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Quelles informations sur les nanomatériaux dans les fiches de données de sécurité (FDS) ?
Quelles informations sur les nanomatériaux dans les fiches de données de sécurité (FDS) ?
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification juillet 2020
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Les FDS : un support d'information nécessaire pour une meilleure protection des travailleurs
Les fiches de données de sécurité (FDS) ont pour objectif de permettre aux travailleurs de manipuler en sécurité des substances et mélanges en étant informés des risques possibles et des mesures de précaution à prendre. Ces documents sont censés délivrer une information complète sur les propriétés et les dangers des substances et des mélanges tout au long de la chaîne de transformation du produit1.
Problème : pas - ou très peu - de données spécifiques pour les nanomatériaux dans les FDS aujourd'hui
Malheureusement, les FDS contiennent très rarement des informations spécifiques sur le caractère nanométrique des matériaux ainsi que sur les risques liés à leur utilisation et les moyens de prévention recommandés. Tout au plus fournissent-ils des données sur matériau parent (à l'échelle micro- ou macroscopique) dont les propriétés et les risques sont très différents.
Ainsi aux USA, des fiches pour des nanotubes de carbone disponibles dans le commerce fournissent les limites d'exposition admissibles du graphite (composé de carbone également)2...
En Australie, selon une étude de l'agence australienne pour la santé et la sécurité publiée en 2010, à peine 18 % des FDS fournissaient une description adéquate et suffisante pour pouvoir évaluer le risque professionnel, et la plupart des fiches ne fournissent pas de description et de données spécifiques pour les nanomatériaux3.
Des chercheurs coréens ont également analysé des FDS pour 97 des nanomatériaux testés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)4. Ils ont mis en évidence :
une information insuffisante ou absente en ce qui concerne, par exemple, les caractéristiques physico-chimiques, les voies d'exposition, les profils toxicologiques et les mesures de protection ;
l'utilisation de données (notamment les valeurs limites d'exposition professionnelle, VLEP) provenant de la même substance mais sous forme non nanométrique, alors qu'elles ne sont pas validées pour la forme nanométrique
l'utilisation d'informations trompeuses, comme un n° CAS (n° de produit chimique) pour une autre forme de carbone (par exemple, le noir de carbone ou graphite) sur une FDS de nanotubes de carbone ;
l'absence d'information concernant le risque d'explosion de poussières, en particulier de l'oxyde d'aluminium.
Des membres de l'Institut national pour la sécurité et la santé au travail des USA (NIOSH) étaient parvenus aux mêmes conclusions après avoir analysé le contenu de cinquante FDS préparées entre 2007 et 20115.
Nous n'avons pas trouvé de chiffres spécifiques portant sur des FDS européennes, mais il y a fort à parier qu'ils sont également très faibles. En 2012, l'INRS affirmait que la plupart des informations fournies dans les FDS (notamment les données toxicologiques et les mesures de prévention) ne se rapportaient pas spécifiquement aux nanomatériaux mais concernaient les matériaux parents c'est-à-dire les matériaux (nature chimique et structure cristalline identiques) à l'échelle micro ou macroscopique6.
Enfin, lorsqu'il s'agit de produits contenant des nanomatériaux, il est encore plus difficile détablir des fiches correspondant à ces produits car les nanomatériaux ne présentent pas forcément les mêmes propriétés ni les mêmes dangers qu'à l'état libre.
En 2014, Avicenn a pu identifier environ une quarantaine de produits vendus en agriculture ayant été déclarés au registre R-nano. Aucune des 42 fiches de sécurité consultées ne mentionne cependant d'information sur un ingrédient à la taille nanométrique, bien que certaines aient été mises à jour après la mise en place des définitions réglementaires européenne et française.
A partir de 2021, des informations sur les nanoformes seront obligatoires sur les FDS en Europe
A partir de 2021, il deviendra obligatoire de préciser dans les FDS si les substances ou les mélanges se présentent sous une forme nanométrique. Le règlement n°2020/878 qui modifie l'annexe II du règlement REACH sur les exigences relatives à l'élaboration des fiches de données de sécurité (FDS)7prévoit en effet que soient enfin obligatoirement fournies des informations spécifiques aux nanoformes à compter du 1er janvier 2021 (au plus tard au 31 décembre 2022) :
la FDS devra mentionner dans chaque rubrique pertinente si elle concerne des nanoformes et, le cas échéant, préciser lesquelles, et relier les informations de sécurité pertinentes à chacune de ces nanoformes
la FDS devra indiquer les caractéristiques des particules qui définissent la nanoforme et, en plus de la solubilité dans l’eau, la vitesse de dissolution dans l’eau ou dans d’autres milieux biologiques ou environnementaux pertinents
en ce qui concerne les nanoformes d’une substance à laquelle le coefficient de partage n-octanol/eau n’est pas applicable, il y a lieu d’indiquer la stabilité de la dispersion dans différents milieux
pour les solides, la taille des particules [diamètre équivalent médian, méthode de calcul du diamètre (sur la base du nombre, de la surface ou du volume) et la fourchette dans laquelle cette valeur médiane varie] devra être indiquée ; d'autres propriétés peuvent également être indiquées, telles que la répartition par taille (par exemple sous la forme d’une fourchette), la forme et le rapport d’aspect, l’état d’agrégation et d’agglomération, la surface spécifique et l’empoussiérage.
En attendant, comme l'avait précisé dès 2013 l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), si la substance est fournie sous la forme de nanomatériau, cela peut déjà être indiqué dans la sous-rubrique "aspect". Par exemple, état physique: solide (nanomatériau)8.
Ces précisions ont été demandées de longue date par de nombreux acteurs
De nombreuses institutions ont exprimé leur souhait que les FDS contiennent des données spécifiques pour le format nano et que la présence de nanomatériaux dans les produits soit signalée. Parmi elles figurent notamment :
la Confédération européenne des syndicats dès 2008 (CES ou ETUC)9
le secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) de la Suisse en décembre 2010 puis en 201210
Les nanomatériaux étant des agents chimiques, les règles générales relatives à la protection de la santé des salariés doivent être appliquées (prévention du risque chimique selon le code du travail) d'où la nécessité d'avoir des FDS adaptées.
Un consensus assez large se dégage sur la nécessité de :
faire figurer dans les FDS les caractéristiques physico-chimiques et dangers des nano-objets ; de fournir des recommandations spécifiques en termes de précaution, protection - tant en ce qui concerne la manipulation, le stockage que la fin de vie du produit et de signaler les informations qui ne sont pas (encore) disponibles - notamment les données toxicologiques ou écotoxicologiques)
améliorer la lisibilité des informations fournies : trop souvent les informations sont trop techniques et complexes, empêchant leur bonne compréhension et leur utilisation par des non-experts
veiller à la mise à jour régulière des FDS pour intégrer l'avancée des connaissances (et signaler les informations qui ne sont pas (encore) disponibles - notamment les données toxicologiques ou écotoxicologiques)
garantir l'information des travailleurs concernant les risques pour permettre aux employeurs d'adopter des mesures de contrôle pratiques en milieu de travail, ainsi que pour les représentants des travailleurs afin de vérifier ces mesures13
assurer la transmission des FDS tout au long de la chaine logistique afin de "permettre le suivi du produit au cours de ses étapes de transformations industrielles, c'est-à-dire sur une partie de son cycle de vie" 14. L'objectif, à terme, étant de transmettre la FDS du début à la fin du "cycle de vie". Ces transformations peuvent conduire à la nécessité de produire de nouvelles FDS correspondant au produit formé (cas de fonctionnalisation de nanomatériaux). Certains caractères dangereux peuvent être réduits dans le produit final - par exemple, dans un liquide ou un composite, le risque d'inhalation est faible - même si la prudence doit toujours être de mise16.
Des données techniques plus précises peuvent être consultées dans les documents suivants :
En avril 2014, l'ANSES a recommandé l'encadrement des nanomatériaux selon la réglementation européenne CLP qui obligerait les fournisseurs de substances à l'état nanoparticulaire à fournir à leurs clients des fiches de données de sécurité (FDS) pour les substances "nano" 14.
Même obligatoires, les FDS devraient être accompagnées d'autres mesures d'information et de protection des travailleurs
Ainsi que le précisait déjà l'Afsset (ex-ANSES) en 2008, "la mise à disposition de ces FDS ne saurait, à elle seule, garantir une information suffisante ; l'employeur doit, en outre, établir, pour chaque poste ou situation de travail, une notice indiquant les dispositions prises pour prévenir les risques, les règles d'hygiène applicables et, selon les circonstances, les règles d'utilisation des équipements de protection collective et des équipements de protection individuelle" 17.
En effet même dans les grandes entreprises où les institutions représentatives du personnel (IRP) jouent un rôle important dans la protection de la santé des salariés, les FDS ne sont pas tout le temps bien exploitées. A fortiori, dans les petites et très petites entreprises, les FDS ne sont pas nécessairement lues ; la santé des travailleurs est alors moins protégée18. Une information (complémentaire) plus opérationnelle est donc nécessaire.
Ce dossier synthétique a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
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Rubrique intialement mise en ligne en juillet 2015
Nano et Santé au travail : Bibliographie
Nano et Santé au travail : Bibliographie
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout décembre 2020
Cette sélection de documents compilés pour réaliser notre dossier Nanomatériaux et Santé au travail a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Elle est classée par type d'acteurs, afin de permettre aux lecteurs de contextualiser l'information qu'il y trouvera. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
OSHA Europe, Suède: protection des travailleurs contre les nanotubes de carbone potentiellement dangereux dans le secteur manufacturier, novembre 2019 (Atlas Copco Industrial Technique, une entreprise manufacturière suédoise, a adopté une approche de précaution pour gérer l’exposition des travailleurs aux nanotubes de carbone, générés par les processus de travail dans son laboratoire d’essai, en installant des hottes d’aspiration et des dispositifs d’extraction afin que les travailleurs n’inhalent pas de poussières potentiellement dangereuses)
Direccte Nouvelle Aquitaine, Table Ronde "nanomatériaux", intervention de Nadine Renaudie, Colloque "Substances Dangereuses : les risques se dévoilent", Limoges, 11 octobre 2018
DIRECCTE et DREAL Pays de la Loire, SSTRN, AMEBAT, médecins du travail des services autonomes des Pays de la Loire et médecin du travail de Man Diesel, Nanomatériaux : Professionnels, êtes-vous concernés ?, novembre 2017
INRS, Rapport " Etudes & Recherche " 2016-2017, novembre 2017 (Ce document présente la synthèse des études terminées en 2016, une brève présentation de l'ensemble des études en cours en 2017, dont plusieurs sur les nanomatériaux)
Interview de Damien Moncoq, chargé de mission CNRS pour la prévention des risques liés à la manipulation de nanomatériaux, Prévention Infos CNRS, n°35, décembre 2013
OMS, Des lignes directrices sur les nanomatériaux et la santé des travailleurs sont en cours de préparation et devaient être publiées d'ici la fin 2015
University of Los Andes (Columbie), Nano Risk App, novembre 2015
NIOSH et al. (USA), The GoodNanoGuide, an Internet-based collaboration platform specially designed to enhance the ability of experts to exchange ideas on how best to handle nanomaterials in an occupational setting
OIT, "Promouvoir des emplois sûrs et sains: Programme de l'OIT sur la sécurité et la santé au travail et sur l'environnement (Safework)", in Travail, n°63, août 2008
Projet Nano SSL-DTS 2014-2015 : Nanotechnologie, santé sécurité au travail et division du travail scientifique - projet PEPS conjoint CNRS-ISIS (Université Paris Saclay), avec Eric Drais (INRS), Joëlle Evans (HEC), Audrey Couyere (UVSQ, Dante) et Susan Silbey (MIT), coordination : Jérôme Pelisse (UVSQ)
Saint-Gobain, Code de conduite (élaboré conjointement par les filières EHS, Médicales et Recherche et Développement) : il définit le cadre au sein duquel les équipes de Saint-Gobain, notamment en R & D, doivent utiliser les nanomatériaux (en cours de révision)
FEBEA, Guide de bonnes pratiques - Prévention des risques liés à la mise en oeuvre des nanomatériaux, accessible uniquement aux adhérents de la FEBEA, juillet 2012
Nano et Santé au travail (3/3) : Quelles recommandations ?
Nano et Santé au travail (3/3) : Quelles recommandations ?
Par MD, DL et l'équipe Avicenn
Cette fiche est la troisième partie de notre Dossier Nano et Santé au travail. Elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Nanos et Risques : Ne pas renouveler les erreurs du passé
Nanos et Risques : Ne pas renouveler les erreurs du passé
Par MD et DL - Dernier ajout novembre 2018
Devant les incertitudes sur les risques associés aux nanomatériaux, quelle attitude adopter ?
Les mêmes questionnements et jeux d'acteurs sont à l'oeuvre que pour des substances comme le plomb, le mercure, l'amiante, les DDT, les PCB, les produits phytosanitaires, les parabènes ou le bisphénol, et plus récemment les insecticides "néonicotinoïdes", etc.
Combien d'années seront nécessaires avant que les mesures adéquates soient mises en oeuvre, en termes d'évaluation et de gestion des risques ?
Allons-nous laisser faire le développement des usages de masse de l'ensemble des nanomatériaux sans distinguer les usages potentiellement utiles des usages plus futiles et en croisant les doigts qu'il n'y ait pas à intervenir après-coup... ou bien parviendrons-nous à tirer les enseignements d'expériences similaires et agir en conséquence ?
Une fois que de grandes quantités de nanomatériaux seront relarguées dans l'environnement et mélangées aux quelques centaines de milliers de substances chimiques de synthèse qui y sont déjà présentes, il sera trop tard pour agir efficacement.
Il est nécessaire de déployer une vraie stratégie de recherche, aux niveaux international, européen, français et dans chaque entreprises concernée : cette stratégie doit être articulée avec les préoccupations de la société civile et avec les besoins des entreprises et des autorités sanitaires et environnementales chargées de mieux évaluer et/ou mieux gérer ces risques. Car la difficulté d'évaluer, de pronostiquer, de gérer des risques reste énorme et plaide pour plus de responsabilité sociétale et environnementale de la part de chacune des parties prenantes (chercheurs, administrations, entreprises, élus, associations, médias, etc.). Le travail de veille et d'information que nous effectuons sur notre site veillenanos.fr et les réseaux sociaux entendent y contribuer. Quelques citations :
Dorota Napierska, responsable du "Safer Chemicals programme" , août 2020
"Historiquement, l'absence d'examen des risques liés à des agents chimiques apparemment bénéfiques a entraîné des expositions à grande échelle qui ont conduit à des effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement découverts des années ou des décennies plus tard, bien après que les dommages aient été causés. Nous avons la possibilité d'éviter de répéter les mêmes erreurs avec le nano-argent".
Annabelle Littoz-Monnet, professeure de science politique à l’IHEID, novembre 2018
"Il s’agit (...) de promouvoir un débat équilibré sur le potentiel, mais aussi les risques et incertitudes liés à ces technologies, et de répondre à une question essentielle: quelle décision prendre face à l’incertitude? L’état actuel de la recherche sur les nanotechnologies ne permet pas de déterminer si ces matériaux sont sûrs".
Philippe Bihouix, La Fabrique Ecologique, Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l'innovation low-tech, octobre 2018
"Une innovation low-tech ? Quel est cet étrange oxymore ? Faut-il retourner à la bougie ou à l’âge des cavernes au
lieu de miser sur le progrès technologique ? Certes, le low-tech ne fait pas rêver comme le high-tech et ses applications futuristes. Et pourtant, si c’était là que se situait la vraie modernité et le courage d’innover ? (...) Les technologies « vertes » et intelligentes sont présentées comme la clé pour résoudre le défi planétaire. A y regarder de plus près, il serait dangereux de faire reposer la transition écologique sur une innovation technologique toujours plus complexe : les high-tech ont souvent tendance à accélérer notre modèle « extractiviste », à nous éloigner de l’économie circulaire et à provoquer de nombreuses problématiques sociales, humaines et politiques. Si le tout high-tech n’est pas l’eldorado promis par certains, il est indispensable de penser différemment et de développer, en parallèle, le concept et les initiatives dites « low-tech »."
Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), Frontiers 2017, décembre 2017 :
"Grâce à notre expérience de l’amiante et d’autres matériaux dangereux, nous savons que la liste des risques potentiels est longue. L’exposition de l’environnement aux nanomatériaux manufacturés est inévitable.
Leurs effets néfastes et leur persistance pourraient avoir des conséquences non négligeables sur les organismes, les écosystèmes et les chaînes alimentaires. (...) Le développement industriel est bien plus rapide que la mise en place de réglementations. En l’absence de suivi à long terme et en raison du manque de données scientifiques sur les nombreux aspects liés à la toxicologie et à la toxicité des nanomatériaux, l’adoption de réglementations spécifiques est lente, bien que les signes témoignant de la dangerosité des nanomatériaux et des risques liés à l’exposition à ceux-ci soient de plus en plus nombreux. (...) Il est nécessaire d’adopter non seulement des politiques porteuses de transformations pour encourager l’innovation et les applications industrielles de chimie verte, mais surtout des cadres réglementaires adaptés et itératifs qui appliquent le principe de précaution pour garantir la sécurité et prévenir toute pollution. Le monde ne peut se permettre d’exploiter les possibilités prometteuses offertes par de nouveaux matériaux sans tenir compte des enseignements du passé concernant les risques et les dommages sur la santé et l’environnement."
Corinne Lepage, Le choix du pire, de la planète aux urnes, février 2017
"En fait, le vrai sujet n'est pas le principe de précaution, mais la responsabilité, responsabilité au sens le plus large du terme, c'est-à-dire le fait d'assumer les conséquences de ses choix. Or, avec les nouvelles technologies, qu'il s'agisse des OGM ou des nanotechnologies, à un certain seuil, la dissémination rend impossible la recherche des responsabilités. L'objectif des industriels est de faire traîner les choses en longueur jusqu'à ce que ce seuil soit atteint. Or ce stade me semble atteint aujourd'hui. Les nanotechnologies sont très largement utilisées sans aucun contrôle. Nous vivons dans un système dans lequel le monde industriel invente les règles de son irresponsabilité. On est parvenu à vider la précaution de son contenu et à en faire un principe purement virtuel en faisant croire, comble de l'hypocrisie, qu'il est un obstacle au développement".
Vladimir Baulin, Nanotechnology is like the early days of radioactivity when it comes to knowing the risks, 2 février 2017
"Il devient urgent de comprendre les mécanismes exacts de nanotoxicité et de faire une classification en fonction du mécanisme. La radioactivité ou les rayons X sont entrés dans nos vies de la même manière. Il a fallu du temps avant que les chercheurs comprennent les mécanismes d'action sur les organismes vivants", a mis en garde Vladimir Baulin de l'Université Rovira i Virgili, à Tarragone (Espagne)."
Le Dr Baulin est le coauteur d'un article publié en novembre dernier dans Science Advances, qui montre pour la première fois que les nanoparticules peuvent traverser la membrane biologique. L'étude découle du projet SNAL, financé par l'Union européenne.
François Jarrige, Ils ont critiqué le progrès, 22 février 2016
"On peut déjà s'interroger sur ce que serait notre monde si personne n'avait jamais mis en doute les bienfaits de la technique ; si personne n'avait oeuvré pour retirer du marché certains produits toxiques comme le DDT, cet insecticide utilisé en agriculture et dans la lutte contre le paludisme, ou les chlorofluorocarbures (CFC) à l'origine du trou dans la couche d'ozone. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation paradoxale. À bien des égards, une nouvelle phase techno-critique s'est ouverte. Avec la crise financière et économique, l'épuisement des ressources naturelles, les dégradations de plus en plus visibles de l'environnement... mais aussi avec la montée des inégalités sociales, beaucoup ressentent le besoin de repenser le projet technique de la modernité, son gigantisme et son accélération incessante. L'histoire des techno-critiques remet en perspective certains débats très contemporains. Pour la première fois, on ose aborder la question de la puissance acquise par l'homme, capable de modifier les grands équilibres du globe, d'éteindre ou de modifier des espèces animales, d'artificialiser la vie... Pourtant il reste difficile de contester le consumérisme technologique et la fascination pour les derniers gadgets censés relancer la croissance et résoudre nos problèmes. Et le débat reste encore caricatural entre ceux qui ne jurent que par l'innovation technique et à l'opposé ceux qui voient déjà l'apocalypse arriver..."
Sébastien Delpont, Sortons des controverses sur l'innovation, 22 septembre 2014
"Quelle que soit la sincérité des acteurs en présence, il leur faut prendre conscience qu'il y a en France un tel passif sur ces questions (amiante, sang contaminé, chlordécone) que ce n'est pas demain qu'on basculera, aux yeux de la population, de la présomption de culpabilité à la présomption d'innocence lorsque émerge une controverse. (...) Le temps où il était possible d'imposer une technologie à une société convaincue de la justesse d'analyse de son Etat central (comme pour le nucléaire) est fini. Notre monde interconnecté a permis une rupture de l'asymétrie de l'information sur l'accès aux recherches scientifiques. Des données sur ces controverses sont accessibles en quelques clics sur des sites dédiés ou des réseaux sociaux. (...) Le consommateur final, le plus concerné, semble être le grand oublié de ces combats acharnés entre industriels et ONG où règnent les conflits d'intérêts. On le prend à témoin lors de passes d'armes mais sans lui livrer toutes les informations pertinentes. Il ne sait plus à quel saint se vouer. Il a besoin de s'appuyer sur des intermédiaires de confiance. (...) La seule issue pour des industriels lançant de nouvelles technologies est d'entrer dans des démarches volontaires et positives de filières pour régler ces controverses. Ces démarches transparentes doivent intégrer dès l'amont l'ensemble des parties prenantes : fabricants, distributeurs, associations, pouvoirs publics dans l'analyse des risques, la chasse aux conflits d'intérêts et l'explication au grand public."
David Suzuki, Spéculation, yeux fermés et mauvaises surprises, 12 août 2014
"Il se peut que les nanomatériaux s'avèrent être une aubaine pour les humains, mais nous avons trop peu de connaissances sur leurs effets à long terme pour les incorporer les yeux fermés à nos produits alimentaires ou autres. Si nous devons retenir une chose du passé, c'est que même si nous pouvons spéculer sur les avantages des nouvelles technologies, la réalité ne correspond pas toujours à la spéculation et un manque de connaissances peut conduire à de mauvaises surprises en aval."
Philippe Bihouix, auteur de L'âge des Low Tech, juillet 2014
"Plus on est high-tech, moins on fabrique des produits recyclables et plus on utilise des ressources rares dont on finira bien par manquer. Il est absurde de croire que les solutions technologiques pourront être déployées à la bonne échelle. Ainsi l'ensemble des résidus agricoles de la planète ne suffirait pas à couvrir notre seule consommation de plastiques Il faut donc se tourner vers les basses technologies. D'abord réfléchir à nos besoins. Avant d'apprendre à se passer des automobiles, brider la puissance des moteurs, alléger le poids. Concevoir des objets plus simples, privilégier le mono-matériau, réduire le contenu électronique (la cafetière italienne contre la machine à expresso) et mettre en place un réseau de récupération, réparation, revente, partage des objets du quotidien, outils, jouets, appareils ménagers Sur cette Terre, tout a un impact. Il n'y aura jamais de voiture « propre », quand bien même son énergie serait « zéro émissions ». C'est donc dans la tempérance qu'il faut chercher le salut..."
Steffen Foss Hansen et David Gee, Recherche adéquate et prospective sur les dangers potentiels des nouvelles technologies : un cas de myopie et d'inertie?, juin 2014
"L'histoire confirme que malgré les nombreux avantages apportés par les innovations technologiques, ces dernières peuvent également causer beaucoup de souffrance humaine, la dégradation de l'environnement et des coûts économiques. Ne sommes-nous pas en train de faire bégayer l'Histoire avec les produits chimiques et les nouvelles technologies? (...) À la lumière de l'histoire des risques technologiques passés, où la recherche sur les recherches sur les aspects sanitaires et environnementaux ont été menées trop peu et trop tard, nous suggérons qu'il serait prudent de consacrer entre 5 et 15% de la recherche et développement à la recherche sur les aspects sanitaires et environnementaux afin d'anticiper et de réduire les risques potentiels tout en maximisant la durée de vie commerciale des technologies émergentes."
William Dab, Quelle cartographie des risques ?, 15 juin 2014
"Les risques incertains méritent un débat public organisé et mettent le politique en première ligne. S'ils concernent de vastes populations, ils constituent une priorité pour la recherche (cas des nanotechnologies, par exemple). Les risques émergents appellent à la fois des procédures de vigilance spécifiques, des programmes de recherche dédiés et des actions pédagogiques."
Roger Lenglet, "Ne plus se laisser manipuler", Nanotoxiques, mars 2014
"Certes les dossiers des colorants et des parfums d'ambiance cancérigènes, des veaux aux hormones, du bisphénol A, sans oublier la "vache folle", les sels d'aluminium et le mercure dans les vaccins et les plombages, par exemple, ont laissé des traces dans les mémoires. Mais beaucoup de gens sont ainsi faits qu'ils imaginent qu'on ne refera plus les mêmes erreurs. Encore plus nombreux sont ceux qui veulent maintenir leur confiance dans les "garde-fous" en pensant que c'est une croyance nécessaire pour continuer à vivre heureux. Une formule immémoriale l'exprime : "Si l'on faisait attention à tout, on ne vivrait plus." La société moderne a engendré ce sentiment et continue à l'entretenir, nous faisant déléguer à des instances supérieures la prudence et l'attention aux dangers."
Emmanuel Fort - Nanoparticules et innovation biomédicale : Avancées thérapeutiques, risques sanitaires ?, 13 décembre 2013
"Le rythme des innovations est spectaculaire et les avancées diagnostiques et thérapeutiques considérables. Mais quid des effets nocifs des nanoparticules sur notre santé... et sur le monde animal et même végétal ? Les chercheurs s'interrogent sur l'éventuelle écotoxicité de ces matériaux, comme par exemple ceux que l'on intègre de plus en plus couramment dans les cosmétiques et les produits de bain.
Aujourdhui, les chercheurs de l'institut Langevin nous incitent à la prudence concernant le foisonnement de produits cosmétiques à base de nanoparticules - en particulier celles d'argent. La nanoparticule d'or serait quant à elle inoffensive, surtout si elle est entourée d'une couche de silice, mais là encore des études contradictoires sont parues. Le radium, découvert par Marie Curie et qui lui fut lentement fatal, eut lui aussi son heure de gloire et fut utilisé jusqu'à la fin des années 1930 dans toute sorte de produits de consommation courante du dentifrice aux aiguilles fluorescentes des horloges, en passant par des sodas. Les ouvrières s'en mettaient dans les cheveux pour son effet paillettes, et une utilisation oto-rhino-laryngologique pour les enfants a même perduré aux États-Unis jusqu'aux années 70."
Luc Perino - Bons élèves de l'agnotologie, 27 novembre 2013
"Le danger des additifs au plomb dans l'essence a été découvert dans les années 1930 et l'essence au plomb a été définitivement interdite en 2000. Le rôle cancérogène de l'amiante a été démontré dans les années 1930 et il a fallu attendre les années 1990 pour que les premières lois d'interdiction entrent en vigueur. La responsabilité du tabac dans le cancer du poumon a été mise en évidence par l'étude de Doll en Hill et 1950 et les premières lois effectives contre le tabac sont apparues plus de trente ans plus tard. Les effets néfastes d'un excès de consommation de sucre étaient évidents au début du XX° siècle et les premières alarmes ont été déclenchées dans les années 1960.
Ces exemples, parmi les plus connus, font apparaître un délai incompressible de 30 à 60 ans entre la preuve d'une nocivité et les premières législations destinées à la réduire. La durée de ce délai est liée à la puissance des lobbies et à leur expertise en « agnotologie ». Ce néologisme de Proctor désigne la « science » consistant à produire du doute et de la méconnaissance, son principe simple repose sur une cascade d'amalgames : toute étude étant toujours critiquable, la critique devient équivalente à une absence de preuve, et l'absence de preuve est alors assimilée à une absence de nuisance. Les médias grand public en sont l'amplificateur naturel, puisque leur vitalité provient de la polémique et de la pluralité des paroles".
Stéphane Foucart - Irrationalité(s), 15 novembre 2013
"La science est ainsi à la traîne de la formidable capacité d'innovation de l'industrie. Sachant que la réglementation est elle-même structurellement en retard sur la science, le procès en irrationalité fait aux adversaires des « nanos » prend une dimension assez paradoxale Car s'il n'est pas raisonnable de prôner l'abandon de la recherche sur ces objets aux promesses si grandes, il ne semble pas non plus très rationnel d'en avoir généralisé l'usage sans en avoir mieux exploré les risques.
La disqualification pour cause d'irrationalité est une vieille antienne : en 1992, le célèbre appel d'Heidelberg (signé par des centaines de savants) fustigeait déjà les « préjugés irrationnels » des mouvements de défense de l'environnement. L'appel d'Heidelberg installait déjà l'idée que toute exigence d'un environnement sain, formulée hors de l'establishment scientifique, était suspecte d'irrationalité. On réalisa, mais un peu tard, que l'industrie de l'amiante était à l'origine du texte."
Collectifs de chercheurs - Innovation scientifique : la parole aux citoyens ! 29 octobre 2013
"plus d'un siècle de développement scientifique et technique nous a montré que si ce développement a permis dans certains domaines d'améliorer les conditions de vie des hommes et l'environnement, l'inverse s'est malheureusement manifesté largement dans de nombreux domaines (biodiversité, climat, pollutions atmosphériques et marines, accidents technologiques...). La nécessité du contrôle de la société sur ces développements est aujourd'hui une évidence"
William Dab - Les nanotechnologies, un cas d'école, 14 juillet 2013
"Quand on parle des risques des nouvelles technologies, les nanotechnologies sont assurément un cas d'école. (...) Les nanoparticules posent évidemment des questions de sécurité sanitaire parce que leur taille leur permet de franchir les barrières biologiques. Le développement rapide de ce marché va conduire à une exposition humaine accrue. C'est la seule certitude que l'on ait, car pour le reste, nous faisons face à plus de questions que de réponses. Quelques études toxicologiques montrent qu'elles peuvent induire des processus pathologiques. A ce stade, c'est un signal plus qu'une preuve. En réalité, il s'agit d'un domaine où l'incertitude est maximale et c'est en cela qu'il s'agit d'un cas d'école. La mise sur le marché se fait à un rythme tel que les capacités d'évaluation des risques ne peuvent pas suivre."
Agence européenne pour l'environnement (AEE) - Signaux précoces et leçons tardives, vol. 2, janvier 2013
"Le premier volume des Signaux précoces et leçons tardives (Late Lessons from Early Warnings) publié en 2001 était un rapport novateur détaillant l'histoire des technologies ayant par la suite été jugées dangereuses. Le volume 2 de 750 pages publié en janvier 2013 comprend 20 nouvelles études de cas dont une étude de cas sur les nanotechnologies.
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Les études de cas historiques montrent que les avertissements ont été ignorés ou écartés jusqu'à ce que les dommages pour la santé et l'environnement ne deviennent inéluctables. Dans certains cas, les entreprises ont privilégié les profits à court terme au détriment de la sécurité du public, en cachant ou en ignorant l'existence de risques potentiels. Dans d'autres cas, les scientifiques ont minimisé les risques, parfois sous la pression de groupes d'intérêts. Ces leçons pourraient nous aider à éviter des conséquences néfastes provoquées par les nouvelles technologies. Cinq de ces histoires illustrent également les avantages apportés par la rapidité de réaction en réponse aux signes avant-coureurs.
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Privilégier le principe de précaution est presque toujours bénéfique - suite à l'analyse de 88 cas de prétendue «fausses alertes», les auteurs du rapport n'en n'ont validées que quatre. Le rapport montre également que les mesures de précaution permettent souvent de stimuler plutôt que d'étouffer l'innovation."
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
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