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Dossier : Nanomatériaux et Environnement
Nano et environnement
Dossier : Nanomatériaux et Environnement
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2021
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Les "promesses" des nanos en matière d'environnement
Les nanotechnologies sont souvent présentées comme une solution miracle à de nombreux problèmes d'environnement. En 2009, l'Union des Industries Chimiques (UIC) affirmait ainsi que "les nanomatériaux contribuent à réduire l'empreinte environnementale des activités : pneus à basse consommation, véhicules moins gourmands en énergie, habitations mieux isolées, téléphones cellulaires et ordinateurs plus autonomes et moins énergivores. (...) Les nanotechnologies interviennent de plus en plus dans la dépollution des sols et des eaux, le stockage du CO2 ou encore la production et le stockage d'énergies renouvelables. Au niveau industriel, elles permettent de fabriquer des produits manufacturés en consommant moins d'énergie et de matières premières"1.
Ainsi que le rapportait le Président de la Commission nationale du débat public en avril 2010 à l'issue du débat, ce discours est entretenu par des institutions de recherche française : "Qu'attend-on de positif des nanotechnologies ? Selon le CNRS et le CEA, un des objectifs est de contribuer au développement d'une société économe en ressources naturelles et en énergie, porteuse d'une forte exigence de préservation de la santé et de l'environnement"2.
Dépollution et remédiation des sols et des eaux par les nanos
Selon une étude réalisée pour l’Ademe en 2010, le marché de la dépollution était de 470 millions d’euros. Une piste de solution serait d'utiliser des nanoparticules de fer pour dépolluer les sols.
Des chercheurs du Gisfi (Groupement d’intérêt scientifique sur les friches industrielles) ont réitéré en mars 2019 l'intérêt de la nanoremédiation. Les nanoparticules de fer sont les plus utilisées. Elles permettent de décontaminer des eaux et des sols chargés en composés chlorés, qui figurent parmi les polluants les plus répandus. Elles sont aussi efficaces pour le chrome, en réduisant l’une de ses formes particulièrement toxiques. Elles peuvent être injectées dans les nappes et mélangées à des sols, jusqu’à des profondeurs d’une douzaine de mètres, permettant dans certains cas de venir à bout de la quasi-totalité de la pollution.
Les auteurs soulignent cependant les incertitudes sur les risques, "les barrières à franchir d’ordre réglementaire et concernant l’acceptabilité de ces techniques par les entreprises, les clients, les élus et le public".
Les études continuent avec le Gisfi, la région Grand Est et quatre partenaires européens (Finlande, Grèce, Hongrie et Italie) dans un nouveau programme TANIA TreAting contamination through NanoremedIAtion (1 285 735 € pour des travaux de janvier 2017 à décembre 2021).
Autres "promesses" des nanomatériaux et/ou nanotechnologies en matière d'environnement
A travers notre veille sur le web, nous repérerons également de nombreuses annonces de développement d'applications nanos prétendument "vertes"3.
La vigilance est néanmoins de mise : outre qu'il existe beaucoup d'incertitudes sur les risques associés à ces développements (voir plus bas), certains s'interrogent sur la réalité et l'empreinte environnementale de ces promesses.
Quelle réalité ?
De nombreuses associations environnementales, parmi lesquelles les ONG réunies au sein du Bureau européen de l'environnement (BEE) et du Réseau international pour l'élimination des Polluants organiques persistants (IPEN), considèrent que les bénéfices affichés sont souvent exagérés, non testés et, dans un grand nombre de cas, à des années de pouvoir être concrétisés4.
Quel bilan écologique ?
Les nanotechnologies permettent d'obtenir une meilleure efficacité avec moins de quantités de produits ? C'est oublier la hausse de la démographie et des volumes de consommation... et l'association Les Amis de la Terre International redoute même que les nanotechnologies ne fassent en fait qu'accentuer la consommation et les coûts de l'énergie5.
Avec le BEE et l'IPEN4, ils soulignent également que les promesses environnementales associées aux nanos ne concernent souvent que l'utilisation ou l'exploitation des produits auxquels elles sont associées et ignorent l'empreinte environnementale des autres étapes du cycle de vie des produits - élaboration, fabrication, utilisation, recyclage ou élimination - lors desquelles l'environnement peut être déterioré.
Par exemple les recherches, l'extraction des matières premières, la fabrication et le traitement en fin de vie de certains nanomatériaux requièrent des installations et équipements plus sophistiqués que les procédés classiques, et également plus d'énergie, plus d'adjuvants (notamment d'eau) et parfois plus de solvants néfastes pour l'environnement6.
Les rejets de gaz à effet de serre générés par la production de certains nanomatériaux, le nanoargent notamment, peuvent être également plus importants7, or ils sont en cause dans le réchauffement climatique et l'épuisement de la couche d'ozone.
En outre, même pendant la seule phase de leur utilisation, certains produits présentent un faible rendement de production, à cause d'un coût énergétique élevé pour une durée de vie limitée (particulièrement tous les gadgets électroniques, smartphones en première ligne, utilisant micro et nano-électronique qui ne dépassent guère quelques années).
La production high-tech de nanomatériaux à base de carbone, tels que les fullerènes, nanotubes de carbone et nanofibres de carbone, est aujourd'hui extrêmement énergivore ; les gains d'énergie potentiellement liés à certaines de leurs utilisations - notamment, pour les véhicules, les économies de carburant liées au gain de poids qu'ils permettent d'obtenir - sont loin de compenser les coûts énergétiques liés à leur production. L'impact du cycle de vie des nanofibres de carbone pourrait être cent fois supérieur à celui des matériaux auxquels on les substitue (aluminium, acier ou polypropylène) dans l'aéronautique ou l'automobile par exemple8.
La facture énergétique dépend évidemment des quantités de nanomatériaux produites : lorsque de très petites quantités sont utilisées, par exemple dans le cas des nanotubes de carbone pour produire des films plastiques spéciaux, il peut y avoir un gain d'énergie9. Mais l'autre question qui émerge alors concerne les risques que peuvent poser ces nanotubes pour l'environnement. Ce qui nous amène à la question suivante...
Des risques pour l'environnement de plus en plus documentés mais encore insuffisamment cernés
Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés par exemple11 :
- sur des micro-organismes : effets sur la croissance et la viabilité de protozoaires et autres micro-organismes,
- sur des végétaux : diminution de la viabilité cellulaire ou de la quantité de chlorophylle de végétaux, impact (parfois positif, parfois négatif) sur la germination des graines et la croissance racinaire
- sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre
- sur des organismes terrestres : réduction de la mobilité voire mort de drosophiles, diminution du taux de reproduction de vers de terre.
Plus récemment, des chercheurs ont mis en évidence un lien entre l'incinération de thermoplastiques contenant des nanotubes de carbone et l'augmentation des émissions et de la toxicité des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)12.
La dissémination des nanoparticules manufacturées de dioxyde de titane peut être source de toxicité pour les environnements terrestres et aquatiques14.
Les nanoparticules contenues dans les crèmes solaires sont relarguées dans les eaux de baignade (de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane par jour sur une plage espagnole), et aboutir à une augmentation de la concentration en peroxyde d'hydrogène, une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins15, ce qui peut donc avoir des conséquences sur toute la chaîne alimentaire !
En 2020, des travaux menés par des chercheurs français et espagnols ont montré que des nanoparticules d'oxyde de zinc sont absorbées par les roseaux, avec différents effets toxiques à la clé (réduction de leurs croissance, teneur en chlorophylle, efficacité photosynthétique et transpiration)16.
Mais ces données sont encore très parcellaires ; malgré le développement des recherches à ce sujet18, les incertitudes relatives aux risques posés par les nanomatériaux pour l'environnement sont nombreuses.
Les conditions d'expérimentation sont souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité
De fait, la plupart des études menées jusqu'à présent ont été réalisées dans des conditions souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité : leurs résultats sont donc peu généralisables et à considérer avec prudence.
Les nanomatériaux considérés sont en effet souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux et résidus de dégradation des nanomatériaux auxquels sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines. Pour l'heure, les scientifiques ont en effet une connaissance très limitée des types de nanomatériaux qui sont incorporés dans les produits actuellement sur le marché, et a fortiori des résidus de dégradation des nanomatériaux relargués dans l'environnement tout au long du "cycle de vie" de ces produits ; ils ignorent également beaucoup de choses sur la mobilité et les transformations subies par ces derniers dans l'environnement : là encore de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, comme le degré d'acidité ou de salinité19 de l'eau par exemple.
Les concentrations de nanomatériaux testés sont en outre plus importantes que celles estimées dans l'environnement (à cause des limites des appareils de détection et de mesure utilisés en laboratoire). Toutefois on ne peut écarter l'hypothèse que les effets constatés (ou d'autres) sur les écosystèmes pourraient également intervenir à des concentrations plus faibles ; on vient en outre d'avoir la preuve scientifique que certains nanomatériaux (de silice notamment) sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses20. En outre ces fortes concentrations permettent de simuler des situations de contamination aiguë et ponctuelle (par exemple un déversement accidentel sur un site de production, ou encore en cours de transport).
La situation s'améliore cependant (au niveau méthodologique s'entend), avec de nouvelles méthodes d'analyses pour étudier les effets de nanoparticules sur les écosystèmes21 - par exemple en utilisant des "mésocosmes" : d'énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquels est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau.
Les effets néfastes du nanoargent sur des plantes et micro-organismes mentionnés plus haut ont également été observés dans des conditions expérimentales "réalistes"13.
L'évaluation des risques se heurte à la complexité due à la multitude de paramètres à prendre en compte
Le problème rencontré par les scientifiques pour évaluer les effets des nanomatériaux sur l'environnement vient notamment du grand nombre de paramètres à prendre en compte et des multiples combinaisons dues aux variations de beaucoup d'entre eux :
- d'une part la toxicité et l'écotoxicité des nanoparticules varient selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, structure, état de charge, degré d'agglomération, composition, solubilité, etc.) qui varient elles-mêmes selon les conditions dans lesquelles les nanoparticules sont synthétisées, stockées, éventuellement enrobées, intégrées dans un produit puis relarguées dans l'environnement.
- d'autre part, il faut également prendre en compte ce avec quoi les nanomatériaux considérés - ou leurs résidus - vont entrer en contact : êtres vivants végétaux, animaux, micro-organismes, et autres substances chimiques.
Toute évaluation des risques associés aux nanomatériaux est donc très complexe. Pour autant des pistes d'amélioration sont proposées par la communauté scientifique22.
Les incertitudes donnent lieu à des divergences d'interprétation
Ces incertitudes et difficultés expliquent que les résultats soient peu généralisables et à considérer avec prudence.
Quand certains minimisent les risques en arguant du fait que les expériences ont été réalisées sur la base d'un "scénario du pire" (pour "worst case scenario" en anglais, impliquant par exemple des nanoparticules utilisées sous forme dispersée et à doses très fortes), d'autres soulignent a contrario que les conclusions amènent à tirer la sonnette d'alarme.
Les nanomatériaux peuvent accroître la dissémination d'autres polluants
On sait déjà que les nanomatériaux ou leurs résidus peuvent traverser la paroi des cellules des plantes et y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie"), on redoute qu'ils favorisent le transport de polluants (métaux lourds ou pesticides par exemple)23.
Des risques accrus par les interactions des nanomatériaux entre eux ou avec d'autres polluants
Comment ne pas craindre également un "effet cocktail" avec certaines molécules ? Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, ne pourraient-ils pas devenir (encore) plus dangereux ?24
Quelles conséquences de la dissémination des nanomatériaux bactéricides ?
Utilisé dans de nombreux produits de consommation pour ses propriétés antibactériennes, le nanoargent nuit à certaines bactéries jouant aujourd'hui un rôle essentiel dans les stations d'épuration : les conséquences sont encore mal évaluées, mais les inquiétudes grandissent sur les problèmes qui pourraient se poser à moyen terme pour garantir la qualité des eaux25.
Pire, les nanomatériaux utilisés pour dépolluer les sols ou les eaux26 pourraient entraîner eux-mêmes des pollutions importantes des écosystèmes au point que de nombreux acteurs insistent sur la nécessité d'interdire l'utilisation de nanoparticules pour dépolluer des sols ou de l'eau jusqu'à ce que des recherches démontrent que les bénéfices sont supérieurs aux risques27.
Les nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent laissent le champ libre à des différences d'appréciation des risques par les scientifiques voire de vraies controverses. Outre les problèmes qu'il pourrait poser dans les stations d'épuration, le nanoargent par exemple est pointé du doigt par certains experts qui le soupçonnent d'accroître le risque d'émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques, ce que d'autres contestent28...
Comment appliquer le principe de précaution ?
Devant le peu de certitudes et de garanties sur l'innocuité des nanomatériaux pour l'environnement, s'impose le principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2005 : "Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".
Comment l'appliquer au cas des nanomatériaux pour lesquels demeurent de nombreux "verrous scientifiques" qui empêchent à ce jour une connaissance précise des risques encourus ?
Voici quelques-unes des pistes de solutions - parfois complémentaires, parfois exclusives les unes des autres - proposées par différents acteurs lors du débat public national de 2009-2010 et depuis :
Mener des études supplémentaires ? Lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
De nombreux acteurs ont appelé à la réalisation d'études supplémentaires afin de combler les incertitudes restantes sur les risques / la sécurisation des nanomatériaux. Pour autant, est-ce réalisable dans des délais raisonnables sachant que de nouveaux nanomatériaux toujours plus complexes sont produits et commercialisés chaque jour ? Se pose en outre la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
Limiter la commercialisation / les utilisations des nanomatériaux ?
Afin de prévenir les effets indésirés des nanomatériaux, certains acteurs ont demandé la mise en place de moratoires (avec des périmètres plus ou moins larges). Se basant sur les nombreux précédents qui témoignent des difficultés à intervenir "après-coup" (plomb, mercure, amiante, DDT, PCB, etc.), ils considèrent qu'une fois que de grandes quantités de nanomatériaux seront relarguées dans l'environnement et mélangées aux quelques centaines de milliers de substances chimiques de synthèse qui y sont déjà présentes, il sera sans doute trop tard pour agir.
Des chercheurs ont estimé qu'entre 63 et 91% des quelques 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont fini dans des décharges, le reste étant relargué dans les sols (8 à 28%), l'eau (de 0,4 à 7%), ou l'atmosphère (0,1-1,5 %)29.
Certains demandent de rendre obligatoires les évaluations avant la commercialisation de nanomatériaux, et d'interdire ces derniers lorsque les résultats de ces évaluations suggèrent qu'ils pourraient être nocifs pour l'environnement. On retombe alors sur les questions mentionnées plus haut concernant la fiabilité, le calendrier et le financement de ces études.
Développer l'éco-conception des nanomatériaux ?
Des scientifiques aident à la mise en place d'une éco-conception des nanomatériaux : le but est de minimiser la toxicité et l'exposition aux différentes étapes du cycle de vie des nanomatériaux en contrôlant les méthodes de synthèse, de stockage et/ou d'intégration des nanomatériaux dans les produits finaux. Le défi peut-il être relevé - tant techniquement que financièrement ? A quelle échéance les projets en cours de déploiement porteront-ils leurs fruits ? Et avec quelle possibilité de contrôle quant à la réelle innocuité des nanomatériaux développés ? Avec quelle portée et quelles limites ? Cet aspect est développé dans notre fiche sur l'approche nano "safe by design".
Contrôler les sources industrielles d'émissions de nanomatériaux ?
Géolocaliser les relargages de nanomatériaux afin de cibler les zones les plus à risques
Il est également urgent d'enregistrer les flux de produits contenant des nanomatériaux, de cartographier les lieux de distribution et de potentiel relargage puis de procéder à des observations ciblées de longue durée et sur le terrain, par exemple par bassins versants avec la participation de gestionnaires de l'eau. Une telle démarche pourrait permettre de corréler les volumes de nanomatériaux relargués aux éventuels problèmes qui pourraient être observés à court, moyen et long termes. La modélisation mathématique peut être un outil d'anticipation des risques collectifs.
Des initiatives concrètes ont-elles été mises en place en ce sens ? Pas à notre connaissance.
La question environnementale, porte d'entrée d'une approche plus globale ?
Le physicien Richard Jones, Pro-Vice Chancelier à la Recherche et l'Innovation de l'Université de Sheffield (Royaume-Uni), interpellait en 2009 la communauté scientifique en insistant sur le fait que les enjeux environnementaux soulevés par les nanos dépassent le simple domaine de la toxicologie et de la technique, et nous confrontent à des questions plus globales : qui contrôle ces technologies, qui en profite ? selon quelle gouvernance ? 32. Du fait des incertitudes relatives à l'efficacité et à la potentielle gravité des effets environnementaux causés tout au long du cycle de vie des nanomatériaux, il s'agit de considérer les questions de leur réversibilité et de notre capacité à remédier aux problèmes qu'ils pourraient engendrer. En matière de réversibilité, ce ne sont pas uniquement des considérations techniques qui doivent entrer en ligne de compte souligne toujours Richard Jones : notre expérience avec d'autres technologies montre que les sociétés, une fois engagées dans une voie spécifique, peuvent avoir de grandes difficultés à faire marche arrière, non seulement pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons économiques ou socio-politiques.
La question de l'utilité (ou de la futilité) de l'usage des différents nanomatériaux a été posée lors du débat public national : y a-t-il un réel progrès pour l'homme ? La réponse peut varier en fonction des valeurs et des cultures. En France, beaucoup d'associations considèrent que "l'urgence publique est d'investir d'abord dans la réduction des pollutions, la prévention des cancers, la sobriété énergétique, l'accès à l'eau et à la nourriture avant de développer, sans véritable instance de contrôle ou d'éthique, les nanoproduits", ainsi que le rapportait le Président de la CNDP à l'issue du débat public national sur les nanotechnologies en avril 20107.
Se pose également la question de l'autonomie ou de la dépendance à une technologie complexe : quelles solutions alternatives existent pour l'effet attendu ? Quels moyens sont consacrés à les améliorer ?
En définitive, c'est le fonctionnement de notre démocratie qui est ici en jeu : qui décide quoi à quel moment du cycle de vie des innovations ? Quels acteurs sont concernés à chaque étape du cycle ? Ont-ils pu exprimer un avis et en est-t-il tenu compte au moment où un vrai choix est encore possible, comme le requiert la convention d'Aarhus ? Avec quelle éthique ?
Annexe : Les acteurs mobilisés sur la question
Différentes organisations ont pris position sur les questions environnementales soulevées par les nanotechnologies et nanomatériaux, notamment :
les agences environnementales comme l'EPA aux Etats-Unis, la DEPA au Danemark, etc.
du côté des laboratoires de recherche :
les équipes de recherche françaises mobilisées sur la question sont pour la plupart listées sur le site du Groupement de recherche international iCEINT qui inclue également des équipes américaines du consortium CEINT
6 - Dans un scénario de fonctionnement à long terme, l'évaluation du cycle de vie de deux processus solaires de purification de l'eau a par exemple montré un impact sur l'environnement nettement plus élevé pour le processus photocatalytique à base de nano-TiO2 par rapport à l'approche conventionnelle, du fait d'une forte consommation des ressources dans la production du dioxyde de titane à l'échelle nanométrique (Untersuchungen des Einsatzes von Nanomaterialien im Umweltschutz, Martens, Sonja, et al. (Golder Associates Gmbh), 2010, solicited by: Umweltbundesamt, no. 34/2010, June 2010, Dessau-Roßlau: Umweltbundesamt).
18 - Voir le document plus détaillé et plus récent Compendium of Projects in the European NanoSafety Cluster, NanoSafety Cluster, juin 2015
Citons notamment le projet européen de recherche NanoSolutions (2013-2017), qui cherche à identifier les caractéristiques des nanomatériaux manufacturés qui déterminent leur potentiel de risque biologique. Il vise à développer un modèle de classification de sécurité pour ces nanomatériaux, basé sur une compréhension de leurs interactions avec des organismes vivants.
20 - Cf. Résultats du programme européen Nanogenotox : génotoxicité des nanomatériaux. Plus généralement, on commence à mieux comprendre l'effet des faibles doses et à s'apercevoir que ces effets peuvent être tout aussi délétères que des doses importantes ou avoir des effets antagonistes en fonction des doses. Les effets-doses viennent complexifier considérablement les recherches en toxicologie. Voir par exemple Le problème sanitaire des faibles doses, Elizabeth Grossman, juillet 2012 ; La seconde mort de l'alchimiste Paracelse, Stéphane Foucart, 11 avril 2013
Le projet MESONNET du CEREGE, initié en 2012, a contribué ainsi à étudier les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes en utilisant des "mésocosmes".
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
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