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Dans une tribune publiée dans Le Monde du 24 décembre, 22 organisations* interpellent le ministre Bruno Le Maire, pour qu’il rende effective au plus vite la suspension de l’additif alimentaire E171, composé de dioxyde de titane**. Malgré un engagement fort du gouvernement et des parlementaires, Bercy se livre à un blocage jugé inacceptable par les co-signataires, qui demandent l’application sans plus tarder de cette mesure importante de santé publique.
* Liste des organisations signataires : Agir pour l'Environnement, Bio Consom'acteurs, Comité pour le développement durable en santé (C2DS), Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), Foodwatch, France Nature Environnement (FNE), Générations Cobayes, Générations futures, Greenpeace, Health and Environment Alliance (HEAL), Institut national de la Consommation (INC) – 60 Millions de consommateurs, Léo Lagrange Défense des Consommateurs, Ligue contre le cancer, Mouvement de l'Agriculture Bio-Dynamique (MABD), Miramap, Réseau Environnement Santé (RES), Sciences citoyennes, Terre et Humanisme, UFC-Que Choisir, Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), WECF France, Yuka
** Le dioxyde de de titane est utilisé notamment comme additif alimentaire (E171) pour colorer ou faire briller les aliments – particulièrement ceux consommés par les enfants. Composé en partie de nanoparticules, 10 000 fois plus petites qu’un grain de sel, il n’a . Si l’agroalimentaire l’a beaucoup utilisé dans de nombreux produits (bonbons, chewing-gums, chocolats, pâtisseries, sauces, etc.), elle a commencé à le supprimer ou le remplacer. Certaines bûches de Noël en contiennent encore, mais déjà beaucoup moins que l’année dernière.
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification juillet 2020
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Après une décennie de participation active mais peu fructueuse aux processus relatifs à la gouvernance européenne des nanomatériaux, les organisations de la société civile s'interrogent. A quoi bon continuer à participer aux consultations et groupes de travail si au final leurs recommandations ne sont jamais prises en compte par la Commission européenne ?
Malgré tout, les enjeux sont trop importants pour déclarer forfait. Les ONG restent donc mobilisées et oeuvrent à un meilleur encadrement des nanomatériaux, afin de mieux protéger la santé humaine et l'environnement.
Le 8 novembre 2019, 24 ONG ont envoyé à la nouvelle Commission européenne leurs demandes concernant l'encadrement des produits chimiques2. Parmi elles, figure un volet spécifiquement dédié aux nanomatériaux, rédigé avec le soutien d'Avicenn (pp. 17-18). Les ONG demandent notamment que les nanomatériaux soient réglementés de façon appropriée au niveau européen et que les réglementations soient davantage appliquées et contrôlées (enregistrements dans REACH, étiquetage obligatoire, information des travailleurs, etc.). Plus d'informations ici.
Dans un texte publié en décembre 20163, elles avaient notamment réaffirmé le besoin :
d'une réglementation spécifique aux nanomatériaux concrétisant réellement le principe de REACH "pas de données, pas de marché"
de responsabilisation des fabricants sur l'ensemble du cycle de vie des nanomatériaux ou produits en contenant
de transparence sur les données collectées
d'étiquetage des nanomatériaux
d'études sur les impacts sanitaires, environnementaux, éthiques, légaux et sociaux des nanotechnologies
d'une bio-surveillance de l'environnement, des populations et des travailleurs
d'une gouvernance plus inclusive et participative, avec une meilleure prise en compte des recommandations des ONG.
Le 12 janvier 2015, le BEE, CIEL et les Amis de la Terre allemagne (BUND) avaient envoyé une note à la Commission en réponse à ses conclusions provisoires sur les mesures de transparence à appliquer aux nanomatériaux4. Les trois ONG contestent les conclusions de la Commission qu'elles jugent biaisées en faveur des intérêts économiques de l'industrie, au détriment des préoccupations sanitaires et environnementales et de la transparence.
Voir notre fiche relative au projet de registre européen des nanomatériaux pour plus de détails.
En 2014, trois d'entre elles CIEL, ECOS et Öko Institute ont mis sur pied le projet « Safe Development of Nanotechnologies » visant à assurer une évaluation appropriée des risques associés aux nanomatériaux afin d'établir un cadre réglementaire en phase avec le principe de précaution5.
En avril 2014, CIEL et certaines des ONG mentionnées plus haut avaient déjà publié une position commune sur la régulation des nanomatériaux6, dans laquelle elles formulent notamment les exigences suivantes :
Avant 2018, tous les nanomatériaux sur le marché produits en quantités supérieures à 10kg par an doivent être enregistrés auprès de l'ECHA sur la base d'un dossier complet d'enregistrement spécifique à la forme nanométrique
Dans le cadre de REACH, tous les dossiers d'enregistrement des nanomatériaux doivent comporter une évaluation de la sécurité chimique et doivent se conformer aux mêmes exigences de présentation de l'information actuellement requises pour les substances classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR).
L'agence européenne des produits chimiques (ECHA) doit systématiquement vérifier la conformité de l'enregistrement de tous les nanoformes et de toutes les substances soupçonnées d'inclure des substances nano. En outre, le plan d'action continu communautaire (CoRAP) doit inclure toutes les substances identifiées comme des nanoformes et leur évaluation doit être effectuée sans délai.
les exigences spécifiques d'étiquetage [nano] ou de déclaration doivent être requises pour tous les produits contenant des nano (détergents, aérosols, sprays, peintures, appareils médicaux, etc.), en plus de celles qui s'appliquent aux produits alimentaires, cosmétiques et biocides7.
les nanomatériaux qui ont été commercialisés sans avoir au préalable été accompagnés d'un minimum de données permettant l'évaluation de leurs dangers et de leurs risques devraient être retirés du marché. En attendant, les États membres de l'UE et les fabricants doivent utiliser une approche de précaution dans l'évaluation, la production, l'utilisation et l'élimination des nanomatériaux
En novembre 2012, CIEL, ClientEarth et BUND avaient publié un rapport intitulé "High time to act on nanomaterials - Proposal for a 'nano patch for EU Regulation" dans lequel elles défendent la mise en place d'une réglementation spécifique aux nanomatériaux : ce "nano patch" a pour but de remédier aux lacunes de la législation existante de façon plus flexible, efficace et rapide que par le biais de longues et fastidieuses procédures de révision des annexes de REACH8. LIRE AUSSI sur notre site
Nos fiches :
NOTES ET REFERENCES : 1 - Les principales contributions repérées au niveau européen : le Bureau européen de l'environnement (BEE), les Amis de la Terre Allemagne (BUND), le Center for Environmental International Law (CIEL), la société suisse pour la conservation de la nature (Naturskyddsföreningen)
Pour la France :
Générations futures, Alerte Médecins Pesticides (AMLP) et Women engage in a common future (WECF) ont communiqué le 3 juin sur leurs demandes, parmi lesquelles figurent plusieurs mesures concernant, entre autres, les nanomatériaux
Avicenn a soumis une contribution le 29 juin, exclusivement concentrée sur les nanomatériaux.
Le détail des propositions est accessible en ligne ici.
5 - Le projet vise à accroître la participation et l'engagement des organisations de la société civile dans les activités nano des instances de normalisation (ISO au niveau international et CEN au niveau européen) et des lignes directrices dévaluation des risques de l'OCDE. Ce sont dans ces instances que se trament en effet des décisions qui influent ensuite grandement sur les régulations ou la façon dont elles sont mises en oeuvre. Or isolées, les associations n'ont pas les ressources nécessaires pour y. Grâce à ce projet financé pour trois ans par la Fondation Villum, ont pu mutualiser et partager leurs informations et peser davantage sur la fabrique des normes, tests réglementaires et décisions politiques.
Le Comité de pilotage du projet est composé de représentants de la société civile (dont AVICENN), de chercheurs et de représentants dinstances de régulation nationales.
Un atelier ouvert aux ONG a été organisé le 10 Février 2015 à Bruxelles : il a abordé les récents développements dans le domaine de l'évaluation des risques nanos et la stratégie à mettre en place pour promouvoir un meilleur encadrement des nanomatériaux.
Rencontre interassociative et syndicale sur les nanomatériaux et nanotechnologies
Lille, 4 octobre 2016
Dernière mise à jour décembre 2017
Événement organisé dans le cadre de NANOSCOOPE, projet chercheurs-citoyens soutenu par la Région Hauts de France (partenaires ICAM de Lille, IEMN, Avicenn). Sommaire
Six ans après le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010, le développement des nanomatériaux et nanotechnologies est encore en manque d'une régulation efficace. La société civile a besoin de se retrouver pour échanger sur la connaissance et l'évaluation des innovations issues des nanotechnologies, l'opportunité des nano-produits et les garde-fous nécessaires face aux risques des nano-substances tant pour l'homme que pour l'environnement. Associations et syndicats ont un rôle à jouer afin d'aider à une appréhension collective de ces questions et de faire prévaloir l'application du principe de précaution.
Depuis 2010, des avancées ont été réalisées telles que la mise en uvre de la déclaration obligatoire des nano-substances inscrite dans la loi française, des décisions concernant l'étiquetage de certains nano-produits au niveau européen, des réflexions autour des modalités de l'adaptation de Reach aux nano-substances, etc. Parallèlement différentes catégories d'acteurs se sont exprimées et positionnées autour des nanomatériaux et nanotechnologies. Mais alors que le débat lui-même ne bénéficie plus d'arènes grand public dédiées et s'inscrivant dans la durée, il semble aujourd'hui crucial pour la société civile de se (re)mobiliser, de dialoguer, de partager les informations, de confronter les points de vue des différentes acteurs associatifs et syndicaux, afin que chacun puisse, s'il le souhaite, formuler des recommandations face aux évolutions des régulations, des connaissances et des pratiques dans le domaine complexe des nanomatériaux et nanotechnologies.
Rencontre interassociative et syndicale le 4 octobre 2016 à Lille
Le projet NANOSCOOPE a proposé une rencontre inter-associative et -syndicale sur les nanomatériaux et nanotechnologies à Lille le 4 octobre 2016. Organisé par le monde associatif et syndical et à destination de la société civile, cet événement a été conçu en réponse aux impératifs du moment, en relançant la discussion et en actualisant les positions exprimées par le monde associatif et syndical dans les "cahiers d'acteurs" du débat public de 2009-2010.
Porté en premier lieu par l'association AVICENN membre de NANOSCOOPE, le projet s'est appuyé sur un comité d'organisation qui en a défini le cadrage et le déroulé de façon à favoriser à la fois le dialogue entre acteurs associatifs et syndicaux et l'information plus large des citoyens. Outre les représentants de Nanoscoope et d’Avicenn, ce comité est composé de membres d'Agir pour l'environnement (APE), du Collectif citoyen nanotechnologies du plateau de Saclay, de la CFDT, de CIEL, du C2DS, de France Nature Environnement (FNE), de Sciences citoyennes et de Women in Europe for a common future (WECF).
Programme de la journée
Matin
9h30 : Accueil à la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités de Lille
Avec notamment la participation de David Azoulay (CIEL), Nicolas Buriez (Nord Nature Environnement), Simone Cassette (Collectif Citoyen Nano Saclay), Marie-France Corre (WECF), Mathilde Detcheverry et Danielle Lanquetuit (AVICENN), Fernand Doridot (ICAM de Lille), Gérald Hayotte (CFDT), Aude Lapprand (Fondation Sciences Citoyennes), Charlotte Lepitre (France Nature Environnement), Magali Ringoot (Agir pour l'environnement), Olivier Toma (C2DS), Ian Illuminato (Amis de la Terre USA).
NB : Le projet NANOSCOOPE est un projet de type « chercheurs-citoyens » financé par la Région Nord Pas de Calais de novembre 2013 à mars 2017 : http://nanoscoope.iemn.univ-lille1.fr Les partenaires en sont l'ICAM de Lille, l'IEMN, et l'association AVICENN. Le projet consiste en l'organisation d'évènements multi-acteurs autour des enjeux du développement des nanomatériaux et nanotechnologies. L'événement ici visé vise à honorer l'ambition de mobilisation de la société civile portée par le projet, et bénéficie d'un portage particulier par AVICENN, partenaire associatif du projet.
L'essentiel à retenir
Une quarantaine de personnes ont participé.
Compte-rendu vidéo 6 minutes :
Compte rendu des interventions
- Introduction à la journée, par Fernand Doridot (ICAM de Lille, coordinateur du projet NANOSCOOPE)
Le projet Nanoscoope, qui court de novembre 2013 à mars 2017, est un projet de type « chercheurs-citoyens » soutenu par la Région Hauts-de-France. Il organise des évènements multi-acteurs sur les différents enjeux du développement des nanotechnologies, dans l’objectif général de documenter l’équation « bénéfices/risques » des nanotechnologies et de promouvoir les nécessaires fédérations d’acteurs travaillant sur ces questions. Les évènements qui se sont succédés depuis novembre 2013 (et dont le détail est disponible sur le site internet du projet) ont permis notamment d’aborder des questions de définition, de procédés, d’applications, de risques sanitaires et environnementaux propres au développement des nanotechnologies, et également des questions d’éthique auxquelles une journée entière a été consacrée en mai 2016. La société civile, bien que systématiquement invitée et présente à ces évènements, a néanmoins souffert d’un manque de représentation. Il a donc semblé nécessaire d’opérer un « retour au citoyen » dans le cadre du projet Nanoscoope. C’est tout l’objet de la présente journée, qui vise avant tout à informer la société civile et ses représentants des enjeux des développements en cours, et à recueillir leurs préoccupations, requêtes et propositions quant à la gouvernance de ces nouvelles technologies. Cette journée est donc pensée comme organisée par le monde associatif et syndical à destination de la société civile et de sa mobilisation. Elle vise également l’objectif d’une plus grande fédération du monde inter-associatif et syndical autour de revendications partagées et de messages clairs, dont le besoin se fait sentir chaque jour davantage dans le dialogue avec les autres parties prenantes (pouvoirs publics, instances de régulation, chercheurs, industriels, etc.). La journée est ainsi pensée comme alternant des temps d’information générale, d’approfondissement de thèmes particuliers, et de discussion collective, et deux chercheurs ont accepté d’y prêter leur concours. Indépendamment des échanges auxquelles elle donnera lieu, on espère ainsi qu’elle oeuvrera au bénéfice d’un développement des nanotechnologies responsable, sûr, durable, et à l’opportunité socialement partagée.
- Enjeux de recherche, par Alexis Vlandas (IEMN)
La recherche a mis en évidence les propriétés spécifiques à la nano-échelle. Les chercheurs s'y intéressent notamment pour des applications environnementales (capteurs de pollution par exemple) ou médicales (laboratoires sur puces pour diagnostiquer des maladies, élucidation de certains mécanismes de cancers, médicaments par exemple).
En fractionnant la matière, on obtient plus de surface par volume, avec des propriétés nouvelles (plus de réactivité) à la taille nanométrique, et notamment plus de possibilités de calcul par unités de surface (pour les téléphones portables, ordinateurs, ...).
On distingue communément deux types approches permettant de fabriquer des objets nanométriques :
de haut en bas (top-down) : il s'agit d'enlever de la matière (sur une plaque de silicium par exemple) pour structurer sa surface de l'ordre du micro ou nanomètre (ex : objet présent dans les voitures pour déclencher l'air-bag au moment d'une collision).
du bas vers le haut (bottom-up) : il s'agit d'agglomérer des éléments nanométriques (ex : en imagerie médicale, des biomarqueurs sont fabriqués en positionnant de petites particules d'or sur un brin d'ADN avec une précision de 2 nanomètres, afin d'obtenir des propriétés optiques extrêmement intéressantes).
Les nanos sont la première révolution scientifique à l'ère de la science "globalisée" ; le chercheur ne travaille plus de façon isolée, mais dans un continuum d'autres laboratoires dans le monde avec une industrialisation de plus en plus rapide, dans un contexte d'accélération technologique. La science est "utilisée" de façon croissante à des fins d'innovation, avec une part de plus plus importante des financements octroyée à la recherche appliquée et une pression accrue pour déposer des brevets et obtenir des débouchés commerciaux.
Cependant, le chercheur est aussi citoyen et doit intégrer l'éthique à toutes les étapes de la recherche et du développement :
Ne pas se prêter à la fraude ni au conflit d'intérêt
Ne pas faire de sur-promesses pour lever de l'argent (« demain grâce à telle nanotechnologie, les aveugles vont voir et les enfants d'Afrique manger à leur faim » !)
Exercer le devoir d'alerte
Se poser la question de l'orientation, du sens de sa recherche, de l'objectif final
S'interroger en amont sur la pertinence de l'expérimentation par rapport aux situations réelles. (Les chercheurs, censés être bien protégés en laboratoire, ne sont pas exposés aux nanoparticules qu'ils fabriquent ou manipulent, mais tout un chacun est exposé via les crème solaires, l'alimentation, etc.). Il faut concevoir des modèles d'exposition réalistes représentatifs du produit final utilisé ou ingéré et de son devenir.
Le chercheur n'est pas mieux placé que le citoyen non chercheur pour juger de l'apport de la science aux questions réelles mais il doit faire des efforts pour limiter les effets indésirables. Même si le chercheur n'est pas celui qui met le produit sur le marché, il a une marge de manoeuvre en amont pour concevoir des produits robustes et non dangereux lors de leur utilisation et de leur fin de vie.
Hors de leur champ d'expertise très spécifique, les chercheurs sont aussi des citoyens comme les autres, leurs connaissances sont limitées. Bien des technologies apparaissent comme neutres au début sur le plan de l'éthique scientifique. Comme le nucléaire qui sert en radiothérapie et à faire des bombes, l'orientation des recherches et des technologies relève de choix non seulement techniques, mais aussi de choix politiques, de choix de société.
- Nanotechnologies et réalités industrielles - L'exemple de la filière textile, par Eric Devaux (ENSAIT)
L'investissement pour la transformation des fibres synthétiques a débuté en 1990, au moment où les nanotechnologies commençaient à apparaître comme des solutions potentielles pour de multiples usages (textiles antibactériens ou anti feu). Il n'existait alors pas de textiles avec des nanoparticules, mais l'idée d'insérer ou de déposer en surface des fibres des nanoparticules ou des nanoobjets (~1000 fois plus petits que la fibre) offrait des perspectives très intéressantes pour conserver la souplesse et la résistance des fibres, leur conférer des propriétés fonctionnelles sans les abîmer (des micro capsules plus grosses (5 microns), dans une fibre de 20 microns peuvent en effet fragiliser la fibre).
Pour pouvoir mener à bien leurs projets et trouver des financements, les chercheurs ont dû longtemps, au niveau européen notamment, mettre le mot "nano" dans les acronymes de leurs projets. Ensuite la mode a été au "bio", puis "nanobio". Le tout sans exigence particulière ; les chercheurs revendiquaient des propriétés nouvelles comme la tenue mécanique des textiles, la résistance au feu ; les projets étaient acceptés, puis menés jusqu'à des publications et des brevets.
Ce n'est que dans un deuxième temps qu'il a été demandé aux chercheurs d'intégrer des volets toxicologiques dans leurs projets. Nous avons travaillé avec des partenaires européens sur les impacts possibles de ces nanoparticules (et les textiles qui les contiennent) sur l'environnement. Actuellement ce sont plutôt les aspects de recyclage qui doivent être documentés dans les projets.
En quinze ans, les questions se sont transformées : le coût de 10000 € le kilo de nanotubes de carbone posait problème pour l'intégration dans des textiles. Aujourd'hui, le coût est moindre mais les questions de recyclage et toxicologie sont plus importantes.
Les aspects des multiples formes, tailles, natures chimiques rendent les réponses complexes. Le panel des nano-objets est colossal et vouloir étudier les impacts un par un est terriblement compliqué.
Au début, les nanotubes de carbone étaient considérés comme du graphite inoffensif. Jusqu'à un article dans Le Monde en 2008 titrant « les nanotubes de carbone sont le prochain scandale sanitaire comme l'amiante ». On sait désormais que les NTC ne sont pas tous aussi dangereux, leurs formes notamment influent sur leur toxicité. Ce cas illustre la diversité des facteurs qui déterminent les impacts sur l'environnement.
Cette grande complexité n'empêche pas que le principe de précaution s'impose, et nous travaillons aujourd'hui avec un maximum de prudence, dans un environnement parfaitement confiné, avec une pression contrôlée, des équipements individuels pour les opérateurs et un suivi par les CHSCT.
- Enjeux sociétaux, risques, réglementation et actions de la société civile par Mathilde Detcheverry pour Avicenn
AVICENN est l'Association de Veille et d'Information Civique sur les Enjeux des Nanosciences et des Nanotechnologies. Elle exerce une veille citoyenne et propose une information transversale et indépendante sur les enjeux sociétaux soulevés par les nanotechnologies sur son site http://veillenanos.fr, ses lettres Veillenanos, des débats et conférences. Le but est de permettre aux citoyens et à la société civile de s'informer & prendre part aux débats & décisions concernant les nanos.
Avicenn promeut la transparence et la vigilance dans le domaine nano, en relayant les questions, préoccupations et propositions de la société civile auprès des décideurs et acteurs scientifiques et industriels.
Les enjeux sociétaux associés aux nanos, évoqués lors du débat national de 2009-2010 mais peu débattus publiquement depuis, peuvent être distingués en deux catégories :
2) Les risquessanitaires et environnementaux des nanomatériaux font l'objet d'un nombre croissant d'études depuis quelques années, mais restent encore très mal cernés aujourd'hui. La mise sur le marché de nanoproduits a précédé l'étude de leur toxicité. Or du fait de leur petite taille, les nanomatériaux peuvent pénétrer et se diffuser dans les organismes vivants, jusqu'à l'intérieur des cellules ; ils peuvent nuire aux végétaux, aux micro-organismes et aux animaux. Au niveau humain, les expériences (majoritairement in vitro) font état d'effets néfastes possibles au niveau des organes, des cellules, de l'ADN, du système immunitaire, des capacités reproductrices et du développement embryonnaire, du système nerveux, de la flore intestinale, Beaucoup de questions sont aujourd'hui non résolues sur l'élimination ou la dégradation des nanoparticules, leur persistance dans les organes et leurs effets réels. En outre, les nanomatériaux peuvent apporter dans des organismes ou des cellules des molécules extérieures, des polluants notamment métaux lourds ou pesticides, par exemple. Enfin l'intégration massive de nanoparticules antibactériennes dans de nombreux produits (chaussettes, réfrigérateurs, claviers, ) soulève des inquiétudes quant aux résistances potentiellement développées par les agents pathogènes.
Malgré les appels lancés depuis dix ans pour l'application du principe de précaution dans le domaine nano, l'encadrement des nanomatériaux se heurte à la résistance des industries chimiques qui se réfugient derrière le secret industriel et commercial, le flou juridique et des stratégies pour minimiser ou déjouer les réglementations.
Une déclaration obligatoire des nanomatériaux a été mise en place par la France depuis 2013, puis par d'autres Etats européens. Mais la Commission européenne refuse d'étendre ce dispositif à l'échelle européenne. Il constitue pourtant un premier pas vers une traçabilité des nanomatériaux.
Un compte-épargne « nano-safety » pourrait financer des recherches menées par des laboratoires indépendants visant à mieux connaître et à réduire les risques liés aux nanomatériaux concernés. Mais jusqu'à présent les pouvoirs publics n'ont pas voulu l'envisager.
Le registre pourrait également être utilisé et optimisé pour assurer enfin le bon étiquetage des produits (obligatoire en Europe pour les cosmétiques, l'alimentation et les biocides... mais non respecté pour ces deux dernières catégories de produits). En attendant, les nanomatériaux restent donc invisibles aux yeux des consommateurs et des travailleurs qui y sont exposés à leur insu. Jusqu'à présent, les pouvoirs publics ont refusé d'imposer des mesures de protection de la population ou de l'environnement pourtant demandées par les ONG, toxicologues et agences sanitaires ; aucun dispositif réglementaire ne permet à ce jour une vraie restriction des émissions de nanomatériaux. Il a manqué jusqu'ici la volonté politique pourtant nécessaire pour mettre en place un mécanisme d'évaluation et autorisation préalables à la mise sur le marché des nanomatériaux, afin d'éviter la diffusion anarchique et à grande échelle à laquelle on assiste aujourd'hui.
- Impacts des nanomatériaux sur la santé par Olivier Toma (C2DS)
Le Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS) mutualise les bonnes pratiques et dénonce les mauvaises, dans les hôpitaux, cliniques et maisons de retraite et la la restauration collective, en priorité dans les établissements accueillant des publics vulnérables (enfants, personnes âgées, malades).
Les nanoparticules sont préoccupantes, comme les perturbateurs endocriniens, les ondes électromagnétiques, la pollution de l'air intérieur, etc. Devant la multiplicité des contaminants chimiques, une approche globale systémique est nécessaire, afin de prendre en considération le phénomène de multi-exposition. Faute de quoi, les industriels peuvent continuer comme avant, en disant « je respecte les seuils ».
Les citoyens sont exposés aux nanoparticules et autres contaminants chimiques par quatre voies : ce que l'on mange, ce que l'on boit, ce que l'on met sur sa peau et ce que l'on respire. L'exposition est différente selon son lieu d'habitation, son métier, ce que l'on fait. Il faut donc limiter au maximum l'exposition aux contaminants. Il ne s'agit pas d'être « en dessous de seuils », mais de s'assurer qu'il n'y en ait pas du tout. Car à la fin d'une journée, avec des expositions par les quatre voies en ayant respecté chaque seuil imposé aux industriels, chacun aura personnellement explosé « son seuil », à la fin de sa grossesse aussi et encore plus à la fin de sa vie.
La clef, c'est chacun d'entre nous, en tant que consommateur ! Ce n'est pas seulement « eux », « ils », l'Etat, l'ANSES et autres organismes. Le pouvoir est dans le caddie ! Il faut faire attention aux additifs alimentaires, emballages plastiques, textiles, cosmétiques, ... Des applications numériques permettent aujourd'hui, en scannant un code barre, de connaître la provenance d'un produit, sa composition et la présence de perturbateurs endocriniens. Certaines sont interactives : si vous détectez un problème sur un produit, vous pouvez le signaler.
Concernant l'exposition par voie orale, il faut supprimer les bouteilles en plastique (l'eau du robinet est aussi saine).
Concernant l'exposition par voie cutanée, il faut réduire l'utilisation des cosmétiques. Pour la toilette des nouveaux-nés, un gant de toilette et de l'eau tiède suffisent, il n'y a pas besoin de crème.
Concernant l'inhalation, c'est plus compliqué. L'air intérieur par exemple contient de l'air extérieur chargé en particules fines et, en plus, de nombreux Composés Organiques Volatiles (COV). De plus en plus de fournisseurs proposent des vitres, carrelages, revêtements de sols "autonettoyants", des peintures faisant "disparaître" le formaldéhyde sans avoir besoin d'être nettoyées. Il faut être vigilant face aux promesses des industriels qui vantent leurs produits miracles. Pour les produits dits "autonettoyants", la photocatalyse marche en laboratoire... mais pas dans les conditions réelles d'éclairage des couloirs des hôpitaux et des maisons ! Avec le discours « entretien néant », on veut faire croire à tort aux directeurs d'hôpitaux qu'ils vont pouvoir économiser beaucoup d'heures de travail.
Dans le domaine de la santé, les dispositifs médicaux, jetables pour la plupart, sont potentiellement source de relargage de nanomatériaux.
Plus généralement, l'ensemble des matériaux de rénovation et de construction dans nos hôpitaux, lycées, maisons de retraite, crèches, etc. génèrent eux aussi des problèmes de relargage et de recyclage. Demain on aura exactement le même problème que l'amiante. Les professionnels chargés de poser, découper, retirer ces matériaux vont en respirer. Et il faudra une filière de retraitement spéciale. On retrouve déjà des nanos dans l'eau, à force de jeter des matériaux.
Pour acheter sérieusement, il faut absolument décortiquer tout le processus d'achat, mettre en place des critères solides pour éviter d'acheter ces produits qui génèrent des problèmes sanitaires et environnementaux. Il faut aussi savoir lire un argumentaire commercial, des fiches de sécurité, des fiches de déclaration environnementale et sanitaire pour identifier ce que l'on achète et savoir s'ils ne vont pas générer des problèmes pires que ceux qu'ils prétendent résoudre, en considérant les trois sortes d'impacts : économique, écologique et sanitaire.
Dans une politique d'achat responsable, le critère n°1 est « quel est le besoin ? ». Dans un hôpital, il est normal de désinfecter les blocs opératoires, salle de réanimation, mais pas les bureaux, comment cela se pratique, qui plus est avec les désinfectants les plus puissants qui existent ! C'est la même chose avec des bactéricides (nanoargent ou triclosan notamment) dans les déodorants ou dentifrices. Cela fabrique les résistances de demain. On estime déjà aux Etats-Unis qu'il y a 80 000 morts par an parce qu'on a fabriqué des bactéries multi-résistantes.
Miser sur une interdiction de ces produits ne va pas résoudre toute la question. L'étiquetage non plus : il est certes nécessaire pour permettre de choisir mais les inscriptions alarmistes comme sur les paquets de tabac n'empêchent pas de fumer ! Il faut donc aussi faire grandir les consommateurs et nos enfants, mieux les informer et éviter que nous soyons les commerciaux d'industriels qui nous vendent des produits qui se retourneront contre nous, et le pire, sur nos enfants et les leurs. Limiter toutes les expositions est possible, encore faut-il le décider individuellement et collectivement.
Les alternatives aux produits chimiques existent. Certaines sociétés en proposent, avec des emballages réduits et une moindre toxicité (des électrolytes détergents, désinfectants sans COV).
- Produits de consommation et environnement, par Marie-France Corre (WECF)
Le WECF développe au niveau international le projet Nesting, avec deux volets : plaidoyer (contre-lobbying) et formation pour aider à faire progresser la qualité de vie et l'environnement des enfants, de leur famille et de la femme enceinte.
Le WECF ne considère pas les nanomatériaux indépendamment des autres problématiques comme les perturbateurs endocriniens.
Imposer seulement les informations sur les étiquettes est à double tranchant car cela place sur les épaules plusieurs la responsabilité de comprendre puis de trancher si cela est bien ou pas pour soi, ce qui est délicat sans information détaillée.
Il y a d'autres solutions complémentaires :
continuer les actions des associations pour la protection juridique et réglementaire vis-à-vis des contaminations,
étiqueter en utilisant les technologies pour renvoyer à plus d'informations sur des sites internet,
faire du contre-lobbying dans les groupes de travail où le lobbying de l'industrie est très présent et structuré
caler la définition des nanoparticules (tant qu'on n'est pas d'accord, on ne peut rien faire...)
développer la capacité de mesure
faire entrer les nanomatériaux dans la réglementation REACH pour que ce soit plus simple
convertir les industriels : beaucoup d'efforts ont été déployés pour convaincre les consommateurs, leur expliquer comment ça marche et les bénéfices éventuels pour eux, mais on devrait aussi transposer cette démarche auprès de PME et d'entreprises plus importantes, car on y rencontre des gens qui ont des convictions et sont prêts à abandonner les nanoparticules futiles, notamment dans les produits alimentaires. En effet, en alimentation, très souvent le « bénéfice » est technologique qui ne concerne pas le consommateur (il n'y a pas de bénéfice alimentaire, nutritionnel), mais seulement la chaîne de production / distribution (allongement de la durée de conservation ou amélioration de la couleur du produit par exemple). En questionnant le besoin et à qui profite vraiment l'usage de nanomatériaux, on peut savoir quand dire non.
- Produits alimentaires et nanomatériaux, par Magali Ringoot (Agir Pour l'Environnement)
Agir pour l'environnement est une association nationale de protection de l'environnement spécialisée dans la mobilisation citoyenne. Elle compte plus de 6 000 adhérents et 500 000 « sympathisants électroniques », et s'investit sur des campagnes autour de l'énergie, l'agriculture, la biodiversité, la question santé-environnement, l'alimentation...
Cela faisait plusieurs années que l'association souhaitait travailler sur la question des nanotechnologies. C'est fin 2015 qu'APE a décidé de lancer une campagne centrée sur la question des nanoparticules dans l'alimentation.
La réglementation européenne impose l'étiquetage des nanoparticules dans l'alimentation, depuis décembre 2014. Nous avons donc cherché des produits avec la mention [nano] dans la liste des ingrédients, mais en vain. Nous aurions dû être rassurés jusqu'à ce que nous découvrions les résultats des tests commandités par les Amis de la Terre Australie au Laboratoire de l'Université d'Etat d'Arizona aux Etats-Unis sur 14 produits alimentaires, dont certains sont présents sur le marché français (comme les M&M's).
Nous avons alors décidé de nous mettre à la recherche d'un laboratoire européen, si possible français, pour analyser des produits alimentaires. Recommandé par l'association Avicenn, le laboratoire LNE (Laboratoire National de Métrologie et d'Essais), basé en France, a répondu favorablement à notre demande. Il s'agit d'un laboratoire reconnu d'utilité publique, rattaché au ministère de l'Industrie et considéré comme une référence en matière de tests industriels.
En avril 2016, nous avons fait parvenir au laboratoire LNE quatre produits choisis au hasard (avec les additifs E171 ou E551). Les résultats des analyses sont édifiants : les 4 échantillons analysés contiennent des nanoparticules (des nanoparticules de silice dans un mélange d'épices pour guacamole marque Carrefour, des nanoparticules de dioxyde de titane dans les "Napolitain signature chocolat de LU, des Malabar, et la Blanquette de veau William Saurin).
Pour la première fois en Europe, des analyses publiques ont apporté la preuve irréfutable que les nanoparticules se retrouvent dans l'alimentation des Français.
Le retentissement médiatique a été considérable. Le Monde en a même fait sa "une" le 15 juin.
En parallèle, Agir pour l'environnement a diffusé une brochure d'information auprès de ses sympathisants et a lancé une pétition, envoyée aux Ministres de la santé, de l'environnement et du Secrétariat d'Etat à la consommation, demandant un moratoire sur la commercialisation de produits de consommation contenant des nanoparticules de synthèse. La charge de la preuve doit être inversée : c'est aux promoteurs des nanotechnologies de prouver l'innocuité de cette technologie avant la commercialisation.
Agir pour l'environnement a également créé un réseau de « détectives nanos » pour enquêter sur la présence d'additifs alimentaires « à risque » comme le E171 et le E551. Ces enquêtes ont débouché sur la création d'une base de données en ligne http://infonano.org.
- Nanomatériaux et Santé au travail, par Gérald Hayotte (CFDT)
Chaque jour qui passe montre un développement exponentiel du monde « nano ». Les nanotechnologies nous envahissent. L'opinion publique et le monde salarié sont encore « peu en prise »avec le sujet . Il est vrai qu'il s'agit d'un sujet complexe, à la « Docteur Jekyll & Mister Hyde » : nous sommes bien souvent confrontés à des applications qui précèdent la connaissance, loins de respecter le principe « no data, no market » prôné par la confédération européenne des syndicats dans sa seconde recommandation de 2010.
Face à cela, il est important et urgent de mobiliser toutes les énergies pour que le danger et risques potentiels soient non seulement identifiés, mais pris en compte dans des démarches de précaution et de prévention. S'il nous faut privilégier une approche globale en ce sens qu'il est indispensable de traiter simultanément les risques professionnels et les risques citoyens & environnementaux, le monde du travail est malgré le premier exposé, ce qui nécessite des actions immédiates.
Car il est aujourd'hui démontré que les nanoparticules franchissent les barrières physiologiques des organismes et peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Le sujet est d'autant plus complexe que la notion de risques diffère selon les applications, y compris pour une même nanoparticule (notions de bénéfice-risque et d'usages).
Les publications qui alertent sur les risques se multiplient et invitent à la précaution, à la prévention, ainsi qu'à un renforcement réglementaire. Il est urgent de disposer de réglementations, de contrôles, de restrictions d'usages (utile & futile), de procédures d'autorisation de mise sur le marché et de structures indépendantes ad hoc. L'Europe est le lieu le plus à même de réglementer les nanotechnologies, compte tenu de la dimension de sujet ; mais cela n'a rien de contradictoire avec l'instauration de règles nationales négociées.
Le fait aussi que les entreprises « ne jouent pas le jeu » d'apporter la preuve de la non toxicité, est également préjudiciable. Comme sur bien d'autres sujets (REACh, par exemple), les lobbies et les dénis sont à l'oeuvre pour que l'immobilisme soit de mise.
Associations de consommateurs et travailleurs doivent questionner les entreprises. Si vous avez des questions, posez-les ! C'est ainsi que nous avancerons.
- Nanotechnologies et questions d'éthique, Science et citoyens, par Simone Cassette (Collectif citoyen Nanotechnologies du Plateau de Saclay)
Le Collectif citoyen Nanotechnologies du Plateau de Saclay s'inscrit dans une démarche citoyenne participative de recherche de l'information et de la connaissance sur les nanos. Il défend une bonne application du principe de précaution en matière environnementale et sanitaire, pour permettre le recours à des technologies potentiellement utiles à la société.
Les nanotechnologies constituent un champ très particulier du fait de la diversité des domaines concernés. Cela entraîne une grande difficulté à en appréhender les enjeux, d'autant qu'elles sont souvent associées à l'Innovation donc à la compétitivité des entreprises, à la dite « révolution numérique » et au rêve transhumaniste. Dans le même temps, insidieusement, les nanoproduits ont envahi notre quotidien.
Contrairement à ce qui s'est passé avec les OGM, les citoyens ne se sentent pas (pas encore ?) concernés réellement par l'impact de ces technologies sur leur vie. La vision générale reste très associée à des progrès scientifiques qui vont peut-être bouleverser notre environnement mais sont montrés comme positifs (nanomédecine, nanocomposants électroniques...).
Mais ce qui a changé ces dernières décennies, en particulier avec les OGM et les biotechnologies, c'est que les associations ne se contentent plus de dénoncer les risques sur la santé et l'environnement mais interrogent voire contestent les orientations de la recherche sur ces sujets (Sciences Citoyennes, Sciences et démocratie, ). Par exemple, Avicenn a aidé à rapprocher acteurs scientifiques et associations et a permis l'introduction de ces dernières dans les groupes de travail pilotés par le Ministère de l'environnement, jusqu'alors très fermés. En 2016, les révélations d'Agir pour l'Environnement sur les nanoparticules découvertes dans des produits alimentaires assez bien relayées par les media ont apporté un nouveau souffle pour remobiliser la société civile.
Plusieurs axes nous paraissent les plus représentatifs des questionnements que l'on peut avoir sur les rapports entre nanotechnologies et société, en terme d'éthique et de responsabilité des acteurs et en terme d'actions futures :
1) Industrie et société
Au-delà des risques sur la santé des travailleurs, se posent plusieurs problèmes de fond :
Les enjeux économiques sont majeurs même s'il est quasi impossible d'évaluer le marché réel. L'accès au marché devrait être conditionné par la balance entre les risques potentiels et l'intérêt des solutions nanos proposées. C'est ainsi que la France défend à l'Europe, la transparence, en insistant sur l'intérêt des industriels à détecter au plus tôt les éventuelles impasses (coût des mesures de sécurité, ex des nanotubes Arkema). Mais faut-il se limiter à l'étude du bénéfice/risque, souvent construite en faveur du premier ?
Les enjeux pour la société concernent l'environnement avec la prise en compte du cycle de vie des nanomatériaux, depuis la criticité des ressources de base jusqu'au traitement des déchets et leur éventuel recyclage mais aussi les valeurs sociales que l'on veut développer (les progrès de la technologie sont-ils toujours synonyme de bonheur ? ça se saurait !).
Enfin, la transparence sur les nanoproduits est une demande forte. L'exigence d'un droit de regard des citoyens sur le contrôle des produits commercialisés est l'un des thèmes les plus importants aujourd'hui dans le rapport industrie/société.
2) Recherche et citoyens, en général et dans le domaine nano
Le droit de regard de la société sur l'orientation des recherches n'est plus contesté mais concrètement comment le mettre en oeuvre ? La collaboration entre chercheurs et associations progresse, mais il s'agit encore trop souvent de traiter l'acceptabilité des recherches et non de discuter de l'intérêt et des enjeux.
La recherche doit-elle répondre aux attentes de la société ? La demande de co-pilotage de la recherche est refusée par la communauté des chercheurs. D'autres voies sont à explorer. Le chercheur doit pouvoir s'interroger sur le rôle social de ses travaux mais il est aussi difficile de séparer les recherches fondamentales qui font progresser la connaissance et les applications sur lesquelles ces études peuvent déboucher. Enfin on ne peut parler de responsabilité sociétale sans parler de la coopération internationale (lois différentes, compétition).
3) Les problèmes d'éthique
L'indépendance des chercheurs reste essentielle mais la société peut revendiquer un encadrement éthique de leurs travaux. Ethique d'ailleurs mise à mal avec les méthodes d'évaluation actuelles (classements, biais des publications du fait de la compétition...) Beaucoup de travaux concernent les biotechnologies qui recoupent les questions sur les nanotechnologies, l'éthique constituant le cadre qu'il ne faut pas dépasser.
Toutes les innovations sont-elles acceptables ? L'exemple du transhumanisme pose question ; or ses promoteurs inondent les médias...
Il ne faut pas négliger les questions relatives au respect de la vie privée, à la surveillance généralisée, au développement de la nano-électronique avec l'exploitation des données individuelles. Comment minimiser le risque d'aggraver les inégalités déjà existantes, entre pays notamment mais aussi entre individus simplement par l'accès ou non aux technologies très pointues ?
Enfin, les nanotechnologies s'appliquent aussi dans le militaire (homme augmenté, capteurs sur drones, munitions comportant du nanoaluminium) Quand faut-il dire non ?
Les chercheurs peuvent être aussi lanceurs d'alerte, il faut protéger ce droit.
4) Comment agir
Toute un palette d'actions existe : débats publics (difficiles), dispositifs de concertation publique au niveau français, au niveau européen, participation à diverses instances décisionnelles (quel est le poids de notre intervention ?), travail avec les élus (propositions de loi, interventions en région), sur le terrain avec des sujets précis, poursuite du travail interassociations...
Pour faire entendre une voix claire et forte ! (même plurielle)
En conclusion : devant l'ampleur des enjeux, les expertises des différents acteurs scientifiques, associatifs, syndicaux et préventeurs en entreprises doivent être plus largement diffusées. Il y a un vrai besoin de mutualiser les compétences et les énergies !
- Conclusion, propositions d'actions collectives par Fernand Doridot (ICAM de Lille)
La journée a donc permis d’aborder un vaste ensemble de questions qui illustrent l’ensemble des défis sanitaires, environnementaux et sociétaux auxquels nous confronte le développement des nanotechnologies et nanomatériaux. Elle a aussi démontré, en dépit de cette diversité, la convergence des préoccupations sociales et l’intérêt d’une approche fédérative face à ces questions. Elle a manifesté l’ensemble des ressources dont disposait la société civile pour s’emparer de sujets parfois techniques et y faire valoir la nécessité d’une approche mesurée et l’importance du principe de précaution. Elle a enfin prouvé que la « contestation sociale », parfois si caricaturale, pouvait s’incarner dans des forces de propositions ouvertes au dialogue et organisées. Le succès du dialogue organisé avec les chercheurs est à cet égard éloquent. La journée a également manifesté malgré tout une fois de plus l’écart et le retard entre les mesures de gouvernance adoptées par les états et par l’Europe et l’ensemble des revendications portées par le monde associatif et syndical.
Précisons en épilogue que la nature de ces échanges a pu, à l’issue du projet NANOSCOOPE, être portée à la connaissance et à la réaction d’une large communauté de parties prenantes du développement des nanotechnologies (en particulier issues des mondes académique, institutionnel, industriel et politique) lors de la journée de clôture du projet en mars 2017.
Un compte-rendu plus détaillé et l'intégral des vidéos des interventions sont réservés aux adhérents (en ligne ici).
Pour toute question ou manifestation d'intérêt, merci de contacter Danielle Lanquetuit (contact@veillenanos.fr) et/ou Mathilde Detcheverry (redaction@veillenanos.fr) AVICENN est l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies, éditeur de http://veillenanos.fr
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
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