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Nano et Santé au travail (3b/3) : Recommandation b : Minimiser l'exposition des travailleurs
Nano et Santé au travail (3b/3) : Recommandation b : Minimiser l'exposition des travailleurs
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout mars 2019
Cette fiche fait partie de notre Dossier Nano et Santé au travail. Elle a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Une protection défaillante des travailleurs exposés aux nanomatériaux
Des études récentes ont montré que les entreprises, en France comme à l'étranger, sont peu à même d'assurer la protection de la santé et de la sécurité de leurs travailleurs1.
Depuis quelques années, la situation s'améliore lentement : des protections individuelles et des équipements de protection collectives sont mis en place pour les personnels des laboratoires de recherche et développement notamment. Ces questions de sécurité d'utilisation et risques pour la santé sont de plus en plus prises en compte par les CHSCT dont les membres sollicitent des formations sur ce sujet.
Du fait des nombreux effets potentiellement néfastes des nanomatériaux sur la santé des travailleurs, il y a en effet nécessité de minimiser l'exposition des travailleurs aux nanomatériaux, dans le respect du principe de précaution.
Eviter l'exposition des travailleurs aux nanomatériaux...
L'approche générale de prévention du risque mise en place pour les produits chimiques dangereux doit s'appliquer aux nanomatériaux.
Il s'agit :
au mieux, d'éliminer les nanomatériaux et de leur substituer, si nécessaire, des matériaux non - en tout cas moins - dangereux (notons au passage le décalage d'une telle recommandation avec les politiques d'incitation à l'accélération de la commercialisation des nanomatériaux...) ;
à défaut, de réduire l'exposition au niveau le plus bas possible (selon le principe ALARA), en maintenant au minimum le nombre des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux ainsi que la durée et le niveau d'exposition.
A cet effet, différentes mesures doivent être strictement appliquées (pour plus de détails, se référer aux publications de l'INRS2) :
limiter certaines opérations critiques (le transvasement, la pesée, l'échantillonnage, ...)
empêcher l'émission de nanomatériaux à l'air libre :
manipuler les nanomatériaux sous forme de suspension liquide, de gel, en pastilles ou incorporés dans des matrices plutôt que sous forme de poudres (qui sont plus volatiles, avec une plus grande propension à se diffuser dans l'air)
capter les polluants à la source (boîtes à gants, hottes de type chimique et autres moyens d'aspiration adaptés à l'utilisation des nanoparticules)
filtrer l'air des lieux de travail avec des filtres à fibres à très haute efficacité
nettoyer les surfaces à l'aide de linges humides et d'aspirateurs spéciaux
stocker les nanomatériaux :
dans des réservoirs ou des emballages doubles totalement étanches, fermés et étiquetés
et dans des locaux frais, bien ventilés, à l'abri du soleil et à l'écart de toute source de chaleur ou d'ignition et des matières inflammables
installer des vestiaires doubles, contigus à la zone de travail afin de séparer les vêtements de ville des vêtements de travail
limiter les déchets, les traiter spécifiquement
protéger directement les travailleurs exposés :
masques filtrants4, respirateurs, lunettes avec protection latérale, gants, couvre-chaussures, combinaisons sans revers et en membrane non tissée (le coton est déconseillé)
attention cependant : la possibilité de passage de nanoparticules à travers certains types de gants en nitrile ou en latex ainsi qu'à travers les combinaisons en polyéthylène a été établie par des équipes de recherche (Erest) de l'Ecole de technologie supérieure de Montréal et par l'IRSST (Canada), contredisant les résultats de chercheurs du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Grenoble qui n'avaient pas trouvé de passage des nanoparticules à travers les membranes en nitrile des gants de protection5
Les femmes enceintes doivent être particulièrement protégées de toute exposition aux nanomatériaux6.
Il n'existe pas, en France, de valeur limite d'exposition au poste de travail (VLEP) spécifique pour les nanomatériaux. Néanmoins, quelques valeurs limites ont été établies à l'étranger pour certains nanomatériaux (depuis 2007 au Royaume-Uni, depuis 2011 aux Etats-Unis et depuis 2013 en Allemagne)7.
A titre d'illustration, les VLEP recommandées aux Etats-Unis sont :
0,3 mg/m3 pour les nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂) (celle du TiO₂ "ultrafin" (< 100 nm) 8
1µg/m3 pour les nanotubes de carbone (NTC) et les nanofibres de carbone9
Des professionnels soulignent néanmoins plusieurs limites à ces VLEP :
pour tout polluant, les valeurs limites d'exposition ne sont pas scientifiquement pertinentes pour la prise en compte des réactions immunitaires et de la cancérogénèse, de très faibles doses pouvant être aussi toxiques que de fortes doses ;
L'INERIS propose depuis 2012 une certification des personnes et des meilleures techniques disponibles pour les postes de travail en présence de nanomatériaux. Sur la base des référentiels Nano-CERT et Nano-CERT / MTD, l'INERIS certifie les compétences des personnes (opérateurs et préventeurs) et les dispositifs de protection (performance des barrières, sûreté de fonctionnement de ces dispositifs). Ces référentiels ont été adoptés par un comité de certification constitué du CEA, du CNRS, d'industriels, de représentants d'une ONG, d'organismes de formation et des fabricants de dispositifs de sécurité.
A noter, le fait que la certification des personnes est "volontaire", car il n'est pas obligatoire de dispenser une formation "certifiante" (mais l'employeur a tout de même l'obligation de fournir une formation à la sécurité du poste de travail).
Autre limite : les certifications portent sur le process, le matériel, le poste de travail et les compétences humaines... mais ne portent pas sur les nanomatériaux eux-mêmes, dont le danger n'est pas évalué dans ce cadre.
... sans oublier les travailleurs extérieurs au site "nano"
L'exposition des travailleurs intérimaires et des sous-traitants doit également être réduite au minimum11.
En cas d'accident ou d'incendie, outre les travailleurs présents, il est nécessaire également que les équipes de secours, pompiers12, etc. soient bien informés de la présence de nanomatériaux sur le site et bien protégés.
... ni de minimiser les potentielles expositions professionnelles aux nanomatériaux en aval de la chaîne de production.
Les précautions précédentes ont été définies d'abord pour minimiser l'exposition des travailleurs manipulant expressément des nanomatériaux, principalement lors des étapes de :
recherche en laboratoires
production de nanomatériaux (laboratoires, ateliers d'industrie chimique, start-ups)
transformation ou intégration des nanomatériaux dans des produits (labos de recherche, cosmétiques, plasturgie, peintures, revêtements, ...)
Mais elles doivent également être appliquées pour les activités périphériques, qui ne doivent pas être négligées, notamment :
le nettoyage, l'entretien et la maintenance des locaux et des équipements (y compris des filtres)
la collecte, le transport, le traitement (recyclage) et/ou l'élimination des déchets qui devraient être traités comme des déchets dangereux13. (de même que tout ce qui a été en contact avec des nanomatériaux : conditionnements, filtres des installations de ventilation, sacs d'aspirateurs, équipements de protection respiratoire, combinaisons, etc.)
La confédération syndicale néerlandaise (FNV) a ainsi recommandé en 2011 d'évaluer le cycle de vie depuis leur entrée dans l'entreprise jusqu'à leur sortie (qu'il s'agisse de produits finis ou semi-finis ou de déchets)14.
L'institut allemand pour la sécurité et la santé au travail a alerté dès 2007 sur le fait que les points d'interface dans le processus de production doivent être contrôlés15 au même titre que les zones de manipulation.
Il est ainsi nécessaire d'identifier et de supprimer les autres sources potentielles d'émission des nanomatériaux sur l'ensemble des sites où sont utilisés / fabriqués / stockés des nanomatériaux.
→ Voir notre fiche dédiée à la mesure des émissions ici
Un autre défi souvent oublié : la protection des nombreux utilisateurs professionnels de produits contenant des nanomatériaux
Ils sont donc vulnérables et moins (in)formés et protégés que les chercheurs et opérateurs des entreprises directement impliquées dans des activités nano et qui disposent - théoriquement du moins - de la formation, des protocoles et des équipements nécessaires.
Debia M et Beaudry C, Exposition potentielle par inhalation et efficacité du confinement quand on utilise des enceintes de sécurité pour la manutention des nanoparticules, résumé en français de "Potential inhalation exposure and containment efficiency when using hoods for handling nanoparticles", J Nanopart Res, 15(9):1880, 2013 in Nanoparticules - maîtrise de l'exposition : concepts et réalisations, Bulletin de veille scientifique (BVS) de l'ANSES, mars 2014
NIOSH et al. (USA), The GoodNanoGuide, an Internet-based collaboration platform specially designed to enhance the ability of experts to exchange ideas on how best to handle nanomaterials in an occupational setting
3 - Dès 2009, le Parlement européen avait demandé spécifiquement à la Commission d'étudier la nécessité de réviser la législation en matière de protection des travailleurs en ce qui concerne, notamment, l'utilisation des nanomatériaux uniquement dans des systèmes fermés ou de toute autre façon garantissant la non-exposition des travailleurs tant qu'il n'est pas possible de détecter et de contrôler l'exposition de manière fiable : cf. Résolution du Parlement européen du 24 avril 2009 sur les aspects réglementaires des nanomatériaux (article 15)
5 - Voir notamment :
- Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail, IRSST, 14 février 2018
- "Développement de méthodes de mesure des propriétés barrières des membranes polymères et textiles contre les nanoparticules en milieu liquide - Application aux vêtements et aux gants de protection" in Restitution du programme national de recherche environnement santé travail : Substances chimiques et nanoparticules : modèles pour l'étude des expositions et des effets sanitaires : résumé dans le Dossier du participant (p.15) et Diaporama en ligne, novembre 2013.
Des recherches sont en cours au Canada pour en savoir plus : voir la page dédiée au projet de recherche"Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail", réalisé conjointement par l'Université McGill, l'École de technologie supérieure, l'Université de Montréal et financé par l'IRSST et NanoQuébec : de premiers résultats montrent une efficacité variable selon les modèles de gants (deux modèles en nitrile ont présenté une efficacité médiocre, l'un d'entre eux devant même être déconseillé lors de la manipulation de nanoparticules en solution aqueuse) : cf. "Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail", IRSST, octobre 2016
La Commission européenne a demandé au Comité européen de normalisation (CEN) de donner son avis sur de nouvelles exigences de normalisation pour différents EPI - gants, chaussures de protection, filtre et masques, vêtements non tissés - contre les nanoparticules solides. Le Comité technique 162 WG 3 du CEN doit réviser le programme de travail 'Vêtements de protection contre les produits chimiques, les agents infectieux, et la contamination radioactive', qui correspond à la protection contre les particules au format nano, ainsi que le programme de travail relatif aux 'filtres à air pour la propreté générale de l'air'.
les études sur le passage des nanomatériaux à travers la barrière placentaire que nous avons compilées ici
les éléments d'alerte concernant la reprotoxicité des nanomatériaux, dont les effets néfastes sur le développement embryonnaire (reprotoxicité) compilés là
Travailler peut nuire gravement à votre santé, Sous-traitance des risques, mise en danger d'autrui, atteintes à la dignité, violences physiques et morales, cancers professionnels, Annie Thébaud-Mony, La Découverte, 2008
Recommandations des pouvoirs publics sur les nanos dans l'alimentation
Devant les nombreuses incertitudes concernant les risques des nanos dans l'alimentation, beaucoup d'organisations publiques ou para-publiques ont émis des recommandations concernant l'utilisation de nanomatériaux ou nanotechnologies dans le domaine alimentaire1.
Ces recommandations peuvent être schématiquement résumées ainsi :
réaliser une veille scientifique et technologique sur les applications nanotechnologiques dans l'agroalimentaire et les risques associés ;
développer l'échange interministériel d'informations sur l'état des connaissances scientifiques sur les risques ;
permettre l'évaluation publique de l'innocuité et l'encadrement juridique des produits concernés ;
exiger la transparence des industriels et l'étiquetage des produits concernés.
Certaines institutions sont allées plus loin :
en 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa, aujourd'hui ANSES) a publiquement affirmé que "la prudence s'impose à l'égard de l'utilisation de nanotechnologies et/ou nanoparticules en alimentation humaine et animale"2 ;
depuis 2009 également, le Parlement européen demande que les aliments incorporant des nanomatériaux ou ayant été produits via des procédés utilisant des nanotechnologies fassent l'objet de tests spécifiques d'innocuité avant leur commercialisation3 (il a partiellement obtenu gain de cause en 2015 avec le Règlement Novel Food qui ne concerne cependant pas les additifs)
quelques mois plus tard en France, le Conseil national de l'alimentation (CNA) a préconisé qu'"en cas d'absence de méthodologie d'évaluation des risques ou de données reconnues comme suffisamment fiables (ce qui est le cas aujourd'hui des nanomatériaux manufacturés), la mise sur le marché de toute denrée alimentaire issue de ces nouvelles technologies ne soit pas autorisée"4
en 2010 en Allemagne, l'Institut fédéral d'évaluation des risques (BfR), rattaché au Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs, est allé jusqu'à demander explicitement aux fabricants de "s'abstenir d'utiliser du nanoargent dans les produits de consommation courante (notamment les aliments) tant que nous ne sommes pas en mesure de garantir l'absence de risques pour la santé"5.
Des ONG ont demandé la mise en place d'un moratoire sur les nanos dans l'alimentation
Parmi les ONG qui se sont prononcées contre l'utilisation de nanomatériaux dans les produits de consommation courante8, différentes ONG9 ont spécifiquement appelé au moratoire concernant l'utilisation de nanomatériaux dans l'alimentation, notamment :
Du fait des difficultés techniques et du coût de la détection des nanomatériaux, la garantie "sans nano" apportée par les labels bio a pu être sujet à caution ; ECOCERT l'a appris à ses dépens en 2012 dans le domaine des cosmétiques11.
Les avancée techniques opérées ces dernières années permettraient néanmoins de réaliser des progrès dans le domaine.
Des consommateurs peu désireux de jouer les cobayes
Dans un contexte général où les consommateurs se montrent de plus en plus suspicieux envers l'alimentation industrielle12, la réticence et la méfiance des consommateurs vis-à-vis des nanoparticules dans l'alimentation sont croissantes :
une étude réalisée par l'INRA en 2011 des consommateurs français et allemands ont exprimé leur refus de voir se développer des applications nano (fictives) dans le domaine de l'alimentation13.
au Royaume-Uni, auprès de 120 participants d'un forum citoyen, organisé en 2010-2011 par la Food Standards Agency (FSA), en charge de la sécurité des aliments au Royaume-Uni : les consommateurs britanniques interrogés se sont montrés sceptiques quant à l'usage des nanotechnologies dans l'alimentation, moins réticents concernant les emballages ou dans les aliments pour réduire les teneurs en sel ou en graisses, mais franchement hostiles à leur utilisation comme nouveaux agents de saveur ou de texture14.
aux Etats-Unis :
auprès de 1130 personnes interrogées fin 2012 qui ont manifesté une réticence à acheter de l'huile de canola dont la production ou l'emballage ont fait intervenir des nanotechnologies, mais ni attirance ni rejet pour une huile comportant des nano-gouttes avec des allégations de bénéfices pour la santé15
auprès de 1117 consommateurs qui, bien qu'ils soient dans l'ensemble sont moins hostiles à la nanofood qu'aux OGM, sont pour une part significative plutôt méfiants par rapport aux nanos dans l'alimentation16
De manière générale, les consommateurs attendent plus de transparence et ne veulent pas être "cobayes de la nano-bouffe"17, ce qu'ils sont pourtant déjà, à leur corps défendant, puisque notre alimentation contient déjà des nanomatériaux - et pas seulement des objets nano "virtuels" comme ceux utilisés à l'INRA pour l'étude mentionnée plus haut menée en 2011.
Depuis 2016, la pétition Stop aux nanoparticules dans nos assiettes ! lancée par Agir pour l'Environnement, exigeant un moratoire sur les nanoparticules dans les produits alimentaires courants, a recueilli plus de 49 000 signatures !
Mais désormais l'ensemble de la filière est sensibilisé aux obligations d'étiquetage et aux risques pour le consommateur. De plus en plus de marques et distributeurs veulent commercialiser des produits "sans nano" (pour ne pas avoir à en étiqueter et/ ou par principe de précaution) et depuis les campagnes d'As you Sow aux Etats-Unis18 et les tests menés par plusieurs associations en France19, plusieurs marques et distributeurs se sont engagés à retirer les additifs incriminés de la composition de tout ou partie de leurs produits : mi 2018, on comptait par exemple William Saurin, Mars, Lutti, Verquin, Sainte-Lucie, Picard, Manufacture Cluizel, Motta, Malabar, Fleury Michon, ainsi que Carrefour, Leclerc, Auchan, Système U*, et la liste s'est allongée encore en octobre 2018 avec Casino puis en novembre 2018 avec les fameux M&M's peanut de Mars (voir la "liste verte" d'infonano.org).
En 2017, Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires, a mis en place un groupe de projet dédié qui a identifié deux axes de travail20 :
un travail d’identification des ingrédients pouvant être utilisés sous forme de nanoparticules dans les compléments alimentaires, avec notamment une enquête auprès des fournisseurs de substances pouvant être trouvées sous forme de nanoparticules
un travail sur les alternatives aux nanos existantes ou en cours d’études, l’objectif étant de proposer un "catalogue d’alternatives", et de recenser les difficultés analytiques rencontrées, et les solutions trouvées.