués d'éléments "nano" mais très peu d'informations sur l'encadrement de leur utilisation. Or à notre connaissance, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n'a toujours pas demandé de données issues du registre R-nano collectées dans le cadre de la déclaration obligatoire ! C'est pourtant l'un des très rares organismes à y avoir droit. Depuis son rapport de 2011 sur ce sujet, l'ANSM n'a pas communiqué sur l'utilisation des nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux.
Pourtant les risques associés aux nanomatériaux méritent qu'une attention soigneuse leur soit apportée, faute de quoi les précautions ne peuvent être prises pour protéger les médecins, les personnels soignants ainsi que les patients contre leurs effets indésirables.
Nous avons appris par ailleurs qu'en avril 2016, des nanoparticules de métaux (manufacturées à dessein à l'échelle nano ?) avaient été détectées par le laboratoire italien Nanodiagnostics dans le vaccin Meningitec, utilisé pour combattre les méningites. Près de 700 familles françaises ont assigné en justice le laboratoire CSP (Centre Spécialités Pharmaceutiques), distributeur français du Meningitec, produit par le laboratoire américain Nuron. La députée européenne Michèle Rivasi a écrit à l'Agence européenne du médicament (EMA) et à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour demander la transparence quant à la présence de ces particules toxiques dans les médicaments et les vaccins mis sur le marché. L'ANSM avait annoncé la parution des résultats d'une contre-expertise en mai. Début juillet elle ne les avait pas encore communiqués.
Pour aller plus loin : Nanomédecine et NBIC dans le domaine médical : promesses et risques.
8 ONG demandent aux députés de suspendre l'additif E171 au plus tôt
8 ONG demandent aux députés de suspendre l'additif E171 au plus tôt
Par MD - Le 17 mai 2018
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Le 16 mai 2018, 8 ONG ont envoyé un communiqué à l'ensemble des députés leur demandant de suspendre au plus tôt l'additif E171, qui contient des nanoparticules de dioxyde de titane. La mesure sera examinée à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, dans le cadre de la "loi Alimentation".
Texte du communiqué :
Nos associations saluent la suspension temporaire de l'additif E171 prévue dans le projet de Loi Alimentation à l'article 11 sexdecies qui commence comme suit :
« L'importation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de toute denrée alimentaire contenant du dioxyde de titane en tant qu'additif alimentaire (E171) sont suspendues… » [1]
Nous encourageons les députés à soutenir cette mesure en faveur d'une alimentation plus saine, mais en avançant sa date d'entrée en vigueur au plus tôt, sans attendre 2020 contrairement à ce que prévoit la dernière version du texte :
« … à compter du 1er juin 2020 et ce jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations ».
L'opportunité de lever ou de poursuivre cette interdiction sera évaluée par le gouvernement sur la base de l'avis de l'ANSES ; celui-ci étant attendu pour fin 2018 au plus tôt – plus probablement 2019 – attendre 2020 pour suspendre temporairement le E171 n'a pas de sens : en 2020, il s'agira de prolonger ou non cette suspension, qui doit ainsi être prise au plus tôt, comme prévu initialement (amendements n°CD227 et n°CE241).
La suspension temporaire dès l'entrée en vigueur de la loi constitue bien une « mesure proportionnée » afin de protéger au plus vite les enfants et les personnes fragiles des méfaits de cet additif sans intérêt nutritionnel mais largement utilisé comme colorant ou vernis dans les confiseries, biscuits, sauces, plats préparés, médicaments, etc.
Il y a en effet déjà suffisamment d'articles scientifiques montrant les effets néfastes de l'ingestion de nanoparticules de dioxyde de titane, qui s'accumulent dans le corps et peuvent entraîner des lésions précancéreuses au niveau du côlon, des problèmes immunitaires, des risques pour le foie, les ovaires et les testicules, des inflammations et altérations de la barrière intestinale, etc. [2]
Des fabricants et distributeurs français se sont déjà engagés à retirer les nanoparticules de TiO2 et/ou le E171 de leurs produits [3] et la liste promet encore de s'allonger.
C'est maintenant au tour des élu·e·s de prendre les mesures adéquates pour promouvoir la qualité nutritionnelle des produits alimentaires vendus en France.
Associations signataires : Agir pour l'environnement, du Comité pour le Développement Durable en Santé, de France nature environnement, de Foodwatch, de Générations cobayes, de Générations futures, du Réseau Environnement Santé et de Women in Europe for a common future
Notes :
[1] Il s'agit en effet de la première des trois mesures sur les nanomatériaux demandées dans une lettre ouverte au gouvernement à l'été 2017, défendue par les associations partenaires lors des Etats généraux de l'alimentation où avait été distribuée la BD nano accessible en ligne.
Les nanos au programme de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR)
Par MD - Dernière mise à jour le 27 août 2014
Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
L'Agence Nationale de la Recherche (ANR) est l'agence qui finance la recherche publique et la recherche partenariale en France. Depuis sa création en 2005, elle a joué un rôle dans le financement de projets en lien avec les nanomatériaux et nanotechnologies. En 2011, le budget consolidé de soutien aux appels à projets nanosciences et nanotechnologies sest élevé à un montant total de lordre de 100 M sur lensemble des programmes de lANR. En 2013, l'ANR affichait avoir soutenu plus de 400 projets"1.
BIOSIPHARM : Sécurité biologique des nanoparticules de silice mésoporeuse selon leur recouvrement de surface et mise en place de standards d'évaluation
ENVIE-FIB : Easy Nitrogen Vacancy Ion Engineering using Focused Ion
EXCALYB : Cellules MRAM sub-20nm et intégration CMOS de circuits hybrides
FLEXIGAN : Composants sur supports FLEXIbles de la filière GaN
MOSINAS : MOSFET à hétérostructure et film ultra mince dInAs sur substrat silicium
NADIA : NAno Détecteurs Intégrés pour Applications terahertz
NANOIMAGINE : Imagerie Nanométrique Sans Lentille par diffraction
NANOSCOLAS : La nanoscopie simplifiée grâce aux lasers microchip
NOODLES : Modélisation de nanodispositifs pour des applications à faible consommation
PILLARCELL : Nano- and micro-piliers pour le contrôle et la régulation de la migration et la différentiation cellulaire
SAMIRE : Sondes Actives pour la MIcroscopie optique en champ proche à très haute Résolution
SolNanoTOX : Détermination de facteurs de toxicité au niveau intestinal et hépatique de deux nanoparticules de taille similaire utilisées en alimentation et en emballage : Recherches in vitro et in vivo sur labsorption et les mécanismes impliqués.
Trois projets ont démarré début 2013 dans le cadre de lappel à Projets Transnational sur la sécurité des nanosciences et nanotechnologies innovantes (ERA-NET SIINN 2013) :
NANOHETER Fate of engineered nanoparticles in the water column under natural conditions. Role of the heteroaggregation with naturally occurring suspended matter
NanoIndEx Assessment of individual exposure to engineered nanomaterials by means of personal monitors and samplers
NanOxiMet Oxidant generating capacity as a metric to allow grouping of nanomaterials and prediction of human health effects
en mai 2013, 1er appel à projet transnational sur la biologie de synthèse dans le cadre de lERA-NET EraSynBio, incluant notamment un volet nano-biotechnologies, avec pour but, le développement de moteurs à léchelle moléculaire, de composants de la machinerie cellulaire ou de nouveaux dispositifs pour accomplir de nouvelles tâches complexes
→ Projets passés :
En juillet 2012, lANR a publié un cahier intitulé "Les nanotechnologies : un nouveau paradigme" décrivant les évolutions du paysage scientifique et institutionnel en France depuis 2006, avec des comparaisons à d'autres institutions européennes et mondiales.
Le cahier présente 62 projets nano financés par l'ANR couvrant à la fois des aspects fondamentaux des recherches et des travaux à visée applicative et économique impliquant des partenaires du monde socioéconomique.
Les rares projets de recherche portant sur les risques toxicologiques et écotoxicologiques liés aux nanotechnologies, ainsi que les aspects éthiques et déontologiques y sont également présentés.
Quelle prise en compte des préoccupations de la société civile ?
Au sein de l'ANR, lélaboration de la programmation nano se forge à partir des travaux du Comité Scientifique Sectoriel (CSS) "Nanosciences et Nanotechnologies". Comme pour les autres CSS, les recommandations se basent sur la consultation des pouvoirs publics, d'entreprises, de pôles de compétitivité et de fédérations industrielles, et enfin du monde de la recherche.
Quid de la société civile ? En 2012, seule Vivagora faisait partie du CSS Nano et on ignore quels associations ou syndicats ont été consultés jusqu'à présent pour l'élaboration de la programmation nano.
En septembre 2012, lANR a lancé un atelier de réflexion prospective sur les nanotechnologies (ARP 4N) afin de clarifier les principaux enjeux de recherche en nanotechnologies pour lesquels la France dispose des meilleurs atouts. "Dans un domaine aussi vaste que les nanotechnologies, où toutes les disciplines peuvent apparaître concernées, et bien que certaines priorités aient pu être déjà identifiées par le passé, une réflexion sur les principaux défis à relever et les domaines applicatifs les plus pertinents pour le pays doivent être aujourd'hui revisités plus finement afin de venir préciser la stratégie nationale".
Les candidats potentiels (institutions de droit français, publiques ou privées, ayant un intérêt commun dans les champs de la recherche et de l'innovation, notamment des organismes publics de recherche, des universités, des centres techniques, des entreprises, des associations, des agences) avaient jusqu'au 4 décembre 2012 pour envoyer leurs propositions.
En juin 2014, nous avons appris que l'APR 4N est piloté conjointement par le CNRS et le CEA (CEA-INAC) pour 16 mois à compter de septembre 2013. Il comporte :
Un site internet dédié à l'ARP a été ouvert en juillet 2014 : http://arpnanos.cea.fr avec "plus d'informations à venir".
A suivre donc...
En mai 2016, lUniversité de Technologie de Troyes (UTT) et SURYS (ex-Hologram Industries), une Scale-Up française spécialisée dans les solutions optiques de sécurité, ont annoncé la création du LABCOM In-Fine, un Laboratoire Commun pour développer des
films et des surfaces nanostructurés (films et surfaces) à grande échelle "et passer de linfiniment petit à lutilisation industrielle des nanotechnologies", avec le soutien de l'ANR2.
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification 17 décembre 2020
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L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié le 1er décembre 2020 les résultats de son évaluation de la déclaration obligatoire des "substances à l’état nanoparticulaire"1.
En place depuis 2013, le registre dédié "R-Nano"2 a été évalué par l'Anses qui souligne l’absence ou la mauvaise qualité de certaines des données transmises. Sur les 52 000 déclarations analysées, 90 % des données de caractérisation des nanomatériaux telles que la taille, la surface spécifique, la charge de surface ne sont pas exploitables et 10 % seulement renseignent correctement leur usage. Du fait de ces lacunes, les agences de santé publique ne peuvent procéder correctement à l'évaluation des risques sanitaires.
L'Anses propose plusieurs axes d’amélioration pour fiabiliser les données du registre et optimiser l’efficacité du système :
afin d'obtenir de la part des déclarants des données fiables et de qualité :
mettre un terme aux dérogations accordées,
rendre la déclaration plus exigeante en matière d’informations à renseigner
mettre en place un système de vérification de la qualité et de la pertinence des données enregistrées
afin d'obtenir une traçabilité complète des nanomatériaux :
élargir l’obligation de la déclaration afin d'englober tous les acteurs de la chaîne de transmission, depuis le premier metteur sur le marché jusqu’aux distributeurs et aux consommateurs
suivre les substances exportées en dehors du territoire national
revoir à la baisse le seuil à partir duquel les nanomatériaux doivent faire l’objet d’une déclaration (en baissant l'obligation de déclaration aux nanomatériaux contiennent moins 50 % de particules dont la taille est comprise dans l’intervalle 1-100 nanomètres doivent être déclarés
fournir des informations complémentaires comme le nombre de travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux et les quantités déployées par type d’usage.
afin d'améliorer la mise à disposition des données :
réexaminer les textes réglementaires restreignant la mise à disposition des données
étendre l’accès aux données aux acteurs de santé publique.
Somme toute, ce rapport aurait pu être publié il y a plusieurs années déjà, car les limites listées sont connues de longue date - que de temps perdu donc... mais mieux vaut tard que jamais ! Reste à voir si, comment et quand les recommandations de l'Anses seront concrétisées. La balle est désormais dans le camps du ministère de la transition écologique, avec une attention très forte du côté des associations qui ont très vite réagi3... contrastant avec le silence total des industriels.
Plusieurs sénateurs, dont Pascal Allizard (LR) et Jean-Noël Guérini (RDSE), ont depuis interpellé le Ministre des solidarités et de la santé pour savoir comment le Gouvernement entend mettre en œuvre les recommandations de l'Anses relatives à l'amélioration du registre r-nano afin d'assurer une meilleure traçabilité, information du public et évaluation des risques"4.
Protection des consommateurs contre les risques des nanoparticules : un appel à candidatures du ministère de l'écologie est ouvert jusqu'au 27 juin
Protection des consommateurs contre les risques des nanoparticules : un appel à candidatures du ministère de l'écologie est ouvert jusqu'au 27 juin
Le ministère de l'écologie met en place un groupe de travail ouvert à la société civile pour proposer un étiquetage des produits contenant des nanomatériaux et la restriction de produits dangereux contenant des nanomatériaux en contact avec la peau.
Vous avez jusqu'au 27 juin pour candidater.
Par MD, le 11 juin 2015
Le ministère de l'écologie est en train de constituer un groupe de travail (GT) afin d'élaborer des propositions pour une stratégie européenne :
d'étiquetage des produits de consommation contenant des nanomatériaux
et de restriction de produits dangereux contenant des nanomatériaux en contact avec la peau (notamment avec les enfants et les femmes enceintes)
Le groupe de suivi du Plan National Santé Environnement (PNSE 3) qui supervisera le sujet (GT4) a décidé de confier ce travail à un groupe dédié.
Afin de constituer ce groupe, le ministère de l'écologie a lancé un appel à candidatures.
Les membres du groupe de travail "R-nano" piloté par le ministère de l'écologie et du comité de dialogue "nano et santé" de l'ANSES auxquels Avicenn participe ont été directement sollicités.
1 - FEUILLE DE ROUTE 2015 issue des trois tables rondes de la Conférence environnementale 2014, ministère de l'écologie, 4 février 2015 : "Les autorités françaises ont proposé au Conseil Environnement du 17 décembre 2014 quune stratégie détiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau (notamment avec les enfants et les femmes enceintes) soit mise en place au niveau européen. Un groupe de travail sera créé au niveau national pour préciser ces propositions au cours du premier semestre 2015. Les conclusions issues de ses travaux seront transmises par le gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres."
Bilan 2014 de la déclaration des "substances à létat nanoparticulaire"
Bilan 2014 de la déclaration des "substances à létat nanoparticulaire"
Du mieux en matière de transparence et de traçabilité... mais la marge de progression reste grande !
Par MD, DL et l'équipe Avicenn
Article mis en ligne le 12 novembre 2014 - Dernière modification le 12/01/15
400 000 tonnes de nanomatériaux produits ou importés en France en 2013 ont fait l'objet d'une déclaration par des entreprises ou des laboratoires de recherche cette année. Cest le résultat publié dans le bilan officiel de la deuxième année du dispositif R-Nano en France le 12 novembre dernier. C'est 100 000 tonnes de moins que l'année précédente, malgré un triplement du nombre de déclarations.
Le bilan officiel : trois fois plus de déclarations et deux fois plus de déclarants quen 2013
Ce rapport rappelle le cadre réglementaire, présente la procédure de la déclaration obligatoire des "substances à l'état nanoparticulaires" (abrégées en "substances nano" dans le reste du texte ci-dessous) et le fonctionnement de la plateforme informatique de R-nano.
Il explicite les définitions applicables et les règles retenues pour lexploitation des données, présente des données générales sur les déclarations et recense les noms chimiques et les usages déclarés ainsi que les bandes de tonnage correspondantes, agrégées par substance.
Les principaux résultats de la déclaration annuelle 2014 des "substances nano" produites, importées et distribuées en 2013, sont les suivants :
Au 31 mai 2014, plus de 1 700 déclarants ont effectué plus de 10 400 déclarations (contre 930 déclarants et 3 400 déclarations en 2013)
1490 entités françaises ont soumis au moins une déclaration (670 en 2013)
Les acteurs français ayant déclaré se répartissent comme suit (un déclarant pouvant être à la fois dans plusieurs catégories) :
209 importateurs français en 2014 (12 % des déclarants)
54 producteurs français en 2014 (3% des déclarants)
1403 distributeurs en 2014 (83% des déclarants)
34 "autres" (2 % des déclarants)
Il y a eu une montée en puissance du dispositif par rapport à la première année de mise en place du dispositif, surtout auprès des distributeurs, du fait notamment d'une meilleure transmission des informations dans les chaînes de distribution.
Près de 400 000 tonnes de substances nano ont été mises sur le marché en France en 2013 (500 000 tonnes déclarées mises sur le marché en 2012) :
275 000 tonnes de substances produites
122 000 tonnes de substances importées
Selon le ministère de l'écologie, la diminution observée des quantités produites et importées pourrait être due au fait que les acteurs, au vu de lexpérience de lannée précédente, ont pu bénéficier de données plus précises concernant les substances mises sur le marché (et ainsi déclarer des quantités de "substances" et non de "mélanges" par exemple).
Parmi les principales catégories figurent les matériaux de construction, peintures et rénovation (~25%), les cosmétiques (23%) et les produits phyto pharmaceutiques utilisées en agriculture (22%).
Quelle exploitation des données ?
Selon le ministère de l'écologie :
En 2014, les données déclarées relatives aux nanotubes de carbone et au nano-dioxyde de titane ont été communiquées à l'InVS dans le cadre du projet Epinano pour le suivi de cohortes de travailleurs exposés aux nanomatériaux.
L'INERIS va également exploiter certaines données issues de la base R-nano dans le cadre de ses programmes dappui au ministère de lécologie, notamment pour lévaluation des risques accidentels (inflammabilité, explosivité).
En 2015, l'ANSES va s'appuyer sur un groupe de travail afin de déterminer et lister les usages qui peuvent être fait des données collectées dans le cadre des travaux dévaluation de l'Agence.
Avec quels moyens ? La hausse du nombre de déclarations risque de rendre délicate l'exploitation des données. L'ANSES a-t-elle les moyens suffisants pour faire face à l'afflux d'informations collectées ?
Premiers éléments d'analyse
Avicenn présente ci-dessous ses premiers éléments d'analyse du rapport et va collecter les réactions des différentes parties prenantes sur cette page : vos avis, réactions et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés.
Plus de déclarants = plus de personnes sensibilisées et mieux protégées ?
Le ministère se félicite qu'un nombre croissant d'acteurs se soient mobilisés pour effectuer la déclaration obligatoire, notamment les distributeurs dont le nombre a doublé entre 2013 et 2014 et qui ont effectué la majorité des déclarations.
L'augmentation du nombre de déclarants et de déclarations était néanmoins prévisible. L'année 2013 avait été en effet la première année de mise en place du dispositif, il est normal qu'au fil du temps les acteurs concernés soient plus nombreux à être informés et à appliquer la loi.
Grâce au système d'enregistrement et à la transmission par les fournisseurs du numéro de déclaration à leurs clients, de nombreux acteurs professionnels ont été informés par leur(s) fournisseur(s) de la présence de nanomatériaux dans les produits qu'ils achetaient et ont pu à leur tour informer leurs clients. Au final, plus d'acteurs ont pu découvrir qu'ils manipulaient des produits contenant des "substances nanos" : via cette prise de conscience, on peut espérer qu'un certain nombre d'entre eux ont commencé à (ou vont pouvoir) mettre en place des mesures pour limiter l'exposition professionnelle à ces substances : est-ce le cas ? Vos témoignages nous intéressent (redaction(at)veillenanos.fr).
Il est dommage qu'aucune communication publique du ministère n'ait accompagné la mise en ligne du rapport : aucun communiqué de presse, tweet, etc. n'a alerté les médias afin de donner plus de visibilité au travail réalisé et de sensibiliser encore davantage d'acteurs potentiellement concernés.
Le nanoargent et les nanotubes de carbone font leur apparition dans le bilan
- Le nanoargent apparaît mais dans une fourchette comprise entre 0,1 à 1 kg seulement (page 43 de l'annexe 1). Cette quantité négligeable par rapport aux quantités de nanoargent estimées1 confirme et illustre les limites de R-Nano qui ne contient aucune donnée sur les nanomatériaux qui ne sont pas importés en tant que tels : les nanomatériaux déjà intégrés aux produits (électroménagers, textiles, objets de puériculture, etc.) à l'étranger avant d'arriver en France ne sont pas soumis à déclaration ! Idem pour ceux dont le relargage n'est pas "intentionnel"... bien qu'il puisse exister sous l'effet de l'usure, de l'abrasion ou du lavage des produits, entraînant des risques pour l'environnement.
- Les nanotubes de carbone multi-parois apparaissent eux aussi, avec une quantité comprise entre 1 et 10 tonnes (page 27 de l'annexe 1 ).
Plus de transparence ? Il reste une grande marge de progrès...
Il y a eu moins de 60 déclarations pour lesquelles au moins une demande de confidentialité sur le nom chimique ou sur les usages a été déposée en 2014, contre 112 en 2013.
Les 6 demandes de dérogation défense déposées ont toutes été refusées par le ministère de la défense, et pour le reste, aucun nom chimique ne demeure confidentiel au titre du secret industriel et commercial du fait de l'application de règles dont l'UIC et le MEDEF auraient voulu quelles protègent davantage la confidentialité des données ce à quoi Avicenn s'est opposée lors des réunions du groupe de travail dédié à ce dispositif2., au nom de la transparence et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Selon le ministère :
en 2014, les demandes de confidentialité ont dû faire l'objet d'une justification plus précise qu'en 2013.
les déclarants ont pu être rassurés par la forme donnée à la publication des données 2013 qui ne portait pas atteinte au secret industriel et commercial
N'y aurait-il cependant d'autre choix, pour gagner davantage de données, que de sacrifier la clarté et le caractère exploitable des données collectées ?
Une interprétation des données très difficile à mener - concernant l'agriculture... mais aussi tous les autres secteurs
Comme l'an passé, en dépit des efforts déployés par l'administration pour rendre le document plus lisible, le rapport public reste très délicat à analyser.
On en trouve une illustration à travers l'augmentation considérable du nombre de déclarations dont l'usage déclaré entre dans la catégorie "agriculture, sylviculture et pêche" : de 1,2% en 2013, la part de ces déclarations est passée à 64% en 2014 ! Mais ces chiffres ne fournissent en fait aucune indication fiable sur le volume ou la quantité de nanomatériaux utilisés dans l'agriculture.
La forte proportion de ces déclarations s'explique notamment du fait que 99% de ces déclarations ont été remplies par des distributeurs (6 373 sur 6 412) : dans le secteur agricole, la pratique des enregistrements est déjà très rodée dans le cadre de la base nationale de données sur les ventes PhytoData.
Afin d'essayer d'éclaircir l'utilisation des nanomatériaux dans l'agriculture, Avicenn a mis en ligne une bibliographie sur le sujet "nano et agriculture" sur ce site veillenanos.fr et prépare un dossier plus détaillé. Vos commentaires et suggestions nous intéressent (redaction(at)veillenanos.fr).
Plus généralement, dans l'état actuel du dispositif, on ne peut pas apprécier les quantités de nanomatériaux utilisés pour quelque secteur que ce soit. Il ne s'agit pas ici de la conséquence de l'application des règles de confidentialité : même l'ANSES, dans la base R-Nano, n'a pas dinformation sur la quantité respective des différents usages des substances déclarées !
Quelles améliorations apporter au dispositif ?
Malgré les avancées tangibles mises en évidence par ce deuxième bilan, on peut encore regretter que l'étroitesse du dispositif ne permette toujours pas de disposer d'une bonne représentation sur les quantités, la nature et l'usage des nanomatériaux commercialisés en France.
Il reste encore beaucoup à faire pour consolider notre capacité collective à évaluer et minimiser l'exposition des consommateurs, des travailleurs et de l'environnement aux divers nanoproduits et à leurs résidus et pour agir de façon adaptée notamment en interdisant certains usages.
Une révision du décret instituant la déclaration obligatoire a été envisagée pour 2015 pour clarifier certains points du texte. Mais elle est suspendue à la décision que la Commission européenne va prendre suite à la consultation en 2014 concernant la mise en place d'un éventuel registre nano à l'échelle européenne. ). Si la Commission décide de mettre en place un registre européen similaire à R-Nano, le registre européen se substituera aux registres nationaux (français, belge et danois). Mais si la Commission renonce ou met en place un registre contenant moins d'informations ? II faudra rendre possible l'interopérabilité entre les registres nationaux et le décret devrait être modifié en conséquence.
Un certain nombre de failles du dispositif actuel doivent être colmatées pour en améliorer efficacité - qu'il s'agisse du futur registre européen ou du registre R-Nano "version 2". Nous en avons recensé plusieurs sur notre fiche sur le dispositif R-Nano qui propose également plusieurs mesures afin de répondre à l'objectif de traçabilité mais également de mieux connaître les usages finaux de ces "substances nano" et mieux informer le consommateur.
65% des susbtances produites et/ou importées sous le seuil d'enregistrement de REACh
65 % des substances produites et/ou importées le sont en quantité inférieure à une tonne (cf. tableau 9 de la page 24), seuil en deçà duquel lobligation denregistrement de REACh ne s'applique pas. Voilà qui permet d'objectiver le débat sur l'encadrement des nanomatériaux par REACh en prouvant, chiffres à l'appui, l'insuffisance de ce Réglement3. LIRE AUSSI :
2 - Lors de la réunion de mars 2014, des représentants de fédérations industrielles ont demandé à ce que toute demande de confidentialité sur le nom chimique soit répercutée automatiquement en aval de la chaîne d'approvisionnement. AVICENN s'est déclaré défavorable à cette rétention dinformations. Le ministère a proposé un compromis et demandé au prestataire informatique la mise en place de 2 avertissements à destination des déclarants, qui sera effective en 2015 :
pour le déclarant amont, un rappel qu'il doit fournir une justification et se rapprocher de ses clients qui utiliseront le n° fourni pour les inviter à reporter la demande de confidentialité dans leur propre déclaration
pour le déclarant aval, un message stipulant qu'une demande de confidentialité pour la non mise à disposition du grand public a été faite sur le nom chimique de la déclaration qu'il est en train d'importer
Transparence et vigilance autour des nanos : encore un effort !
Transparence et vigilance autour des nanos : encore un effort !
Analyse du Bilan 2015 de la déclaration des "substances à létat nanoparticulaire"
En 2015 en France, près de 416 000 tonnes de substances nano ont été déclarées aux pouvoirs publics après avoir été mises sur le marché en 2014 (soit légèrement plus que l'année précédente). Du fait des limites du dispositif de déclaration (R-nano), ce chiffre n'est que la partie émergée de l'iceberg : il est en fait bien en deçà du volume global de nanomatériaux réellement introduits sur notre territoire et qui échappent au radar des autorités. Sans révision conséquente du dispositif de déclaration, on sera condamné à rester dans le flou. Le MEDEF et l'UIC ont fait des propositions de révision, qui n'ont pas convaincu les autorités sanitaires ni la société civile. D'autres dispositions pouvant améliorer plus efficacement le dispositif doivent être examinées.
Par MD, DL et l'équipe Avicenn
Article mis en ligne le 1er mars 2016 - Dernier ajout le 9 mars 2016 Sommaire
Le rapport annuel 2015 présentant les résultats issus des déclarations obligatoires des "substances à l'état nanoparticulaire" *, attendu depuis novembre 2015, a été publié le 22 février 2016 sur le site du Ministère de l'environnement. * Par commodité, nous les désignons sous l'appellation abrégée "substances nano" ou "nanomatériaux" dans le reste du texte ci-dessous.
Le rapport est le troisième depuis l'entrée en vigueur en 2013 de l'obligation française de déclaration des "substances à l'état nanoparticulaire", première du genre en Europe.
Comme les deux bilans précédents, il n'a pas bénéficié d'un grand renfort de publicité ; Ségolène Royal l'aurait mentionné le 19 février dernier à l'occasion d'un déplacement à l'INERIS, mais sans que cela soit repris dans le communiqué de presse officiel de ministère. Pourtant, de nombreux autres pays aimeraient eux aussi disposer de chiffres sur leur production ou importation nationales de nanomatériaux.
Le rapport présente en effet les données agrégées des déclarations remplies par les entreprises et laboratoires en 2015 sur les substances nanos qu'elles ont produites, importées ou distribuées en 2014 et qui viennent alimenter le registre R-nano géré par l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).
Parmi les nombreuses informations présentées, on peut retenir en priorité :
Un volume global en légère hausse (mais bien en deça de la réalité du marché)
Près de 416 000 tonnes de substances nano ont été mises sur le marché en France en 2014, soit 5% de plus que l'année précédente :
plus de 300 800 tonnes de substances produites en France (+ 9,5% par rapport à 2013)
près de 115 000 tonnes de substances importées en France (- 6,1%)
→ Ce volume est malgré tout encore bien en deça du volume global de nanomatériaux réellement introduits dans des produits commercialisés en France !
A titre illustratif, cette année encore, moins d'un kilo de nanoargent a été déclaré en tout et pour tout - alors que, de l'avis de beaucoup d'experts, le nanoargent est l'un des nanomatériaux les plus communément répandus dans les produits de consommation, et ce sont des tonnes (voire centaines de tonnes) de nanoparticules d'argent qui sont produites chaque année dans le monde1.
Si la France produit sans doute très peu de nanoargent, elle en importe. La logique voudrait donc que ces importations apparaissent dans le registre. Mais le registre n'a pas été construit en respectant la logique sanitaire qui avait pourtant mené à ce qu'il soit mis en place : le résultat que l'on connaît aujourd'hui est une version édulcorée de ce qu'aurait dû être le registre attendu2 : dans sa forme actuelle, il porte les marques des négociations dominées par les industriels qui ont conduit à ce que tous les nanomatériaux qui arrivent en France déjà intégrés dans des produits (électroménagers, textiles, objets de puériculture, etc.) échappent à l'obligation de déclaration et ne figurent donc pas le registre R-nano ! Idem pour ceux dont le relargage n'est pas "intentionnel"... bien qu'ils soient dans les faits disséminés dans l'environnement sous l'effet de l'usure, de l'abrasion ou du lavage des produits, entraînant des risques pour l'environnement.
Des substances nano (un peu) mieux identifiées, mais toujours aucune info sur les produits dans lesquelles elles sont présentes
Comme l'année dernière, environ 300 catégories de substances nano ont pu être identifiées.
Au total, le "top 5" des substances cumulées les plus mises sur le marché (en masses importées et produites) est le suivant :
1 - noir de carbone > 100 000 tonnes
2 - dioxyde de silice > 100 000 tonnes
3 - carbonate de calcium : entre 10 et 100 000 tonnes
4 - dioxyde de titane : entre 10 et 100 000 tonnes
5 - boehmite : entre 1 et 10 000 tonnes
Le rapport précise que 5 substances représentent à elles seules 97% de la masse des substances nano produites... mais sans les nommer. La proportion des 5 substances nano les plus importées, en masse, est similaire, mais ces dernières ne sont pas davantage nommées. (Un exemple parmi d'autres du caractère peu "parlant" du rapport ! Cf. infra).
D'après nos informations, seules les deux premières substances arrivent en tête (noir de carbone et silice), qu'il s'agisse des substances nano importées ou produites, et le reste du "top 5" pour chacune des catégories (import / production) nest pas le même pour limport et la production ; il n'est pas révélé afin de préserver le secret industriel et commercial.
Un net progrès a été réalisé par rapport à l'année dernière du côté de la qualité des déclarations remplies : 94% des déclarations mentionnent cette année un numéro CAS, permettant une meilleure identification par les autorités sanitaires de la nature chimique des substances nano déclarées.
Un nombre relativement stable de déclarants :
Près de 1520 entreprises et laboratoires français ont soumis au moins une déclaration en 2015, nombre relativement stable par rapport à 2014, avec une majorité de distributeurs et une répartition stable par rapport à l'année précédente entre producteurs, importateurs et distributeurs.
→ Pour rappel, aucun nom de fabricants / importateurs / distributeurs ni aucune marque de produits ne figure dans le rapport, pour des raisons de secret industriel et commercial.
L'agriculture, encore une fois en tête des secteurs d'utilisation déclarés, mais sans transparence de la part des fabricants
L'agriculture (associée à la sylviculture et la pêche) est le secteur qui arrive en tête comme l'année dernière, et qui progresse encore cette année (pour avoisiner 71% des secteurs d'utilisation déclarés).
→ Attention toutefois : ce chiffre peut prêter à confusion : il ne permet pas de dire que 71% des nanomatériaux importés ou produits sont utilisés dans l'agriculture car le pourcentage porte sur les secteurs déclarés, pas sur les volumes de nanomatériaux déclarés pour ce secteur (qui ne sont malheureusement pas connus, non pas du fait de l'application des règles de confidentialité mais du fait de la configuration de la déclaration : même l'ANSES, dans la base R-Nano, n'a pas dinformation sur la quantité respective des différents usages des substances déclarées !) :
la répartition chiffrée qui est fournie par le rapport ne reflète pas à proprement parler l'état du marché, car elle est biaisée par la longueur des chaînes de distribution : plus le nombre d'intermédiaires d'un secteur est élevé, plus le nombre de déclarations l'est aussi, sans que cela ne permette de tirer de conclusions sur le volume de nanomatériaux dans le secteur en question ;
ainsi, la même substance nano sera en effet déclarée autant de fois qu'elle passera par un intermédiaire, ce qui peut avoir tendance à majorer la proportion des secteurs d'utilisation pour lequel les intermédiaires sont nombreux (c'est le cas du domaine agricole).
Pour autant, cette donnée confirme la nécessité d'obtenir davantage de transparence sur l'utilisation des nanos dans l'agriculture3. Interrogée par Avicenn, Charlotte Lepitre coordinatrice du réseau santé-environnement de France Nature Environnement s'alarme de "lexposition des agriculteurs aux nano via les mélanges pour la préparation de produits chimiques mais aussi par la pulvérisation : la santé des agriculteurs est encore en première ligne !"
Le deuxième "secteur" qui arrive ensuite (à ~14%) est celui de la "formulation de préparations et ou reconditionnement" (un intitulé de secteur qui ne nous renseigne en rien sur le domaine d'utilisation final des substances nano en question...).
S'en suivent une myriade d'autres secteurs dont les pourcentages sont très faibles.
Une progression de l'information auprès des distributeurs
Plus de 14 080 déclarations ont été remplies par des entreprises et laboratoires français (et 500 par des entités étrangères) : au total il y a eu une hausse de 40% cette année, principalement du côté des des distributeurs qui reflète selon le ministère la meilleure transmission des informations dans les chaînes de distribution.
En moyenne, les déclarants ont rempli 9,3 déclarations cette année.
Le déclarant qui a enregistré le plus de déclarations en a rempli 83.
Une interprétation des données toujours très difficile
Comme les années précédentes, le bilan est peu parlant pour le grand public et la société civile et difficile à exploiter en l'état.
Des données à la fois trop nombreuses et insuffisantes
Malgré l'abondance de chiffres fournis par le rapport, les données présentées sont souvent trop abstraites et insuffisantes pour pouvoir en tirer des enseignements clairs.
Certaines insuffisances proviennent de la piètre qualité des données collectées. Ainsi la catégorie "autres" arrive en 3ème position des secteurs d'utilisation déclarés (à ~5%). Ou encore, la grande majorité des déclarations (~67% !) remplies par les distributeurs ne donne aucune indication sur les quantités des nanosubstances déclarées, les répondants ayant coché la case "information indisponible" (sans doute non transmise par les fournisseurs, notamment pour les mélanges importés) .
Parfois, c'est la contrainte dans laquelle se trouvent l'ANSES et le ministère d'agréger et d'anonymiser les données qui confèrent au rapport une dimension bien obscure.
A quoi (et à qui) peuvent servir des données non reliées aux noms des substances comme ces tableaux sur les intervalles de quantités des nanomatériaux, qui font l'objet d'une présentation détaillée page 29, avec des pourcentages et des classements, sans que jamais on puisse savoir de quels nanomatériaux il s'agit ?
Quel est l'intérêt de la nouvelle présentation par familles de substances, rajoutée cette année ? Ces "familles" ont été définies par un expert mandaté par l'ANSES : nanomatériaux inorganiques, métaux et alliages métalliques, nanomatériaux carbonés, nanopolymères, silicates et argiles, ... Permettent-elles une meilleure analyse des risques en l'absence de données plus détaillées sur les quantités réelles (les bandes de tonnage actuelles sont trop larges) ?
En tout état de cause, un tel rapport ne permet ni de guider les choix des consommateurs ni les actions des ONG et des nombreuses instances (même publiques) qui n'ont pas accès au détail des données qui reste confidentiel.
Des informations complémentaires seront exigées à partir de cette année
Afin de mieux cerner les usages des nanomatériaux déclarés, des changements seront introduits à partir de 2016 : il deviendra désormais obligatoire de renseigner, outre le "secteur d'utilisation" (SU) qui était jusqu'ici la seule information exigée, les catégories "produit chimique" (PC), "processus" (PROC), "article" (AC), "rejet dans l'environnement" (ERC)4.
A partir du croisement de ces informations, il sera possible d'avoir une idée plus claire des usages des nanomatériaux déclarés.
Par exemple, le secteur d'utilisation (SU), seul descripteur obligatoire jusqu'en 2015, ne permettait pas de dissocier agriculture, sylviculture et pêche !
En croisant les données du SU avec celles du descripteur "produits chimiques" (PC) qui comporte la catégorie "produits phytopharmaceutiques", il sera possible, à partir de l'année qui vient, de mieux identifier l'utilisation des substances nanos dans le secteur agricole.
Il s'agit là d'une avancée importante, mais qui ne sera pas suffisante ; d'autres améliorations listées plus bas seront nécessaires.
L'exploitation des données a commencé mais reste trop limitée
L'exploitation des données, déjà commencée en 2014, a progressé en 2015, mais à petits pas seulement, et reste limitée à un nombre trop restreint d'organismes.
En 2015, l'INERIS a commencé à exploiter certaines données anonymisées issues de la base R-nano pour lévaluation des risques accidentels associés aux nanoparticules (inflammabilité, explosivité).
De son côté, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n'a pas encore demandé l'accès aux données (auxquelles elle a pourtant droit). Pourtant les enjeux dans le domaine des dispositifs médicamenteux et médicaux méritent d'être considérés soigneusement !
L'ANSES s'est appuyée sur un groupe de travail afin de déterminer et lister les usages qui peuvent être faits des données collectées dans le cadre des travaux dévaluation de l'Agence. Nous avons appris en septembre 2015 que ce groupe s'était réuni 6 à 8 fois sans parvenir à établir de listes de substances prioritaires. Le groupe a-t-il néanmoins proposé d'autres pistes d'exploitation des données pour l'ANSES ? Nous avons interrogé l'agence, qui nous a répondu que les travaux étaient encore en cours fin 2015 : des réponses seront fournies par le biais des prochaines réunions du comité de dialogue "nano et santé" ou du comité d'orientation thématique (COT) santé-environnement et des orientations de lagence concernant lexposition aux nanomatériaux.
Des demandes d'informations plus précises que celles contenues dans le rapport public ont été déposées - en vain - par différents organismes : l'Observatoire Régional des Déchets en Midi Pyrénées (ORDIMIP), la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT d'Alsace-Moselle) et l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) notamment. Elles ont toutes été rejetées parce que ces organismes ne figurent pas dans le décret désignant les organismes auxquels lANSES peut transmettre les données !
Sur le terrain, les inspecteurs du travail (DIRECCTE) ou les inspecteurs de l'environnement (DREAL) n'y ont pas accès non plus ! Pourtant, des extractions du registre R-nano seraient très utiles à ces acteurs de la protection de lenvironnement et de la santé pour mener à bien leurs missions. Un accès plus large au registre permettrait de mutualiser et d'accélérer la vigilance collective face aux risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux.
Interrogé par Avicenn, Gérald Hayotte, chargé de mission « Nanos » auprès de la Confédération CFDT, déplore le fait que "ce troisième bilan de la déclaration obligatoire (R-Nano) ne permet toujours pas de savoir combien de salariés sont directement ou indirectement exposés aux nanoparticules, sur notre territoire. En létat, il est difficile, pour ne pas dire impossible, dalimenter une démarche de précaution ou de décliner des actions de prévention !".
Malgré ça, l'industrie propose un régime amincissant pour le registre R-nano
En avril dernier, Avicenn avait eu indirectement connaissance d'une demande émanant du MEDEF et de l'Union des Industries Chimiques (UIC) visant à "alléger la déclaration annuelle des substances à létat nano particulaire pour les produits finis". Hormis notre article sur veillenanos.fr5, aucune information publique n'avait alors été faite sur cette demande, qui n'a ensuite été officialisée qu'en juin et de façon très laconique par le Conseil national de l'industrie (CNI)6, puis présentée par Patrick Lévy (MEDEF) lors d'une réunion du GT R-nano fin octobre 2015.
La demande exprimée a pour objectif affiché d'"alléger la charge de travail des distributeurs", de "s'inscrire en cohérence avec le niveau européen" et d'"accroître la transparence". Elle consiste à exonérer les distributeurs de remplir la déclaration "à partir du moment où le produit est conditionné à l'état final tel qu'il sera commercialisé à l'utilisateur final, afin de permettre aux autorités sanitaires de conserver un minimum d'information exploitable".
Mais les termes employés sont néanmoins sources de confusion et n'ont pas pu être clarifiés lors de la réunion, ni depuis.
Société civile et autorités publiques sont donc restées perplexes devant cette proposition qui, dans sa formulation, laisse à penser que le registre R-Nano comporte trop de données et surtout... des données qui, dans les faits, manquent au contraire cruellement aujourd'hui :
le terme "produit conditionné à l'état final" pourrait laisser penser qu'il s'agit des produits de consommation courante ; or ces derniers ne sont ni enregistrés ni identifiables par R-nano (malgré l'objectif initial du dispositif et la demande des associations de consommateurs et d'AVICENN)
le terme "utilisateur final" pourrait également faire croire qu'il désigne des consommateurs, mais vu que l'obligation de déclaration s'arrête au "dernier utilisateur professionnel qui distribue la substance", la mesure de "simplification" reviendrait paradoxalement à étendre le dispositif jusqu'aux consommateurs... ce dont il n'est pas question pour le MEDEF et l'UIC.
A y regarder de plus près, cette demande priverait donc d'information les principaux acteurs concernés, contrairement à ce qu'elle affiche.
1 - les autorités perdraient une information cruciale sur la chaîne de distribution des produits, déjà insuffisante encore à ce stade pour assurer la pleine traçabilité des nanomatériaux qui figure parmi les objectifs principaux de la déclaration ;
2 - les distributeurs au bout de la chaîne de distribution seraient privés de l'information dite "B2B" (pour "Business to Business") et pourraient encore moins procéder à l'étiquetage auprès des consommateurs ("B2C" pour "Business to Consumers") ;
3 - les utilisateurs professionnels, directement concernés lors de la manipulation des nanosubstances ou des produits qui en contiennent, seraient dépossédés de la faculté de décider d'utiliser ou non ces produits en fonction de leur appréciation des bénéfices et des risques associés ;
4 - les consommateurs et associations de consommateurs n'y gagneraient rien, voire perdraient au change, puisque l'étiquetage même serait encore davantage compromis qu'aujourd'hui (cf. point 2).
Au final, la demande des fédérations industrielles ne ferait qu'accroître le déficit d'information déjà trop important aujourd'hui ; en empêchant d'identifier les flux et la localisation des produits au prétexte de simplifier le travail des distributeurs, elle fait fi de la recommandation pourtant largement partagée de prendre en compte l'ensemble du cycle de vie des produits et priverait les acteurs de la prévention et de la gestion des risques d'un outil pourtant potentiellement très utile.
D'autres pistes doivent donc être explorées pour alléger le travail des distributeurs sans perdre d'information et au contraire en gagner.
D'autres dispositions pourraient améliorer plus efficacement le dispositif
L'OCDE vient de rappeler que lidentification et la quantification des flux de nanomatériaux manufacturées sont des questions prioritaires à traiter au plus vite7. Or le constat que nous dressions l'année dernière reste valable cette année : "malgré les avancées tangibles mises en évidence par ce (troisième) bilan, on peut encore regretter que l'étroitesse du dispositif ne permette toujours pas de disposer d'une bonne représentation sur les quantités, la nature et l'usage des nanomatériaux commercialisés en France".
En effet, il est toujours impossible, dans l'état actuel du dispositif R-nano, d'avoir une indication fiable sur la quantité de nanomatériaux utilisés secteur par secteur (cf. ci-dessus) ! Et les mesures prises par l'ANSES et le ministère de l'environnement pour que les futures déclarations permettent une meilleure identification des usages (cf. ci-dessus) ne permettront pas d'y remédier. Il reste donc nécessaire de procéder à d'autres améliorations pour avoir une meilleure vision de l'état du marché, qui reste malheureusement aujourd'hui impossible à cerner avec l'outil R-nano.
Nous proposons sur notre fiche dédiée à la déclaration obligatoire plusieurs pistes d'amélioration du registre R-nano afin de mieux en tirer profit en termes d'évaluation de l'exposition des consommateurs, des travailleurs et de l'environnement aux divers nanoproduits et à leurs résidus dans le but d'organiser une vigilance collective.
Entre autres, il serait nécessaire d'avoir la répartition des quantités de nanosubstances commercialisées par type d'usage !
Et afin de mieux cerner la part réelle de l'utilisation de nanomatériaux dans l'agriculture, il serait à tout le moins indispensable de dissocier les secteurs agriculture - sylviculture et pêche aujourd'hui fondus dans un seul et même secteur d'utilisation.
Lors de la réunion du 28 octobre au ministère de l'écologie, Avicenn a notamment présenté sa proposition visant à assurer une meilleure transparence et traçabilité nano dans le secteur agricole. Sa faisabilité est à l'étude.
A noter : Comme l'année dernière, près de 65 % des substances produites et/ou importées le sont en quantité inférieure à une tonne (cf. p.28), seuil en deçà duquel lobligation denregistrement de REACh ne s'applique pas : ce chiffre conforte l'analyse des ONG et Etats membres qui critiquent l'insuffisance de ce Réglement en matière d'encadrement des nanomatériaux8.
3 - Afin d'essayer d'éclaircir l'utilisation des nanomatériaux dans l'agriculture, nous avions mis en ligne l'année dernière sur ce site veillenanos.fr une bibliographie sur le sujet "nano et agriculture" que nous avons complétée cette année. Nous avons également continué un travail de fond en vue de publier un dossier plus détaillé sur ce sujet.
En 2014, une quarantaine de produits vendus en agriculture en 2013 et déclarés dans R-Nano ont été identifiés par Avicenn. Aucune des 42 fiches de sécurité consultées pour ces produits (disponibles hors de ce registre) ne mentionnait cependant d'information sur un ingrédient à la taille nanométrique, bien que certaines fiches aient été mises à jour après publication des définitions réglementaires européenne et française. 7 firmes qui commercialisent des produits pour les cultures en France avaient rempli des déclarations au R-nano pour des usages en agriculture, dont quatre qui fournissent aussi des produits pour espaces verts et jardins. Mais fin 2015, on ne trouvait pas d'information sur des "nanos" sur leurs sites ni sur le site de lUIPP info-pesticides.org.
4 - Il s'agit de descripteurs demandés par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) dans le cadre du règlement européen sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques (Reach).
6 - "Nous n'avons trouvé en ligne que l'intitulé de la mesure 19 (non détaillée) : "Alléger la déclaration annuelle des substances à létat nano particulaire pour les produits finis" dans la liste des 22 mesures de simplification proposées par le CNI" (mars 2015), in Rapport annuel du Conseil national de lindustrie, CNI, juin 2015
Une consultation est ouverte sur le projet d'arrêté également publié aujourd'hui qui précise les informations à fournir pour caractériser :
lidentité du déclarant,
lidentité de la substance à létat nanoparticulaire,
ses usages
ou les quantités de substance à létat nanoparticulaire produites, distribuées ou importées.
Le public dispose de trois semaines pour adresser ses commentaires à consultation-decret-chimie(AT)developpement-durable.gouv.fr
La plupart des critiques déjà émises sur les limites du décret (confidentialité ; secret commercial / industriel ; dérogations ; faiblesse des sanctions notamment) restent d'actualité1.
Le projet d'arrêté précise que "la proportion minimale de particules présentant une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm prévue à larticle R 523-12 est fixée à 50%" (il faut se référer au décret pour voir qu'il s'agit de la proportion en nombre - et non en masse ou en surface). Ce taux est aussi le taux retenu par la Commission européenne dans sa recommandation de définition des nanomatériaux en octobre dernier ; il avait été critiqué par des associations de protection de l'environnement, de la santé et des consommateurs au niveau européen car il laisse potentiellement de côté de nombreux produits contenant des nanomatériaux2.
NOTES 1 - Pour un rappel documenté des faits, nous vous invitons à relire :
Le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010
Le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout avril 2019
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
L'un des engagements du Grenelle de l'environnement de 2007 portait sur l'organisation par la Commission nationale du débat public d'un débat sur les risques liés aux nanoparticules et aux nanomatériaux1.
des pouvoirs publics (le dossier officiel du maître d'ouvrage notamment)
des différentes parties prenantes (acteurs du débat public, institutionnels, industriels ou associatifs), notamment les 51 cahiers d'acteurs, prises de positions écrites éditées par la CPDP
Le débat a néanmoins rencontré une opposition farouche de militants conduits par le groupe grenoblois Pièces et main d'oeuvre (PMO), pour lesquels le débat n'était qu'une mascarade, un "débat pipeau" destiné à légitimer la "fuite en avant de la technoscience" - puisque le gouvernement français s'était déjà à l'époque engagé massivement dans le soutien des nanotechnologies. La plupart des réunions publiques ont été perturbées (notamment à Grenoble, Marseille ou Lyon2), voire annulées (à Montpellier, Nantes ou Paris) pour se tenir à huis clos avec une retransmission sur Internet3, conduisant certains à qualifier ce débat de "fiasco"4.
Dans un document de travail "Pour un processus de participation du public adapté à un développement responsable des nouvelles technologies5, le Centre d'analyse stratégique explique les difficultés auxquelles a été confronté le débat par :
le manque d'articulation du débat avec la décision et le calendrier politiques : le débat a commencé à l'automne 2009, alors qu'un plan de soutien de l'Etat au développement des nanotechnologies avait été annoncé dès le printemps, notamment via le financement du plan NanoInnov à hauteur de 70 millions d'euros annuels sur cinq ans
le caractère à la fois technique, politique et général du sujet
l'absence d'interlocuteur unique pour le public et de personnalisation du maître d'ouvrage représenté par sept ministères différents
la marginalisation de la question de l'encadrement des produits existants, étouffée par des considérations portant sur l'opportunité des développements futurs.
La CPDP a finalement publié un bilan et un compte rendu du débat en avril 2010.
La réponse de l'Etat a été longtemps différée
La procédure classique prévoit que dans les trois mois suivant la publication du bilan et compte rendu du débat, le maître d'ouvrage (ici les sept ministères concernés) annonce sa décision quant aux suites qu'il compte donner au projet à l'aune des opinions exprimées lors du débat public. Ainsi que le site de la CNDP l'affiche toujours, une réponse officielle du gouvernement sur les suites à donner au débat était attendue "avant fin juillet" (2010...).
Du fait de divergences entre les sept ministères sur les réponses à apporter au débat national, il a fallu de multiples interventions6 pour que le gouvernement mette fin à son silence un an et demi plus tard : un communiqué interministériel présentant les "engagements" du gouvernement (le dernier gouvernement Fillon) sur les suites à apporter au débat a été établi le 27 octobre 2011 ; il a fallu attendre encore trois mois et demi pour qu'il soit communiqué à la CNDP, dans un courrier daté du 13 février 2012.
Le préambule du 2011-Engagements_Gouvernement_Nanotechnologies.pdf communiqué indique que les attentes et demandes de la société française "ont été entendues par le gouvernement". Les "engagements" du gouvernement, déclinés en trois rubriques - mieux apprécier et prévenir les risques ; informer le public (via notamment un portail d'informations nano.gouv.fr) ; associer la société civile à la gouvernance des nanotechnologies - répondent en effet à de nombreux voeux formulés par la majorité des acteurs qui ont participé au débat national7.
Serait-elle tombée aux oubliettes ?
Ces engagements ont été pris en février 2012, soit quatre mois avant l'élection présidentielle et le changement de majorité.
Comment le nouveau gouvernement Ayrault s'empare-t-il de la question ? Alors que les nanotechnologies figurent parmi les priorités d'Arnaud Montebourg et de Louis Gallois8, quelle stratégie est mise en place ou encouragée par le gouvernement afin de mieux connaître, minimiser et/ou prévenir les risques qui y sont associés ? de mieux informer le public ? et de mieux associer la société civile à la gouvernance des nanotechnologies ?
Où en est le groupe de travail interministériel baptisé "task-force nano" censé animer ces travaux ?
l'ouvrage du sociologue Brice Laurent, Les politiques des nanotechnologies, 2010, pp.179 à 188 : "Le débat public CNDP ou la représentation des arguments à l'épreuve
Le registre R-Nano - La déclaration annuelle des "substances à l'état nanoparticulaire" en France, obligatoire depuis 2013
Le registre R-Nano - La déclaration annuelle des "substances à l'état nanoparticulaire" en France, obligatoire depuis 2013
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout décembre 2020
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
La France, premier pays à avoir instauré une déclaration obligatoire des nanomatériaux
"Recenser les nanoparticules issues des nanotechnologies et les filières de production" était en 2006 la première recommandation du Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP, rattaché au Ministère de l'Ecologie)1.
Un an et demi plus tard, le Grenelle de l'environnement s'est engagé à mettre en oeuvre une déclaration obligatoire de la présence de nanoparticules dans les produits grand public dès 20082 (ainsi que l'exigence d'un bilan coûts/avantages systématique avant la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux, dès la même année).
Il a encore fallu attendre cinq ans de plus, mais depuis le 1er janvier 2013 est finalement entrée en vigueur une déclaration obligatoire, sur le portail www.r-nano.fr, des "substances à l'état nanoparticulaire" fabriquées, importées ou mises sur le marché en France.
Cette déclaration est issue d'un long processus qui a donné lieu à la consultation du public3 et la constitution d'un groupe de travail multi-acteurs dédié au dispositif qui continue de se réunir une à plusieurs fois par an, piloté par le Ministère de l'Ecologie.
Elle a été institutionnalisée par la loi Grenelle 1 de 2009 et précisée dans la loi Grenelle 2 de 2010 et dans les décrets n°2012-232 et n° 2012-233 de février 2012, complétés par l'arrêté d'août 2012.
Malgré ce retard et les écarts par rapport au projet initial porté par le Grenelle, la France est le premier pays à s'être dotée d'un tel dispositif, créant un effet d'entraînement dans d'autres pays européens.
Qui doit réaliser cette déclaration ?
La déclaration concerne les entreprises et laboratoires de recherche publics et privés ayant une activité impliquant une quantité minimale de 100 grammes d'une "substance à l'état nanoparticulaire" *.
* "substance à l'état nanoparticulaire" : substance fabriquée intentionnellement à l’échelle nanométrique contenant des particules non liées ou sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont 50% des particules, dans la distribution des tailles en nombre, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm. (Cette proportion minimale peut être réduite dans des cas spécifiques lorsque cela se justifie pour des raisons tenant à la protection de l’environnement, à la santé publique, à la sécurité ou à la compétitivité. Par dérogation à cette définition, les fullerènes, les flocons de graphène et les nanotubes de carbone à paroi simple présentant une ou plusieurs dimensions externes inférieures à 1 nm sont à considérer comme des substances à l’état nanoparticulaire).
Chaque année, ces entreprises et laboratoires doivent déclarer les quantités et les usages de nanomatériaux qu'ils produisent, distribuent ou importent via le site R-Nano.fr.
La date limite de déclaration prévue par les textes est le 1er mai, mais les premières années de mise en oeuvre du dispositif ont vu la date limite de déclaration reportée de deux mois pour tous les déclarants en 2013 et d'un mois en 2014 et en 2015 pour les seuls distributeurs auprès d'utilisateurs professionnel4.
Les déclarations, ainsi que les données qu'elles contiennent, sont gérées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Une liste de questions et réponses (FAQ) est en ligne sur le site Internet du ministère de l'Ecologie afin de faciliter la compréhension du dispositif par les entreprises concernées par la déclaration ou susceptibles de l'être.
Dans quels buts cette déclaration a-t-elle été mise en place ?
Le dispositif, dans sa version actuelle, a pour objectifs affichés5 de :
"mieux connaître ces substances et leurs usages",
"disposer d'une traçabilité des filières d'utilisation, d'une meilleure connaissance du marché et des volumes commercialisés"
"collecter les informations disponibles sur leurs propriétés toxicologiques et écotoxicologiques".
Résultats des premières années : le registre R-Nano
Tous les rapports publics sont téléchargeables sur le site du Ministère de la transition écologique et solidaire.
En 2013, première année de déploiement de l'obligation de déclaration, 3400 déclarations ont été remplies, via plus de 930 comptes déclarants, dont plus de 90 effectués par des fournisseurs étrangers ; au total 670 entités françaises avaient participé6. (En comparaison, au Royaume-Uni, seules 66 organisations avaient été identifiées par l'Agence de l'Environnement comme produisant, utilisant ou commercialisant des nanomatériaux7). Fin novembre 2013, un premier bilan avait été rendu public, faisant état de 500 000 tonnes de "substances à l'état nanoparticulaire" mises sur le marché français en 2012. Le 29 avril 2014, lors de la 4ème réunion du comité de dialogue "nano et santé" de l'ANSES, le Ministère avait fourni d'autres chiffres, consolidés, pour la déclaration 2013 : 580 000 tonnes de nanomatériaux ont été déclarés comme ayant été mis sur le marché français en 2012 (280 000 tonnes produites et 300 000 tonnes importées), mais ces chiffres n'ont pas été officialisés. Au total, 279 substances avaient été mises en évidence après regroupements... mais aucune déclaration sur le nanoargent ! Quant aux nanotubes de carbone, ils n'apparaissaient pas non plus, certains ayant pu être déclarés et fondus dans la catégorie "carbone" dans le bilan public.
Mi-novembre 2014, le bilan 2014 a été rendu public. 400 000 tonnes de "substances nano" avaient été déclarées comme produites ou importées en France en 2013 - soit 100 000 tonnes de moins que l'année précédente, malgré un triplement du nombre de déclarations8. Cette fois, le nanoargent et les nanotubes de carbone figuraient bien dans le bilan, mais dans des proportions encore bien plus faibles (respectivement moins de 1 kg et moins de 10 tonnes) que celles supposées présentes sur le territoire. Selon l'Officiel de la recherche et du supérieur (ORS), en 2014, 67,46 kg de nanomatériaux ont été recensés au CNRS, contre 13,35 kg en 20139.
Fin février 2016, le le bilan 2015 a été publié : 416 000 tonnes ont été importées ou produites en 2014, avec environ 300 catégories de substances nano et un nombre relativement stable de déclarants.
Début novembre 2016, le bilan 2016 a été publié : plus de 475 000 tonnes ont été importées ou produites en France en 2015, plus de 14 000 déclarations ont été soumises et 1 516 entités françaises ont effectué au moins une déclaration.
Fin décembre 2017, le Bilan 2017 a à son tour été publié : à noter, une baisse du nombre de déclarations (9 700 au total, soit 27% de moins qu'en 2016) et de déclarants (1 391) avec un montant global d'un peu moins de 425 000 tonnes importées ou produites en France en 2016, soit une légère baisse par rapport à l'année précédente (mais une hausse de 10% de la quantité produite en France).
Une compilation des bilans 2014 à 2017 vous est proposée ici : agrandir
C'est avec plus d'un an de retard, en décembre 2019, que le Bilan 2018 a été publié, avec une baisse du tonnage total, inférieur à 390 000 tonnes de nanomatériaux importés ou produits en France en 2017.
Le bilan 2019, qui aurait dû être publié en novembre 2019, a été publié en juin 2020, avec un tonnage total relativement stable, qui avoisine les 400 000 tonnes.
Quelles sont les critiques portées au dispositif ?
Un "fardeau financier et bureaucratique" pour les déclarants, lors de la mise en place initiale de la déclaration
Du côté des déclarants, la mise en place initiale de la déclaration a représenté une charge de travail non négligeable la première année. Mais avec une bonne organisation et anticipation, et grâce à des avancées sur l'outil r-nano, la déclaration devient moins lourde une fois qu'elle est ancrée dans la pratique des entreprises, puisqu'il s'agit principalement de mettre à jour les données chaque année.
Les principales difficultés sont en général liées :
- à l'inadaptation du dispositif par rapport à la réalité des chaînes d'approvisionnement, avec notamment :
une confusion autour des sous-traitants
des problèmes techniques d'importation des données en provenance des fournisseurs localisés hors de France : "une entreprise peut importer un mélange chimique d'Allemagne qui comporte un prémélange composé en Russie avec des nanomatériaux fabriqués au Vietnam. La chaîne à remonter est complexe", illustrait Sonia Benacquista, chargée du dossier nano au sein de l'Union des industries chimiques (UIC)10 en 2014.
un nombre d'intermédiaires plus important qu'anticipé mais une seule date butoir pour remplir la déclaration quelle que soit la catégorie de déclarants : le dernier maillon de la chaîne de déclaration constitué par les distributeurs aux utilisateurs professionnels est en effet tributaire du n° de déclaration fourni par leurs fournisseurs en amont de la chaîne (des producteurs, des importateurs ou des transformateurs eux-mêmes parfois tributaires du n° de déclaration que doivent leur transmettre leurs propres fournisseurs).
→ Un échelonnement dans le temps de la date butoir de déclaration en fonction du positionnement des déclarants dans la chaîne d'approvisionnement est fortement souhaité par les distributeurs qui sont aujourd'hui mis en difficulté s'ils n'obtiennent le n° de la part de leur(s) fournisseur(s) que tardivement - et ce, alors même que jusqu'à la mise en place de l'obligation de déclaration en 2013 ils ignoraient, pour beaucoup d'entre eux, que les produits qu'ils achetaient et distribuaient contenaient des nanomatériaux. la date limite de déclaration 2014 sur les données 2013 a été reportée, pour les seuls distributeurs auprès d'utilisateurs professionnels, au 31 mai 2014. Idem les autres années.
Quant aux organismes publics de recherche, ils attendent toujours la publication d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de la recherche qui doit préciser le contenu et les conditions de présentation de la déclaration unique qu'ils sont censés pouvoir remplir et couvrant l'ensemble de leurs activités de recherche11.
Selon l'Officiel de la recherche et du supérieur (ORS), pour le CNRS, l'objectif visé est de se doter d'un outil de recensement partagé entre l'ensemble des unités de recherche9.
Des ambitions revues à la baisse par rapport à l'engagement du Grenelle de l'Environnement
Les premières années de mise en place du dispositif ont produit des résultats très éloignés des attentes des partenaires du Grenelle de l'environnement en 20072.
En l'état actuel des choses, ni les consommateurs ni les autorités sanitaires ne sont en capacité d'identifier les objets qui contiennent des nanomatériaux ni les risques qui y sont éventuellement associés.
- L'information du public, passée à la trappe pour préserver le secret industriel et commercial ?
Malgré les avancées permises par la création de ce registre R-nano, le grand public ne peut aujourd'hui identifier les produits dans lesquels des nanomatériaux sont intégrés par les industriels et auxquels ils sont exposés (cosmétiques, aliments, vêtements, appareils électroménager, équipements de sport, vitres et matériaux de construction, voitures, etc.).
Les informations doivent être mises à disposition du public chaque année au plus tard six mois après la date limite de déclaration, ce qui constitue un progrès12. Mais l'objectif d'information du public et des consommateurs exigé par le législateur en 200913 est pour l'heure rempli a minima car il se heurte au respect du secret commercial et industriel14 ou militaire15. Les fédérations industrielles ont en effet obtenu du ministère de l'écologie que les quantités de nanomatériaux soient par exemple agrégées au niveau national dans les bilans publics16. Ces derniers ne contiennent pas non plus les noms des fabricants, ni des importateurs, ni distributeurs et encore moins des marques concernées ; et ne donnent aucune information sur les propriétés des substances nanos déclarées (qui ne sont même pas obligatoirement déclarées : le champ "propriétés" est en effet facultatif !).
Résultat : les premiers bilans se sont avérés jusqu'à présent très peu lisibles et quasiment inexploitables !
Le dispositif ne va pas jusqu'à l'étiquetage des nanomatériaux déclarés : une fois intégrés dans des produits, ces nanomatériaux "disparaissent" donc de la vue du consommateur.
Seuls quelques rares organismes peuvent avoir connaissance d'une partie seulement des informations contenues dans le registre : l'ANSM, Santé publique France, l'INRS, l'INERIS, les organismes chargés de la toxicovigilance et, depuis 2017 seulement, les observatoires régionaux des déchets17.
Toute personne désirant avoir des informations n'a d'autre solution que celle de se replier vers les inventaires de nano-produits existants qui, loin d'être exhaustifs, sont élaborés à partir de d'allégations d'industriels ou d'hypothèses sur la composition des produits, sans vérification possible, faute de moyens financiers, humains et / ou techniques.
De nombreux acteurs plaident en faveur d'une transparence accrue. Il serait en effet envisageable d'aller plus loin dans la transparence, comme ce qui se pratique par exemple en matière de produits pharmaceutiques (répertoire des médicaments), de produits phytosanitaires (base de données e-phy) ou d'émissions polluantes (le registre IREP).
- Aucune disposition ne concerne la protection des salariés
Le dispositif ne prévoit rien pour inciter les entreprises et laboratoires à respecter la protection de l'environnement et des personnes susceptibles d'être exposées aux nanomatériaux déclarés (consommateurs ou travailleurs en particulier).
Concernant les travailleurs : la déclaration remplie par les entreprises ou laboratoires ne comporte aucune indication ni sur leur effectif global ni sur le nombre de travailleurs exposés aux nanomatériaux déclarés. Néanmoins, grâce au système d'enregistrement et à la transmission par les fournisseurs du numéro de déclaration à leurs clients, de nombreux acteurs professionnels ont été informés par leur(s) fournisseur(s) de la présence de nanomatériaux dans les produits qu'ils achetaient et ont pu à leur tour informer leurs clients. Au final, plus d'acteurs découvrent grâce à cette déclaration qu'ils manipul(ai)ent des produits contenant des "substances nanos" : via cette prise de conscience, on peut espérer qu'un certain nombre d'entre eux ont commencé à (ou vont pouvoir) mettre en place des mesures pour limiter l'exposition professionnelle à ces substances : est-ce le cas ? Vos témoignages nous intéressent (redaction(at)veillenanos.fr).
Dans l'état actuel du dispositif, les centrales d'achat et les distributeurs qui fournissent des "substances nano" au grand public en plus des professionnels n'ont pas été soumis à l'obligation de déclaration (cf. question 7 de la FAQ du site R-Nano dans sa version de mars 2014). Les magasins de bricolage qui vendent aux particuliers et aux professionnels par exemple n'ont pas à remplir de déclaration.
Les autorités françaises ont signalé en août 2014, que "si l'on soumettait également à l'obligation de déclaration le dernier utilisateur professionnel, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, il serait alors possible de disposer d'informations plus précises sur les usages, contribuant ainsi à atteindre l'objectif de traçabilité ainsi qu'une meilleure information des consommateurs" 18.
Aujourd'hui, les utilisateurs professionnels "finaux" ne sont en effet pas soumis à déclaration : coiffeurs, esthéticiennes, garagistes, agriculteurs, peintres en bâtiment, maçons, etc. manipulent donc des produits contenants des "substances nano" sans en être souvent informés : il n'existe aujourd'hui aucune obligation de préciser la présence de nanomatériaux dans les fiches de données de sécurité (FDS) ni dans les fiches de déclarations environnementales et sanitaires (FDES) des matériaux.
Les autorités sanitaires ne sont pas aujourd'hui en mesure de cerner l'ensemble des professions concernées.
Interrogé par Avicenn en février 2016, Gérald Hayotte, chargé de mission « Nanos » auprès de la Confédération CFDT, déplore le fait que le "bilan de la déclaration obligatoire (R-Nano) ne permet toujours pas de savoir combien de salariés sont directement ou indirectement exposés aux nanoparticules, sur notre territoire. En l'état, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'alimenter une démarche de précaution ou de décliner des actions de prévention !".
- Aucune limite à la commercialisation des nanomatériaux
Il n'est pas prévu, dans l'état actuel du dispositif, de "bilan coûts/avantages avant la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux" comme s'y étaient engagés les partenaires du Grenelle de l'environnement en 20072. La déclaration que doivent remplir les entreprises et laboratoires porte sur les nanomatériaux fabriqués, importés ou mis sur le marché l'année écoulée : elle ne s'inscrit pas dans un processus d'enregistrement préalable à une autorisation de mise sur le marché par exemple. Les nanomatériaux continuent donc à être commercialisés sans plus d'encadrement qu'avant, sans protection des consommateurs ni de l'environnement.
R-Nano n'intègre PAS (ou pas nécessairement) les nanomatériaux censés rester dans les produits auxquels ils sont incorporés19 (ceci reste un point à éclaircir) ; or le nanoargent dans les textiles peut par exemple se détacher des textiles lors des lavages et des nanotubes de carbone, bien que contenus dans une matrice, peuvent être relargués dans l'environnement sous l'effet du soleil et d'une humidité modérée ou de l'abrasion20
A cela s'ajoutent d'autres considérations techniques :
- Contrairement à la définition retenue par l'ISO, les nanomatériaux qui entrent dans la définition de "substance à l'état nanoparticulaire" retenue par la France excluent les matériaux nano-structurés en interne. L'ANSES avait suggéré que les substances ayant une structure interne à l'échelle nanométrique soient couvertes par le dispositif21, mais sans succès.
- En outre, la définition retenue mentionne une "substance fabriquée intentionnellement à l’échelle nanométrique" : certaines entreprises se défausseraient de leur obligation de déclaration en prétextant que leurs substances ne sont pas intentionnellement nano...
- Comme au niveau européen, le seuil retenu est celui de 50 % des particules mesurées entre 1 et 100 nm dans la distribution des tailles en nombre, ce qui laisse potentiellement de côté de nombreux nanomatériaux :
Concernant la fourchette 1-100nm, même le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) de la Commission européenne a souligné l'absence de fondement scientifique à cette limite de 100 nm. Des résultats d'études toxicologiques font état d'effets toxiques engendrés spécifiquement à l'échelle submicronique dépassant les 100 nmn, notamment jusqu'à 600 nm22.
Quant au taux de 50%, il est plus de 333 fois plus élevé que celui défendu par le SCENIHR (0,15%) au niveau européen23.
→ Résultat : à titre d'exemple, des substances composées à 45% de particules inférieures à 95 nm et à 55% de particules supérieures à 105 nm ne seront du coup pas soumises à l'obligation de déclaration.
Des substances nano nouvelles ou anciennes ?
80 % des substances qui ont été déclarées en 2013 sur le site r-nano.fr étaient déjà commercialisées avant 1981 sans que l'on puisse savoir si elles étaient déjà à l'état nano antérieurement, toutefois les industriels ont confirmé que les nanomatériaux les plus fréquents et ceux utilisés comme pigments ou colorants étaient déjà sur le marché depuis de nombreuses années24.
Ce chiffre ainsi que la quantité infime de nanoargent déclaré posent la question de la distinction entre "nouveaux" nanomatériaux et nanomatériaux plus "anciens" (toutes proportions gardées), difficile à faire aujourd'hui : on est dans le flou pour quantifier les nouveaux nanomatériaux utilisés pour de nouveaux usages (notamment les nano-revêtements anti-UV ou antibactériens ou antitaches ou waterproof par exemple, relativement récents).
II n'y a pas encore de déploiement de dispositif spécifique pour contrôler la bonne application de la loi : les corps de contrôle traditionnellement utilisés dans le cadre des contrôles des produits chimiques n'étaient pas outillés pour le faire en 201326. En juin 2016, Avicenn a obtenu une réponse de la DGCCRF à qui l'association avait demandé si ses services opéraient désormais des contrôles du dispositif R-nano ; la DGCCRF a répondu qu'elle n'avait pas mené "d'enquête spécifique" à ce jour mais qu'elle "demeure attentive aux évolutions dans le domaine des nano-technologies". Le service commun des laboratoires, commun aux services de la DGCCRF et des Douanes, travaille actuellement sur l'amélioration de leurs capacités analytiques. Ils envisagent également le développement de collaborations universitaires.
Ces difficultés conduisent certains à considérer que la déclaration est donc "juste une mise sous pression des industriels pour déclarer des informations avec lesquelles les associations de défense de l'environnement ne pourront pas faire grand-chose" 27.
Quelles perspectives ? Quelles exploitations des données ?
Les bilans public laissent beaucoup d'acteurs sur leur faim, du fait du caractère à la fois très général et peu exploitable des données divulguées.
En 2014, les données déclarées relatives aux nanotubes de carbone et au nano-dioxyde de titane ont été communiqué à l'InVS dans le cadre du projet Epinano pour le suivi de cohortes de travailleurs exposés aux nanomatériaux.
En 2014, l'INERIS va également exploiter certaines données issues de la base R-nano dans le cadre de ses programmes d'appui au ministère de l'écologie, notamment pour l'évaluation des risques accidentels (inflammabilité, explosivité).
En 2015, l'ANSES s'est appuyé sur un groupe de travail afin de déterminer et lister les usages qui peuvent être fait des données collectées dans le cadre des travaux d'évaluation de l'Agence. Ce groupe s'est réuni 6 à 8 fois sans parvenir à établir de listes de substances prioritaires. Le groupe a-t-il néanmoins proposé d'autres pistes d'exploitation des données pour l'ANSES ? Nous attendons une réponse de l'ANSES.
Autre question : l'ANSES aura-t-elle les moyens suffisants pour faire face à l'afflux d'informations collectées du fait de la hausse du nombre de déclarations?
Quelles améliorations apporter au dispositif ?
L'enjeu est donc de remédier aux faiblesses de ce dispositif fort louable afin de le consolider, car de l'avis d'un nombre croissant d'associations et d'experts scientifiques29, il est urgent d'agir.
Une révision du décret instituant la déclaration obligatoire avait été envisagée pour 2015 pour clarifier certains points du texte. Mais elle a été suspendue à la décision que la Commission européenne devait prendre suite à la consultation en 2014 concernant la mise en place d'un éventuel registre nano à l'échelle européenne. La Commission n'ayant pas décidé de mettre en place un registre européen similaire à R-Nano, différents registres nationaux (français, belge, danois, suédois, ...) coexistent, avec une interopérabilité non optimisée.
Depuis plusieurs années, Avicenn a listé sur cette page (voir ci-dessous), ainsi que dans le cadre du groupe de travail nommé GT r-nano ou du travail de préfiguration du 4ème plan national santé-environnement des recommandations concrètes visant notamment à améliorer l'accès au registre, ainsi que la nature et de la qualité des données collectées via R-nano. Cf. 20 propositions compilées en juin 2019 par Avicenn dans le cadre de la préfiguration du 4ème plan national santé-environnement (PNSE4).
- Elargir le registre aux nanomatériaux qui échappent aujourd'hui à la déclaration :
S'assurer que soient bien inclus dans le dispositif l'obligation de déclarer les nanomatériaux qui peuvent être relargués en dehors des seules "conditions normales d'utilisation", afin d'inclure les produits contenant des nanomatériaux qui peuvent être relargués du fait de l'usure, de l'abrasion ou du lavage des produits mais qui ne sont pas aujourd'hui enregistrés dans R-nano.
Intégrer dans le dispositif R-Nano les nanomatériaux qui sont intégrés aux produits finis confectionnés à l'étranger avant d'arriver en France (car ils échappent aujourd'hui au registre !)
Etendre l'obligation de déclaration aux mélanges et non aux seules substances nano, comme c'est le cas dans le dispositif belge et dans le dispositif danois ?
- Améliorer l'identification des usages finaux des nanomatériaux déclarés et des produits contenant ces nanomatériaux :
Dans l'outil r-nano, il n'y a pas moyen de quantifier, pour un usage donné, le poids de substances nano concernées, ce qui constitue une limite très dommageable pour la traçabilité et l'évaluation des risques.
Depuis 2016, il est obligatoire de renseigner, outre le "secteur d'utilisation" (SU) qui était jusqu'alors le seul descripteur aujourd'hui exigé, les autres descripteurs utilisés par l'ECHA : "produit chimique" (PC), "processus" (PROC), "article" (AC), "rejet dans l'environnement" (ERC) : c'est un pas en avant qui a permis d'affiner la connaissance des usages des nanomatériaux déclarés, mais il y a tout de même besoin d'adopter une autre typologie plus pertinente et plus "parlante" pour le grand public.
Il devrait également être demandé obligatoirement le code NACE et/ou NAF des clients des derniers déclarants distributeurs professionnels
Relier les quantités aux usages permettrait une quantification des nanomatériaux par type d'utilisation, car dans l'état actuel du dispositif, même l'administration ne peut pas déterminer, pour un type de nanomatériau donné, quelle quantité est utilisée pour tel usage !
A terme, si l'on avance en parallèle sur le chantier de l'étiquetage, on peut imaginer qu'une mention [nano] sera obligatoirement apposée devant le nom de la substance concernée dans la liste des ingrédients et qu'un QR-code pourrait être rajouté également à l'étiquette des produits et renvoyer à une rubrique à créer sur le site R-nano contenant des informations plus précises sur la nanosubstance considérée et ses risques pour la santé et l'environnement ; sans attendre la création d'un hypothétique registre européen, un registre national des produits contenant des nanomatériaux pourrait à terme être constitué en mutualisant les informations avec la Belgique et le Danemark qui ont pris des initiatives du même ordre.
- Permettre l'utilisation du registre à des fins de surveillance et de prévention :
Demander la localisation des sites où sont manipulés les nanomatériaux déclarés
Demander obligatoirement le nombre de travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux déclarés
- Elargir le droit d'accès aux données à d'autres acteurs d'évaluation ou de gestion des risques
Le droit d'accès aux données de R-Nano est beaucoup trop restreint aujourd'hui. Il devient incontournable de l'élargir à d'autres acteurs publics ou exerçant des missions de service public, comme les agences de l'eau et les médecins et inspecteurs du travail (dans les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - DIRECCTE) et inspecteurs de l'environnement (dans les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement - DREAL) afin que ces derniers puissent identifier et protéger les travailleurs et sites exposés. Plus largement, chercheurs et professionnels de la protection de l'environnement ou de la santé publique devraient pouvoir obtenir des extractions du registre R-nano, ce qui bénéficierait à tous pour mutualiser les efforts de vigilance.
- Mutualiser les informations dans le domaine agricole
- Mettre en place un dispositif de contrôle de la déclaration
Depuis le constat d'absence de dispositif de contrôle que nous dressions dès 2013, rien ne semble avoir été mis en place pour s'assurer du respect de l'obligation de déclaration par les entreprises.
Les problèmes de métrologie et la lenteur des groupes de normalisation en matière de méthodologies de mesures des nanomatériaux, qui se heurtent à des verrous importants, n'expliquent pas tout.
Non seulement les industriels savent que les capacités techniques font aujourd'hui défaut, mais il y a également peu de volonté politique pour contrôler respect de la loi.
L'OCDE avait rappelé fin 2015 que l'identification et la quantification des flux de nanomatériaux manufacturées sont des questions prioritaires à traiter au plus vite30. Tout un travail de réflexion reste à mener pour affiner les améliorations à apporter au registre R-nano. Outre les points précédents, il faudrait pourtant progresser sur les aspects suivants :
quelles données collecter en plus ? en moins ? autrement ?
comment mieux les exploiter ? (En 2015, l'ANSM ne s'était pas encore emparée des données du registre R-nano !)
comment mieux utiliser le registre R-nano pour émettre des recommandations et des actions de prévention ou de surveillance ciblées ?
comment faire pour que le registre permette une meilleure traçabilité et un meilleur repérage des travailleurs exposés - non seulement en phase de production / manipulation des nanomatériaux, mais aussi en aval de la chaîne de production (les utilisateurs professionnels en bout de chaîne : maçons, mécaniciens, coiffeurs, agriculteurs, boulangers, pâtissiers, personnel hospitalier, etc.) ?
Une fois reconfiguré, le "registre R-Nano 2.0" devrait aussi permettre aux industriels et distributeurs de rappeler des produits commercialisés en cas de survenue de problème sanitaire ou environnemental.
D'un point de vue technique, des scientifiques demandent de rajouter, parmi les paramètres à renseigner dans R-Nano, la solubilité de la substance nanoparticulaire (comme recommandé par l'ISO et l'OCDE) - voir également les recommandations établies dans le cadre du chantier visant la mise en place d'un système universel de description des matériaux de l'échelle nanométrique (UDS).
Même si les instruments et méthodes pour détecter, mesurer, suivre et contrôler les nanomatériaux sont encore à améliorer, il est d'ores et déjà techniquement possible de prélever et de conserver des échantillons pour les analyser quand ces instruments et méthodes seront au point31.
L'idée est de pouvoir corréler les volumes de nanomatériaux relargués aux éventuels problèmes qui pourraient être observés à court, moyen et long terme. En mettant en place différents outils cartographiques et expérimentaux, il serait possible de construire une vigilance collective et opérationnelle associant les fournisseurs de nanomatériaux et les centrales d'achat des grands distributeurs de produits de consommation, afin d'enregistrer les flux de produits contenant des nanomatériaux vendus (à commencer par le nanoargent), de cartographier les lieux de distribution et de potentiel relargage puis de procéder à une observation sur la durée et sur le terrain, par exemple sur un bassin versant avec la participation de gestionnaires de l'eau.
D'autres mécanismes plus ou moins similaires dans plusieurs pays européens
Le registre R-Nano mis en place en France depuis 2013 fait tache d'huile : plusieurs autres Etats membres ont mis en place des dispositifs plus ou moins similaires.
→ Voir notre fiche Les différents (projets de) registres nano nationaux
Présentation de la déclaration française par Catherine Mir du Ministère de l'Ecologie lors d'un atelier organisé par la Commission européenne (DGPR), 30 janvier 2013 (aller à la 392ème minute de la vidéo).
Les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 prévoyant la mise en place d'une déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire fabriquées, importées ou mises sur le marché en France.
Le décret n°2012-232 signé du 17 février 2012 et publié au Journal Officiel du 19 février 2012
L'arrêté du 6 août 2012 relatif au contenu et aux conditions de présentation de la déclaration annuelle des substances à l'état nanoparticulaire, pris en application des articles R. 523-12 et R. 523-13 du code de l'environnement
L'arrêté du 24 janvier 2013 définissant les conditions de présentation et d'instruction des demandes de dérogation relatives à la mise à la disposition du public de la déclaration annuelle des substances à l'état nanoparticulaire, pris en application de l'article R. 523-20 du code de l'environnement
Droit applicable aux nanotechnologies, Stéphanie Lacour - CECOJI, Paris : Présentation au séminaire "Nanomatériaux dans l'environnement et impacts sur les écosystèmes et la santé humaine" organisé par EnvitéRA, juillet 2012 : Vidéo - Diaporama - Résumé
NOTES ET REFERENCES 1 - Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP), Ministère de l'Ecologie, Nanotechnologies, nanoparticules : quels dangers ? quels risques ?, mai 2006 2 - Engagement n°159 du Grenelle de l'Environnement, novembre 2007 : "la présence de nanoparticules dans les produits grand public sera obligatoirement déclarée dès 2008 ; bilan coûts/avantages systématique avant la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux, dès 2008 ; assurer l'information et la protection des salariés sur la base de l'étude AFSSET", p.23/35 3 - Voir nos articles :
l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, qui s'est substituée le 1er mai 2012 à l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) dont elle a repris les missions, droits et obligations)
Quel encadrement des nanomatériaux dans les cosmétiques en France ?
Veillenanos, illustration Géraldine Grammon, 2017
Quel encadrement des nanomatériaux dans les cosmétiques en France ?
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification novembre 2019
Cette fiche fait partie de notre Dossier Nano et Cosmétiques ; elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
Les nanomatériaux des cosmétiques sont soumis, comme les autres nanomatériaux, à l'obligation de déclaration au registre R-nano
Depuis 2013, les "substances à l'état nanoparticulaire" fabriquées, importées ou mises sur le marché en France doivent obligatoirement être déclarées chaque année dans le registre R-nano.
Celles présentes dans les produits cosmétiques ne font pas exception ; la catégorie de produits "cosmétiques, produits de soins personnels" (PC 39) est d'ailleurs la deuxième catégorie la plus déclarée avec 616 déclarations en 2017.
Mais, en l'état actuel du registre, les produits qui contiennent ces substances nano ne peuvent pas être identifiés, d'où la nécessité d'apporter des améliorations à la procédure de déclaration.
A noter : la déclaration dans R-nano n'exonère par les fabricants de l'obligation de notification européenne sur le CPNP, et vice-versa.
Certains fabricants de cosmétiques se plaignent de cette "contrainte administrative" (les déclarations dans R-nano et dans le CPNP ne sont pas basées sur les mêmes définitions du terme "nanomatériau"), rendue d'autant plus ardue que beaucoup de leurs fournisseurs ne leur transmettent pas correctement et/ou très tardivement les données nécessaires.
Néanmoins les marques ont la responsabilité de s'assurer de la qualité de leurs matières premières et ont toujours la possibilité de les faire tester eux-mêmes, en recourant aux méthodes et outils adéquats, doublés d'une expertise solide.
L'étiquetage [nano] des cosmétiques, obligation européenne depuis 2013
Sur 39 produits solaires analysés par la DGCCRF en 2018, 19 présentaient au moins une anomalie. Principal manquement constaté : l'absence de mention [nano] dans des produits contenant du dioxyde de titane ou de l’oxyde de zinc sous forme nanoparticulaire1.
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Article mis en ligne le 15 mai 2014 - Dernière modification le 10 juillet 2014
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a rendu public son rapport d'évaluation des risques liés aux nanomatériaux attendus depuis 2013. Ce rapport largement relayé par les médias est maintenant dans les mains des tutelles de l'ANSES. Quelles suites donneront-elles aux recommandations émises par l'agence ?
Depuis 2006, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié plusieurs expertises sur les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux manufacturés ; la dernière analyse concernant les nanomatériaux dans leur globalité remontait à 20101.
En 2012 l'ANSES a confié à son groupe de travail pérenne "nanomatériaux et santé" un travail de mise à jour des connaissances sur ces risques.
Fin avril 2014, le rapport finalisé a été présenté au comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" ouvert à la société civile et auquel Avicenn participe. Il a ensuite été publié le 15 mai sur le site de l'ANSES2.
Il s'agit d'une "revue de la littérature" et non pas de la présentation de résultats de recherches effectuées au sein des laboratoires de l'ANSES.
Le point sur les risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement
Le rapport traite :
- des risques liés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement ; il ne porte donc pas sur les nanoparticules naturelles ou "incidentelles".
- dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et de la santé ; bien que les risques sur les dérives éthiques possibles liées aux mésusages des nanotechnologies (surveillance ou manipulation du vivant notamment) ne soient pas traités en profondeur car hors du domaine de compétence de l'ANSES, ils font tout de même l'objet d'une présentation synthétique - phénomène suffisamment rare pour être signalé.
Des risques préoccupants mais encore difficiles à évaluer
L'ANSES montre que malgré la progression des connaissances scientifiques, les incertitudes restent importantes quant aux effets des nanomatériaux sur la santé et l'environnement.
Elle met en évidence des caractéristiques de danger très diverses - un tableau clinique qui fait "froid dans le dos" selon Pierre Le Hir du Monde3 qui cite parmi les effets répertoriés par l'ANSES de certains nanomatériaux sur les organismes vivants : "des retards de croissance, des malformations ou anomalies dans le développement ou la reproduction chez des espèces modèles", ainsi que "des effets génotoxiques et de cancérogénèse", ou encore "des effets sur le système nerveux central, des phénomènes d'immunosuppression, des réactions d'hypersensibilité et d'allergie".
L'ANSES insiste néanmoins sur la grande complexité à appréhender les situations d'exposition pour l'homme et l'environnement, rendant difficile de mener des évaluations spécifiques des risques.
Sur la base de tests in vitro et in vivo sur l'animal (il n'y a pas de données sur l'homme), le rapport met en évidence la capacité des nanomatériaux à passer les barrières physiologiques et pointe également la toxicité de certains d'entre eux.
Principales recommandations
L'ANSES émet plusieurs recommandations, notamment :
stimuler la recherche pour réduire les incertitudes scientifiques encore très nombreuses, via la mise en œuvre de projets pluridisciplinaires permettant de développer les connaissances sur les caractéristiques des nanomatériaux et de leurs dangers, tout au long du cycle de vie des produits; il s'agit notamment de favoriser le développement d'essais de sécurité pertinents pour évaluer les risques sanitaires des produits contenant des nanomatériaux destinés à être mis sur le marché.
se doter d'outils réglementaires et normatifs pour mieux protéger l'homme et l'environnement : l'ANSES se dit favorable à l'interdiction de certains nanomatériaux dans des produits grand public ! Le faisceau de données disponibles sur la toxicité de certains nanomatériaux apparaît en effet à l'Anses scientifiquement suffisant pour envisager leur encadrement selon la réglementation européenne CLP (règlement de classification, étiquetage et empaquetage des substances et des mélanges) et REACh (substances chimiques). L'Anses a, dans ce cadre, récemment publié des recommandations visant à adapter le règlement REACh à la prise en compte des caractéristiques propres aux nanomatériaux1. Ce cadre réglementaire permettrait de renforcer la traçabilité des nanomatériaux destinés à être intégrés dans les produits de consommation, depuis leur production jusqu'à leur distribution, afin notamment de mieux caractériser les expositions des populations, et permettre de mieux cibler les évaluations de risque à réaliser.
Premiers éléments d'analyse d'Avicenn
Une pression accrue sur les pouvoirs publics chargés de la gestion des risques
Comme le fait remarquer Pierre Le Hir du Monde3, "en 2010, l'agence s'était contentée de mettre en avant "le principe de précaution". Elle va aujourd'hui plus loin, en préconisant d'inscrire les nanomatériaux dans le cadre du règlement européen CLP (classification, étiquetage et emballage) sur les substances chimiques dangereuses.
L'ANSES souligne que "malgré les efforts entrepris en pointillés [par les pouvoirs publics] pour adapter les cadres réglementaires préexistants à cet ensemble hétéroclite et potentiellement infini que constituent les nanomatériaux, l'absence d'évaluations sociale et économique concrètes de leur déploiement continue de se faire sentir" (p.28).
Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'ANSES, est clair : "Dans dix ans, il sera trop tard pour se poser la question de leur encadrement".
L'enjeu est de taille : il s'agit donc de mobiliser les pouvoirs publics afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour ne pas répéter les erreurs du passé, en mettant notamment en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction.
L'ANSES est favorable à des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction pour certains nanomatériaux, notamment :
les nanotubes de carbone,
les nanoparticules d'argent,
les nanoparticules de dioxyde de titane,
les nanoparticules de dioxyde de silice,
les nanoparticules d'oxyde de zinc,
les nanoparticules d'oxyde de cérium,
les nanoparticules d'oxyde d'aluminium,
les nanoparticules d'or
Classer ces nanoparticules comme substances dangereuses aurait pour conséquence la mise en place de mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public.
Cette préconisation sera-t-elle suivie par les ministères de tutelle de l'ANSES ? Si oui, la France pourrait porter le dossier au niveau de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Une question politique : comment financer les études de risques ?
Comment financer les études de risques liés aux nanomatériaux ? Cette question est cruciale mais pourtant largement éludée par les pouvoirs publics ou les industriels. Dans son rapport l'ANSES préconise "la mise en place de mécanismes d'incitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour d'autres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)". Depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par l'intermédiaire d'une taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes.
Cette proposition rejoint celle faite par la société civile concernant la mise en place d'une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants. Une taxe ne serait cependant "pas à la mode" a-t-on entendu lors de la réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" fin avril (2014)...
Quelle autre solution envisager alors ? Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose que "l'argent du Crédit Impôt Recherche, qui est l'argent de l'État, soit utilisé pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Vos avis et suggestions nous intéressent ! Car il s'agit assurément d'un chaînon manquant pour passer des paroles aux actes.
Quid des recherches sur les nanos dans l'alimentation à l'ANSES ?
L'Anses souligne que "la voie orale, peu étudiée jusqu'à aujourd'hui, devrait faire l'objet d'efforts de recherche spécifiques" (cf. p.8).
Problème : malgré cette recommandation, l'ANSES a demandé aux chercheurs de ses propres laboratoires de Fougères et Lyon de finir leurs recherches en cours sur le sujet et de ne pas en lancer de nouvelles.
→ Voir à ce sujet notre lettre VeilleNanos parue en décembre dernier.
Depuis, le tout récent rapport d'activité 2013 du laboratoire de Lyon de l'ANSES publié début juin 2014 a confirmé que son "unité Maladies neurodégénératives (MND) a dû arrêter, à la demande de la direction scientifique des laboratoires de l'Anses, toute recherche sur la toxicologie des nanomatériaux" !
Interrogé à ce sujet par Avicenn le 29 avril 2014, à la fin de la dernière réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", le directeur général adjoint scientifique de l'ANSES avait invoqué un "recentrage" de l'ANSES sur ses domaines d'excellence, qui dans le domaine nano concernent davantage l'exposition par inhalation.
Reste que les recherches sur l'ingestion des nanomatériaux sont aujourd'hui très limitées (principalement au CEA de Grenoble et à l'INRA de Toulouse).
Autres points marquants
Parmi les autres points marquants, Avicenn a relevé les éléments suivants :
Le groupe de travail considère que "la prise en compte du cycle de vie des nanomatériaux est incontournable pour l'évaluation des risques" (depuis la conception jusqu'à la destruction ou recyclage des produits en passant par la consommation). Cette prise en compte passe notamment par "la transmission des FDS [fiches de données de sécurité] tout au long de la chaîne logistique", qui "devrait permettre le suivi du produit au cours de ses étapes de transformations industrielles" (p.27).
Le groupe de travail préconise "une amélioration du dispositif de déclaration (...) afin d'identifier de manière certaine les nanomatériaux manufacturés produits, distribués et importés sur le territoire national" (p.20). Il rejoint ici l'analyse produite par Avicenn le 2 décembre dernier4.
Il recommande également que soient recherchées, "dans le processus de gouvernance des risques des nanomatériaux, la transparence et une participation accrue des publics concernés (associations de citoyens, partenaires sociaux, professionnels de santé, etc.)" (p.70).
Premières réactions au rapport
Un rapport applaudi par des élus écologistes et des professionnels de la santé...
Michèle Rivasi, députée européenne et tête de liste Europe Ecologie pour les élections européennes dans le Grand Sud-Est, a réagi le jour même de la publication de ce rapport, appelant d'urgence à règlementer les nanotechnologies au niveau européen5.
Corinne Lepage, autre députée européenne verte, aurait affirmé que "mettre sur le marché des produits dont on ne peut pas garantir l'innocuité, c'est prendre les consommateurs européens pour des cobayes. Il est urgent d'établir un cadre législatif rigoureux pour les nanomatériaux au niveau européen. L'union européenne doit imposer une évaluation indépendante des effets de ces particules sur la santé et l'environnement"6.
Le 18 mai, William Dab, médecin et épidémiologiste, écrit sur son blog que "le développement [des nouvelles technologies, dont les nanotechnologies] est plus rapide que notre capacité à en évaluer les risques. Ce n'est pas une raison suffisante pour les bloquer, mais cela justifie la plus grande vigilance et des investissements en recherche qui soient à la hauteur des enjeux sanitaires"7.
Le 19 juin, le groupe écologiste du Conseil régional du Centre a soumis un projet de vœux au vote visant à accroître la vigilance s'agissant des nanomatériaux, en s'appuyant notamment sur le rapport de l'ANSES. Il n'a pas réuni la majorité nécessaire pour être adopté 8.
... moins bien accueilli par l'industrie chimique
Selon l'Usine Nouvelle, "les industriels ne digèrent toujours pas les recommandations" de l'ANSES qui pourraient, selon l'Union des industries chimiques (UIC) "nuire aux capacités de compétitivité et d'innovation européenne" 9.
→ Ce rapport largement relayé par les médias est maintenant dans les mains des tutelles de l'ANSES. Quelles suites donneront-elles aux recommandations émises par l'agence ?
⇒ Vos avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site
Nos fiches :
RISQUES : Plateformes spécialisées sur les risques nano
RISQUES : Plateformes spécialisées sur les risques nano
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification le 10 juillet 2015
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Début octobre 2013 a été inauguré le Pôle nano de l'INRS (l'Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) à Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe et Moselle).
Il regroupe sur 500 m² des activités de recherche et comporte trois zones :
1. une zone d'études toxicologiques (inhalation)
2. une salle propre de classe ISO 5 dédiée aux travaux sur les équipements de protection collective
3. une zone dédiée à l'évaluation de l'efficacité des appareils de protection respiratoire, à l'étude des performances d'instruments de mesure des nano-aérosols et à la caractérisation de l'émissivité de nanomatériaux en poudre.
La plate-forme nano-sécurité (PNS) du CEA à Grenoble
Fin novembre 2013 c'est la Plate-forme nano-sécurité (PNS) du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) qui a été inaugurée à Grenoble. La PNS est spécialisée sur les questions de protection et de sécurité liées à la mise en uvre des nanomatériaux (mesure, intervention et formation).
Cet équipement rassemble 150 professionnels issus du CEA et de l'INSTN qui coopèrent sur le plan national avec l'INERIS, l'INRS, l'INVS, l'INSERM, l'IRSN, le LNE, le CNRS et conduisent également des projets en région avec les CHU de Saint-Etienne et Aix-Marseille, le CNRS Lyon, ainsi que les universités du site grenoblois.
Le bâtiment de 5000 m2 héberge un service médical de santé au travail, un laboratoire de recherche en biologie médicale et des salles de formation.
La PNS bénéficie des financements de la Région Rhône-Alpes (10 M€) et de l'Etat (3 M€) dans le cadre de l'opération Campus, pour un montant total de 17,3 M€.
Parmi les clients de la PNS du CEA : Schneider Electric, Caterpillar, ...
Une plate-forme nano-sécurisée S-Nano dans l'Oise à Verneuil-en-Halatte
L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) s'est dotée, sur le site de l'Institut à Verneuil-en-Halatte (Oise) en Picardie, d'une
dans l'air ambiant par des matériaux et produits tout au long de leur cycle de vie
⇒ Ainsi que l'a rappelé Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes, lors de l'inauguration de la plate-forme de Grenoble, ces installations qui ont pour but de « mieux connaître les nanoparticules et leurs effets ainsi qu'à comprendre et évaluer les risques éventuels qui y sont liés » sont un moyen de « répondre aux attentes de nos concitoyens ». Une véritable coordination nationale de ces efforts et de ces investissements est-elle assurée afin de garantir que les doublons soient évités et que l'argent des contribuables soit utilisé au mieux ?
D'autres plate-formes également outillées "nano" dans le sud est de la France
D'autres organismes ont développé une instrumentation mobilisable pour mieux évaluer les risques nano (parmi d'autres), notamment :
le Centre de recherche et d'expertise Ardevie (INERIS-CNRS-CEREGE) vers Aix-en-Provence : il est dédié à lévaluation du comportement dans le temps des matériaux ou déchets avec nanomatériaux. Elle est constituée de laboratoires (lixiviation, percolation...), de pilotes plurimétriques extérieurs (casiers contrôlés, lysimètres...). Elle propose :
d'identifier la présence de nanomatériaux dans des milieux complexes (fractions lixiviables)
de comprendre le vieillissement/altération de déchets et matériaux contenant des nanomatériaux du fait d'agressions chimiques ou environnementales
de modéliser la géochimie et le transport dans le sol vers la nappe
Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie
Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie
Par MD - Dernière modification juillet 2017
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La création de ce groupe au premier semestre 2015 avait été proposée en décembre 2014 par Ségolène Royal à l'issue de la conférence environnementale de 2014 qui s'était tenue fin novembre 20141, quelques jours seulement après la publication du Plan national Santé Environnement 3 (2015-2019).
Sa création avait été inscrite dans l'action n°672 de la feuille de route publiée en février 2015.
Objectifs
L'objectif du groupe est d'élaborer des propositions pour une stratégie européenne :
d'étiquetage des produits de consommation contenant des nanomatériaux
et de restriction de produits dangereux contenant des nanomatériaux en contact avec la peau (notamment pour les enfants et les femmes enceintes)
Les conclusions issues de ses travaux devaient être transmises par le gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres.
Composition
Le groupe de suivi du Plan National Santé Environnement (PNSE 3) qui supervise le sujet (GT4) a décidé de confier ce travail à un groupe dédié.
Afin de constituer ce groupe, le ministère de l'écologie a sollicité les membres du groupe de travail "R-nano" et du comité de dialogue "nano et santé" de l'ANSES auxquels Avicenn participe. En juin, Avicenn a également proposé au ministère de relayer publiquement l'appel à candidatures sur veillenanos.fr, ce à quoi le ministère s'est montré favorable3.
Le groupe est plus ouvert à la société civile que les rares autres instances gouvernementales traitant des nanos (GT R-Nano, task-force nano).
Fin juillet, sa composition était la suivante :
différents ministères : Ecologie ; Travail ; Agriculture & Alimentation ; Economie et Finances (DGCCRF, DGCIS)
différents organismes publics ou para-publics : l'ANSES, l'Institut national de la consommation (INC), l'INERIS, l'INRS
entreprises et industriels : l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), le MEDEF, l'Union des industries chimiques (UIC), la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs, préservation du bois (FIPEC)
associations : Agir pour l'environnement (depuis 2016), AVICENN, Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS), Center for International Environmental Law (CIEL), Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), Familles de France, France Nature Environnement (FNE), Women in Europe for a Common Future (WECF)
plusieurs chercheurs (chimie, communication, droit)
Réunions
Deux à trois réunions étaient initialement prévues avant décembre 2015.
La première a eu lieu le 8 septembre 2015, la deuxième le 9 octobre 2015.
Des comptes rendus ont été réalisés par le ministère de l'écologie. Le second se limite à constater l'absence de consensus entre les participants, pourtant hautement prévisible vu la diversité des intérêts représentés !
Lors de la conférence environnementale d'avril 2016, il a été décidé de discuter de la poursuite des travaux dans le cadre du GT4 du PNSE3 le 19 mai 2016. Avicenn a participé exceptionnellement à la réunion de ce GT4 qui a acté la poursuite des travaux.
La troisième réunion a eu lieu le 26 septembre à Paris 2016.
La quatrième réunion a eu lieu le 22 novembre à Paris 2016.
Une cinquième réunion s'est tenue le 30 mai 2017.
A suivre donc...
AVICENN y participe et y défend une dizaine de propositions compilées en partenariat avec ses membres associés et autres acteurs de la société civile ou membres d'instances d'évaluation et de gestion des risques.
N'hésitez pas à nous solliciter pour davantage de renseignements.
2 - FEUILLE DE ROUTE 2015 issue des trois tables rondes de la Conférence environnementale 2014, ministère de l'écologie, 4 février 2015 : "Les autorités françaises ont proposé au Conseil Environnement du 17 décembre 2014 qu'une stratégie d'étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau (notamment avec les enfants et les femmes enceintes) soit mise en place au niveau européen. Un groupe de travail sera créé au niveau national pour préciser ces propositions au cours du premier semestre 2015. Les conclusions issues de ses travaux seront transmises par le gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres."
Le groupe de travail sur la déclaration obligatoire des nanomatériaux et le registre R-nano (GT R-Nano)
Le groupe de travail sur la déclaration obligatoire des nanomatériaux et le registre R-nano (GT R-Nano)
Par MD - Dernière modification février 2018
Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Un groupe de travail sur la déclaration obligatoire des nanomatériaux est piloté par le Ministère de l'Ecologie (Bureau des substances et préparations chimiques, BSPC) de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR).
A noter : l'absence de représentants des assureurs, des distributeurs et des rares organismes ayant accès au registre R-nano : l'InVS, l'INRS, l'ANSM, l'INERIS.
Réunions
Le groupe de travail se réunit (théoriquement) une à plusieurs fois par an.
Depuis qu'Avicenn l'a rejoint, il s'est réuni :
le 9 juillet 2013 et le 22 octobre 2013 : bilan et au retour d'expérience de la déclaration 2013
le 10 mars 2014 : préparation de la déclaration 2014, et le 27 octobre 2014 : bilan et au retour d'expérience de la déclaration 2014
le 28 octobre 2015 : bilan et au retour d'expérience de la déclaration 2015 ; présentation du dispositif de déclaration belge ; évolutions pour le dispositif de déclaration : propositions du MEDEF et de l'UIC et proposition d'Avicenn
le 15 septembre 2016 : bilan et au retour d'expérience de la déclaration 2016 ; évolutions pour le dispositif de déclaration
le 16 février 2018 : campagne de déclaration 2017 sur données 2016 ; retour d’expérience des différents utilisateurs sur le dispositif de déclaration
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
par MD - Dernière modification mars 2016
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Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" ("GT pérenne nano") était issu d'une autosaisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Il avait pour mission d'encourager ou de conduire des travaux scientifiques d'évaluation des risques associés aux nanomatériaux.
Résultats attendus
réaliser chaque année une synthèse de l'état des connaissances relatives à l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés pour l'ensemble de leurs usages (le premier (et finalement unique) rapport annuel attendu pour l'automne 2013 a été publié en mai 2014)
Alan Sanh, ANSM, Toxicologie Nanoproduits de santé
Anne Van der Meeren, CEA, Biologie cellulaire
Agenda
Il s'est réuni :
le 9 juillet 2012 ; les 13 et 14 septembre 2012 ; le 19 novembre 2012
plusieurs fois en 2013, 2014, 2015
Arrivé au terme de son mandat en 2015, il n'a pas été renouvelé, contrairement à ce qui avait été initialement prévu par l'ANSES (cf. son rapport de 2014 : "l'Agence a installé, le 9 juillet 2012, un groupe de travail (GT) pérenne « Nanomatériaux et santé - alimentation, environnement, travail » (il a vocation à être renouvelé tous les 3 ans)", page 25).
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification octobre 2020 (Fiche à structurer et mettre à jour)
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En 2015 en France, 3 % des entreprises de R&D étaient impliquées dans des travaux de recherche en nanotechnologies, pour un montant global de 800 millions d’euros investis, soit 2,5 % de l’ensemble de la dépense de R&D des entreprises (DIRDES). Ces chiffres et un état des lieux plus détaillé sur la R&D en nouveaux matériaux et en nanotechnologies dans les entreprises sont à retrouver sur le site du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation (publication de juillet 2018).
En 2014, près de 1500 laboratoires et entreprises ont déclaré avoir importé, produit ou distribué des nanomatériaux en France en 2013. Au niveau des entités juridiques françaises, le registre R-Nano dans sa version de 2014 dénombre plus précisément :
54 producteurs / fabricants
209 importateurs
1403 distributeurs
Le nombre d'entreprises et de labos concernés est en fait bien supérieur à 1500 car le terme d'"entité déclarante" recouvre un nombre plus grand d'entreprises ou de laboratoires :
pour les entreprises privées, des filiales d'une société-mère peuvent être fusionnées dans un seul compte déclarant, celui de la maison-mère qui ne remplit alors qu'une déclaration pour l'ensemble de ses filiales (cf. question 15 de la FAQ du ministère de l'écologie, mars 2014)
pour la recherche publique, tous les laboratoires rattachés à un même organisme de recherche (type CNRS, CEA, INSERM par exemple) sont "fusionnés" en un compte déclarant par organisme : ainsi le CNRS ne remplit qu'une déclaration unique par famille de nanomatériaux pour l'ensemble des laboratoires qui lui sont rattachés (cf. question 2 de la FAQ)
Début 2013, NanoThinking avait mis en ligne une "NanoTech Map" : une carte interactive qui répertoriait les compétences en nanosciences et nanotechnologies présentes en France. En novembre 2014, elle comptait 224 entreprises françaises.
Elle n'est plus accessible depuis la mi-2015.
A partir de cette carte, Industrie & Technologies a réalisé un classement de cinquante start-up impliquées dans les nanotechnologies, publié sur son site en juin 2015.
En juin 2012, la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS, du Ministère du Redressement productif) a publié l'intégralité de l'étude intitulée "Les réalités industrielles dans le domaine des nanomatériaux en France". Le cabinet D&Consultants y présente la chaîne de valeur qui va de la production de nanoparticules jusqu'aux différents marchés d'application des nanomatériaux.
L'étude recense sur le territoire national 260 entreprises déclarant avoir une activité dans le domaine des nanomatériaux.
Fortement représentées, les PME constituent une grande partie (62%) de ce secteur industriel en France, en particulier sur les maillons "production" et "transformation / intégration" de nanomatériaux.
Les régions Ile-de-France et Rhône-Alpes regroupent 55% des entreprises.
Les principaux marchés applicatifs de nanomatériaux sont :
les transports,
le bâtiment,
l'industrie de la santé,
le luxe
la défense.
Source : DGCIS 2012 repris par Ofi AM - Les nanotechnologies, un nouvel enjeu de RSE ?, septembre 2014
L'analyse retenue ne considère la chaîne de valeur que sous un angle purement économique. A quand une approche plus globale qui intègre également des analyses sociales et environnementales du cycle de vie des produits ?
Dans le rapport, "la réglementation et l'acceptabilité sociétale" sont considérées uniquement comme des "freins" qui impliquent "une prise en charge par tous les industriels mais également par les institutions publiques d'une communication coordonnée, cohérente et positive sur le sujet". En revanche, hormis une (seule) mention de la toxicité et de l'éco-toxicité des nanomatériaux, les dimensions sanitaires, environnementales, sociales ou éthiques ne sont pas abordées par le rapport.
En 2014, Ofi AM a fait une enquête auprès de 60 sociétés du Stoxx 600 pour connaître leur utilisation de nanoparticules ; seules 15 ont répondu, et seulement 5 d'entre elles positivement : Source : Les nanotechnologies, un nouvel enjeu de RSE ?, Hélène Canolle, Ofi AM, septembre 2014
En 2020, selon un rapport du Sénat sur le renseignement en France, "Thales Alenia Space a constitué son cluster d'innovation dès 2014. Trois Fab Lab ont été créés à Toulouse (2017), Rome (2018) et Cannes (2019) avec pour ambition de familiariser les ingénieurs du groupe aux technologies émergentes. Le centre d'innovation a incubé en mode start-up deux projets stratégiques dans les nanotechnologies et l'optique". AUTRES RESSOURCES
Sur veillenanos.fr :
Une base de données des acteurs français de 2004 - laboratoires et industries - avait été initiée par le Ministère de l'économie en 2004 : toujours accessible à l'adresse http://www.nanomateriaux.org, elle n'a pas été mis à jour depuis 2005.
Fiche initialement créée en novembre 2012
Les travaux de l'INERIS sur les nanos
Les travaux de l'INERIS sur les nanos
Par MD - DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification avril 2018 - Mises à jour nécessaires
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L'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS) a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur :
la santé,
la sécurité des personnes et des biens,
l'environnement.
L'INERIS a mis en place une "task force nanos" chargée d'animer la thématique et de regrouper les compétences en caractérisation des dangers (éco-) toxicologiques et physico-chimiques, métrologie, sécurité des procédés, évaluation des expositions, analyse des risques chroniques et accidentels.
Fin 2013, l'INERIS comptait une quarantaine de personnes travaillant sur les nanos.
2018 : Publication d'un bulletin bimestriel de veille "nanomatériaux"
L'INERIS s'est dotée, sur le site de l'Institut à Verneuil-en-Halatte (Oise) en Picardie, d'une plate-forme nano-sécurisée S-Nano1 pour renforcer l'expertise et la recherche sur les risques liés aux nanotechnologies.
Cette infrastructure de 300 m2 est composée de quatre laboratoires et de locaux à empoussièrement de nanoparticules contrôlé.
Cette plateforme est dédiée à la métrologie et à la caractérisation des potentiels de danger des nanomatériaux dans le cadre de la sécurité industrielle. Elle doit permettre, entre autres, d'étudier :
Participation à des programmes nationaux, européens et internationaux
En France :
L'INERIS participe au dispositif de surveillance EpiNano pour ce qui concerne l'évaluation des expositions aux nanomatériaux et la métrologie des aérosols aux postes de travail
L'INERIS participe au programme européen NANoREG et coordonne désormais le programme NanoREG II qui réunit 38 partenaires et vise à développer et implémenter des outils à finalité réglementaire, des outils d'aide à la catégorisation des dangers des substances et des outils d'aide à la conception de produits plus sûrs dans une approche substance (dangers intrinsèques), production (sécurité industrielle) et usage (maitrise du cycle de vie).
L'INERIS est également partenaire du projet européen NANOFASE coordonné par NERC (Natural Environment Research Council) et qui vise à comprendre et maitriser le comportement des nanomatériaux dans l'environnement, en proposant une approche intégrée de maitrise des risques.http://nanofase.eu/
L'INERIS pilote le développement de nouveaux protocoles pour l'inflammation et l'explosivité des nanomatériaux dans le cadre du CEN/TC 352, comité technique européen dédié aux nanotechnologies
Au niveau international :
L'INERIS fait aussi partie du groupe d'experts de l'OCDE en charge de stabiliser des documents de référence sur la problématique des nanomatériaux et de définir les outils, moyens d'essais et modes opératoires devant être mis en œuvre pour leur gestion (stockage, valorisation, recyclage).
Des missions d'appui, d'expertise, de formation et de certification
L'INERIS réalise également des missions d'appui (technique, réglementaire), d'expertise (publique ou privée), de formation et de certification.
Guide méthodologique pour l'évaluation de l'exposition professionnelle associée à la mise en œuvre de nanomatériaux
En décembre 2011, il a publié un guide méthodologique pour l'évaluation de l'exposition professionnelle associée à la mise en œuvre de nanomatériaux2 avec ses partenaires (CEA et INRS) : les potentiels d'émission et d'exposition professionnelle aux aérosols lors d'opérations mettant en œuvre des nanomatériaux sont en effet considérés par l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA) comme l'un des principaux risques émergents sur les lieux de travail.
Le Guide propose des recommandations sur les critères de mesure à prendre en compte pour caractériser l'aérosol et le différencier de l'aérosol ambiant (taille des particules, concentration, morphologie, composition chimique, fraction présente dans les voies respiratoires).
Cinq phases sont déclinées :
- les trois premières déterminent si le procédé génère des nanoparticules et confirment la nécessité d'une campagne de mesure
- La quatrième est la campagne de mesure (avec deux niveaux d'approche)
- la dernière consiste à analyser les résultats.
Sa mise en application et un travail d'harmonisation sont en cours au plan européen (évaluation de 6 postes de travail conduite dans la cadre d'un projet européen, création d'un groupe de travail dédié au sein du Comité Européen de Normalisation).
Certifications volontaires : Nano-CERT et Nano-CERT MTD
Pour accompagner les recommandations du Guide et renforcer la sécurité au poste de travail par la formation qualifiante des intervenants (opérateurs, préventeurs sécurité, formateurs et personnels de secours), l'INERIS a été à l'initiative d'une démarche de certification volontaire appelée Nano-CERT3.
Le référentiel a été adopté par un comité de certification constitué du CEA, du CNRS, d'industriels, de représentants des ONG et d'organismes de formation.
Une autre certification volontaire a également été engagée en 2012 sur les meilleures techniques disponibles (MTD) pour la prévention collective des opérateurs4.
Une aide financière pour les PME et ETI qui souhaitent maîtriser les risques liés aux nanomatériaux
Les PME et les ETI qui font appel à l'INERIS bénéficient d'un cofinancement respectif de 50% et de 25% du coût des prestations
relatives aux nanos via le dispositif d'aide financière GERINA (GEstion des RIsques NAnomatériaux) mis en place par BPIFrance et soutenu par la DGCIS (Direction Générale de la Compétitivité Industrielle et des Services).
Le MPS® instrument de caractérisation des nano et microparticules dans l'air ambiant
Le 30 juin 2014, l'INERIS et ECOMESURE ont annoncé5 le développement d'un instrument de caractérisation des nano et microparticules dans l'air ambiant. Ce dispositif de prélèvement, le MPS® (Mini Particle Sampler) est utilisable pour effectuer des prélèvements dans les ambiances de travail, dans le cadre du contrôle des émissions industrielles, pour la gestion de la pollution de l'air intérieur et de la pollution atmosphérique6.
Reste à savoir comment lire les prélèvements, ce qui nécessite une microscopie électronique à transmission (MET).
En 2013, le coût était estimé à 5000 € pour le préleveur et 10 000 € pour le compteur.
Un autre défi reste encore à relever : celui de l'interprétation des résultats, qui nécessite une expertise pointue.
Les résultats du projet NanoFlueGas sur les émissions des déchets nano-structurés dans les procédés d'incinération
L'INERIS, les Mines de Nantes et Trédi, filiale du groupe Séché Environnement ont conduit, avec le soutien de l'Ademe, le projet NanoFlueGas, qui constitue l'un des premiers projets sur la sécurité des nanomatériaux en fin de vie, notamment dans le cadre de la filière incinérative.
Ces travaux exploratoires montrent, d'une part, que la nanostructure de certains déchets peut être transférée dans les émissions brutes en sortie de four qui sont générées par le processus de combustion. D'autre part, les premiers résultats indiquent que les systèmes d'épuration de type filtre à manche font preuve d'une bonne efficacité pour traiter ces émissions contenant des nanos7.
Les résultats d'une étude sur l'émissivité de particules par un nanorevêtement de dioxyde de titane (BTP)
Une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a montré qu'un nanorevêtement de dioxyde de titane existant dans le commerce, une fois appliqué sur une façade de bâtiment, peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux)8, il convient donc dans ces conditions de minimiser le recours aux nanorevêtements.
Source : Emission of titanium dioxide nanoparticles from building materials to the environment by wear and weather, Shandilya, N et al., Environmental Science & Technology, 49(4): 2163-2170, 2015
D'autres études sont en cours dans le cadre du projet Nano-Data12. Lire aussi SUR NOTRE SITE :
Que reste-t-il des 6 centres C'Nano en France en 2018 ?
Que reste-t-il des 6 centres C'Nano en France en 2018 ?
Par DL - avril 2018
Avicenn a participé à des réunions avec les C'nanos, notamment en 2014. Les moyens dédiés pour ces plateformes de mise en relation entre chercheurs ont été réduits, ce qui ne signifie pas que les laboratoires ont cessé d'avancer dans ces domaines. Sommaire
Le site cnano.fr est éteint, seuls restent actifs les sites Centres d'Ile de France, PACA et Grand Est
Région Ile de France : des équipes et un agenda
Site internet : http://cnanoidf.org
Une équipe toujours sur la brèche, avec des actualités dont le dernier meeting à Lyon en décembre 2017.
Le bureau "Sciences et Société" est toujours muet sur ses publications, mais nous échangeons avec certains membres, notamment pour consolider des arguments juridiques sur les propositions de la société civile.
Région PACA : de l'action et des vidéos
Le site http://www.cnano-paca.fr/ propose notamment des vidéos.
Celles sur "Les nanoparticules et l'environnement" présentent les travaux interdisciplinaires du CNRS, du CEREGE et du labex Serenade :
Les différents (projets de) registres nano nationaux
Les différents (projets de) registres nano nationaux
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout février 2019
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A défaut d'un accord pris au niveau international ou européen pour encadrer la production, l'utilisation et la commercialisation des nanomatériaux1, plusieurs pays ont commencé à mettre sur pied des registres des nanomatériaux commercialisés sur leur territoire.
Dans certains Etats membres, les projets (signalés par une astérisque *) visent non seulement à disposer d'un registre des nanomatériaux comme ce que vient de mettre en place la France, mais aussi à constituer un inventaire des produits de consommation comportant des nanomatériaux, mis à disposition du public.
France - depuis 2013
La France, avec son registre R-Nano, est la première à avoir mis sur pied un registre des nanomatériaux importés, produits et distribués sur son territoire, effectif depuis 2013.
Belgique* - depuis 2016
La déclaration est entrée en vigueur depuis 2016 pour les substances nanoparticulaires.
Plus d'informations ici.
Danemark* - depuis 2014-2015
Le pays a rendu obligatoire, à compter de 2014, l'enregistrement par les producteurs et les importateurs des nanomatériaux et des produits contenant ou relarguant des nanomatériaux.
Plus d'informations ici.
Suède*
Une déclaration obligatoire a été introduite dans la législation suédoise en 2018 et est entrée en vigueur en février 20192.
En décembre 2015, l'agence suédoise des produits chimiques a proposé au gouvernement d'obliger les entreprises à déclarer les nanomatériaux au sein du registre suédois des produits chimiques qui jusqu'alors ne comportait pas de précisions sur le caractère nanométrique ou non des substances déclarées3.
En octobre 2013, le ministère de l'environnement avait publié un rapport dans lequel il préconisait, entre autres mesures, la mise en place d'un registre national des produits contenant des nanomatériaux4.
Norvège
Depuis 2013, l'agence publique nationale du climat et de la pollution demande désormais l'identification des substances nano dans son registre des produits chimiques5.
Italie
L'Italie pourrait opter pour une déclaration basée sur le volontariat uniquement.
Allemagne*
Dans un rapport daté de juin 2011 sur l'application du principe de précaution aux nanomatériaux (Precautionary Strategies for managing Nanomaterials), le Conseil consultatif Allemand pour l'environnement (SRU) a recommandé la mise en place d'un registre national des produits contenant des nanomatériaux, par le biais d'une procédure de notification des produits et des producteurs, si rien de tel n'était créé en droit européen. Selon Sonia Desmoulins-Canselier, chargée de recherche au CNRS, la proposition rejoint la position française, à deux éléments près : elle distingue les produits contenant des nanomatériaux des "substances" qui ne relèveraient que de la procédure d'enregistrement créée par le règlement REACH ; et elle opte pour une définition large des nanomatériaux, incluant des nanoparticules pouvant aller jusqu'à 300 nm.
En mars 2014, le ministère de l'environnement a publié une évaluation détaillée des impacts d'un registre européen des produits contenant des nanomatériaux6, dans laquelle il estime qu'un registre harmonisé au niveau européen est préférable à des registres nationaux disparates et permettrait une meilleure traçabilité et gestion des risques, bénéfiques autant aux consommateurs qu'aux pouvoirs publics et aux entreprises. Un porte-parole de l'agence de l'environnement a néanmoins récemment confirmé qu'en l'absence de mise en place d'un registre européen, l'Allemagne mettrait à son tour sur pied un registre au niveau fédéral7.
Pays-Bas*
La piste d'une déclaration obligatoire des nanomatériaux et produits présentant des caractéristiques d'échelle nanométrique est à l'étude8.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, l'idée d'un registre public dans lequel les industries déclareraient leur recours aux nanotechnologies est l'une des mesures-phares du plan UK Nanotechnologies Strategy, lancé en mars 2010 par le gouvernement britannique (action 4.8). Mais pour l'heure, seules 66 organisations ont été identifiées par l'agence de l'environnement9.
Une harmonisation à l'échelle européenne des différentes initiatives nationales prises ou envisagées par les États membres est vivement souhaitée par la société civile, les Etats membres et le Parlement européen10.
Le Bureau du représentant américain au commerce (USTR) vient quant à lui de publier un rapport11 sur les obstacles techniques au commerce parmi lesquels figurent le futur - et pour l'instant encore hypothétique - registre nano européen ainsi que les registres nano nationaux mis en place ou en voie de l'être par différentes Etats membres de l'UE. L'USTR considère que ces registres portent atteinte au secret commercial et/ou industriel, coûtent de l'argent aux contribuables, demandent un fort investissement en temps et représentent un fardeau administratif supplémentaire.
Mais quid de la protection de l'environnement et de la santé publique ?
Irlande
En Irlande, le professeur Martin Cormican, microbiologiste à l'Université nationale d'Irlande à Galway, a demandé la mise en place d'un registre irlandais en août 2016 12.
Suisse
En août 2016, la presse spécialisée s'est fait l'écho d'un projet suisse ciblant les nanomatériaux similaire à ce que prévoit le réglement européen Reach mais décliné spécifiquement pour les nanomatériaux13.
Les nanos dans le Plan "Mon Environnement, Ma santé" (PNSE 4 : 2020-2024)
Les nanos dans le Plan "Mon Environnement, Ma santé" (PNSE 4 : 2020-2024)
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification décembre 2020
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Le PNSE 4
Le Plan national santé environnement vise à répondre aux interrogations des Français sur les conséquences sanitaires à court et moyen terme de l'exposition à certaines pollutions de leur environnement.
Le projet de PNSE 4 (2020-2024) vient d'être dévoilé par les ministères des Solidarités et de la santé et de la Transition écologique. Les travaux d'élaboration de ce plan avaient été lancés le 21 mars 2019, pour une sortie officielle initialement attendue pour début 2020 mais repoussée du fait de la crise sanitaire liée au covid-19. Il était soumis à consultation jusqu'au 9 décembre.
Les mesures nanos du projet de PNSE 4 (octobre - décembre 2020)
L'action 12 du projet de PNSE4 rendu public fin octobre 2020 vise à "mieux gérer les risques associés aux nanomatériaux dans un contexte d’incertitude" :
1ère partie : "Améliorer la connaissance sur l’usage des nanomatériaux", via, entre autres, l'amélioration de la qualité des données déclarées dans le registre R-Nano et l'optimisation de l'accès aux données du registre par des organismes scientifiques ou d'expertise (HCSP notamment)
3e partie : "Encadrer les nanomatériaux qui ne présentent pas une utilité forte et qui peuvent présenter des risques", avec, notamment, un recensement de l’usage des nanomatériaux présent notamment dans les cosmétiques, jouets et textiles et, le cas échéant, une réglementation par l’État des usages pour lesquels des risques potentiels existent.
Les mesures proposées rejoignent en grande partie les 20 propositions de la société civile compilées par Avicenn pour son audition en juin 2019.
Avicenn a répondu à la consultation le 9 décembre, avec une contribution1 postée sur le site dédié.
La version finale ne sera pas publiée avant plusieurs semaines.
A suivre donc !
LETTRE OUVERTE A L'ATTENTION DU PREMIER MINISTRE EDOUARD PHILIPPE,
ET DES MINISTRES AGNES BUZYN, NICOLAS HULOT, BRUNO LEMAIRE, MURIEL PÉNICAUD,
STEPHANE TRAVERT et FRÉDÉRIQUE VIDAL
Paris, le 12 juillet 2017
Étiquetage et restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation
après la discussion, place à l'action !
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Alors que les industriels viennent de réclamer à l'Etat un milliard d'euros publics pour les nanotechnologies afin de faire suite au plan « Nano 2017 » [1], nous, associations participant au groupe de travail (GT) « étiquetage et restriction des nanomatériaux » piloté par le ministère de l'environnement [2] avons jugé utile de vous faire part de nos propositions en termes de prévention et précaution autour des nanotechnologies. Cela fait en effet bientôt deux ans qu'a eu lieu la première réunion de ce GT et une dizaine d'années que plusieurs d'entre nous formulons, sur la base de considérations scientifiques, des recommandations concernant l'étiquetage et la restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation sans résultat tangible à ce jour, ni signal clair d'une volonté de prendre des mesures concrètes à court terme.
Pourtant nous sommes tous exposés, le plus souvent sans le savoir, à toutes sortes de nanomatériaux présents dans des produits de beauté, vêtements, aliments, médicaments, détergents, etc. Chaque année en France, près de 500 000 tonnes de nanomatériaux sont importées ou fabriquées sur le sol national (un chiffre officiel bien en deçà de la réalité [3]). Or ces matériaux extrêmement petits, réactifs et largement utilisés présentent des risques pour la santé et pour l'environnement [4] qui suscitent des inquiétudes très fortes. Les alertes sanitaires mises en évidence depuis plus d'une dizaine d'années se confirment. L'INRA et l'ANSES viennent notamment de confirmer le soupçon de cancérogénicité des nanoparticules de dioxyde de titane contenues dans de nombreux aliments, médicaments et dentifrices [5].
Nos organisations ont souligné les questions, inquiétudes et problèmes posés par cet état de fait et proposé des solutions au sein de ce groupe de travail, mais également au sein d'autres groupes et comités ou par écrit [6]. Cela n'a de sens, au-delà de la richesse des échanges et des regards croisés entre « experts » et société civile, que si, intégrant tout ou partie de ces réflexions, le décideur s'en empare et... décide ! Trois mesures concrètes à prendre de toute urgence sont listées en annexe 3 : 1 ) interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane susceptibles d'être ingérées, 2 ) mieux informer les consommateurs et enfin 3 ) assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent.
La mise en place d'une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » est indispensable. Si la recherche d'un consensus est louable, l'ériger en principe conduit à ne rien faire... et donc à favoriser la position d'un groupe d'acteurs minoritaires, les fabricants de nanomatériaux, au détriment de la protection de la santé humaine et des écosystèmes. Sur le sujet controversé des nanomatériaux, à l'instar des débats autour des perturbateurs endocriniens et des pesticides, l'unanimité est en effet impossible. Les récentes propositions du Medef sont, de ce point de vue, édifiantes : ne rien initier ou ne réagir qu'en cas de « crise sanitaire avérée ». Très a posteriori donc et en totale contradiction avec le principe de précaution inscrit dans notre Constitution et qui s'applique pourtant par définition en cas d'incertitude.
Comptant sur la volonté politique de l'exécutif en matière de protection de la santé et de l'environnement, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre et mesdames et messieurs les Ministres, l'expression de nos salutations les plus respectueuses.
David Azoulay (CIEL), Philippe Bourlitio (AVICENN), Michel Dubromel (FNE), Jean-Marc Harmand (ORGECO 54 - FDF), Stéphen Kerckhove (APE), Véronique Moreira (WECF), François Mourgues (C2DS) et Aline Read (CIEAS)
Annexes à la lettre ouverte
Annexe 1 - Fonctions des signataires de la lettre
David Azoulay, directeur du programme Santé environnementale du Center for International Environmental Law (CIEL)
Philippe Bourlitio, président de l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN)
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE)
Jean-Marc Harmand, président de l'Organisation générale des consommateurs de Meurthe-et-Moselle, Familles de France (ORGECO 54 - FDF)
Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement (APE)
Véronique Moreira, présidente de Women Engage for a Common Future France (WECF France)
François Mourgues, président du Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS)
Aline Read, présidente du Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS) Annexe 2 - Détail des mesures concrètes qui doivent être prises sans plus tarder :
1. Interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane présentes dans le colorant E171 utilisé dans des confiseries, biscuits, sauces, plats préparés, médicaments et dentifrices. Cette mesure doit être prise de façon urgente, le temps de mettre sur pied une procédure plus générale d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux en France*.
L'INRA a en effet récemment démontré que le colorant E171, qui contient des nanoparticules, peut entraîner des perturbations immunitaires, des inflammations et des lésions précancéreuses chez les rats. L'ANSES, confirmant la rigueur de cette publication et la valeur des résultats, a rappelé « sa recommandation de limiter l'exposition des salariés, des consommateurs et de l'environnement, notamment en favorisant les produits sûrs, dépourvus de nanomatériaux » [5].
Aussi, en attendant la publication des résultats du groupe de travail « nano et alimentation » tout juste mis en place par l'ANSES sur le sujet et qui ne débouchera pas avant 2018, cette interdiction provisoire constituera une « mesure proportionnée » en phase avec le principe de précaution afin de protéger au plus vite la population, tout particulièrement les enfants et les personnes malades, qui n'ont pas à jouer le rôle de rats de laboratoires en attendant la confirmation des résultats déjà convergents et alarmants.
L'opportunité de lever ou de poursuivre cette interdiction sera ré-évalué(e) en fonction des données obtenues par le GT nano et alimentation de l'ANSES à l'issue de son travail.
* Une procédure d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux permettra plus généralement à terme que les nanomatériaux ne soient plus utilisés à grande échelle dans de nombreux biens de consommation courante en contact direct avec le corps humain, sans que les conditions sérieuses d'évaluation, de régulation et d'information n'aient été réunies.
Une fois la procédure d'autorisation de mise sur le marché opérationnelle, toute mise en oeuvre de nanoparticules / nanomatériaux devra faire l'objet d'une demande et de justifications précises : intérêt économique, intérêt technique ou technologique, intérêt sociétal (utile / futile), risques sanitaires, environnementaux, éthiques, analyse bénéfices-risques...
Une telle approche présente l'avantage évident d'encadrer la commercialisation des nanomatériaux et produits qui en contiennent, de limiter les risques et d'éviter des restrictions d'usages a posteriori.
Elle renforcera en outre la « marque France » non seulement auprès des consommateurs français mais aussi à l'export, car elle sera une garantie inédite d'un point de vue de la sécurité nano.
2. L'information des consommateurs :
L'étiquetage [nano] obligatoire des biens de consommation qui contiennent des nanoparticules manufacturées est une première étape, nécessaire mais pas suffisante pour assurer le « droit de savoir » des citoyens.
L'obligation d'étiquetage existe au niveau européen pour les produits alimentaires, biocides et cosmétiques depuis plusieurs années mais elle est très inégalement appliquée. Aussi demandons-nous à la DGCCRF un meilleur contrôle de l'application de l'obligation européenne d'étiquetage et la publication des résultats des tests attendus depuis fin 2016 / début 2017.
Nous demandons également un élargissement de l'étiquetage [nano] aux autres biens de consommation en France, mesure qu'il s'agira de promouvoir également au niveau européen par la suite. Cet étiquetage est demandé en vain depuis plus d'une dizaine d'années maintenant par la société civile et les agences sanitaires [7]. De leur côté, des fédérations industrielles ont validé une norme ISO pour un étiquetage volontaire [8] - qu'aucune entreprise n'a jamais appliqué. Il est temps de passer des incantations à l'action.
Cet étiquetage doit être accompagné de mesures d'information complémentaires, avec notamment le renvoi au site https://www.r-nano.fr enrichi d'une nouvelle rubrique « accès grand public », sur laquelle devront être présentés à terme, pour chaque produit, un tableau avec des pictogrammes synthétisant l'exposition pour les travailleurs, les consommateurs et l'environnement, ainsi que les risques toxiques et écotoxiques [9] et les précautions d'usage.
3. Assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent, en améliorant les fonctionnalités et l'accessibilité du registre français des nanomatériaux R-nano [10] :
Les travaux du groupe de travail R-nano ont été ralentis depuis la consultation européenne de 2014 sur les mesures de « transparence » autour des nanomatériaux : la perspective (bien que peu probable) qu'un registre européen soit mis en place par la Commission européenne a freiné les réflexions en vue d'améliorer le registre français. En 2016, la Commission a cependant rejeté la création d'un tel registre européen. Il est donc temps de procéder aux améliorations du registre R-nano, pour mieux tirer profit de cet outil français qui a le mérite d'exister mais demeure très difficilement exploitable en l'état.
Des modifications relativement simples de l'outil R-nano permettront d'obtenir la traçabilité de chaque substance déclarée, tout au long de la chaîne de transformation jusqu'aux produits finis (ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui [11]) ainsi que le nombre de travailleurs concernés, sans lesquelles les actions de prévention et les mesures de précaution, bien qu'indispensables, ne peuvent être prises.
Ces chantiers urgents prolongent les orientations du PNSE3 et du PST3 et doivent permettre d'abonder une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » et de réactiver la dynamique interministérielle observée autour du débat public national nano de 2009-2010, mais perdue depuis [12]. Outre les ministères déjà ouvertement impliqués dans le dialogue avec la société civile sur le dossier « nano » (ministères de l'environnement, de la santé, de l'alimentation, de la consommation), nous souhaitons que les ministères du travail, de l'économie, de la recherche s'impliquent davantage dans les discussions auxquelles nous participons. Une « task force nano » doit être remise sur pied et dotée d'un interlocuteur dédié pour dialoguer avec nos organisations.
La France n'a pas attendu l'Europe pour créer le registre r-nano et cette décision pionnière a motivé d'autres pays européens à faire de même. Il est urgent, sur ce dossier sensible et complexe des nanos, de séparer le bon grain de l'ivraie, de faire preuve de transparence et de prendre les décisions de restriction qui s'imposent. Plus largement, il est urgent, y compris pour reconstruire la confiance des citoyens en l'expert et le décideur, de conjuguer précaution et prévention !
Nous restons bien entendu à votre disposition pour toutes précisions sur l'un ou l'autre de ces sujets. Nous considérons, après plusieurs années d'échanges sur toutes ces questions, que l'heure est bien à prendre des décisions qui servent l'intérêt général et qui vont dans le sens de la protection de la santé humaine et de celle de l'environnement.
[2] Le groupe de travail « étiquetage et restriction des nanomatériaux » a été constitué en 2015 dans le cadre du Plan National Santé Environnement 3 ; il a été réuni cinq fois depuis 2015 par le ministère de l'environnement Cf. http://veillenanos.fr/...GtEtiqRestricNano
[6] Cf. Les « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national [voir ci-dessus, point 2]
[7] Cf. page 3 du document « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national mentionné ci-dessus
[8] Cf. Norme XP CEN ISO/TS 13830 - Nanotechnologies - Lignes directrices pour l'étiquetage volontaire des produits de consommation contenant des nano-objets manufacturés, février 2014
[11] Cette recommandation a été également formulée par le feu « GT pérenne nano » de l'ANSES en 2015 : « Le GT estime que cette traçabilité [de la substance tout au long de la chaîne menant à sa commercialisation finale grâce au numéro de déclaration] qui est une information précieuse devrait être possible à obtenir, alors qu'aujourd'hui elle s'arrête au 5ème rang (saisie unique) sans nécessairement atteindre le stade du produit fini ».
Le Monde, 25 août 2017 : "Huit associations ont adressé, le 17 juillet dernier, une lettre ouverte au gouvernement français demandant « la mise en place urgente de mesures de précaution », avec notamment l'interdiction temporaire des nanoparticules présentes dans le colorant E171"
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Nano et Santé au travail (1/3) : Quels sont les travailleurs exposés aux nanomatériaux ?
Nano et Santé au travail (1/3) : Quels sont les travailleurs exposés aux nanomatériaux ?
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification le 24 août 2015
Cette fiche fait partie de notre Dossier Nano et Santé au travail. Elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
De plus en plus de travailleurs exposés aux nanos dans un grand nombre de secteurs...
Avec l'essor des nanotechnologies, de plus en plus de travailleurs sont exposés à des nanomatériaux.
Tous les secteurs sont concernés
Tous les secteurs sont concernés : bâtiment, automobile, aéronautique, textile, énergie, électronique, médical, agro-alimentaire, cosmétiques, etc. ainsi que tous les types d'entreprises :
- des grandes entreprises multinationales,
- des entreprises de type "start-up" et/ou "spin-off" issues des universités, d'écoles d'ingénieurs ou de laboratoires de recherche (CNRS, CEA, etc.),
- des PME et TPE
- des artisans du BTP par exemple, mais aussi les coiffeurs, les agriculteurs, les personnels soignants, les boulangers-pâtissiers, etc.
- ... sans oublier des chercheurs, ingénieurs, techniciens de recherche et de maintenance, étudiants et stagiaires, ...
Les travailleurs de la R&D et de la production en première ligne
Les premiers travailleurs exposés aux nanomatériaux sont ceux qui se situent dans les premiers maillons de la chaîne de production :
- au niveau de la recherche et développement (R&D) : chercheurs, étudiants, doctorants et post-doctorants, ingénieurs et techniciens de laboratoire, personnel technique d'entretien et de maintenance
- au niveau de la production des nanomatériaux, puis de leur transformation ou de leur intégration dans des produits : ingénieurs, opérateurs de l'industrie chimique, cosmétique, agroalimentaire, automobile, polissage, etc., personnel d'entretien et de maintenance
Les secteurs où sont manipulés les nanomatériaux sont aussi ceux où le recours à l'intérim et à la sous-traitance est fort (chimie, BTP, réparation automobile, travail des métaux, de l'imprimerie et toutes les formes de maintenance industrielle, ...) ; travailleurs intérimaires et sous-traitants sont donc particulièrement susceptibles d'être exposés aux nanomatériaux.
Beaucoup d'autres travailleurs exposés de façon indirecte
Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que l'exposition professionnelle aux nanomatériaux peut intervenir de façon "indirecte" ou "passive", en aval de la chaîne de production et concerner là aussi de nombreuses catégories de travailleurs :
- lors de leur utilisation par des professionnels :
personnel soignant (du nanoargent peut être présent sur des masques, gants et blouses ainsi que des désinfectants fournis aux professionnels de santé, ou encore sur certains textiles et instruments des blocs opératoires ; des nanoparticules de dioxyde de titane sont utilisées dans des peintures couvrant des murs d'hôpitaux)
- lors d'opérations de mise en forme, découpe, ponçage, perçage, réparation etc. des produits qui en contiennent : mécaniciens, garagistes, maçons, menuisiers, ...
- lors de la collecte, du transport, du traitement (regroupement, recyclage) ou de l'élimination des déchets (incinération par exemple)
- lors du nettoyage et de l'entretien des locaux et des équipements : agents d'entretien, de ménage et de maintenance
- lors des accidents (explosion, incendie, perte de confinement, épandage accidentel) : équipe hygiène sécurité environnement (HSE), pompiers, SAMU, équipes de secours
De ce fait, les circonstances pratiques de l'exposition, les doses et les dangers liés à l'exposition de ces travailleurs aux nanomatériaux sont très variables d'un cas à l'autre.
... mais difficiles à identifier, quantifier et caractériser précisément
L'identification et la quantification des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux sont aujourd'hui très difficiles à réaliser.
Les chiffres officiels sont basés sur des estimations réalisées par des promoteurs des nanotechnologies (et du transhumanisme)
- Aux Etats-Unis, l'institut national américain pour la santé et la sécurité au travail (NIOSH) base ses chiffres1 sur des estimations de Mihail Roco, instigateur et co-directeur de la National Nanotechnology Initiative (NNI), structure de l'administration fédérale en charge de la promotion des nanotechnologies2 : ce dernier avait estimé à 400 000 le nombre de chercheurs ou travailleurs impliqués dans un domaine ou un autre des nanotechnologies en 2008 dans le monde, dont 150 000 aux USA3.
- En Europe, la Commission européenne affirmait en 2012 : "D'après les estimations, le secteur des nanotechnologies emploie aujourd'hui directement entre 300 000 et 400 000 personnes dans l'UE, et ce chiffre va croissant" 4.
A y regarder de plus près, ce chiffre proviendrait en fait d'une projection pour 2015 faite en 2001 (!) par le même Mihail Roco et William Bainbridge, lié au mouvement transhumaniste...5. Pire, les origines de ce chiffre se perdent dans les méandres des références et notes de bas de page mais ceci ne semble avoir choqué personne, les institutions se contentant de recopier, sans les vérifier à la source ni en examiner la pertinence, les références des uns et des autres6 !
- Au niveau mondial, une autre projection du même Mihail Roco évoquait 6 millions de travailleurs concernés par les nanotechnologies à l'échelle mondiale à l'horizon 20207, mais "ce chiffre n'est pas étayé par des explications et il est donc malaisé d'identifier dans quels secteurs ces emplois seront créés", souligne l'institut syndical européen (ETUI)8 qui déplore le fait qu'"aucune (estimation) n'était capable de donner des chiffres précis et fiables sur l'emploi lié aux nanotechnologies, ou de préciser les secteurs d'où la demande proviendra".
L'ETUI souligne en outre que les prévisions tablent sur "une multiplication des emplois dans des PME, ce qui ne facilitera pas leur identification".
En fait, il s'agit encore souvent de transformation et non de création d'emplois : ce sont souvent des procédés de fabrication qui sont modifiés pour intégrer des nanomatériaux, soit à la place de matériaux classiques, soit pour produire de nouvelles propriétés. Il est donc difficile de les répertorier. Dans le domaine de l'électronique qui constitue une part non négligeable des nanotechnologies, il s'agit d'aller encore plus loin dans l'intégration (taille et fonctions) mais en dehors de la recherche, globalement, les fabricants restent les mêmes.
Les enquêtes menées avant 2013 ont donné peu de résultats du fait du silence des industriels
En France9 comme au niveau international10, les rares enquêtes menées auprès des entreprises afin de mieux connaître les procédés et/ou matériaux "nano" et le nombre de travailleurs concernés ont été peu fructueuses, faute de réponses de la part de nombreuses entreprises11 (soit ces entreprises manipulaient des nanomatériaux mais ne souhaitaient pas communiquer, soit elles manipulaient des nanomatériaux mais ne le savaient pas).
Les enquêtes effectuées en France9 ont été principalement menées par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), en collaboration avec le Centre interservices de santé du travail en entreprise (CISME), l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement du travail (Afsset aujourd'hui ANSES) et l'Institut de veille sanitaire (InVS).
Elles n'ont fourni qu'un nombre approximatif de salariés travaillant avec certains nanomatériaux en France : plus de 5000 salariés dans l'industrie et 7000 chercheurs dans les laboratoires étaient potentiellement exposés il y a de ça déjà plusieurs années12.
Elles ont repéré une vingtaine de sites producteurs de nanomatériaux en France. A l'exception des nanotubes de carbone, il s'agissait principalement de nanomatériaux "basiques" : ceux utilisés depuis plusieurs dizaines d'années et qui dominent encore le marché (dioxyde de titane, noir de carbone dans les pneus, silice amorphe synthétique dans l'alimentaire, carbonate de calcium, dioxyde de cérium, oxyde de zinc, ...) par opposition aux nanomatériaux plus récents et produits pour l'instant en moindre quantité (nanofibres, fullerènes, graphène, quantum dots), plutôt au stade de pré-industrialisation.
Ces données commencent à dater. Les chiffres sont peu ou prou identiques aux estimations de l'Afsset publiées en 200813 :
Estimation du personnel de production potentiellement exposé dans les entreprises : 3300
Estimation du personnel potentiellement exposé dans les laboratoires : 7000
La mise en place du registre R-Nano depuis 2013 permettra-t-elle d'améliorer l'identification des travailleurs concernés ?
En France, le nouveau registre R-nano doit permettre de mieux connaître les nanomatériaux effectivement produits, importés et distribués en France ; il est construit à partir des déclarations des "substances à l'état nanoparticulaire" que doivent obligatoirement remplir les entreprises concernées chaque année.
Deux obstacles au moins demandent à être levés pour que le registre puisse remplir ce rôle, pour lesquels plusieurs années et une volonté politique forte seront nécessaires afin de faire évoluer les informations collectées et diffusées :
Premier obstacle : les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), qui abritent l'inspection du travail mais également le Pôle travail qui anime au niveau régional la politique de santé au travail, n'ont pas accès aux données de R-nano : elles ne peuvent donc pas s'en servir pour identifier les sites à risques ni les travailleurs exposés. Or la problématique des risques émergents est une préoccupation de santé au travail dans bon nombre de régions qui l'ont inscrit dans leurs plans régionaux santé travail (PRST). Cependant sans visibilité sur les entreprises concernées, les actions d'information ne sont pas possibles ou tout du moins rendues difficiles. L'accès à R-nano faciliterait incontestablement les actions de prévention.
Troisième obstacle : la définition même des "substances à létat nanoparticulaire" soumises à déclaration selon le dispositif R-nano (1-100 nm ; 50 % en nombre), les activités concernées (fabrication, importation, et distribution... mais pas l'utilisation simple) et le seuil de la déclaration (100 g/an). Ainsi les laboratoires de R&D passent à travers la déclaration : ils utilisent mais ne fabriquent pas, ni importent, ni distribuent. La déclaration ne peut pas être la seule source d'information pour connaître les travailleurs exposés. Elle a été conçue pour connaître seulement les filières en France.
1 - Voir Frequently Asked Questions - How many workers are potentially exposed to nanoparticles?, NIOSH : en novembre 2013, on pouvait lire : "NIOSH is unaware of any comprehensive statistics on the number of people in the U.S. employed in all occupations or industries in which they might be exposed to engineered, nano-diameter particles in the production or use of nanomaterials. Perhaps because of the relative newness of the nanotechnology industry, there appear to be no current, comprehensive data from official survey sources, such as the U.S. Bureau of Labor Statistics (BLS).
The magazine SMALL TIMES has reported a partial figure. In a 2004 survey, it estimated that 24,388 people are employed in companies engaged only in nanotechnology. This total includes all people employed in those companies, not simply those engaged in research or manufacturing jobs that may involve exposure to nano-diameter, engineered particles. The survey did not include the number of people who may work in companies that engage in nanotechnology only as part of a larger corporate portfolio. The survey is expected to be updated this year, retaining its focus on employment in companies that are engaged only in nanotechnology"
2 - Voir à ce sujet le premier chapitre de l'ouvrage Les politiques des nanotechnologies, Brice Laurent, éditions CLM, 2010 : La « révolution» des nanotechnologies : le résultat dune politique scientifique, Naissance de la National Nanotechnology Initiative (NNI)
Ofi AM en 2014 : dans une enquête auprès de 60 sociétés du Stoxx 600 pour connaître leur utilisation de nanoparticules, seules 15 entreprises ont répondu, et seulement 5 d'entre elles positivement : Source : Les nanotechnologies, un nouvel enjeu de RSE ?, Hélène Canolle, Ofi AM, septembre 2014
FRANCE : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé - Environnement 3 (PNSE 3) ? Quelle mise en oeuvre des actions ?
FRANCE : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé - Environnement 3 (PNSE 3) ? Quelle mise en oeuvre des actions ?
par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification avril 2019 (ARCHIVE)
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A noter : fin 2017, la Stratégie nationale de santé 2018-2022 a également été publiée ; les nanoparticules y sont expressément mentionnées comme risques émergents : sont prévues des actions sur les sources de pollution qu'elles représentent et la limitation de notre exposition. Reste à voir quand et comment... Avicenn plaide pour apporter rapidement des améliorations au registre R-nano, afin que les professionnels de la santé disposent d'un outil opérationnel pour mieux cerner les expositions, afin de les réduire.
Les nanos dans la feuille de route environnementale de 2016
Étendre le nombre de sites pour lesquels une campagne de suivi des nanos est mise en place, en accompagnant chaque mesure d’une analyse du bruit de fond dans l’environnement → Une plaquette a été réalisée par l'INERIS et l'UIC
Communiquer aux observatoires des déchets la liste des déclarants dans la base R-nano en veillant au respect des exigences de confidentialité → Un décret n°2017-765 a été signé en ce sens en mai 2017.
Accélérer l’encadrement de l’usage des nanomatériaux dans les filtres UV des produits cosmétiques dans le cadre de l’application du règlement européen, et notamment l'entrée en vigueur au niveau national des mesures concernant l'emploi du dioxyde de titane sous forme nano
Archives : Analyse des dispositions du PNSE3 concernant les nanomatériaux
En 2014, préalablement à la publication du PNSE 3, le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l'écologie avaient lancé une consultation restreinte aux acteurs de la santé environnementale sur le projet de PNSE 3 par l'intermédiaire des pilotes des PRSE (au niveau régional). Avicenn avait envoyé le 22 septembre 2014 une contribution au ministère de l'écologie (téléchargeable ici).
Une consultation plus large avait été organisée du 26 septembre au 17 octobre.
L'action 36 du PNSE 3 appelle à "poursuivre les travaux d'évaluation des expositions des consommateurs pour identifier les différents nanomatériaux présents dans les denrées alimentaires" et "poursuivre les travaux de toxicologie, notamment pour la voie orale et l'exposition chronique aux faibles doses" (page 40).
→ Analyse d'Avicenn :
Le terme "poursuivre" suppose qu'il y ait déjà des actions menées en ce sens mais, comme l'Avicenn l'a déjà souligné à plusieurs reprises1, les projets de recherche sur le sujet sont :
et au mieux très insuffisants (concernant la toxicologie notamment) ;
L'ANSES figure comme partenaire et pourtant :
en 2013, elle s'était opposée à ce que les chercheurs de ses propres laboratoires continuent leurs recherches sur le sujet (cf. la lettre VeilleNanos n°8-9 parue en décembre 2013) ; interrogé à ce sujet par Avicenn le 29 avril 2014, lors du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", le directeur général adjoint scientifique de l'agence avait invoqué un "recentrage" de l'ANSES sur ses domaines d'excellence, qui dans le domaine nano concernent davantage l'exposition par inhalation. En juin 2014, le rapport d'activité 2013 du laboratoire de Lyon de l'ANSES a apporté la précision suivante : "l'unité Maladies neurodégénératives (MND) a dû arrêter, à la demande de la direction scientifique des laboratoires de l'Anses, toute recherche sur la toxicologie des nanomatériaux".
un nouveau projet SolNanoTOX est certes mené par le laboratoire de Fougères de l'ANSES afin de déterminer des facteurs de toxicité au niveau intestinal et hépatique de nanoparticules utilisées en alimentation et en emballage. Il n'est cependant pas financé par l'ANSES ni par le Ministère de l'Agriculture et de l'agroalimentaire mais bénéficie d'une subvention de l'ANR.
en 2016, l'ANSES a modulé son discours, en promettant de mettre sur pied un groupe d'experts sur la question des nanos dans l'alimentation, mais elle dit avoir du mal à trouver des experts indépendants.
Hormis les laboratoires de l'ANSES, quelques recherches sont menées, principalement au CEA de Grenoble et à l'INRA de Toulouse depuis quelques années seulement.
Bref, les recherches sur l'ingestion des nanomatériaux restent aujourd'hui très limitées eu égard aux questions qui se posent et aux préoccupations des consommateurs et trop peu de recherches sont effectuées en France sur les utilisations et les impacts sanitaires et environnementaux des nanoparticules utilisées dans les engrais et pesticides. La définition d'une vraie stratégie nationale sur ces questions est pourtant indispensable.
Réglementations concernant les nanomatériaux
L'action 70 du PNSE3 veut "soutenir le renforcement du corpus réglementaire européen sur les nanomatériaux : modification des annexes de REACH et examen de la pertinence des autres options, en particulier d'un registre européen comparable au dispositif français de déclaration" (page 70).
L'action 72 vise à "proposer aux parties prenantes, dans le cadre du PST3, de porter au niveau européen, au titre du règlement n° 1272/2008 dit « CLP», des demandes de classifications réglementaires harmonisées de familles de nanomatériaux manufacturés pour lesquelles il existe un faisceau de preuves significatif sur des propriétés CMR ou sensibilisants. Cette classification permettra notamment d'étiqueter les produits en contenant et d'assurer ainsi une traçabilité de ces nanomatériaux" (page 71).
→ Analyse d'Avicenn : Il serait souhaitable de voir parmi les sous-actions proposées :
la mise en place de solutions permettant de pallier les faiblesses du dispositif français (lire à ce sujet notre fiche sur les atouts et faiblesses du dispositif R-Nano).
la réalisation d'un "bilan coûts/avantages avant la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux" auxquels s'étaient engagés les partenaires du Grenelle de l'environnement en 20072, mais qui a été laissé de côté depuis, malgré les demandes croissantes en faveur d'une distinction entre usages "futiles" et "utiles" des nanomatériaux.
Le Comité de développement durable en santé (C2DS) a insisté, fin septembre 2014, sur la nécessité de soumettre à Autorisations de mise sur le marché (AMM) "tous les produits de consommation courante contenant des nanoparticules" 3.
Etiquetage [nano]
Le plan se prononce en faveur de la généralisation de l'étiquetage [nano] "à l'ensemble des produits chimiques qui contiennent des nanomatériaux" (page 72).
→ Analyse d'Avicenn : La généralisation de l'étiquetage est effectivement souhaitable ; il serait en outre nécessaire d'améliorer celui qui est prévu pour les rares catégories de produits qui sont censés être obligatoirement étiquetés (cosmétiques, biocides ou alimentation). Même pour ces produits, malgré les réglementations en vigueur, beaucoup de nanomatériaux échappent en effet à l'obligation d'étiquetage du fait des définitions retenues. Le seuil des 100 nm, notamment, a été retenu de façon arbitraire, et le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) de la Commission européenne a souligné l'absence de fondement scientifique à cette limite de 100 nm. Des résultats d'études toxicologiques font état d'effets toxiques engendrés spécifiquement à l'échelle submicronique dépassant les 100 nm, notamment jusqu'à 600 nm. De nombreux défis doivent encore être relevés pour obtenir un étiquetage pertinent.
Un groupe de travail étiquetage & restriction nano mis en place par le ministère de l'écologie a réuni industriels et associations à l'automne 2015 et à l'automne 2016 ; une nouvelle réunion est prévue début 2017. AVICENN y participe, n'hésitez pas à nous solliciter pour davantage de renseignements.
Voir aussi à ce sujet notre fiche sur L'étiquetage [nano] .
Evaluation des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux
Le plan considère comme prioritaire "l'harmonisation des méthodologies employées par les équipes de recherche pour contribuer à l'élaboration d'un corpus de connaissances fiables et comparables pour les évaluations des risques sanitaires" et que "les études de toxicité devront se concentrer sur les effets à long terme d'expositions chroniques aux faibles doses" (page 72).
→ Analyse d'Avicenn : Cette harmonisation et l'étude de l'exposition à long terme sont en effet indispensables. Nos remarques énoncées plus haut sur les risques des nanoparticules dans l'alimentaire valent aussi de façon plus générale sur les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux toutes catégories de produits confondues.
Travailleurs exposés aux nanomatériaux
Le texte rappelle qu'"une cohorte de suivi de travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux a été mise en place par l'Institut de veille sanitaire" et que "le suivi attentif ce type d'étude doit être encouragé par le gouvernement" (page 72). Il prévoit en outre de "réaliser des campagnes de mesures de nanomatériaux à l'extérieur des sites de fabrication et, en fonction des résultats, saisir les agences sanitaires dans l'objectif de définir des valeurs limites dans les milieux" (page 73).
→ Analyse d'Avicenn : Concernant le projet pionnier de suivi de cohorte EpiNano, sachant que les salariés devront remplir seuls un premier questionnaire de 27 pages, est-il réaliste de penser que le taux de réponse pourra être suffisamment important pour permettre une exploitation satisfaisante des données ?
La mise à disposition d'une personne compétente sur le plan médical ou scientifique permettrait certainement d'améliorer le taux de retours des questionnaires ainsi que la qualité de leur contenu.
Mi-juillet 2016, nous peinions toujours à obtenir des informations de la part de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) sur l'avancement du dispositif EpiNano de suivi des travailleurs.
Concernant les campagnes de mesures de nanomatériaux à l'extérieur des sites de fabrication, on savait, en juillet 2016, qu'elles sont réalisées par l'INERIS et se heurtent semble-t-il à des difficultés méthodologiques...
Cycle de vie des nanoproduits et Environnement
Il est prévu d'"étudier le devenir des nanomatériaux, dans une approche du cycle de vie incluant le vieillissement et la phase « déchet » et acquérir des connaissances quant aux déchets industriels issus de la fabrication de nanomatériaux et aux déchets contenant des nanomatériaux" (page 73).
Indicateur : parution d'un rapport sur le vieillissement et la phase « déchets » des matériaux contenant des substances nano
L'action 75 prévoit également de "poursuivre la caractérisation des dangers des nanomatériaux les plus répandus en particulier à faibles doses, en exposition chronique, en appui au développement des modalités adaptées de gestion et de suivi dans l'environnement".
→ Analyse d'Avicenn : Afin de ne pas renouveler les erreurs du passé, il est en effet nécessaire que les industriels, les instances d'évaluation et de gestion des risques et les chercheurs considèrent le cycle de vie des nanomatériaux dans sa globalité : depuis leur conception jusqu'à leur destruction ou recyclage en passant par leur utilisation / consommation. Concernant les déchets, comment bien gérer les risques qui y sont associés dans la mesure où nul ne peut aujourd'hui identifier les produits qui contiennent des nanomatériaux ?
Il faudrait pourtant pouvoir agir préalablement à la commercialisation - et non pas comme "pompier" après l'apparition de problèmes sanitaires ou environnementaux. Le nombre de partenaires impliqués n'est-il pas trop limité eu égard aux questions sanitaires et environnementales qui sont en jeu ?
Quels moyens seront dédiés à la mise en oeuvre de ces actions ?
Quels seront les moyens alloués à la mise en oeuvre des actions "nano" listées dans le projet ? On l'ignore pour l'instant. (Le budget dédié aux nanomatériaux dans le PNSE2 était de 1,6 M sur 2009-2013). L'incitation des industriels à financer la recherche appliquée sur les nanomatériaux n'est-elle plus à l'ordre du jour ? Pourtant le groupe "Risques émergents" du PNSE2 l'avait inscrite dans ses objectifs en 2011 (cf. plus bas), la CLCV et le Réseau Environnement Santé l'avaient de nouveau demandée en 2009 et 20125, et en septembre 2013 le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans son évaluation du PNSE 26, s'était dit favorable à un mécanisme stable de longue durée (une taxe parafiscale par exemple sur les volumes de production et d'importation des nanoparticules, y compris dans les nanoproduits - ou une autre modalité de financement dédié) pour financer la recherche et le développement méthodologique sur les expositions et l'identification de leur potentiel dangereux, à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences. Dans son rapport d'avril 2014, l'ANSES avait elle aussi cité ce mécanisme en exemple.
Pour que la chaîne des acteurs socio-économiques comprenne les enjeux et adhère aux objectifs de ce plan, d'autres leviers doivent en outre être mobilisés. Sans attendre la mise en place de la taxe mentionnée plus haut, les entreprises qui pensent (ou commencent) à faire des bénéfices grâce aux nanomatériaux peuvent en effet (ré-)investir utilement dans le soutien à ces actions et participer aux efforts collectifs y contribuant - citons notamment la participation à la veille et à l'information menée par Avicenn, au Forum NanoResp ou encore le colloque Les nanotechnologies, un nouvel enjeu pour la Responsabilité Sociale des Entreprises ? organisé le 30 septembre 2014 à Paris.
Archives : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé Environnement 2009-2013 (PNSE2) ?
Les nanomatériaux ont fait l'objet d'une "action spécifique" du PNSE2, l'action 46 : "Renforcer la réglementation, la veille et l'expertise et la prévention des risques sur les nanomatériaux" (il s'agit de la déclinaison de l'engagement 159 du Grenelle).
Le budget dédié à cette action était de 1,6 M sur 2009-2013.
Renforcer la réglementation sur les nanomatériaux en rendant obligatoire leur déclaration de mise sur le marché, en étudiant des possibilités d'évolution de la réglementation relative aux installations classées pour qu'elle prenne en compte les activités relatives à la fabrication des nanomatériaux et leurs impacts éventuels sur l'homme et l'environnement et en mettant en place un programme de contrôles spécifiques permettant de vérifier dès que possible la mise en œuvre de la nouvelle réglementation.
Renforcer l'information et la concertation vis-à-vis du public, renforcer la prévention en milieu de travail vis-à-vis des nanomatériaux conformément aux recommandations de l'Afsset et du HCSP.
Développer et valider des essais pertinents
sous le pilotage de la Direction Générale de la Santé (DGS), la Direction Générale du Travail (DGT)
et en partenariat avec l'ANSES, l'INERIS, l'INRS, l'INVS, et la Direction générale de l'Alimentation (DGAL)
Les recommandations du groupe Risques Emergents concernant les nanomatériaux
Selon le rapport présentant l'état d'avancement des actions du PNSE2 menées en 20117, le groupe « Risques émergents » s'est réuni 6 fois en 2011, l'ordre du jour ayant été préalablement établi par la présidente et la co- présidente.
- Le groupe Risques Emergents
C'est le Groupe "Risques émergents" qui est chargé, entre autres sujets, des nanomatériaux dans le cadre du PNSE2.
Président : Francelyne Marano, Professeur Université Paris-Diderot
Co- présidente : José Cambou, France Nature Environnement
Membres :
André Cicolella, Réseau environnement santé
Alain Tostain, Centrale FO
Patrick Lévy, MEDEF/ UIC/LEEM
Remy Maximilien, CEA
Vincent Nedellec, RISE (VNC)
France Wallet, SFSE
Jean-Marie Haguenoer, Société Française de santé publique
Julien Gauthey, Mines de Paris
Danielle Salomon, Sociologue
Françoise Lavarde, Ministère du développement durable
Fabrice Candia, Ministère du développement durable
Aurélie Veillefosse, Ministère du développement durable
Catherine Mir, Ministère du développement durable
François Rousseau, DREAL Alsace
Anne Rouban, Ministère de l'Industrie - DGCIS
Caroline Paul, Ministère de la santé
Myriam Sahihi, Ministère de la santé
Matthieu Lassus, Ministère du travail
Marion Chaminade, Ministère de l'Agriculture - DGAL
Concernant les nanomatériaux, ses travaux ont porté sur :
les enjeux de la recherche, les suites du débat public, la réglementation sur les cosmétiques et réglements REACH et biocide. Auditions: Mme Marano et Mme Larrieu (CGDD) ; Mme Saihi (DGS) et M Maurer (DGPR) ;
les aspects travailleurs et veille. Auditions: M Lassus (DGT) et M. Merckel, Mme Thieriet et M Rousselle (ANSES).
- Les recommandations concernant l'évaluation des risques et la métrologie des nanomatériaux
Suite à sa réunion du 18 mars 2011 consacrée à l'évaluation des risques et métrologie des nanomatériaux, le groupe risques émergents a recommandé :
d'organiser une cartographie des équipes de recherche sur le sujet (dans le cadre du R 31, le Réseau des 31 organismes partenaires de l'ANSES, et sur la base du rapport sur la métrologie pour la nanotoxicologie du Groupe de concertation thématique Physique, Chimie, Nanosciences du Ministère de la recherche, dès que ce dernier sera disponible), y compris les laboratoires dans le domaine des sciences sociales ;
d'identifier et/ou développer les outils scientifiques pertinents pour l'évaluation des leur danger et de leurs risques en milieu de travail, pour le consommateur et dans l'environnement général ;
d'encourager une synthèse régulière des résultats de recherche en France et à l'étranger à travers les activités de veille scientifique de l'ANSES et de l'OMNT, et de la partager dans le cadre d'un séminaire ouvert au public, dans l'esprit du Nanoforum, afin de contribuer à l'identification des besoins de recherche dans ce domaine ;
de s'intéresser aux travaux "safe by design", consistant à façonner les nanoparticules et nanomatériaux de manière à réduire leur éventuelle toxicité ;
d'inciter à mobiliser les instances nationales sur les enjeux, en particulier de sécurité, liés à l'utilisation des nanoparticules et au développement des nanoparticules et nanotechnologies (Comité consultatif national déthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé, le Comité de la prévention et de la précaution (CPP), la CNIL, le Conseil national de la consommation (CNC), le HCSP, et la conférence nationale de santé...) et d'organiser des échanges entre ces différentes instances ;
de solliciter les comités d'éthique des instituts et organismes de recherche sur la question de l'utilisation des nanoparticules et nanomatériaux;
de mobiliser les relais au niveau local, notamment dans le cadre des deuxièmes plans régionaux santé environnement
- Les recommandations concernant la réglementation s'appliquant aux travailleurs et les questions de veille
Le groupe "risque émergents" a auditionné M. Lassus (DGT) et Mme Thieret (ANSES) le 08 juillet 2011 sur la réglementation s'appliquant aux travailleurs et sur les questions de veille et a recommandé :
de faire évoluer le format des fiches de données de sécurité au niveau international pour une prise de la dimension nanométrique des nanomatériaux ;
de coordonner les réseaux de veille sur les nanotechnologies (OMNT : Observatoire des Micro et Nanotechnologies, ANSES ; INSERM etc. ) ;
de mettre en place, d'ores et déjà, des mesures de gestion des risques pour les familles de nanoparticules pour lesquelles des dangers ont déjà été identifiés ou fortement suspectés ;
d'inciter les industriels à financer la recherche appliquée pour permettre la mesure et le contrôle sur les sites concernés ;
de développer les moyens d'information, de formation et de protection des équipes de recherche ainsi que des travailleurs des filières avals et des sous traitants ;
de former les opérateurs dans une logique de certification.
Dans sa lettre de cadrage adressée le 23 janvier 2013 à la ministre de l'Ecologie8, Jean-Marc Ayrault avait demandé à Delphine Batho de « veiller à réduire les risques sanitaires et environnementaux, notamment à travers la préparation du plan national santé - environnement (PNSE) 3, en accordant une attention particulière aux risques émergents » auxquels sont rattachés dans l'actuel PNSE2 les risques liés aux nanomatériaux.
Pour préparer le PNSE 3, les nanomatériaux devaient être pris en compte par le Groupe de Travail n°1 qui traite de l'exposome, c'est à-dire l'exposition tout au long de la vie. Lors de la réunion de mars 2014, il a été décidé que des fiches actions devaient être rédigées.
⇒ Vos informations, avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site :
Nous vous informions en juin dernier du lancement de la consultation de la Commission européenne sur les modifications des annexes de REACH en lien avec les nanomatériaux, et nous étions engagé à relayer les différentes réactions ou réponses publiques à cette consultation1.
Pour rappel, l'objectif poursuivi est de remédier aux lacunes du règlement européen REACH qui n'a pas permis jusqu'à présent l'enregistrement et le suivi effectifs des nanomatériaux commercialisés en Europe2.
Premières réponses
En attendant le rapport de la consultation que doit formaliser la Commission, voici déjà les premiers éléments dont nous avons eu connaissance.
Du côté des Etats membres, la position des autorités françaises a été mise en ligne3 par le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) le 13 septembre, dernier jour de la consultation.
Du côté de la société civile, différentes organisations européennes4 de défense de l'environnement, de la santé publique, des consommateurs et des travailleurs ont également répondu.
Enfin, pour ce qui est de l'industrie, le Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC) et la Nanotechnology Industries Association (NIA) ont également communiqué sur leurs réponses, via leurs sites internet ou par voie de presse.
l'option la plus souple a été privilégiée par les deux fédérations d'industries qui ont publiquement affiché leur préférence : le CEFIC et la NIA (qui compte parmi ses membres L'Oréal ou Tetra Pak) se sont ainsi prononcées pour l'option 55 pour laquelle les demandes d'informations pour les substances [nano] seraient spécifiques mais moindres que celles exigées pour les substances non nano, "afin de ne pas entraver la compétitivité ni l'innovation des entreprises".
et l'option la plus exigeante en termes d'information et de garanties sur la sécurité des nanomatériaux a été retenue par les autorités françaises ainsi que les ONG mentionnées plus haut : il s'agit de l'option 6, qui intègre à la fois :
l'option 2 : description plus précise et plus claire des informations exigées dans le dossier d'enregistrement concernant les substances sous forme nano
l'option 4 : mesures supplémentaires exigeant de prouver que l'utilisation de la substance sous forme nano ne pose pas de problème de sécurité
des mesures supplémentaires visant à réduire les incertitudes : caractérisation physico-chimique des différentes formes nano, informations sur leurs usages, ...
Selon Chemical Watch5, les arguments avancés par le CEFIC pour justifier sa préférence pour l'option 5 - pourtant jugée inacceptable par différentes ONG1 ou les autorités françaises3 - sont les suivants :
le manque de techniques de mesure validées et certifiées empêcherait de mieux intégrer les nanomatériaux dans REACH
il n'existerait pas de toxicité "nano-spécifique" et les données classiques seraient utiles et pertinentes pour l'évaluation du risque des nanoparticules.
Le Cefic conteste l'adage "pas de données, pas de marché" de l'article 5 du règlement REACH : davantage de données ne signifierait pas nécessairement davantage de marché ou de sécurité ; au contraire, cela porterait atteinte à la compétitivité des entreprises.
Cette argumentation est loin d'être partagée par l'ensemble des ONG, syndicats et autorités publiques... Ainsi, les autorités françaises soulignent de leur côté que "les coûts, quantifiables et quantifiés, que REACH engendre à court terme pour les
entreprises ne devraient pas éluder les économies (plus difficiles à évaluer et de long terme) pour la société (économies sur les dépenses de santé et de décontamination de lenvironnement), les entités publiques (Etats-Membres évaluateurs de substance dans le cadre de REACH par exemple), mais aussi pour les entreprises (économies en termes de dépenses dimage, de réparation de dommages sanitaires/environnementaux, de dépenses dhygiène et sécurité)". Les autorités françaises préfèrent donner un avantage concurrentiel aux entreprises "humainement et écologiquement responsables".
... mais une consultation largement critiquée
pour son manque de clarté
Si les positions sont donc très polarisées, il y a néanmoins un consensus parmi les répondants pour déplorer le manque de clarté de certaines questions dont les tenants et les aboutissants auraient gagné à être explicités.
Les répondants s'accordent également pour regretter le caractère fermé du format d'un grand nombre de questions/réponses (au format QCM) qui ne permettait pas d'expliciter les raisons, conditions ou nuances des réponses et rendra leur interprétation difficile. Les autorités françaises et le CEFIC par exemple ont jugé nécessaire de rajouter au questionnaire de la Commission un texte explicatif pour détailler et expliciter leurs réponses.
pour son caractère trop restrictif
A l'instar des remarques de l'été en provenance du Bureau européen de l'environnement1, les autorités françaises soulignent dans leur réponse qu"elles soutiennent une réglementation ambitieuse des nanomatériaux, allant au-delà de ce que permet (juridiquement) la révision des annexes de REACH proposée par la Commission". Les autorités françaises considèrent notamment que "lamendement des annexes du règlement REACH (...) ne doit pas conduire à exclure une politique européenne plus transversale et de long terme"3. Cette préconisation rejoint le point de vue que la commission (ENVI) du Parlement européen a défendu auprès de la Commission européenne le 18 juillet dernier6.
L'enjeu est de ne pas perdre de vue la globalité et la cohérence de l'approche européenne par un cadrage trop technique et restrictif2.
Les travaux du Réseau 31 (R 31) concernant les nanos
Les travaux du Réseau 31 (R 31) concernant les nanos
par MD - Dernière modification janvier 2014
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
Le Réseau R31 mis en place en octobre 2010 et animé par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a pour objectif de renforcer les coopérations aux fins :
d'évaluation des risques sanitaires dans le domaine de l'alimentation, de l'environnement, du travail, et de la santé
de veille et d'alerte des pouvoirs publics en cas de risques pour la santé publique
d'amélioration de la connaissance des risques sanitaires dans le domaine de compétence de l'ANSES
Composition
Le R31 regroupe 31 instituts ou organismes1 français de recherche et d'évaluation de risques environnementaux ou sanitaires.
Ce réseau implique des établissements très variés :
des acteurs académiques, notamment des établissements de recherche et d'enseignement supérieur comme le CNRS, le CEA, l'INSERM, l'INRA, et des écoles vétérinaire ou d'agronomie,
des établissements à caractère plus techniques, des EPIC, comme l'INERIS, le CSTB, le LNE
des établissements plus spécifiquement dédiés aux questions de santé comme l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)
Les travaux "nano et santé" du R31
La thématique "santé et nanomatériaux" est l'un des quatre domaines d'intérêt2 sur lesquels se penche le réseau R31.
Lors d'une réunion du R31 qui a eu lieu le 23 octobre 2012, les membres du réseau ont commencé à dégager quelques pistes de travail communes et de collaborations possibles entre divers organismes sur ce sujet.
Mieux vaut tard que jamais : trouver des synergies entre les différents acteurs concernés par les risques associés aux nanomatériaux est indispensable à la construction d'une vigilance collective.
Ce réseau présente l'avantage de provoquer des échanges entre acteurs académiques et organismes travaillant sur le court terme pour apporter des réponses aux industriels ou aux pouvoirs publics, et de mêler des disciplines extrêmement variées.
Un point a été fait sur les problèmes à résoudre. Trois domaines ont été identifiés afin d'être collectivement examinés, sous forme de réunions plus spécialisées et techniques, associant éventuellement d'autres acteurs que les membres du R31 :
la métrologie, afin de faire converger les outils et méthodes développées par exemple au LNE avec les besoins des biologistes qui souhaitent par exemple mesurer des nanoparticules dans le tube digestif : une réunion a eu lieu le 18 novembre 2013, pilotée par le LNE.
la toxicologie en général, afin de clarifier ce que l'on veut mesurer en toxicologie : des acteurs académiques ainsi que des personnes, proches de l'AFNOR ou de l'OCDE, cherchent des réponses à très court terme et se demandent ce qu'il leur faut donner aux industriels pour la réalisations de tests : une réunion a eu lieu le 9 décembre 2013, co-pilotée par l'ANSES et l'INRA
l'exposition des travailleurs, afin de préciser ce que l'on mesure et la manière de mesurer l'exposition d'un travailleur (domaines sur lesquels travaillent notamment l'INRS et de l'InVS)
Des efforts qui demandent à être confortés
Ces efforts demandent cependant à être confortés par une meilleure coordination nationale et la mise en place d'une vraie stratégie nationale de recherche, à articuler avec les préoccupations de la société civile et avec les besoins des entreprises et des autorités sanitaires et environnementales chargées de mieux évaluer et/ou mieux gérer ces risques. Car la difficulté d'évaluer, de pronostiquer, de gérer des risques reste énorme et plaide pour plus de responsabilité sociétale et environnementale de la part de chacune des parties prenantes (chercheurs, administrations, entreprises, élus, associations, médias, etc.). Le travail de veille et d'information que nous effectuons plus largement sur nos sites wikinanos.fr et veillenanos.fr entendent y contribuer.
NOTES et REFERENCES : 1 - Cf. la liste du réseau d'organismes du R31 sur le site de l'ANSES 2 - Les quatre thématiques sont : la veille prospective, l'antibiorésistance, la santé et les nanomatériaux, les dangers sanitaires et le cycle de l'eau.
Fiche initialement créée en mars 2013
FRANCE : Rapport sur le déploiement industriel des nanotechnologies
FRANCE : Rapport sur le déploiement industriel des nanotechnologies
Par MD et DL - Dernière modification 22 juillet 2014
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Un rapport collectif pour 5 des 7 ministères commanditaires du débat public national de 2009-2010
En mars 2014, un rapport sur "le déploiement industriel des nanotechnologies et de la biologie de synthèse sur les territoires"1 a été rendu public après avoir été remis aux ministères de l'économie, de la défense, de l'agriculture, de l'écologie, de la recherche.
Daté de décembre 2013, le rapport a été écrit à plusieurs mains : ses neuf auteurs (désignés par le terme "la mission") appartiennent aux organes de conseil rattachés aux ministères commanditaires du rapport :
le Conseil général de léconomie, de lindustrie, de lénergie et des technologies (CGE) - ministères de l'économie et du redressement productif
le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - ministère de l'écologie et du développement durable
le Conseil général de l'armement (CGARM) - ministère de la défense
l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) - ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche et de léducation nationale
le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) - ministère de l'agriculture et de lagroalimentaire
→ A noter l'absence du ministère de la santé et du ministère du travail parmi les commanditaires de ce rapport : ils ne font pas partie de ceux qui ont signé la lettre de mission datée de février 2013, alors qu'ils avaient, à leurs côtés, commandité le débat public national de 2009-2010. Les enjeux de santé et de santé au travail des nanotechnologies (qui sont parmi ceux ayant suscité les controverses les plus vives lors du débat national) sont beaucoup moins étayés que les aspects économiques ou militaires.
⇒ Ajout du 22 juillet : L'un des auteurs du rapport nous a apporté sur ce point les éléments de réponse suivants :
Un rapport dévaluation de politique publique concerne en général deux ou trois ministères au plus. Le fait davoir pu conduire lexercice jusquà son terme avec cinq ministères a été considéré comme exceptionnel.
Lévaluation portait sur lindustrie (cf. la lettre de mission en annexe) et non pas sur les politiques publiques poursuivies par le gouvernement en matière de nanosciences et nanotechnologies en général. Si la proposition de désignation dun coordonnateur nano interministériel est suivie deffet (cf. paragraphe ci-dessous), il aura pour mission de préparer un rapport annuel public sur les actions du gouvernement incluant les questions de santé et de sécurité au travail, pas seulement sur les questions industrielles.
Dautres institutions sont chargées de la caractérisation et de la gestion des risques liés aux nanotechnologies et à la biologie de synthèse et la mission navait ni légitimité, ni vocation à sy substituer (par exemple ANSES, INERIS, )
Principales recommandations concernant les nanotechnologies
La mission formule un grand nombre de recommandations que nous vous invitons à lire in extensodirectement dans le rapport. Nous n'aborderons pas ici celles qui concernent la biologie de synthèse mais nous limiterons à lister quelques-unes des multiples propositions concernant les nanotechnologies :
Créer une mission de coordination des politiques publiques relatives aux nanotechnologies auprès du Premier Ministre
le temps de la réalisation d'un bilan par ce coordinateur, ne pas faire évoluer la réglementation nationale sur les nanotechnologies afin de sécuriser l'environnement juridique des entreprises
Accroître la part des moyens de recherche (publique et privée) dédiée à lévaluation des risques liés aux nanotechnologies et aux nanomatériaux
Créer les conditions de la confiance sur les aspects sociétaux
développer lappropriation de ces technologies par le grand public et "l'appétance globale" de la société pour les nouvelles technologies lors de la Fête de la science et de la Semaine de lindustrie, via les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI)
Se prémunir contre les risques fondamentaux liés aux nanotechnologies dans un cadre national
Assurer la prise en compte des spécificités Défense dans le domaine des nanotechnologies
...
Premiers commentaires et éléments d'analyse d'Avicenn
Ce rapport très touffu et assez disparate vient alimenter le débat sur la gouvernance des nanotechnologies à un moment où le silence des industriels et de l'Etat semble de nouveau avoir pris le pas sur les (rares) communications publiques auxquelles les autorités françaises se sont prêtées, par exemple en septembre2 ou novembre3 dernier. Nous allons progressivement inclure les nombreuses informations contenues dans ce rapport dans nos fiches en ligne sur veillenanos.fr.
Voici nos remarques et premiers éléments d'analyse sur les points saillants que nous vous proposons de commenter ou compléter en nous écrivant à redaction(at)veillenanos.fr.
Les nombreux passages concernant les aspects liés à la défense nous ont paru en l'état trop confus ou abstraits pour pouvoir proposer une analyse, d'où notre silence à leur sujet.
Pour une coordination des politiques publiques relatives aux nanotechnologies, avec des moyens dédiés à la hauteur des enjeux et des chantiers à mener
La mission constate que "la "task force nano comprenant des correspondants des ministères concernés (...) na pas donné les résultats escomptés compte tenu dun manque évident de visibilité, et de moyens". Un diagnostic partagé par Avicenn qui, tout autant que la mission, juge indispensable "de créer et de faire vivre dans le temps une mission de coordination des politiques publiques relatives aux nanotechnologies, afin de remédier à tous les inconvénients dune action publique qui reste dispersée et peu lisible".
Depuis fin janvier 2014, soit un mois après la finalisation du rapport de la mission, le secrétariat de la task force semble ne plus être assuré, privant les parties prenantes - et notamment les associations de défense de la santé, de l'environnement ou des travailleurs, ainsi qu'Avicenn - d'un interlocuteur gouvernemental identifié.
Parmi les fonctions que la mission suggère de confier au coordinateur figure la réalisation d'une veille réglementaire, que notre association de veille et d'information citoyenne exerce et diffuse depuis plusieurs années4 mais qui n'est pas mentionnée par le rapport.
La veille sur les processus de normalisation en cours que la mission souhaiterait également voir confier à cette coordination répondrait à un besoin plus difficile à remplir jusqu'à aujourd'hui pour une association comme la nôtre.
Autre chantier important à nos yeux : le rassemblement et la mise à disposition des financements publics consacrés au développement des nanotechnologies. En effet, "ni la DGCIS, ni le Commissariat général aux investissements (CGI) nont été en mesure de présenter à la mission des éléments de synthèse chiffrés, demandés à lun et à lautre, exprimant les appuis publics au déploiement industriel sur les territoires".
Avicenn, à son niveau, fait l'expérience depuis plus de trois ans maintenant, des carences en termes d'informations tant sur les débats en cours dans les instances de normalisation que sur les financements publics dédiés aux nanotechnologies. Or sans ces informations ne peut se tenir une vraie évaluation des politiques menées, pourtant nécessaire à un vrai débat démocratique, basé sur des chiffres et des données étayées.
La même observation peut être faite sur le nombre d'emplois générés par le secteur des nanotechnologies, pour lesquels des divergences fortes d'appréciation existent.
Accroître les moyens de recherche dédiée à lévaluation des risques : oui, mais comment ?
La mission recommande d"accroître la part des moyens de recherche dédiée à lévaluation des risques liés aux nanotechnologies et aux nanomatériaux". Mais où trouver l'argent correspondant ? Elle ne fait aucune proposition concrète sur cette question pourtant cruciale. Dans son rapport d'avril 2014 lAgence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) préconise "la mise en place de mécanismes dincitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour dautres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)". Depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par lintermédiaire dune taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes.
Cette proposition rejoint celle faite par la société civile en faveur d'une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants. Une taxe ne serait cependant "pas à la mode" a-t-on entendu lors de la réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" fin avril (2014)...
Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose quant à lui que "largent du Crédit Impôt Recherche, qui est largent de lÉtat, soit utilisé pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Une telle proposition ne sera sans doute pas non plus du goût d'une bonne partie des interlocuteurs de la mission qui s'est fait le relais de leur souhait de voir pérenniser le crédit impôt recherche (pourtant remis en cause pour son inefficacité par le Sénat et la Cour des Comptes, ou tout récemment encore par le conseil scientifique du CNRS)5.
La communication sur les risques plus importante que celle sur les bénéfices ?
A plusieurs reprises, le rapport fait état d'une communication et/ou d'une perception des risques jugée(s) prédominante(s) par rapport à celle(s) sur les bénéfices. :
- il y aurait un "risque de confusion au sein de lopinion publique française sur la base dinterprétations asymétriques entre les risques perçus, les risques avérés et les bénéfices" (p.10)
- "la communication sur les effets bénéfiques des nanotechnologies dans les produits semble faible comparée à celle faite sur les risques" (p.32)
- "la réglementation va "dédramatiser" et banaliser la question auprès des consommateurs" (p.56)
- le secteur agro-alimentaire "manque dinformation sur létendue et la nature des produits « nanos » employés, et sur les aliments concernés et se dit vigilant à toute exploitation de peur irrationnelle, fréquente dans son domaine" (p.56)
Il serait intéressant de quantifier et qualifier ce déséquilibre aujourd'hui laissé à la libre appréciation de chacun ; certes un nombre croissant d'articles mentionne les risques liés aux nanotechnologies, mais dans le cadre de sa veille, Avicenn relève toujours une majorité de supports (articles de presse, billets de blog, communiqués scientifiques, etc.) vantant les bénéfices des nanotechnologies - au demeurant très fortement relayés sur les réseaux sociaux - et une minorité sur les risques.
Deux études menées constatent ce même phénomène en Allemagne (cf. notre lettre VeilleNanos n°8-9 de décembre 2013, page 7) mais à notre connaissance aucune étude n'a été publiée ces dernières années sur la couverture presse et internet des nanotechnologies en France.
S'il est en outre tout à fait légitime de souligner que les risques "perçus" ne sont pas nécessairement des risques "avérés", il serait opportun d'appliquer aux "bénéfices" les mêmes précautions que celles qui sont attribuées aux risques, en distinguant les bénéfices "perçus" des bénéfices "réels", sur la base de données étayées et non pas sur des perspectives floues de l'ordre de l'incantation et de la promesse. En particulier, il serait intéressant pour la compréhension de tous, de cesser de parler de "nanotechnologies" comme dun domaine technique spécifique. Il nen est rien puisque les nanomatériaux sont exploités dans de très nombreux secteurs dactivité. Linstrumentation permettant danalyser la matière à léchelle nano nest pas dangereuse, lintroduction de nanomatériaux dans les produits de grande distribution est une autre chose !
Comme pour les risques, il y aurait un tri à faire entre les applications vraiment utiles et d'autres plus futiles, futuristes et/ou fantaisistes - parfois plus proches du gadget que du souci de répondre aux besoins essentiels de la société.
Sur la question des "bénéfices", rappelons l'une des considérations émises en décembre 2012 par le Comité consultatif commun d'éthique pour la recherche agronomique CIRAD / INRA : "Les nanotechnologies ne sont pas les seules solutions technologiquement innovantes, leur développement ne peut être encouragé qu'après appréciation comparative, au regard des finalités recherchées, des autres solutions existantes, ou possibles" 6.
Risques sanitaires et environnementaux versus risques pour l'investissement : dépasser un antagonisme stérile
La mission redoute que ce "risque de confusion (...) entre les risques perçus, les risques avérés et les bénéfices" conduise à un faible investissement par le secteur privé en France. Là encore, tout est question de perspective : le risque de faible investissement doit être mis en regard des conséquences d'une sous-estimation des risques sanitaires et environnementaux encourus. Une innovation ne peut être "responsable" sans que les industriels s'assurent de l'innocuité des produits qu'ils mettent sur le marché et de la sécurité des procédés industriels qui ne doivent mettre en danger ni les travailleurs ni l'environnement.
Il s'agit d'éviter de reproduire avec les nanomatériaux les erreurs du passé (plomb, mercure, amiante, DDT, PCB, produits phytosanitaires, parabènes ou bisphénol, et plus récemment les insecticides "néonicotinoïdes", etc.)
Mais combien dannées seront nécessaires avant que les mesures adéquates soient mises en oeuvre, en termes d'évaluation et de gestion des risques associés aux nanomatériaux ? Allons-nous laisser faire le développement des usages de masse de l'ensemble des nanomatériaux sans distinguer les usages potentiellement utiles des usages plus futiles et en croisant les doigts qu'il n'y ait pas à intervenir après-coup... ou bien parviendrons-nous à tirer les enseignements dexpériences similaires et agir en conséquence ?
En janvier 2013, le rapport "Signaux précoces et leçons tardives", volume 2 de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) 7 avait montré que sur 88 cas de prétendues "fausses alertes", quatre seulement étaient effectivement erronées... et 84 fondées. Les études de cas historiques montrent que les avertissements ont été ignorés ou écartés jusqu'à ce que les dommages pour la santé et l'environnement ne deviennent inéluctables. Dans certains cas, les entreprises ont privilégié les profits à court terme au détriment de la sécurité du public, en cachant ou en ignorant l'existence de risques potentiels. Dans d'autres cas, les scientifiques ont minimisé les risques, parfois sous la pression de groupes d'intérêts. Ces leçons doivent nous aider à éviter des conséquences néfastes provoquées par les nouvelles technologies. Cinq de ces histoires illustrent également les avantages apportés par la rapidité de réaction en réponse aux signes avant-coureurs. Le rapport montre que les mesures de précaution permettent souvent de stimuler plutôt que d'étouffer l'innovation !
Rajoutons que l'attention portée aux risques et à l'information peut être utile aux entreprises en amont de leurs investissements et tout au long de la chaîne des acteurs économiques. La pratique de la précaution est aussi un gain d'image : qu'un constructeur automobile rappelle une série de véhicules pour contrôler les freins est perçu comme une sécurité, et on peut espérer de même que la réputation d'un fabricant de nano-objets s'améliore par des pratiques de transparence, de précaution et de vigilance avant et après la mise sur le marché.
L'information et la concertation avec les citoyens : attention à l'instrumentalisation
Comme le rappelait le Centre d'analyse stratégique (devenu aujourd'hui "France Stratégie") en 20118, deux débats doivent être distingués : le débat sur les orientations des recherches futures et le débat sur l'encadrement des produits existants. Dans les deux cas l'information et la concertation des citoyens sont nécessaires. Les choix budgétaires et les recherches financées sur les deniers publics doivent être davantage orientés vers les besoins essentiels de la société, qui demandent à être débattus avec les citoyens - pleinement informés - (et parmi lesquels figurent la production de connaissances et la recherche fondamentale). Si les priorités données à la recherche publique en France affichent des objectifs cohérents avec les "utilités" dans le domaine de la santé ou de l'énergie par exemple (exprimées en France et en Europe depuis le programme NanoCap 2008, consultation citoyenne menée en Europe en 2008), les applications nano commercialisées et en provenance d'un marché désormais mondialisé sont bien décalées (cadres de vélo plus légers, textiles anti-tâches ou anti-odeur, etc.)
A la lecture du rapport de la mission, la Fondation Sciences Citoyennes a dénoncé "une vision pour le moins condescendante, car selon ce rapport, « la position des « profanes » ne tient pas tant à la compréhension et à linformation sur les caractéristiques spécifiques des nanotechnologies quà lopinion préalable quils ont sur les technologies et sur les institutions qui les gèrent" 9.
→ Bien que la mission promeuve l'ouverture et le dialogue avec la société civile telle que celle pratiquée par l'ANSES via notamment son comité de dialogue nano & santé, ses propositions reflètent quasi-exclusivement les revendications des industriels, du secteur de la défense et de certains chercheurs impliqués dans les nanosciences et nanotechnologies. En témoignent notamment :
le souhait exprimé à de nombreuses reprises de voir pérennisé le crédit impôt recherche (pourtant remis en cause par le Sénat, la Cour des Comptes et le conseil scientifique du CNRS5)
les recommandations explicitement portées par le secteur de la défense
le fait de faire reposer l'information du public sur les nanotechnologies principalement sur les CCSTI, les C'Nano et l'OMNT et sur le projet serpent de mer d'un portail gouvernemental non indépendant.
La liste des personnes auditionnées (cf. annexe 3) permet d'éclairer l'influence respective des différents acteurs sur le contenu des propositions :
- près d'une cinquantaine de représentants des pouvoirs publics et parapublics,
- une quarantaine d'industriels
- seulement deux représentantes du monde associatif (Avicenn n'a pas été sollicitée, les auteurs du rapport semblent même ignorer l'existence de l'association et de son site http://veillenanos.fr)
- et aucun représentant syndical...
Encore une fois, au-delà du domaine des nanotechnologies, c'est le fonctionnement de notre démocratie qui est ici en jeu : qui décide quoi à quel moment du cycle de vie des innovations ? Les différents acteurs concernés à chaque étape du cycle ont-ils pu exprimer un avis sur l'utilité sociale des applications (déjà existantes et à venir) et en est-t-il tenu compte au moment où un vrai choix est encore possible, comme le requiert la convention d'Aarhus ? Avec quelle précautions éthiques, tant en ce qui concerne l'équité dans l'accès à leurs bénéfices que dans l'exposition à leurs dangers ?
Citons à ce sujet les propos d'un historien et philosophe des sciences Michel Blay, président du Comité pour lhistoire du CNRS, parus juste après la finalisation du rapport de la mission : "La course permanente à linnovation qui implique de relever de multiples défis technologiques, de la biologie de synthèse aux nanotechnologies (on peut rajouter autre chose ), conduit inévitablement à lépuisement des ressources et à la pollution. Parallèlement, nous sommes confrontés à la solitude au travail dans loubli du sens des métiers et dans lautomatisation normalisée des gestes. Nous nous épuisons également. (...) Limpression que la situation est plus ou moins sans issue est liée au fait quil semble impossible de penser autrement quen termes dinnovation et de progrès technologiques. (...) Il convient, pour éviter lépuisement, le nôtre comme celui de la nature (...) de porter un nouveau regard sur le monde de linnovation technique permanente, un nouveau regard pour sortir du cercle vicieux de linnovation, de la fausse exigence technique qui fixe a priori notre avenir et notre destin sans nous. Que souhaitons-nous pour notre vie ? Y a-t-il nécessité à innover du côté de la biologie de synthèse, des nanotechnologies ou du énième gadget électronique ? Dautres choix ne simposeraient-ils pas pour notre vie dans le monde ? En un mot, comme le rappelle Hannah Arendt, nous devons « assumer, si nous laimons assez, la responsabilité du monde »" 10.
⇒ La mission recommande d'"accompagner les évolutions technologiques dans une posture de "surveillance bienveillante" pour répondre aux besoins sociaux, environnementaux et économiques, en évitant tout facteur de blocage".
Une telle posture de "surveillance bienveillante" ne se décrète pas : comme la confiance, elle se construit. Or il y a encore du travail à faire si l'on veut réellement tendre vers le "développement industriel responsable" des nanotechnologies préconisé par les commanditaires comme par les auteurs du rapport. Avicenn contribue à cette surveillance, à sa façon : sans complaisance et en toute indépendance. Elle relève autant que possible toutes les suggestions pour des actions de covigilance active entre acteurs ; c'est plus qu'une posture.
Mais dun point de vue législatif, il n'existe pas à ce jour, de réglementation spécifique à la protection et à la sécurité des travailleurs pouvant être exposés aux nanomatériaux manufacturés1.
Selon les autorités françaises, il n'y a pas pour autant de vide juridique dans la mesure où "les nanoparticules relèvent de l'ensemble de la réglementation du code du travail relative à la prévention du risque chimique notamment les dispositions relatives à la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux (ACD) et, le cas échéant, celles applicables aux agents chimiques dangereux cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 ou 2" 2.
Pour autant, les autorités françaises reconnaissent que "les efforts doivent être poursuivis pour (...) créer des instruments de régulation de portée européenne, voire internationale" 2.
Si un juge devait être saisi en cas dexposition au risque ou de dommage à autrui, la responsabilité juridique de lemployeur pourrait être recherchée sur deux fondements (si les éléments constitutifs des infractions sont réunis) :
responsabilité pénale : linfraction de mise en danger délibérée dautrui (art. 223-1 code pénal) ou une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque dune particulière gravité que lauteur ne pouvait ignorer (art.121-3 alinéa 4 code pénal) ;
responsabilité civile : lemployeur a causé un dommage à autrui ; il peut voir sa responsabilité civile recherchée.
Au niveau européen
La directive-cadre sur la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (89/391/EC, dite directive-cadre 1989) représente le cadre légal de la protection des travailleurs sur le lieu de travail. Elle ne contient pas de dispositions spécifiques sur les nanomatériaux, mais précise que la responsabilité de la sécurité et de la santé des travailleurs incombe à lemployeur. Elle fait de la formation appropriée pour les travailleurs un élément des obligations de lemployeur et ces dispositions devraient sappliquer aux nanotechnologies. Les employeurs doivent sassurer que chaque travailleur reçoit une information et une formation adéquates et régulièrement actualisées sur la santé et la sécurité, ainsi que des instructions spécifiques à son travail.
Larticle 10 de la directive sur les agents chimiques (98/24/CE) établit un cadre plus détaillé pour la surveillance de la santé comprenant des exigences portant sur lintroduction au niveau national de dossiers individuels de santé et dexposition.
Le Cadre stratégique de lUnion européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020), Commission européenne, juin 2014, page 7 : "Bien quun grand nombre de technologies nouvelles et dinnovations dans lorganisation du travail aient sensiblement amélioré le bien-être et les conditions de travail des travailleurs, il importe, pour prévenir efficacement les maladies liées au travail, danticiper les effets négatifs des nouvelles technologies sur la santé et la sécurité des travailleurs. Aux nouvelles technologies appliquées industriellement correspondent des produits et des procédés nouveaux, qui doivent être éprouvés et contrôlés jusquà ce que lon ait lassurance quils sont sans danger et nentraînent de risque majeur ni pour les consommateurs ni pour les travailleurs. Les nanomatériaux illustrent bien ce problème, en ce quils sont susceptibles de présenter des propriétés uniques pouvant nécessiter le recours, pour examiner comme il se doit les aspects liés à la sécurité, à de nouvelles méthodes dessai de la toxicité et à de nouveaux outils de prévision des risques, dès le stade de la mise au point des produits."
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Gouvernance de la France concernant les nanotechnologies
Devant l'intérêt renouvelé pour le sujet nano manifesté par plusieurs ONG, le ministère de la transition écologique et solidaire a proposé, en février 2018, d'organiser un suivi général du sujet nano, sans doute en lien avec le Groupe Santé Environnement du Plan national santé environnement (PNSE), selon des modalités concrètes pour l'organisation des discussions qui restent à préciser.
Pour mémoire, après le tumultueux débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010, l'Etat français avait formulé fin 2011 plusieurs "engagements" concernant les nanotechnologies et/ou nanomatériaux1.
Outre la mise en place en 2013 de la déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire, alimentant le registre R-nano, des efforts d'évaluation des risques ont été partiellement mis en oeuvre et devraient être poursuivis par différents organismes publics ou para-publics2. A quel rythme ? Les pouvoirs publics assurent-ils comme il se doit leur rôle de protection des populations et de l'environnement ? Sont-ils suffisamment dotés pour résister aux pressions économiques ? La prévention des risques pourrait être davantage renforcée !
Quant aux principaux engagements en matière d'information du public et de concertation avec la société civile, ils n'ont pas été honorés3 :
Le site d'information nano.gouv.fr a été abandonné pour cause de "restriction budgétaire". L'offre d'information des pouvoirs publics sur les nanos est donc aujourd'hui limitée et éparpillée sur les différents portails ministériels4 ; d'où la volonté d'Avicenn de combler ce manque grâce au site http://veillenanos.fr.
Quant au dialogue avec la société civile, la "task-force" nano mise en place au niveau gouvernemental était censée étudier en 2013 les modalités de mise en place d'une instance de dialogue la plus efficiente et la plus efficace possible au vu du nombre important de structures susceptibles d'être mobilisées5. Mais aucune suite n'a été donnée au niveau national, de façon transversale et pérenne. A noter cependant :
→ Face à ce reniement par l'Etat de l'un de ses propres engagements, la Fondation Sciences Citoyennes avait exprimé son incompréhension en 20133 : des masses budgétaires importantes sont investies dans les nanotechnologies, mais il n'y aurait pas de moyens pour un site internet et un dialogue avec la société civile ?
En attendant, les choix décisifs concernant les financements publics de recherche et développement des nanotechnologies continuent de se faire principalement à huis-clos, sans (grande) transparence. Or les acteurs n'ont pas tous les mêmes moyens pour influencer les processus de décision. Les débats publics qui ont déjà eu lieu ont mis en évidence le déséquilibre entre :
la société civile qui, faute de moyens, peine à s'emparer de ces sujets complexes ou à faire entendre ses demandes
la sphère industrielle, présente dans la plupart des comités de pilotage des différents projets
- Positions récentes des autorités publiques et perspectives
Depuis, les autorités françaises sont restées relativement discrètes sur leur stratégie vis-à-vis des nanomatériaux ; quelques textes font néanmoins état des travaux en cours ou à venir (ci-dessous, du plus récent au plus ancien) :
Octobre 2018 : La France soutient la "déclaration de Berlin sur les nanomatériaux"transmise au Conseil de l'Europe par l'Allemagne, le Lichtenstein, le Luxembourg, l'Autriche et la Suisse le 9 octobre. Figurent notamment parmi les points listés dans la déclaration : la demande d'une définition transversale des nanomatériaux applicables dans les réglementations européennes, d'un besoin de développement de méthodes de détection des nanomatériaux pour la mise en oeuvre des réglementations et de ressources pour les recherches sur l'encadrement des nano, ...
Juin 2018 : Le rapport "Faire gagner la France dans la compétition industrielle mondiale" adoptée par une commission sénatoriale indique que les Programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont accordé des financements à certaines grandes entreprises, dont STMicroelectronics pour le financement des projets nano de nouvelles technologies de semi-conducteurs. Par ailleurs, le Grand plan d'investissement (GPI) porté par le Gouvernement vise à mobiliser 57 Md€ au cours du quinquennat pour dynamiser la croissance du pays, dont 4,6 Md€ pour soutenir les efforts d'innovation dans des secteurs "très porteurs" tels que l'intelligence artificielle, le big data, la cybersécurité ou les nanotechnologies.
Avril 2018 : Le ministre Nicolas Hulot a salué l'adoption par les Etats membres de l'Union européenne de la révision des annexes de Reach qui "met fin à la méconnaissance des dangers des nanomatériaux". Les "autorités françaises" avaient préparé ce chantier en amont et oeuvré à une révision la plus propice possible à un enregistrement détaillé des nanomatériaux, contestant les premières propositions de la Commission trop peu transparentes.
Décembre 2017 : La Stratégie nationale de santé 2018-2022 rendue publique par le Ministère des solidarités et de la santé mentionne expressément les nanoparticules comme risques émergents ; sont prévues des actions sur les sources de pollution qu'elles représentent et la limitation de notre exposition. Reste à voir quand et comment... Avicenn plaide pour apporter rapidement des améliorations au registre R-nano, afin que les professionnels de la santé disposent d'un outil opérationnel pour mieux cerner les expositions, afin de les réduire.
Août 2017 : suite à la lettre ouverte de 8 0NG (dont Avicenn) et au dossier de 60 Millions de consommateurs, le gouvernement a publié un communiqué sur les travaux menés et sur les actions à venir concernant les nanoparticules de dioxyde de titane dans l'alimentation.
Étendre le nombre de sites pour lesquels une campagne de suivi des nanos est mise en place, en accompagnant chaque mesure d’une analyse du bruit de fond dans l’environnement → Une plaquette a été réalisée par l'INERIS et l'UIC
Communiquer aux observatoires des déchets la liste des déclarants dans la base R-nano en veillant au respect des exigences de confidentialité → Un décret n°2017-765 a été signé en ce sens en mai 2017.
Accélérer l’encadrement de l’usage des nanomatériaux dans les filtres UV des produits cosmétiques dans le cadre de l’application du règlement européen, et notamment l'entrée en vigueur au niveau national des mesures concernant l'emploi du dioxyde de titane sous forme nano
Sur les aspects santé au travail, le Plan national de Santé au travail 2016-2019 (PST3) a également inscrit à l'agenda l'amélioration des connaissances sur les risques liés aux nanotechnologies, sans que les moyens dédiés à sa mise en oeuvre soient précisés.
Novembre 2014 : Ségolène Royal et sept autres ministres de l'environnement d'Etats membres européens ont précisé dans un courrier aux nouveaux commissaires Karmenu Velia et Eleieta Bienkowska (respectivement commissaires de l'environnement et du marché intérieur) la priorité qui devait selon eux être accordée à la traçabilité et la sécurité des nanomatériaux.
Novembre 2014 : La feuille de route de la conférence environnementale 2014 et le PNSE3 fixent les objectifs pour les années 2014-2018, avec une répartition des rôles entre les différents acteurs institutionnels français. A l'issue de la conférence environnementale 2014, il a été officiellement annoncé que la Ministre de l'Ecologie Ségolène Royal proposerait au Conseil Environnement du 17 décembre 2014 à Bruxelles qu'une stratégie d'étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau soit mise en place au niveau européen. Un groupe de travail dédié a effectivement été mis en place au niveau national pour préciser ces propositions en 2015 et 2016.
Novembre 2013 : le bilan officiel de la première année du dispositif de déclaration des "substances à l'état nanoparticulaire" en France fait état des efforts de l'administration pour avoir une meilleure connaissance des nanomatériaux sur le territoire6
Octobre 2013 : la réponse des "autorités françaises" à la consultation que la Commission européenne a organisée pendant l'été 2013 sur REACH et les nanomatériaux7 comporte dans son préambule des considérations d'ordre général de nature à renseigner sur la position "officielle" de l'Etat français sur les nanomatériaux8
Les missions de la task-force ont évolué au fil des mois : selon le communiqué interministériel du 27 octobre 20111, ce groupe :
était "chargé de préciser les actions contribuant à l'objectif de gestion responsable du développement des nanotechnologies et de coordination de leur mise en oeuvre"
était censé animer un "travail préparatoire portant sur les formes possibles de la gouvernance appropriée, nécessaire au renforcement de la protection des personnes et de l'environnement, et sur les dispositifs et organisations pouvant être mobilisées ou y contribuant déjà, afin de préciser des propositions opérationnelles"
Le même communiqué stipulait qu'"un groupe de travail de suivi du débat sera mis en place, avec les différentes parties prenantes, pour envisager de façon très concrète les modalités et les champs de travail envisageables pour une association durable des acteurs de la société civile à la gouvernance dans ce domaine. Il sera notamment associé à l'élaboration du cahier des charges du site d'information nano.gouv.fr".
Composition et Fonctionnement
La task force était composée de chefs de bureau ou sous-directeurs de sept ministères : ceux en charge de l'écologie, du travail, de la santé, de l'agriculture, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'économie et de la défense (les ministères de l'éducation nationale, de la justice et de l'intérieur n'ayant pas souhaité participer aux travaux).
La task force nano était censée se réunir tous les deux mois pour faire le point sur l'avancement de la mise en oeuvre des engagements signés par les sept ministères signataires du communiqué interministériel du 27 octobre 20111.
Et maintenant ?
En décembre 2013, un rapport commandité par cinq ministères constatait que "la "task force nano comprenant des correspondants des ministères concernés (...) n'a pas donné les résultats escomptés compte tenu d'un manque évident de visibilité, et de moyens" 10. Il jugeait indispensable "de créer et de faire vivre dans le temps une mission de coordination des politiques publiques relatives aux nanotechnologies, afin de remédier à tous les inconvénients d'une action publique qui reste dispersée et peu lisible".
Le secrétariat de la task force a été assuré jusqu'en janvier 2014 par Françoise Lavarde, chargée de mission stratégique risques, santé, technologies émergentes au sein du Commissariat général au Développement durable (CGDD) rattaché au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Elle ne semble pas avoir été remplacée depuis son départ.
L'arrivé d'un nouvel exécutif avec les élections présidentielles et législatives de 2017 dans l'Hexagone va-t-elle permettre de rattraper le retard français ?