Des études ont montré que des nanomatériaux peuvent :
franchir les barrières buccale et intestinale et se diffuser dans l'organisme1 ; des études ont montré également que des nanoparticules de silice ou d'argent s'agglomèrent dans l'eau ou dans les milieux acides (comme l'estomac) mais se réindividualisent dans l'intestin où le pH est neutre ; elles peuvent alors traverser plus facilement la barrière intestinale2.
s'accumuler ensuite dans les organes3 (tube digestif, foie, rate mais aussi estomac, reins, poumons, testicules, cerveau), dans le sang et à l'intérieur des cellules ;
y causer des perturbations voire des effets toxiques :
- Nanoparticules de dioxyde de titane (E171) :
L'additif alimentaire E171 est constitué de particules de dioxyde de titane (TiO2) (dont une partie sous forme nano). Il est autorisé au niveau européen par l'EFSA, qui a néanmoins recommandé en 2016 que soit menées de nouvelles études sur le système reproducteur4. De nombreuses publications postérieures à 2016 font état d'effets délétères sur la santé liés à l'ingestion de nanoparticules de TiO2 : risques pour le foie, les ovaires et les testicules chez les humains, problèmes immunitaires et lésions précancéreuses au niveau du côlon chez le rat, perturbations du microbiote intestinal, inflammations et altérations de la barrière intestinale chez les animaux comme chez les humains, effets néfastes pour la descendance chez les rongeurs, etc.5L'additif E171 est donc suspendu en France depuis le 1er janvier 2020.
- Nanoparticules de silice (E551) :
Des effets potentiellement néfastes sur la santé associés à l'ingestion de nanoparticules de silice (le SiO2 correspond à l'additif E551) ont été montrés6, notamment des dysfonctionnements de la division cellulaire et des perturbations du trafic cellulaire7, ainsi que des effets indésirables sur le foie8 ; inquiétant si l'on considère que nous absorbons en moyenne environ 124 mg de nano-silice (E551) par jour9 ; en outre certaines nanosilices sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses10. Ayant constaté in vitro que des nanoparticules de dioxyde de silicium peuvent générer des inflammations dans le tractus gastro-intestinal de souris (une atteinte à la défense immunitaire du système digestif), une équipe de chercheurs suisses préconise une moindre utilisation de particules de silice comme additif alimentaire11. La réévaluation de la silice sous forme de E551 (nano et non nano), a été adoptée avec beaucoup de retard sur le calendrier initial, fin 2017, sans que des conclusions définitives puissent en être tirées concernant l'innocuité ou la toxicité de cet additif12. Depuis, de nouvelles études ont été publiées, qui confirment l'existence d'effets néfastes de l'ingestion de nanoparticules de silice, notamment sur le foie, les intestins et les reins13. Des fabricants de silice ont tenté de défendre leur produit en attaquant l'une de ces études, parue en 2019 ; les chercheur·es visé·es ont à leur tour répondu, toujours dans la même revue, en démontant point par point les critiques mises en avant par les fabricants de silice14.
- Nanoparticules d'argent (E174 notamment) :
Des nanoparticules d'argent sont présentes dans l'additif E174 mais également dans des emballages ou contenants alimentaires antibactériens ; or des nanoparticules d'argent injectées dans le sang de rats ont été retrouvées jusque dans le foie, au niveau noyau des hépatocytes, et altèrent les cellules de cet organe vital15 ; une autre étude a montré que des nanoparticules d'argent administrées par voie orale à des souris ont endommagé les cellules épithéliales ainsi que les glandes intestinales des rongeurs et entraîné une diminution de leur poids16 ; une perturbation de la flore intestinale a également été observée chez des poissons zèbres alimentés avec de la nourriture contenant des nanoparticules d'argent17, ainsi que chez la souris18. Il a été également démontré que l'ingestion de nanoparticules d'argent provoque des altérations permanentes du génome chez la souris et pourraient donc conduire à un cancer19, etc. D'autres résultats concordants ont été publiés récemment, montrant également des effets néfastes des nanoparticules d'argent au niveau des reins sur des rats20.
- Nanoparticules d'oxyde de zinc (ZnO):
Les nanoparticules d'oxyde de zinc présentes sur le revêtement intérieur des boîtes de conserve se retrouvent dans les aliments et risquent d'entraîner une moins bonne absorption des nutriments et une plus grande perméabilité de l'intestin, transférant dans le sang des composés indésirables21.
Des nanocomposites de dioxyde de cerium (CeO2) peuvent provoquer une altération du métabolisme22.
On ignore aujourd'hui encore beaucoup de choses sur les répercussions que l'ingestion de nanomatériaux peut avoir sur la santé humaine24. Les études de toxicité des nanoparticules par voie orale sont rares et beaucoup ont pu comporter des faiblesses méthodologiques25 qui rendent difficile l'utilisation de leurs résultats. Les conditions expérimentales reflètent encore mal la façon dont les consommateurs sont exposés ; les nanomatériaux considérés sont souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux (et résidus de nanomatériaux) que les consommateurs ingèrent réellement26.
En outre les caractéristiques physico-chimiques des nanoparticules testées et leurs interactions avec la matrice alimentaire sont insuffisamment documentées.
Néanmoins des progrès sont en cours depuis peu, grâce aux améliorations des pratiques des chercheurs, des outils et des protocoles.
L'un des problèmes qui risque de durer encore néanmoins a trait à la grande complexité de l'évaluation des risques liés à l'ingestion de nanomatériaux : la toxicité des nanoparticules diffère en effet selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, degré d'agglomération, etc.). Or, ces caractéristiques sont très variables selon les nanomatériaux et peuvent évoluer tout au long de leur cycle de vie :
en fonction des conditions dans lesquelles les nanomatériaux sont synthétisés, stockés, éventuellement enrobés ;
par les transformations qu'ils subissent lors de la cuisson et de la préparation des plats ou dans l'appareil digestif27 (par exemple au contact du milieu acide de l'estomac, etc.)
lors des interactions avec les emballages et/ou avec les autres ingrédients et substances chimiques avec lesquels les nanomatériaux se retrouvent mélangés (avant puis pendant l'ingestion et la digestion) ; on peut craindre par exemple un "effet cocktail" avec certaines molécules28
L'évaluation du risque doit en outre tenir compte :
de la susceptibilité individuelle (le stress augmente par exemple la perméabilité intestinale aux xénobiotiques)29 ;
de la durée et de la période d'exposition30, sachant que selon une étude récente, les enfants consommeraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de l'ingestion de sucreries ayant des niveaux élevés de nanoparticules de dioxyde de titane31
→ Autant d'éléments qui rendent extrêmement difficile l'évaluation de l'exposition du consommateur et des risques sanitaires liés à l'ingestion des nanoparticules.
En 2009, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont convoqué une réunion d'experts sur les incidences des nanotechnologies sur la sécurité sanitaire des aliments : le rapport qui en est issu, publié en 2011, liste les besoins de recherche pour mieux évaluer les risques dans le domaine. Nonobstant le large consensus sur la nécessité de renforcer les recherches sur les risques liés aux nanomatériaux ingérés, ces dernières sont aujourd'hui encore très limitées (voir notre fiche Les travaux de recherche sur les risques associés aux nanomatériaux en lien avec l'alimentation pour plus de détails).
Mais de l'aveu même de scientifiques impliqués dans les études de toxicologie et écotoxicologie, évaluer correctement les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux a un coût prohibitif. En 2012, Mark Wiesner, directeur du CEINT (USA) avait ainsi résumé la situation : "le nombre et la variété des nanomatériaux est sidérant, il n'y a pas assez d'éprouvettes dans le monde pour procéder à toutes les expériences nécessaires"32. En 2009, des chercheurs ont estimé le coût des études de toxicité à réaliser pour les nanomatériaux déjà existants à 250 millions de dollars au minimum, voire 1,18 milliards de dollars en fonction du degré de précaution adopté, nécessitant entre 34 et 53 ans d'études33. Se pose ainsi la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
En attendant des évaluations concluantes, la commercialisation de produits alimentaires contenant des nanoparticules continue
En octobre 2016, l'ANSES a été saisie par ses ministères de tutelle pour étudier les risques liés aux nanoparticules dans l'alimentation, et plus précisément :
réaliser une étude détaillée de la filière agro-alimentaire au regard de l'utilisation des nanos dans l'alimentation,
prioriser les substances et/ou produits finis d'intérêt en fonction de critères pertinents déterminés au cours de l'expertise,
réaliser une revue des données disponibles (effets toxicologiques et données d'exposition)
et en fonction de leur disponibilité, étudier la faisabilité d'une évaluation des risques sanitaires pour certains produits.
Un "groupe de travail" ("GT nano alimentation") composé d'experts indépendants a été mis en place courant 2017. Les résultats de l'expertise initialement attendus pour fin 201734 ne seront pas connus avant fin 201935.
Résultats du programme européen Nanogenotox sur la génotoxicité des nanomatériaux, présentés en français à l'ANSES, lors de la Restitution du programme national de recherche environnement santé travail : Substances chimiques et nanoparticules : modèles pour l'étude des expositions et des effets sanitaires : Dossier du participant et Diaporama, novembre 2013.
Documents présentés lors de la réunion du bureau chargé de l'évaluation des risques et de la recherche pour l'autorité de sûreté des produits de consommation des Pays Bas (NVWA) en octobre 2013
Silicon dioxide nanoparticle exposure affects smallintestine function in an in vitro model, Guo Z et al, Nanotoxicology, avril 2018 : "SiO2 NP exposure significantly affected iron (Fe), zinc (Zn), glucose, and lipid nutrient absorption. Brush border membrane intestinal alkaline phosphatase (IAP) activity was increased in response to nano-SiO2. The barrier function of the intestinal epithelium (...) was significantly decreased in response to chronic exposure. Gene expression and oxidative stress formation analysis showed NP altered the expression levels of nutrient transport proteins, generated reactive oxygen species, and initiated pro-inflammatory signaling. SiO2 NP exposure damaged the brush border membrane by decreasing the number of intestinal microvilli, which decreased the surface area available for nutrient absorption. SiO2 NP exposure at physiologically relevant doses ultimately caused adverse outcomes in an in vitro model".
Nanotechnologies et nanoparticules dans l'alimentation humaine et animale, Afssa (aujourd'hui ANSES), mars 2009 : "L'évaluation des risques liés aux nanoparticules est limitée par l'absence de méthodes validées et applicables en routine permettant la détection, l'identification et la quantification des nanoparticules, dans les différentes matrices (aliments, eau, air...), dans les liquides biologiques et les tissus" (p.26).
28 - Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, ne pourraient-ils pas devenir (plus) dangereux ? Les toxicologues travaillent en isolant des substances ce qui ne permet pas d'établir les effets d'interaction d'une pluralité de substances pénétrant dans l'organisme. Cf. http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=EffetsNanoSante#EffetCocktail
29 - Voir aussi E. Houdeau (INRA), "Nanoparticules et barrière intestinale : comprendre les mécanismes de franchissement" : Diaporama, Carrefour de l'innovation agronomique (CIAG), novembre 2012 ; Article académique, Innovations Agronomiques, 24, 105-112, 2012
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Selon le ministère de la transition écologique et solidaire1, entre 10 000 et 100 000 tonnes de nano dioxyde de silicium (SiO2) ont été officiellement importées ou fabriquées en France en 2018. Une fourchette peu précise et qui doit être considérée à titre indicatif uniquement car les quantités enregistrées dans le registre français R-nano sont en deçà des quantités réellement présentes sur le marché français car de nombreux nanomatériaux échappent à la déclaration
La silice est utilisée par l'industrie dans des applications très diverses.
Les silices amorphes de synthèse (SAS) sont utilisées comme :
additif alimentaire (E551) :
anti-agglomérant dans les denrées en poudre (sucre, sel, farine, cacao, et nombreux produits déshydratés comme les soupes, nouilles instantanées, café, etc.)
ou modificateur de viscosité dans les sauces, soupes, vinaigrettes, etc.
nous en absorberions en moyenne environ 124 mg par jour2
autorisée, y compris à l'état nano pour des usages précisément définis (denrées alimentaires en poudre, sucre, sel, assaisonnement, riz...) en 20093
son innocuité est sujette à caution et sa réévaluation était prévue pour 20164.
absorbeur d'humidité dans de nombreux produits (notamment les couches pour bébé5)
agents de renforcement ou épaississants dans divers systèmes (élastomères, résines, peintures, encres)
agents de clarification de la bière et du vin
agents fluidifiant pour des produits cosmétiques (rouges à lèvres, shampoings, crèmes), pharmaceutiques ou dentifrices
Depuis la mise en place de la déclaration des "substances à l'état nanoparticulaire" en 2013, on a la confirmation que différentes nanoformes de silice sont importées ou produites en France : plusieurs formes de substances à l'état nanoparticulaire ont été déclarées, sous différentes appellations : "gel de silice", "silicon dioxyde", "silice amorphe de synthèse", "acide salicylique - sel de magnésium", "silane", "silicon dioxyde", "silicate", "silane", "dichlorodimethyl-", "produits de réaction avec la silice").
La quasi totalité (sinon la totalité) des particules primaires de silice utilisées sont des nanomatériaux :
que les SAS utilisées dans les cosmétiques : en juillet 2019, le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) a publié son avis final sur la solubilité de la silice amorphe de synthèse (SAS)8, selon lequel les SAS hydrophiles et hydrophobes doivent être considérées comme insolubles ou très légèrement solubles ; en vertu du Règlement Cosmétiques de 2009, ces deux SAS sont donc à considérer comme des nanomatériaux et devraient être étiquetées avec la mention [nano].
L'étiquetage des nanos dans l'alimentation, bien qu'obligatoire depuis fin 2014, n'est pas respecté en Europe, alors que des tests ont confirmé la présence de nanomatériaux dans des produits vendus dans les rayonnages des supermarchés français depuis 2016.
Malgré l'obligation d'autorisation préalable à la mise sur le marché des denrées alimentaires contenant des nanomatériaux, la surveillance de l'innocuité des nanomatériaux dans l'alimentation demeure largement en deça de ce que la société civile et les députés européens les plus sensibilisés aux risques demandent depuis des années désormais.
Retard dans la mise en oeuvre de l'étiquetage des nanomatériaux dans l'alimentation
L 'étiquetage des nanomatériaux dans l'alimentation obligatoire en Europe depuis décembre 2014
Depuis décembre 2014, le consommateur aurait dû voir apparaître des mentions [nano] dans les liste d'ingrédients des denrées alimentaires.
C'est du moins ce qui a été prévu par le Règlement européen concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO)1 de 2011 (suite à une demande exprimée par le Parlement européen dès... 2009).
Son article 18, alinéa 3, stipule en effet qu'à compter de la mi-décembre 2014 "tous les ingrédients qui se présentent sous forme de nanomatériaux manufacturés sont indiqués clairement dans la liste des ingrédients. Le nom de l'ingrédient est suivi du mot "nano" entre crochets".
Paru au Journal officiel le 10 mai 2017, un arrêté2 de Ségolène Royal, alors ministre de l'environnement, rappelle cette obligation d'étiquetage.
De très rares mentions [nano] sur les étiquettes...
Pourtant, en 2018, très peu d'étiquettes de produits alimentaires comportent la mention [nano] :
- Le seul produit identifié entre 2014 et 2016 contenant de la silice étiquetée [nano] a été une poudre de tomate Auchan, repérée par l'association de consommateurs CLCV en 20143 et aujourd'hui retirée du marché.
- Courant 2016 et jusqu'en janvier 2017, l'association Agir pour l'Environnement n'avait trouvé aucune mention [nano] sur les listes d'ingrédients des produits alimentaires vendus dans les supermarchés français, alors que ses tests ont confirmé les soupçons de présence de nanoparticules non étiquetées dans plusieurs produits alimentaires4 !
- En mars 2017, nos veilleurs nous ont signalé la présence de la mention [nano] sur l'étiquette de compléments alimentaires5.
- En août 2017, le magazine 60 millions de consommateurs a révélé que les 18 produits sur lesquels l'association a fait réaliser des tests contenaient eux aussi des nanomatériaux, non étiquetés6
- Depuis fin 2017, la DGCCRF (répression des fraudes) a égrené des résultats partiels de ses analyses, qui viennent confirmer celles publiées par les associations mentionnées plus haut : dans la quasi totalité des produits alimentaires testés, des nanoparticules ont été détectées... sans que l'étiquetage comporte de mention [nano], à une exception près7.
- En février 2018, l'UFC Que Choisir a déposé plainte contre des fabricants de produits alimentaires pour non-respect de l’obligation de l'étiquetage [nano] sur des produits pourtant positivement testés comme contenant des nanoparticules8.
Par la suite, des associations dans d'autres pays européens ont effectué les mêmes constats : les Amis de la Terre Allemagne, l'association italienne de consommateurs Altroconsumo, le magazine belge Test santé et le magazine espagnol OCU-Compra Maestra ont publié des tests similaires, avec toujours le même constat9 : plus de quatre ans après sa date d'entrée en vigueur, l'obligation d'étiquetage [nano] dans l'alimentation est donc encore loin d'être effective !
⇒ Envoyez vos clichés des étiquettes portant la mention [nano] à redaction(at)veillenanos.fr et à infonano@agirpourlenvironnement.org en précisant les références du produit, la date et le lieu de vente.
Pourquoi un tel silence de la part des marques ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer le silence des marques : réticence par peur de voir les consommateurs se détourner de leurs produits, ignorance (réelle pour certains, feinte pour d'autres), informations incomplètes ou erronées de la part de leurs fournisseurs et/ou de leur branche professionnelle, ...
Une marque qui voudrait commercialiser des produits "sans nano" (pour ne pas avoir à en étiqueter et/ ou par principe de précaution) peut exiger des garanties de la part de ses fournisseurs ; si un fournisseur n'a pas rempli correctement son contrat, elle a possibilité de le contraindre ou de demander des pénalités.
Mais aucune marque ne peut plus faire la politique de l'autruche : même celles qui ont des attestations de la part de leurs fournisseurs (certifiant que leurs ingrédients ne sont pas des nanomatériaux) peuvent être inquiétées. Car d'un point de vue juridique, les marques ont l'obligation de vérifier ce qu'elles mettent dans ses produits ; celles qui se repose(raie)nt sur les attestations incomplètes ou erronées de leurs fournisseurs peuvent donc aussi être poursuivies au pénal.
Quel lobbying auprès de la Commission européenne ?
Depuis 2013, sous l'influence des lobbys de l'agroalimentaire, la Commission européenne cherche à contrevenir à cette obligation d'étiquetage (pourtant règlementaire !) en demandant à ce que la mention [nano] ne figure pas sur la liste des ingrédients déjà utilisés "depuis des décennies", afin de ne pas jeter la confusion parmi les consommateurs (sic). Après différents rebondissements10, la Commission a indiqué fin 201411 qu'elle allait présenter une autre proposition de révision du Réglement INCO au Parlement et au Conseil des ministres en février 2015, mais cette proposition a été suspendue aux résultats de la révision du Règlement relatif aux nouveaux aliments (Novel Foods) intervenue en octobre 2015 après de longs mois de retard (cf. infra).
Pendant tout ce temps, l'industrie a pris prétexte de la confusion créée par la coexistence potentielle de définitions différentes pour ne pas appliquer l'obligation d'étiquetage. Mais depuis fin 2015, cette confusion a été levée, car la définition du Règlement "Nouveaux aliments" est strictement identique à celle du Règlement INCO.
Ceci étant dit, l'industrie ne compte pas pour autant se plier davantage à la réglementation : elle porte désormais tous ses espoirs (et ses efforts ?) vers la perspective d'un futur "acte délégué" (en préparation au niveau de la Commission européenne) qui viendra modifier la définition du terme "nanomatériau" du nouveau Règlement "Nouveaux aliments" : une définition plus "lâche", lui permettrait de se soustraire, légalement cette fois, à l'étiquetage tant redouté...
Quel contre-lobbying citoyen ?
Face à cette situation contraire à la transparence et au respect des consommateurs, le contre-lobbying citoyen a commencé à se mettre en place :
- Parmi les onze mesures qu'Avicenn a compilées en 2016 pour ce groupe de travail (en partenariat avec ses membres associés et autres acteurs de la société civile ou membres d'instances d'évaluation et de gestion des risques), figure la nécessité de mieux contrôler l'application de l'obligation européenne d'étiquetage et de la renforcer au niveau français.
- En mars 2017, l'association Agir pour l'Environnement (APE) a mis en ligne, le site http://www.infonano.org, une base de données qui répertorie aujourd'hui plus de 300 produits alimentaires suspectés de contenir des nanoparticules.
Quels contrôles et sanctions de la part des pouvoirs publics ?
En mars 2015, le groupe écologiste de l'Assemblée nationale avait fait rajouter au projet de loi Santé l'obligation pour le gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'application en France des règlements européens en matière d'étiquetage sur la présence de nanomatériaux dans les produits concernés (cosmétiques, biocides et alimentation), mais il a malheureusement été supprimé au Sénat12.
Depuis fin 2017, la DGCCRF (répression des fraudes) a égrené des résultats partiels de ses analyses, qui viennent confirmer celles publiées par les associations mentionnées plus haut : dans la quasi totalité des produits alimentaires testés, des nanoparticules ont été détectées... sans que l'étiquetage comporte de mention [nano], à une exception près. Elle s'était engagée à publier les résultats complets de ses 114 prélèvements avant la fin 2017 et a rencontrer les professionnels concernés pour partager ces résultats et décider ensuite des mesures appropriées, notamment des poursuites si cela s'avère nécessaire 7.
L'association Agir pour l'Environnement a vivement réagi, en protestant contre l'inertie des autorités : " En n’engageant pas de poursuite immédiate contre les fabricants, les pouvoirs publics continuent de dédouaner les industriels pris dans le pot de nanos et leur permettent de continuer à gagner du temps, comme ils le font depuis des années sur ce sujet. C’est le jeu du « pas vu, pas pris » qui va pouvoir perdurer ! Cette nouvelle forme de procrastination judiciaire est proprement scandaleuse !"13.
Depuis, la DGCCRF a durci le ton14 en insistant sur le fait que les entreprises pour lesquelles les analyses montreraient un manquement à l'obligation d'étiquetage sont susceptibles d'être poursuivies ; la DGCCRF pourra transmettre des dossiers au Parquet pour que des poursuites judiciaires soient engagées, avec des demandes de mise en conformité des étiquetages et des poursuites pénales (contraventions de 5ème classe : ~1500€), voire, pour les faits de tromperie (en cas de dissimulation manifeste de la présence de nanos dans le produit), des peines pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende (article L454-1 du code de la consommation).
Des "inspections communautaires" ont été réalisées en France en 2017 ainsi que dans trois autres États membres de l'Union européenne (Grèce, Lituanie, Portugal) pour vérifier la mise en oeuvre de la réglementation INCO (donc de l'étiquetage [nano] dans les aliments)15. Pour l'instant la France est le seul Etat membre à avoir mis en place des tests pour vérifier l'application de l'obligation d'étiquetage [nano] dans l'alimentation. Fin novembre 2017, elle a présenté sa démarche au comité d'experts du Règlement INCO au niveau communautaire et s'est engagée à mettre à la disposition des autres Etats membres ses méthodes d'analyse. Ces derniers auront ainsi toutes les clés en main pour agir.
C'est la définition du nouveau Réglement Novel Foods qui désormais fait office de référence pour l'étiquetage des "nanomatériaux manufacturés" ; elle est, dans sa version votée en octobre 2015 au Parlement européen, la copie conforme de celle comprise dans le Règlement INCO de 201116.
Le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) de la Commission européenne avait pourtant souligné l'absence de fondement scientifique à cette limite de 100 nm. Des résultats d'études toxicologiques font état d'effets toxiques engendrés spécifiquement à l'échelle submicronique dépassant les 100 nmn, notamment jusqu'à 600 nm17.
D'autre part, la mention [nano] n'indique pas sous quelle forme ni en quelle quantité le nanomatériau indiqué est présent dans le produit concerné, ni les risques pour le consommateur, contrairement à ce que demandait dès 2009 France Nature Environnement notamment.
Jugeant que le caractère hermétique de telles informations ne les rendrait pas pertinentes pour le grand public, l'association Sciences et Démocratie avait quant à elle proposé "une simplification de l'étiquetage pour les risques intrinsèques des produits, à l'image de ce qui a été accompli en matière de consommation d'énergie" et ne se limitant pas aux nanomatériaux.
Un consensus se dégage pour considérer que l'étiquetage doit être en tous les cas accompagné d'actions complémentaires en termes de traçabilité, de tests de toxicité, voire de limitation ou interdiction dans le cas de certains types de nanomatériaux.
Des tests d'innocuité avant la commercialisation d'aliments (ou emballages alimentaires) contenant des nanomatériaux ?
Plusieurs règlements européens prévoient explicitement la traçabilité et l'innocuité des nanomatériaux qui potentiellement utilisés par l'industrie agroalimentaire.
Le cas des additifs (nanosilice, nano dioxyde de titane notamment)
Concernant les additifs alimentaires, un Règlement européen de 2008 prévoit que l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) opère une nouvelle évaluation des additifs préalablement autorisés mais dont la taille des particules a été modifiée par l'utilisation des nanotechnologies18.
L'EFSA a adopté de nouvelles lignes directrices pour l'évaluation des additifs alimentaires en 2012 qui prévoient des informations spécifiques pour la caractérisation des nanomatériaux19.
Le programme de réévaluation des additifs déjà autorisés avant 2009, en cours de réalisation (mais avec un certain retard), prend maintenant ce critère en compte.
- La silice amorphe (SiO2, dioxyde de silicium, classée parmi les additifs alimentaires comme anti-agglomérant, notamment sous le sigle E551), a été autorisée, y compris à l'état nano pour des usages précisément définis (denrées alimentaires en poudre, sucre, sel, assaisonnement, riz...) en 200920 ; pourtant son innocuité est sujette à caution21.
- Dans le cas du dioxyde de titane (TiO2, E171, autre additif catalogué comme colorant dans l'alimentation et les médicaments), une réévaluation par l'EFSA initialement prévue pour décembre 201522, puis repoussée à 201623, a été rendue publique en septembre 201624. L'EFSA a considéré que les données disponibles sur le E171 dans les aliments ne mettaient pas en évidence de problèmes de santé pour les consommateurs, tout en recommandant de nouvelles études sur les effets possibles sur le système reproducteur. Depuis, plusieurs études sont venues confirmer les doutes et légitimer les appels à la plus grande vigilance concernant cet additif, et notamment sa fraction nanoparticulaire25 ! En janvier 2017, les ministères chargés de l'économie, de la santé et de l'agriculture ont donc décidé de saisir conjointement l'ANSES afin de déterminer si l'additif alimentaire E171 présente un éventuel danger pour les consommateurs26. Cette saisine a conduit le gouvernement français à suspendre le E171 en France depuis 2020.
Le cas des matériaux et objets en plastique en contact avec des denrées alimentaires
Dans les matériaux et objets en plastique en contact avec des denrées alimentaires, le Règlement européen PIM n°10/2011 prévoit que les substances sous forme nanométrique doivent faire l'objet d'une procédure d'autorisation spécifique par l'EFSA27.
Mi-2017 on comptait une douzaine de nanomatériaux autorisés, selon des spécifications particulières28 :
nitrure de titane
silices (dioxyde de silicium amorphe synthétique et dioxyde de silicium amorphe synthétique silylé)
noir de carbone
kaolin
copolymère du butadiène, acrylate d'éthyle, méthacrylate de méthyle, styrène
oxydes de zinc (non revêtu / revêtu avec méthacrylate de 3-triméthoxysilyl propyle)
copolymère d'acide méthacrylique, d'acrylate d'éthyle, d'acrylate de n-butyle, de méthacrylate de méthyle et de butadiène
argile montmorillonite modifiée par le chlorure de diméthyloctadécyl ammonium
Le cas des produits biocides utilisés pour désinfecter les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux
Le Règlement Biocides qui contient des dispositions spécifiques aux nanomatériaux :
- ne s'applique pas aux pesticides à usage agricole ni aux substances actives comprises dans les médicaments et cosmétiques ainsi que dans les denrées alimentaires (car ils sont couverts par d'autres mesures européennes... qui ne se réfèrent pas toutes à leur caractère nanométrique !).
- mais s'applique aux produits utilisés pour désinfecter les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (matériel, conteneurs, ustensiles de consommation, surfaces ou conduits utilisés pour la production, le transport, le stockage ou la consommation de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux - y compris l'eau potable).
Les nanoparticules d'argent sont principalement concernées.
L'article 69 demande à ce que l'étiquette indique non seulement la présence de nanomatériaux dans le produit, avec le terme «nano» entre parenthèses, mais aussi "les risques spécifiques éventuels qui y sont liés".
Leurs risques n'ayant pas encore fait l'objet d'une évaluation appropriée, les biocides contenant des nanomatériaux nécessitent une autorisation spécifique.
L'application de ce réglement soulève toutefois de nombreux défis - tant pour les pouvoirs publics que pour les entreprises concernées - listés par Steffen Foss Hansen et Anna Brinch dans un article paru en mai 2014 dans la revue Chemical Watch29. A cette date, soit plus de 6 mois après l'entrée en vigueur du Réglement, aucun des 200 produits contenant du nanoargent répertoriés dans leur Nanodatabase danoise n'était étiqueté [nano]...
Le cas des aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âge ainsi que ceux destinés à des fins médicales spéciales
Le Parlement européen a examiné à l'été 2013 en seconde lecture la proposition de "Règlement concernant les aliments destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge ainsi que les aliments destinés à des fins médicales spéciales" en cours de discussion depuis 201130.
Le Parlement européen, en juin 2012, avait recommandé "d'exclure les nanomatériaux de la liste de l'Union pour les catégories d'aliments couvertes par le règlement aussi longtemps que l'Autorité n'aura pas apporté la preuve de leur sécurité, sur la base de méthodes d'essai appropriées et suffisantes, de leur valeur nutritionnelle et de leur utilité pour les personnes auxquelles ils sont destinés".
Le texte adopté stipule que "lorsque les méthodes de production sont sensiblement modifiées pour une substance utilisée conformément aux dispositions du présent règlement ou que la taille des particules de cette substance a changé (par le recours aux nanotechnologies, par exemple), cette substance devrait être considérée comme différente de celle qui a été utilisée conformément aux dispositions du présent règlement et elle devrait être réévaluée selon le règlement (CE) n°258/97 (Novel Food) et par la suite en fonction du présent règlement".
Un enjeu important puisque selon une étude récente, les enfants consommeraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de l'ingestion de sucreries ayant des niveaux élevés de nanoparticules de dioxyde de titane31.
Le nouveau Règlement "Nouveaux aliments" voté par le Parlement européen en octobre 2015
Le nouveau Règlement "Nouveaux aliments" (Novel Foods), voté en octobre 2015 par le Parlement européen32 couvre désormais "les denrées alimentaires qui se composent de nanomatériaux manufacturés" (mais pas les additifs, qui relèvent du Réglement additifs de 2008) mentionné plus haut. Ce n'était pas le cas pour la version initiale du Règlement de 1997, qui ne prévoyait rien de spécifique sur les nanomatériaux33, et dont la révision a été à l'agenda politique européen depuis plusieurs années sans que les institutions ne parviennent à se mettre d'accord (sur les nanomatériaux mais aussi sur d'autres sujets controversés, notamment celui de la viande clonée).
Depuis 2009, le Parlement européen avait demandé l'instauration de tests obligatoires avant la commercialisation d'aliments contenant des nanomatériaux34. Mais l'échec des négociations autour du Règlement depuis 2013 a retardé l'adoption d'une telle mesure et n'a pas permis de faire adopter toutes les dispositions réclamées par les députés les plus sensibilisés sur la question des risques sanitaires des nanomatériaux35.
Il devra désormais y avoir une demande d'autorisation de mise sur le marché pour les "nanomatériaux manufacturés" définis comme suit : "matériau produit intentionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonctionnelles distinctes, soit internes, soit à la surface, dont beaucoup ont une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, y compris des structures, des agglomérats ou des agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés typiques de la nanoéchelle. Les propriétés typiques de la nanoéchelle comprennent:
i) les propriétés liées à la grande surface spécifique des matériaux considérés; et/ou
ii) des propriétés physico-chimiques spécifiques qui sont différentes de celles de la forme non nanotechnologique du même matériau"
Cette définition pourra évoluer afin d'être ajustée "au progrès scientifique et technique ou aux définitions convenues à un niveau international". Le recours à un acte délégué permettra au Parlement européen d'avoir voix au chapitre sur la manière dont la définition est actualisée.
Les demandeurs devront fournir des explications concernant la pertinence scientifique des méthodes d'essai appliquées et, le cas échéant, concernant les adaptations ou ajustements techniques effectués pour tenir compte des caractéristiques spécifiques de ces matériaux (article 10, paragraphe 4).
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC)36 et les députés européens verts Michèle Rivasi et José Bové37 auraient souhaité que le Parlement aille plus loin dans ses exigences afin d'encadrer plus strictement la commercialisation des nanomatériaux dans l'alimentation, notamment en adoptant une définition moins limitée et en demandant un moratoire sur la présence de nanoparticules dans les aliments tant qu'une procédure européenne adéquate d'évaluation sanitaire et environnementale n'a pas été mise au point.
Six tests réalisés par Agir pour l'Environnement en France en 2016 ont établi la présence de nanoparticules non étiquetées dans tous les produits analysés : biscuits LU, chewing gums Malabar, blanquette de veau William Saurin et épices Carrefour, puis bonbons "Têtes brûlées" goût framboise et chewing-gums NEW'R de Leclerc
5 - Cf. par exemple le produit Citrumax, de la marque Lereca : "Dioxyde de silicium [nano] E551"
6 - Cf. Stop aux nanoparticules, 60 Millions de consommateurs, Mensuel - N° 529 - septembre 2017 (paru le 27 août 2017)
décembre 2013 : dans son projet de Règlement délégué n°1363/2013 du 12 décembre 2013 (publié par erreur dans le Journal officiel de l'Union européenne du 12 décembre 2013) modifiant le "Règlement INCO", la Commission a confirmé sa volonté que la mention [nano] ne figure pas obligatoirement sur la liste des ingrédients pour certains additifs déjà utilisés "depuis des décennies" et autorisés. C'est le cas de la nanosilice. Objectif affiché : ne pas "jeter la confusion parmi" les consommateurs.
janvier 2014 :
le 10 janvier 2014, la délégation française a demandé la prolongation du délai prévu pour exprimer des objections, afin de permettre au groupe "Denrées alimentaires" de discuter d'éventuelles objections ;
le 24 novembre 2014, la Commission environnement, santé et sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen a demandé un moratoire sur les aliments contenant des nanomatériaux, à l'initiative des groupes Verts et Gauche unitaire européenne (cf. Nouveaux aliments: les députés demandent un moratoire sur les nano-aliments et l'étiquetage de la viande clonée, Communiqué de presse du Parlement européen, 25 novembre 2014). Les députés souhaitaient que les nanomatériaux ne soient pas autorisés avant d'être approuvés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ils ont également demandé qu'une attention particulière soit accordée aux emballages alimentaires qui contiennent des nanomatériaux, afin d'empêcher qu'ils ne contaminent les aliments et que tous les nouveaux aliments soient également soumis à une surveillance suite à leur mise sur le marché, conformément au principe de précaution. Enfin, les députés ont demandé que soit modifiée la définition existante de nanomatériaux pour la rendre conforme aux recommandations de l'EFSA, avec un seuil de nanoparticules de 10% pour qu'un ingrédient alimentaire soit qualifié de "nano" - contre 50% proposé par la Commission européenne. Le Parlement européen devait valider le nouveau texte en session plénière le 2 février 2015. Le rapporteur du texte, le britannique James Nicholson (Conservateurs et réformistes européens, ECR), avait reçu le mandat d'entamer des négociations avec le Conseil des Ministres de l'UE. L'avancement de la procédure peut être suivi en cliquant ici.
Finalement, c'est la définition intiale du Règlement INCO qui a été conservée et reprise dans le Réglement Novel Food.
16 - La définition de "nanomatériau manufacturé" retenue par le Règlement INCO de 2011 disparaîtra de ce dernier pour ne pas créer de doublon avec le réglement Novel Foods.
17 - La "Food & Drug Administration" (FDA) américaine a ainsi choisi de définir un nanomatériau comme un matériau dont l'une des dimensions au moins est inférieure à 1000 nm. Cf. Reporting Format for Nanotechnology-Related Information in CMC Review, Office of Pharmaceutical Science (FDA), juin 2010
Dans le "considérant" 13 : "Un additif alimentaire déjà autorisé en vertu du présent règlement et préparé au moyen de méthodes de fabrication ou de matières premières sensiblement différentes de celles visées dans l'évaluation de risques de l'Autorité ou différentes de celles prévues par les spécifications doit être soumis par l'Autorité à une évaluation. Par "sensiblement différentes", on pourrait entendre entre autres (...) une modification de la taille des particules, y compris l'utilisation des nanotechnologies"
Dans l'article 12 : "Lorsque, s'agissant d'un additif alimentaire déjà inclus dans une liste communautaire, les méthodes de production ou les matières premières utilisées font lobjet d'une modification notable, ou lorsqu'intervient une modification dans la taille des particules, par exemple par l'emploi des nanotechnologies, l'additif produit avec ces nouvelles méthodes ou matières premières est considéré comme un additif différent et une nouvelle entrée ou une modification des spécifications dans les listes communautaires est nécessaire avant qu'il puisse être mis sur le marché".
28 - Les ajouts ont été effectués par plusieurs vagues depuis 2011 (en février 2015, août 2016, avril 2017). Source : "Evaluation de la migration des nanomatériaux depuis les matériaux au contact", intervention de Morgane PRESLE, Ingénieur Matériaux, LNE, Journée technique "Nanoparticules et Alimentation", 27 juin 2017
33 - Cf. Règlement de 1997 sur les "nouveaux aliments" (Novel Food). Aucune demande d'autorisation de mise sur le marché de nanomatériau pour usage alimentaire n'ayant été recensée (au moins jusqu'en 2012), ni en France ni dans les autres Etats de l'Union européenne, les autorités considéraient qu'aucun ingrédient nanomanufacturé n'avait été mis sur le marché dans l'alimentation. (cf. Risques alimentaires - Les nanotechnologies dans l'alimentation, Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, dans la version du 1er octobre 2012). Pourtant, on ne peut exclure que des industriels ont utilisé le flou juridique actuel pour commercialiser des produits alimentaires contenant des nanomatériaux sans demander l'autorisation préalable auprès des autorités compétentes (la DGCCRF en France).
Le rapporteur du texte, le britannique James Nicholson (Conservateurs et réformistes européens, ECR), a ensuite reçu le mandat d'entamer des négociations avec le Conseil des Ministres de l'UE.
Fin septembre 2015, les industriels ont fait connaître, par la voix de la Nanotechnology Industries Association (NIA), leur opposition à la nouvelle définition proposée par le Conseil : jugeant cette dernière trop large, floue et pas assez claire, la NIA redoutait qu'elle conduise à ce que d'innombrables produits (sic) tombent sous le coup de cette réglementation "disproportionnée" : Proposed Regulation on Novel Foods update is 'unworkable', NIA, 24 septembre 2015
Le texte proposé par le Conseil a été voté par le Parlement européen en plénière en octobre 2015. Il a été validé par le Conseil de l'UE. L'avancement de la procédure est récapitulé ici.
A noter au niveau français : dans un article publié le 27 novembre 2014 sur son site, le quotidien de l'écologie Reporterre accusait le gouvernement français d'avoir pris position contre un amendement des Verts dans le but de vouloir favoriser l'introduction des nanomatériaux dans l'alimentation : Nanomatériaux : le gouvernement français veut les introduire dans l'alimentation, Philippe Desfilhes, Reporterre, 27 novembre 2014
AVICENN a sollicité les ministères de l'agriculture, de l'écologie et de la santé pour obtenir des éclaircissements sur les arguments retenus pour que les autorités françaises se déclarent défavorables à l'amendement déposé par les députés européens français José Bové, Michel Rivasi et Younous Omarjee demandant "l'interdiction de mise sur le marché d'aliments utilisant des nanomatériaux".
Le ministère de l'agriculture, qui a reconnu avoir participé aux discussions sur ce texte, nous a renvoyé vers la direction chef de file sur cette réglementation : la DGCCRF et plus précisément le bureau 4A (Nutrition et information sur les denrées alimentaires) qui nous a répondu n'être "pas habilité à [nous] donner une réponse directement" et nous a renvoyé vers le service communication de la DGCCRF - lequel n'a jamais donné suite à notre sollicitation.
Fiche initialement créée en décembre 2011
Risques associés aux nanoparticules de silice
Risques associés aux nanoparticules de silice
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout mars 2020
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Les effets potentiellement néfastes des nanoparticules de silice sur la santé1 mais également sur l'environnement2 sont de plus en plus documentés.
Dès 2014, l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) a préconisé un classement des nanoparticules de dioxyde de silice dans le Règlement CLP afin que soient mises en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction de l'utilisation de certaines applications grand public3.
Une évaluation du dioxyde de silice et de ses nanoformes par les Pays-Bas était planifiée pour 2012 dans le cadre REACh, via le "Plan d'action continu communautaire" (CoRAP) de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA). Elle a été lancée en 20144mais n'a pas abouti aujourd'hui, faute de données suffisantes fournies par les fabricants de silice.
En mars 2015, l'ECHA a relayé les difficultés rencontrées par les Pays-Bas et a demandé davantage d'informations aux industriels sur les nanoformes de silice qu'ils fabriquent, afin de pouvoir mener à bien l'évaluation de ces substances5. Mais en juin 2015, la "Chambre des recours" de l'ECHA s'est vue notifier des recours par les fabricants de nanosilice refusant de donner les informations demandées : l'un isolé, par Grace (Allemagne)6, l'autre groupé, rassemblant 35 entreprises7 : quatre entreprises implantées en France font partie des signataires (Evonik Aerosil France Sarl, Clariant Production S.A.S, Merck Performance Materials SAS, Rhodia Operations SAS).
Un document de l'ECHA daté de mars 2015 stipule qu'une sous-estimation possible des dangers ne peut être exclue sur la base des données fournies par les fabricants de silice, appelés à préciser leurs informations.
Où en est l'instruction de ce dossier ? Ce n'est pas très clair : document CORAP.
Les agrégats ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que les particules primaires
Début 2020 ont été publiés les résultats de recherches menées en Belgique montrant que les agrégats de taille supérieure à 100 nm ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que leurs homologues nanométriques8.
Risques spécifiques de la silice dans les cosmétiques
Concernant les cosmétiques : le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) a fait état, en septembre 2015, de données trop disparates, inadéquates et insuffisantes pour pouvoir conclure tirer aucune conclusion concernant la sécurité des nanoformes de silice9.
Risques spécifiques de la silice dans l'alimentation
Depuis 2011 au moins, on sait que la silice alimentaire (E551) peut contenir des nanoparticules et des chercheurs ont estimé à 124 mg notre consommation de nano-silice par jour10.
Concernant les risques liés à leur exposition par voie orale (via l'alimentation), la réévaluation du E551 (silice en tant qu'additif alimentaire) par l'EFSA, attendue pour décembre 2016, a finalement été publiée début 2018, sans que des conclusions définitives puissent en être tirées concernant l'innocuité ou la toxicité de cet additif11.
Mais des scientifiques signalent des effets indésirables non négligeables ; vous trouverez des informations plus détaillées en cliquant ici.
La 1ère substance nano autorisée comme biocide
En avril 2014, le nano dioxyde de silice amorphe synthétique est devenue la première (et jusqu'à fin 2016 au moins, la seule) substance nano à avoir été approuvée comme pouvant être mise sur le marché comme substance biocide à compter du 1er novembre 201512.
Les propriétés antibactériennes de la silice, recherchées pour certaines applications ciblées, peuvent entraîner des effets indésirables pour certaines communautés bactériennes nécessaires à la santé ou à l'équilibre des écosystèmes. La vigilance doit donc être de mise.
Et dans le domaine médical ?
Dans le domaine médical, un article publié le 28 janvier 2019 dans Nature Nanotechnology montre que les nanoparticules de dioxyde de silice peuvent induire des modifications de l'endothélium et donc une fuite de cellules tumorales, à l'origine de métastases. Selon Frédéric Lagarce, professeur de biopharmacie et praticien hospitalier à Angers, "ce qui est intéressant / original c'est de montrer un risque potentiel des nanotechnologies dans le traitement des tumeurs alors que ces technologies sont souvent présentées comme la réponse pour améliorer les performances des anticancéreux. Il faudrait maintenant vérifier si ces modifications endothéliales sont aussi retrouvées avec les nanoparticules polymères ou lipidiques, beaucoup plus utilisées pour encapsuler des actifs et cibler les tumeurs. Si cela était malheureusement le cas, toute la stratégie des nanomédecine (très orientée cancer) serait remise en cause".En savoir plus sur la nanomédecine en cliquant ici.
En mai 2019, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) met en garde contre les risques élevés pour la santé associés à la silice cristalline, en particulier pour les 365 000 travailleurs qui y sont exposés, notamment au quartz. Les risques des silices amorphes sont particulièrement importants, à cause de leur taille nanométrique. L’Anses recommande une série de mesures en termes de prévention et de maîtrise des expositions en milieu professionnel, de surveillance médicale et de reconnaissance des maladies professionnelles.
6 - Announcement of appeal - Grace GmbH & Co. KG, ECHA, août 2015 : "The Agency has based its decision very largely on its own classification of SAS as a nanomaterial, a classification that the Agency is not empowered to make and that in any event is irrelevant to the toxicity of SAS; (d) The Contested Decision is disproportionate in that it is not appropriate or necessary to achieve the objective of protecting human health, and places an unduly heavy burden on the Appellants"
7 - Announcement of appeal - Evonik Degussa GmbH and others, ECHA, août 2015 : "On 29 February 2012, silicon dioxide was included on the CoRAP due to initial grounds for concern relating to 'the substance characterisation, nanoparticles and toxicity of different forms of the substance'. The Appellants claim, however, that none of those alleged grounds for concern are criteria for inclusion of a substance on the CoRAP. The Appellants argue that as a result the Agencys decision to include the substance on the CoRAP was adopted in breach of Article 44 of the REACH Regulation and must be set aside. (...) The Appellants claim that the mere fact that the substance meets the non-legally binding definition of 'nanomaterials' in Commission Recommendation 2011/696/EU on the definition of nanomaterial is not sufficient to justify the requests for information in the Contested Decision. By requesting information on the substance on the grounds that the substance meets the nonlegally binding definition of 'nanomaterials' in the Commission Recommendation, the Agency failed to identify a valid concern that needs to be addressed through the substance evaluation procedure."
En plus des entreprises françaises citées plus haut, les signataires étaient des entreprises :
allemandes : Evonik Degussa GmbH, Evonik Industries AG, Akzo Nobel Chemicals GmbH, BASF SE, Cabot Aerogel GmbH, Cabot GmbH, Clariant Produkte (Deutschland) GmbH, Grace Silica GmbH, Johnson Matthey Chemicals GmbH, Merck KGaA, Wacker Chemie AG
espagnoles : Evonik Silquilmica SA, IQESIL S.A, Instituto Suizo Para el Fomento de la Seguridad Swissi-España, S.L.U
belges : Evonik Degussa Antwerpen NV, SCAS Europe S.A./N.V, Specialty Chemicals Coordination Center SA/NV
suédoises : Akzo Nobel Pulp and Performance Chemicals AB
finlandaises : Akzo Nobel Finland OY, Albemarle Europe Sprl, J.M. Huber Finland OY
hollandaises : Albermarle Catalysts Company B.V., PPG Industries Chemicals BV
britanniques : Cabot Carbon Limited, LSR Associates Ltd., PQ Silicas UK Ltd., PPG CENTRAL (UK) Ltd.
italiennes : Deltagran Europe srl, Silysiamont SpA, Solvay Solutions Italia SpA
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos.
Pour soutenir nos travaux, suivez et partagez nos infos :