Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Dernière mise à jour le 10 décembre 2014
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Le TAFTA est l'acronyme anglais pour "TransAtlantic Free Trade Area" : en français, la "zone de libre-échange transatlantique".
Il est parfois dénommé :
"partenariat transatlantique de commerce et d'investissement" (PTCI), soit en anglais : "Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)"
ou encore "grand marché transatlantique" (GMT)
Il s'agit d'un accord commercial et d'investissement, négocié depuis 2013 dans une très grande opacité entre fonctionnaires et représentants de multinationales de l'Union européenne et d'Amérique du nord, envisagé pour 2015.
De nombreuses associations de défense de l'environnement, de la santé, des travailleurs et des consommateurs, ainsi que des partis politiques et des collectivités locales sont mobilisées contre cet accord qui menace nos normes sociales, environnementales et sanitaires et le fonctionnement même de notre démocratie1.
Inquiétudes de la société civile en France et en Europe
Le 25 février 2014, trois associations françaises - Réseau Environnement Santé (RES), Générations Futures et Agir pour lEnvironnement ont relayé2 la pétition lancée par lONG CIEL (association internationale de juristes environnementaux) sur les possibles impacts négatifs du TAFTA. Selon elles, "le TAFTA pourrait :
1. Ralentir les progrès dans la réduction de lutilisation de produits chimiques et pesticides toxiques
2. Continuer de faire porter aux contribuables les coûts sanitaires, sociaux et économiques de la présence de produits chimiques toxiques dans notre alimentation, leau et lair
3. Maintenir le statu quo aux dépens des entreprises qui inventent des alternatives plus sûres aux produits chimiques toxiques
4. Empêcher toute action nécessaire sur les menaces émergentes, comme les perturbateurs hormonaux et les nanomatériaux
5. Retarder lélimination des produits chimiques et pesticides toxiques dans les produits importés sur le marché américain ou européen"
La pétition demande donc, entre autres :
d'"exclure la fabrication, lutilisation et lélimination des produits chimiques de la compétence du Conseil de coopération réglementaire et des chapitres ou annexes du TAFTA" ;
de "préserver la démocratie en empêchant les gouvernements des deux rives de lAtlantique de retarder ou dinfluencer la façon dont les décideurs de lautre rive choisissent de protéger leurs citoyens contre les produits chimiques toxiques" ;
d'"accroître laccès libre à linformation et de limiter les mécanismes de confidentialité commerciale, nuisibles à la sécurité chimique et à la démocratie" ;
de "veiller à ce quon ne conditionne pas la protection vitale des personnes et de lenvironnement à des projections économiques douteuses sur les pertes et profits du commerce international" ;
de "sopposer à la création de soi-disant « comités scientifiques consultatifs » dominés par des scientifiques liés lindustrie".
Alors que l'Europe avance pas à pas vers plus de transparence, de régulation et plus de précaution pour surveiller les incertitudes liées aux nouvelles technologies, le marché américain pousse vers moins de contraintes. Les ONG alertent sur le fait que "nos efforts pour protéger notre santé et celle des générations futures de lexposition aux produits chimiques toxiques pourraient être réduits à néant".
D'autres veilleurs s'inquiètent des effets de cette négociation, très éloignée des recommandations "pas de données, pas de marché" ("no data, no market") faites en Europe. Une autre pétition (disponible en français) a été lancée par Danièle Favari, juriste de l'environnement et du droit européen de l'environnement.
Ce qu'en disent les conseillers du gouvernement français, plus sensibles à la production qu'à la précaution
A la page 10 du rapport publié en mars 2014 et intitulé Le déploiement industriel des nanotechnologies et de la biologie de synthèse sur les territoires, précurseur des manufactures du futur, des conseillers du gouvernement écrivent : "les négociations qui souvrent et se poursuivent respectivement en matière daccords de libre échange entre lUnion européenne dune part, les États-Unis et le Canada dautre part, risquent de buter sur des réglementations divergentes, sagissant de domaines touchant les sécurités sanitaire et alimentaire. Ce calendrier actif de 2013 à 2015 rouvre la question des conditions de la confiance. Sans cette dernière, les investissements à long terme sur les territoires en France nauront tout simplement pas lieu, quelle que soit lefficacité des dispositifs daccompagnement de linnovation".
Les auteurs redoutent que "la tendance au faible investissement par le secteur privé" se confirme en France, "allant à lencontre de lambition de redéploiement industriel sur les territoires. Cette tendance a été décelée lors d'entretiens avec de grands groupes intégrés au plan international et disposant encore dunités de recherche et de production situées en France, mais en compétition interne avec dautres sites, parfois hors Union européenne, plus proches des marchés industriels" 3.
En résumé, forget precaution, get to production (oubliez la précaution, développez la production) 4 ?
Mais quid alors de la "demande sociétale, environnementale et sanitaire" que les auteurs mentionnent pourtant - bien discrètement - à la page 37 du rapport, sachant pourtant que "nombre dacteurs rencontrés par la mission ont souligné linsuffisance de la connaissance relative aux risques de toxicité et décotoxicité liés aux nanotechnologies et aux nanomatériaux" (page 37 toujours) ?
Ce qu'en dit le Bureau du représentant américain au commerce (USTR)
Le Bureau du représentant américain au commerce (USTR) vient de publier un rapport5 sur les obstacles techniques au commerce parmi lesquels figurent le futur - et pour l'instant encore hypothétique - registre nano européen ainsi que les registres nano nationaux mis en place ou en voie de l'être par différentes Etats membres de l'UE. L'USTR considère que ces registres portent atteinte au secret commercial et/ou industriel, coûtent de l'argent aux contribuables, demandent un fort investissement en temps et représentent un fardeau administratif supplémentaire.
Là encore, quid de la protection de l'environnement et de la santé publique ?
Ce qu'en dit un rapport mandaté par la commission ENVI du Parlement européen
En novembre 2014, la commission "environnement, santé publique et sécurité alimentaire" (ENVI) du Parlement européen a publié une étude qu'elle avait mandatée à Deloitte, l'Ecologic Institute et l'Institute for European Environmental Policy, sur les différentes réglementations susceptibles d'être concernées par le TAFTA - notamment celles encadrant les nanomatériaux.
Selon l'étude, en matière d'encadrement des nanomatériaux "REACH est beaucoup plus rigoureux que TSCA", le Toxic Substances Control Act (TSCA) en vigueur aux États-Unis. Sachant que REACH ne permet pas l'enregistrement ni le suivi effectifs des nanomatériaux commercialisés en Europe... voilà qui lève toute ambiguïté sur l'absence d'encadrement des nanomatériaux aux Etats-Unis.
Le rapport relève également qu'il n'existe actuellement aucune politique en matière d'étiquetage des nanomatériaux aux États-Unis, tandis que plusieurs règlements de l'Union Européenne exigent - au moins théoriquement - l'étiquetage des nanomatériaux dans certaines catégories de produits. Le rapport préconise l'adoption au niveau international d'une définition des nanomatériaux afin de favoriser le dialogue entre acteurs de différents pays ou secteurs et donc l'harmonisation des législations relatives aux nanomatériaux6.
Sur ce dernier point, des chercheurs français considèrent néanmoins qu'"une définition institutionnelle nest pas une condition sine qua non pour gérer les risques et que labsence de définition ou, pour le cas présent, la multiplicité de définitions provenant de sources multiples, ne crée ni un vide ni une aggravation des difficultés dappréhension des problématiques de gestion des risques". Selon eux, '"une seule définition, si elle veut demeurer opérationnelle, ne peut embrasser toute la complexité des questions relatives à l'état nano d'une particule. Une définition scientifique des nanoparticules et nanomatériaux n'est dailleurs pas spécifiquement utile pour étudier s'ils présentent ou non un risque pour la santé ou plus largement pour l'environnement"7.
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4 - Une formule de Rory ONeil, Professeur à l'Université de Stirling (Ecosse) - Occupational and Environmental Health Research Group : Dangers come in small particles, Hazards Magazine, n°87, 2004
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