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ALLEMAGNE : Controverse sur l'étude par BASF des effets de nanomatériaux sur la santé
ALLEMAGNE : Controverse sur l'étude par BASF des effets de nanomatériaux sur la santé
par MD, DL et l'équipe Avicenn - 29 mai 2012 màj 04/08/2014
L'annonce récente d'un partenariat entre le gouvernement allemand et BASF pour une étude des effets de nanoparticules sur les poumons a suscité une polémique sur l'objectivité des futurs résultats. L'Avicenn a voulu en savoir plus...
Point de départ de la controverse : l'annonce d'un partenariat entre le gouvernement allemand et BASF pour une étude des effets de nanoparticules sur les poumons
Le ministère de l'environnement allemand a récemment annoncé1 le lancement dune étude sur les effets des nanoparticules sur la santé en partenariat avec lInstitut fédéral pour la sécurité et la santé au travail (BAuA) et BASF, l'un des leaders mondiaux de l'industrie chimique.
Un projet d'envergure, par sa durée - les études s'étaleront sur quatre ans - et son objet : les effets possibles à long terme sur les poumons d'une exposition à de faibles doses de nanoparticules. En fonction des résultats, des seuils maximaux d'exposition pourraient être définis afin de protéger les travailleurs.
Polémique sur l'objectivité des futurs résultats
Alors que le Ministre fédéral de lenvironnement, Norbert Röttgen, se félicite de ce partenariat public-privé, soutenant que cette coopération entre organismes publics et industriel est inédite et exemplaire, d'autres remettent en cause, à l'avance, limpartialité et l'objectivité des résultats. En cause : le fait d'avoir confié à BASF, à la fois juge et partie, la mise en oeuvre de cette étude. Car l'entreprise allemande est en effet l'un des principaux producteurs de nanomatériaux.
Certains voient en effet dans ce partenariat une source potentielle de conflit d'intérêt : "Comme si on avait demandé à Philip Morris d'évaluer la toxicité de ses cigarettes..." commentait ainsi le 16 mai "Napakatbra" sur le site Les mots ont un sens. Et Agnès Rousseaux de Bastamag de renchérir le 21 mai : "Pourrait-on confier une étude sur les méfaits du Mediator aux laboratoires Servier ? Ou une étude sur le risque nucléaire à Areva, ou sur les cancers de lamiante au secteur du BTP ?"2.
L'Avicenn a voulu en savoir plus
En 2010, Novethic avait souligné le rôle pionnier joué par BASF en matière de recherche, prévention et communication sur les risques associés aux nanotechnologies3. Aussi avons-nous souhaité en savoir plus.
L'examen du site internet de l'entreprise confirme l'implication précoce et active de BASF dans le domaine de la recherche en toxicité sur les nanotechnologies ; l'entreprise y met d'ailleurs en avant le fait qu'elle est l'une des rares à réaliser elle-même des recherches sur les risques des nanomatériaux dans son propre service de toxicologie et écologie4, dont elle publie effectivement les résultats sur son site internet5. Parmi ces études, certaines établissent la toxicité de certains nanomatériaux6 ; l'entreprise n'a donc pas caché des résultats confirmant les craintes relatives aux risques associés aux nanomatériaux. Pour autant, comment s'assurer que les quelques études en question ne sont pas l'arbre qui cache la forêt, autrement dit une façon pour l'entreprise de montrer patte blanche : "voyez, nous sommes honnêtes, vous pouvez nous faire confiance"... Novethic considérait en 2010 que les entreprises leaders dans le domaine de la chimie "ont une communication transparente parce quelles sadressent à leurs clients potentiels et quelles souhaitent les convaincre. Elles sont, de plus, surveillées de près par les agences de sécurité sanitaire et environnementale et les ONG environnementales".
Nous avons sollicité les Amis de la Terre Allemagne qui ont pu dialoguer directement avec BASF et nous transmettre des renseignements permettant d'éclairer la controverse.
Un encadrement strict du projet ?
BASF met en avant l'encadrement strict prévu pour le projet : selon l'entreprise, il a été conçu de façon à assurer une indépendance et une crédibilité maximales. Sa direction et sa coordination seront assurées par le ministère, l'évaluation des résultats par le BAuA, lAgence fédérale de lenvironnement et lInstitut fédéral pour lévaluation des risques ; et un groupe consultatif externe de scientifiques internationaux accompagnera les recherches scientifiques (il sera composé de scientifiques de l'université de Rochester, de l'université de Duisburg-Essen, de l'Institut Fraunhofer pour la toxicologie et la médecine expérimentale, et de l'Institut néerlandais de santé et d'hygiène).
Pour autant, l'histoire et l'actualité témoignent malheureusement de ce que le nombre et le prestige des experts impliqués ne sont pas des remparts infranchissables contre les conflits d'intérêt.
Pas d'intérêt commercial en jeu ?
Qu'à cela ne tienne. BASF a un autre argument de taille : le choix s'est porté sur des nanoparticules fréquemment utilisées à l'échelle industrielle mais ne faisant pas partie des nanomatériaux fabriqués par BASF, qui revendique donc le fait de ne pas avoir d'intérêt commercial en jeu : des nanoparticules de sulfate de baryum (qui servent notamment à la stabilisation des matières plastiques) et des nanoparticules d'oxyde de cérium (utilisées comme catalyseur de carburant ou dans la dépollution des moteurs diesel).
Ceci dit, un additif à base de nano-oxydes de cérium serait commercialisé par la firme Rhodia sous le nom de Cérine Eolys®7. Les esprits méfiants auront tôt fait de dénoncer l'existence d'un trust - "pourquoi pas une entente officieuse entre géants de la chimie pour minimiser les effets toxiques des nanos ?" - ou à l'inverse, de soupçonner le géant allemand de vouloir torpiller les activités de son concurrent français ?
Qui paie le bal mène la danse ?
Enfin, le communiqué de presse conjoint à BASF et au gouvernement allemand fait état d'un budget global de cinq millions deuros, sans que soit précisée la répartition entre financements publics et financements privés.
Selon l'entreprise BASF, cette dernière apporterait 3,5 millions d'euros et l'Institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail (BAuA) 1 million. Ce que l'entreprise considère comme un gage de sa volonté de participer à l'effort national de recherche sur les risques des nanomatériaux peut ici être retourné contre elle : selon l'adage "qui paie le bal mène la danse", il pourrait lui être reproché de vouloir ainsi influencer les résultats. Ce à quoi BASF rétorque qu'il lui est quasi impossible d'échapper à ce procès d'intention ; l'entreprise se retrouverait face au "dilemme" suivant :
si elle ne faisait pas de recherche sur les risques, il lui serait alors reproché d'agir de manière irresponsable, l'Etat devrait alors prendre en charge cette recherche et le contribuable serait en droit de contester le financement sur fonds publics de recherches sur la toxicité de produits commercialisés et permettant à des entreprises privés d'engranger des bénéfices8 ;
a contrario, si elle paye des chercheurs "indépendants" pour faire de la recherche sur les risques à sa place, l'indépendance de ces chercheurs est mise en cause.
C'est ainsi que BASF justifie le montage de ce partenariat pensé selon elle pour sortir de cette impasse. Elle déplore les soupçons qui pèsent sur l'honnêteté de sa démarche et souhaiterait que l'on croie en sa bonne foi : "il n'est pas dans lintérêt de BASF d'investir de façon aussi massive dans la recherche sur les risques, si les différents participants remettent en question la fiabilité des résultats".
Et en France ?
En France, des partenariats public / privé existent également. Citons notamment le laboratoire NAUTILE (NAnotUbes et écoToxIcoLogiE), premier laboratoire de recherche pour létude de lécotoxicité des nanotubes de carbone en milieu aquatique. Créé en 2010, il relève du programme Genesis soutenu par l'OSEO de 2008 à 2013 ; l'ANSES a en charge le suivi des données fournies par Arkema concernant la toxicologie, la métrologie et le cycle de vie des produits.
A la date de publication de cet article, l'avancée et l'appréciation de l'indépendance des expertises réalisées dans le cadre de ces partenariats public / privé restent à éclairer. Mais un certain nombre d'interrogations, réactions et suggestions plus générales nous parviennent via notre réseau de veilleurs français.
En France, l'ANSES produit des expertises dont l'indépendance est garantie notamment par les déclarations d'intérêt des chercheurs et un financement exclusivement public. L'INRS est lui financé par le FNPAT (Fonds National de Prévention des Accidents du Travail et des Maladies Professionnelles, alimenté par une taxe sur les entreprises) avec une gestion paritaire contrôlée par l'assurance maladie et le ministère du travail, donc, a priori aussi indépendante que possible des lobbies industriels. Ces deux organismes réalisent en effet des travaux relatifs aux nanos que nous relayons régulièrement sur notre site Wikinanos.fr.
Mais dans un cas comme dans l'autre, la responsabilisation des entreprises commercialisant des produits contenant des nanomatériaux n'est pas assurée, puisque la taxe qui alimente le FNAPT est payée par l'ensemble des entreprises - qu'elles aient ou non une activité touchant aux nanomatériaux.
Pour un certain nombre d'acteurs, une taxe payée spécifiquement par les entreprises commercialisant des produits contenant des nanomatériaux et finançant notamment la réalisation d'études de risques par des chercheurs indépendants serait une solution plus propice à répondre aux besoins de vigilance, de transparence, de confiance et d'indépendance de l'expertise. En avril 2012, douze ONG européennes - dont le Réseau Environnement Santé pour la France - ont demandé la mise en place d'un mécanisme dauto-financement de la gestion des nanomatériaux, conforme au principe pollueur-payeur, pour soulager les contribuables et inciter les industriels à concevoir et adopter des solutions de substitution"9.
Bien que contraire à la règle de la non affectation voulue par notre principe d'universalité budgétaire, un tel mécanisme a été mis en place pour les produits phytosanitaires à travers la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait déclaré que "lalerte citoyenne (associations, ONG ) doit déclencher des études approfondies opérées par des expertises contradictoires et non suspectes dinstrumentalisation par des groupes de pression"10. La piste d'une TGA-nano (taxe générale sur les activités nano) sera-t-elle examinée par le gouvernement du nouveau président ?
Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux ?
Comment financer les études de risques associés aux nanomatériaux ?
Par MD et DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification juillet 2018
Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Une faible proportion des budgets de recherche nano porte sur les risques
De l'aveu même de scientifiques impliqués dans les études de toxicologie et écotoxicologie, évaluer correctement les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux a un coût prohibitif. En janvier 2012, Mark Wiesner, directeur du CEINT (USA) qui étudie les effets des nanomatériaux sur l'environnement, a ainsi résumé la situation : "le nombre et la variété des nanomatériaux est sidérant, il n'y a pas assez d'éprouvettes dans le monde pour procéder à toutes les expériences nécessaires"1. En 2009, des chercheurs ont estimé le coût des études de toxicité à réaliser pour les nanomatériaux déjà existants à 250 millions de dollars au minimum, voire 1,18 milliards de dollars en fonction du degré de précaution adopté, nécessitant entre 34 et 53 ans d'études2.
Quelle est la part des financements à destination des études sur les risques sanitaires et environnementaux des nanotechnologies dans les budgets publics consacrés aux recherches en nanosciences et nanotechnologies ? 5% en 2010 aux Etats-Unis, pas même 3% en Europe entre 2007 et 20133.
Roger Lenglet, dans son enquête "Nanotoxiques" publiée en mars 2014 chez Actes Sud, explique ces faibles pourcentages par "la manière dont les industriels présentent leurs besoins aux conseillers politiques et font valoir les enjeux de leur compétitivité" : le journaliste d'investigation a ainsi recueilli les propos d'un lobbysite "qui arpente les couloirs de Bruxelles pour une firme française" et qui résume ainsi leur argumentation : "Tout ce que vous nous enlèverez pour le donner à la prévention retardera l'Europe par rapport aux concurrents internationaux".
Et en France ? Dans le cadre du plan de relance, 10% des 80 millions d'euros alloués aux projets en nanotechnologies auraient été consacrés à l'étude des dimensions sociales et sanitaires des nanotechnologies4. Restent à préciser les projets concernés, les études menées et les résultats obtenus.
En février 2012, le gouvernement Fillon s'était engagé à développer la recherche publique dans les domaines de la toxicologie, l'écotoxicologie et la métrologie et amplifier la recherche sur les bénéfices-risques, en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie et en réduisant les incertitudes... sans préciser toutefois les moyens financiers qui y seront consacrés5.
En avril 2012, l'Académie des Technologies a recommandé que 5 à 10% des budgets de tous les projets de recherche sur les nanoparticules financés par les pouvoirs publics et les collectivités territoriales soient consacrés à l'étude des risques et aux moyens de les prévenir6.
Les pourcentages cités plus haut sont souvent critiqués pour leur faiblesse : 3 ou 5% c'est peu en proportion7. Mais en valeur absolue, le chiffre de 3% représentait tout de même la modique somme de 90 millions de dollars aux Etats-Unis rien que pour l'année 2010 et 102 millions d'euros publics en Europe entre 2007 et 20133. Entre 2015 et 2020, la somme envisagée par l'Europe avoisine les 200 millions d'euros8.
Fixer des pourcentages par rapport au soutien public à la recherche et développement des nanotechnologies n'est pas nécessairement la façon la plus pertinente de procéder - et ce, d'autant moins que ce soutien est sujet à caution.
Une piste à explorer : consacrer une partie du crédit impôt recherche aux études de risques ? Rien que pour la France, son montant avoisinne les 5 milliards d'euros par an pour une efficacité contestée9. Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose même que "l'argent du Crédit Impôt Recherche, qui est l'argent de l'État, soit utilisé dans sa totalité par les entreprises pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Est-ce aux contribuables de payer ?
Un certain nombre d'acteurs considèrent que le financement des recherches sur les risques liés aux nanomatériaux manufacturés ne doit pas se faire principalement sur fonds publics puisque les nanoproduits commercialisés permettent déjà à des entreprises privées d'engranger des bénéfices. Il y a donc "privatisation des bénéfices" et "socialisation des coûts" comme l'a résumé, en termes économiques, Christian Gollier, Président de la Toulouse School of Economics lors du Colloque "Comment débattre des nouvelles technologies ?" organisé le 8 novembre 2011 par le Centre d'Analyse Stratégique10.
Controverses sur la participation financière des entreprises privées
Les co-financements entre organismes publics et industriels seraient-elles la solution ? Pas de l'avis de tous, comme en témoigne la récente controverse autour de l'annonce en mai 2012 du partenariat entre le Ministère de l'environnement allemand, l'Institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail (BAuA) et le géant de l'industrie chimique BASF autour d'une étude sur les effets des nanoparticules sur la santé. BASF, qui contribuerait à hauteur de 3,5 millions d'euros au financement de l'étude, est aussi l'un des principaux producteurs de nanomatériaux ; des doutes planent donc sur l'impartialité et l'objectivité des futurs résultats11.
En Europe, nombre de projets de recherche sur les risques nano bénéficiant d'euros publics dans le cadre des programme-cadres européens depuis plusieurs années reçoivent également des financements des partenaires privés sans que la question des conflits d'intérêt ait été soulevée à leur endroit. A l'exception notable de la récente polémique entourant l'étude de chercheurs britanniques qui ont prétendu avoir montré que les nanoparticules ne traversent pas la barrière cutanée. Financés dans le cadre du projet européen NAPOLEON, aujourd'hui achevé, mais qui comptait parmi ses membres L'Oréal et BASF... utilisateurs ou fabricants de nanomatériaux, ils ont été critiqués tant sur leur protocole que sur l'objectivité de leur étude12.
En France, des entreprises privées contribuent également au financement de projets impliquant des recherches publiques sur les risques associés aux nanotechnologies, notamment :
le laboratoire NAUTILE (NAnotUbes et écoToxIcoLogiE) étudie la l'écotoxicité des nanotubes de carbone en milieu aquatique. Créé en 2010, il relève du programme Genesis qui porte sur la recherche et le développement de nanomatériaux intégrant des nanotubes de carbone et des copolymères à architecture contrôlée ; l'ANSES (dont l'indépendance est garantie notamment par les déclarations d'intérêt des chercheurs et un financement exclusivement public) a en charge le suivi des données fournies par Arkema, le partenaire privé chef de file du programme, concernant la toxicologie, la métrologie et le cycle de vie des produits ; les partenaires privés participent au financement du programme, qui a reçu également une aide publique de 45,7 millions d'euros d'OSEO pour la période 2008-2013 ; il est prévu un retour d'argent privé au donateur public, avec, "en cas de succès commercial raisonnable", un remboursement par Arkema d'une somme supérieure à la totalité de l'aide reçue (tant sous forme de subvention que d'avance remboursable)13".
Selon des chercheurs français impliqués dans cette démarche, "une structuration de la recherche nécessitant un réseau étroit entre le monde académique et le monde industriel" est nécessaire et "la participation des industriels est essentielle pour développer plus vite des recherches facilitant la fabrication de nano-produits prenant en compte les risques"14.
Il est vrai que les études sur la toxicité des nanomatériaux manufacturés menées jusqu'à présent sont critiquées pour ne porter que sur des nanomatériaux synthétisés en laboratoire et donc différents de ceux qui sont réellement incorporés dans les produits actuellement sur le marché et des résidus nanométriques effectivement relargués dans l'environnement.
Reste à s'assurer que l'implication des industriels ne conduise pas à une orientation par trop marquée des projets et de leurs résultats15. On peut s'interroger par exemple sur le financement sur fonds publics du volet "Economic and Workforce Development" du Labex Serenade mentionné plus haut, visant notamment à promouvoir une formation pour le marketing des nano-produits.
Plus généralement, les attentes des industriels en contrepartie de leur investissement dans la recherche sur la sécurité sanitaire et environnementale des nanos ont été publiquement résumées par deux chercheurs américains en nanomédecine auditionnés par la National science foundation (NSF) américaine : outre des matériaux plus sûrs et de nouvelles applications, figurent parmi les contreparties attendues un accès facilité au marché et de nouveaux droits de propriétés intellectuelles16. Avec quelle redistribution des revenus économiques entre les partenaires privés et publics ? Et quel partage du savoir ?17
Vers un auto-financement par les entreprises ? Avec quels garde-fous ?
Une solution issue de la société civile consisterait à établir une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants.
C'est une idée proposée dès octobre 2009 par l'association Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV) : "la mise en place d'un fond abondé par les industriels du secteur, sans que ceux-ci ne puissent intervenir dans le choix, la conception et le déroulement des études ainsi financées"18.
En avril 2012, douze ONG européennes - dont le Réseau Environnement Santé pour la France - ont demandé la mise en place d'un tel mécanisme d'auto-financement de la gestion des risques associés aux nanomatériaux manufacturés, conforme au principe pollueur-payeur, pour soulager les contribuables et responsabiliser les industriels19.
Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait déclaré que "l'alerte citoyenne (associations, ONG, ...) doit déclencher des études approfondies opérées par des expertises contradictoires et non suspectes d'instrumentalisation par des groupes de pression"20.
En octobre 2012, Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire et membre du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) a défendu cette idée à l'Assemblée nationale : il a plaidé en faveur de la mise en place d'études longues, menées par des chercheurs de façon transparente et publique, indépendante des compagnies... ce qui ne veut pas dire, comme on peut l'entendre souvent, exclusivement sur financements publics. En effet il est "difficile pour l'Etat de financer des études sur tous les produits commerciaux qui sont mis sur le marché"21.
En septembre 2013, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis des préconisations concernant le traitement des nanoparticules par le PNSE322 :
intégrer l'évaluation de leur potentiel dangereux dans le dispositif REACh sous une forme adaptée
envisager un mécanisme stable de longue durée (une taxe parafiscale par exemple sur les volumes de production et d'importation des nanoparticules, y compris dans les nanoproduits - ou une autre modalité de financement dédié) pour financer la recherche et le développement méthodologique sur les expositions et l'identification de leur potentiel dangereux à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences
Dans son rapport d'avril 2014, l'ANSES préconise "la mise en place de mécanismes d'incitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour d'autres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)" : depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par l'intermédiaire d'une taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes23.
Comme l'a souligné la Cour des comptes en septembre 201624, "le « verdissement » de la fiscalité passe par l'internalisation des coûts externes liés aux atteintes portées à l'environnement »". Le souci de ne pas alourdir le poids des prélèvements obligatoires doit être mis en balance avec les coûts indirects qui seront entraînés par les problèmes sanitaires et environnementaux à venir causés par la dissémination à grande échelle des nanomatériaux et de leurs résidus dans l'environnement.
Un mécanisme stable de longue durée (un compte-épargne « nano-safety » proportionnel aux volumes de production et d'importation des nanoparticules des entreprises), à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences ou les produits phytosanitaires sera-t-il examiné par le gouvernement actuel ?
En mars 2017, lors d'un comité de dialogue nano et santé, l'ANSES a également fait référence au Programme national de toxicologie (NTP) américain soutenu par plusieurs agences fédérales américaines, visant à mobiliser des financements publics pour des études sanitaires d'envergure et d'intérêt public sur des sujets marqués par un manque de connaissances scientifiques. Il a notamment pour mission d'évaluer les agents (chimiques, biologiques, physiques) d'importance en santé publique, par le développement et la mise en oeuvre d'outils innovants en toxicologie et en biologie moléculaire.
Quels financements pour la recherche en nanotechnologies ?
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FRANCE : L'idée de faire financer les évaluations des risques des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent entre à l'Assemblée nationale
FRANCE : L'idée de faire financer les évaluations des risques des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent entre à l'Assemblée nationale
Par MD - 11 octobre 2012
Face aux députés, Gilles-Eric Séralini a défendu avant-hier l'idée de faire financer les évaluations des risques des OGM et des nanoparticules par les entreprises qui les commercialisent.
Mardi 9 octobre, Gilles-Eric Séralini, l'auteur de l'étude de toxicologie sur un maïs génétiquement modifié qui a déclenché une vive polémique fin septembre1 a été auditionné par la Commission du développement durable et la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale2.
Lors de son intervention, le professeur de biologie moléculaire et membre du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) a dépassé le cadre strict des biotechnologies et élargi son propos à l'ensemble des nouvelles technologies, dont les nanotechnologies.
Concernant l'évaluation des risques associés à ces nouvelles technologies, le professeur considère que nous sommes au "Moyen-Age de la science" : "Comment pouvons-nous penser aujourd'hui que tous ces produits qui ne sont pas testés à long terme, comme les nanoparticules et en son temps l'amiante, n'incluent aucun risque ? (...) L'externalisation des risques à long terme des nouvelles technologies est un phénomène commun de notre société. (...) On s'interdit de demander ou de commanditer à nos agences sanitaires des tests à long terme pour des raisons économiques, et même la recherche publique n'a pas de financement pour cela. (...) En tant que scientifique, je ne comprends pas l'argument qui dit qu'on va retarder l'industrie. Je pense qu'au contraire, en triant bien, on aura les bons produits en faveur de la santé et de l'environnement et que l'Etat fera des économies".
Gilles-Eric Séralini a plaidé en faveur de la mise en place d'études longues, menées par des chercheurs de façon transparente, publique et indépendante des compagnies... ce qui ne veut pas dire, comme on peut l'entendre souvent, exclusivement sur financements publics. Comme il est "difficile pour l'Etat de financer des études sur tous les produits commerciaux qui sont mis sur le marché", a souligné le chercheur, c'est à l'industrie de prendre en charge le financement de ces études. Pierre-Henri Gouyon, professeur au Museum national d'histoire naturelle, à l'AgroParisTech et à Sciences Po et également membre du CRIIGEN, était également intervenu dans ce sens la semaine dernière sur France Inter3, en insistant sur le fait que ce sont aux entreprises - et non aux contribuables - de payer, pour des études menées quant à elles dans un cadre public et transparent.
Cette proposition rejoint celles formulées ces derniers mois par différents chercheurs et groupements d'ONG en faveur d'un mécanisme dauto-financement de la gestion des risques associés aux nanomatériaux manufacturés, conforme au principe pollueur-payeur, pour soulager les contribuables et responsabiliser les industriels. L'Avicenn a mis en ligne une fiche sur cette question en septembre dernier4. LIRE AUSSI sur notre site :
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