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Nano et Santé au travail (3b/3) : Recommandation b : Minimiser l'exposition des travailleurs
Nano et Santé au travail (3b/3) : Recommandation b : Minimiser l'exposition des travailleurs
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout novembre 2020
Cette fiche fait partie de notre Dossier Nano et Santé au travail. Elle a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Une protection défaillante des travailleurs exposés aux nanomatériaux
Des études récentes ont montré que les entreprises, en France comme à l'étranger, sont peu à même d'assurer la protection de la santé et de la sécurité de leurs travailleurs1.
Depuis quelques années, la situation s'améliore lentement : des protections individuelles et des équipements de protection collectives sont mis en place pour les personnels des laboratoires de recherche et développement notamment. Ces questions de sécurité d'utilisation et risques pour la santé sont de plus en plus prises en compte par les CHSCT dont les membres sollicitent des formations sur ce sujet.
Du fait des nombreux effets potentiellement néfastes des nanomatériaux sur la santé des travailleurs, il y a en effet nécessité de minimiser l'exposition des travailleurs aux nanomatériaux, dans le respect du principe de précaution.
Eviter l'exposition des travailleurs aux nanomatériaux...
L'approche générale de prévention du risque mise en place pour les produits chimiques dangereux doit s'appliquer aux nanomatériaux.
Il s'agit :
au mieux, d'éliminer les nanomatériaux et de leur substituer, si nécessaire, des matériaux non - en tout cas moins - dangereux (notons au passage le décalage d'une telle recommandation avec les politiques d'incitation à l'accélération de la commercialisation des nanomatériaux...) ;
à défaut, de réduire l'exposition au niveau le plus bas possible (selon le principe ALARA), en maintenant au minimum le nombre des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux ainsi que la durée et le niveau d'exposition.
A cet effet, différentes mesures doivent être strictement appliquées (pour plus de détails, se référer aux publications de l'INRS2) :
limiter certaines opérations critiques (le transvasement, la pesée, l'échantillonnage, ...)
empêcher l'émission de nanomatériaux à l'air libre :
manipuler les nanomatériaux sous forme de suspension liquide, de gel, en pastilles ou incorporés dans des matrices plutôt que sous forme de poudres (qui sont plus volatiles, avec une plus grande propension à se diffuser dans l'air)
capter les polluants à la source (boîtes à gants, hottes de type chimique et autres moyens d'aspiration adaptés à l'utilisation des nanoparticules)
filtrer l'air des lieux de travail avec des filtres à fibres à très haute efficacité
nettoyer les surfaces à l'aide de linges humides et d'aspirateurs spéciaux
stocker les nanomatériaux :
dans des réservoirs ou des emballages doubles totalement étanches, fermés et étiquetés
et dans des locaux frais, bien ventilés, à l'abri du soleil et à l'écart de toute source de chaleur ou d'ignition et des matières inflammables
installer des vestiaires doubles, contigus à la zone de travail afin de séparer les vêtements de ville des vêtements de travail
limiter les déchets, les traiter spécifiquement
protéger directement les travailleurs exposés :
masques filtrants4, respirateurs, lunettes avec protection latérale, gants, couvre-chaussures, combinaisons sans revers et en membrane non tissée (le coton est déconseillé)
attention cependant : la possibilité de passage de nanoparticules à travers certains types de gants en nitrile ou en latex ainsi qu'à travers les combinaisons en polyéthylène a été établie par des équipes de recherche (Erest) de l'Ecole de technologie supérieure de Montréal et par l'IRSST (Canada), contredisant les résultats de chercheurs du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Grenoble qui n'avaient pas trouvé de passage des nanoparticules à travers les membranes en nitrile des gants de protection5
Les femmes enceintes doivent être particulièrement protégées de toute exposition aux nanomatériaux6.
Il n'existe pas, en France, de valeur limite d'exposition au poste de travail (VLEP) spécifique pour les nanomatériaux, mais des travaux sont menés, en particulier sur le TiO2 et sur le noir de carbone :
Quelques valeurs limites ont été établies à l'étranger pour certains nanomatériaux (depuis 2007 au Royaume-Uni, depuis 2011 aux Etats-Unis et depuis 2013 en Allemagne)7. A titre d'illustration, les VLEP recommandées aux Etats-Unis sont :
0,3 mg/m3 pour les nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂) (celle du TiO₂ "ultrafin" (< 100 nm) 8
1µg/m3 pour les nanotubes de carbone (NTC) et les nanofibres de carbone9
En 2014, la Commission européenne a mentionné également des valeurs limites d'exposition aux nanoparticules et des valeurs sans effet spécifique10.
En novembre 2019, l'agence européenne pour la santé et la sécurité au travail a attribué le Prix des bonnes pratiques "Lieux de travail sains" 2018-2019 à Atlas Copco Industrial Technique, une entreprise manufacturière suédoise qui a adopté une approche de précaution pour minimiser l’exposition des travailleurs aux nanotubes de carbone11.
Des professionnels soulignent néanmoins que les valeurs limites d'exposition ne sont pas nécessairement pertinentes pour la prise en compte des réactions immunitaires et de la cancérogénèse, de très faibles doses pouvant être aussi toxiques que de fortes doses.
L'INERIS propose depuis 2012 une certification des personnes et des meilleures techniques disponibles pour les postes de travail en présence de nanomatériaux. Sur la base des référentiels Nano-CERT et Nano-CERT / MTD, l'INERIS certifie les compétences des personnes (opérateurs et préventeurs) et les dispositifs de protection (performance des barrières, sûreté de fonctionnement de ces dispositifs). Ces référentiels ont été adoptés par un comité de certification constitué du CEA, du CNRS, d'industriels, de représentants d'une ONG, d'organismes de formation et des fabricants de dispositifs de sécurité.
A noter, le fait que la certification des personnes est "volontaire", car il n'est pas obligatoire de dispenser une formation "certifiante" (mais l'employeur a tout de même l'obligation de fournir une formation à la sécurité du poste de travail).
Autre limite : les certifications portent sur le process, le matériel, le poste de travail et les compétences humaines... mais ne portent pas sur les nanomatériaux eux-mêmes, dont le danger n'est pas évalué dans ce cadre.
... sans oublier les travailleurs extérieurs au site "nano"
L'exposition des travailleurs intérimaires et des sous-traitants doit également être réduite au minimum12.
En cas d'accident ou d'incendie, outre les travailleurs présents, il est nécessaire également que les équipes de secours, pompiers13, etc. soient bien informés de la présence de nanomatériaux sur le site et bien protégés.
... ni de minimiser les potentielles expositions professionnelles aux nanomatériaux en aval de la chaîne de production.
Les précautions précédentes ont été définies d'abord pour minimiser l'exposition des travailleurs manipulant expressément des nanomatériaux, principalement lors des étapes de :
recherche en laboratoires
production de nanomatériaux (laboratoires, ateliers d'industrie chimique, start-ups)
transformation ou intégration des nanomatériaux dans des produits (labos de recherche, cosmétiques, plasturgie, peintures, revêtements, ...)
Mais elles doivent également être appliquées pour les activités périphériques, qui ne doivent pas être négligées, notamment :
le nettoyage, l'entretien et la maintenance des locaux et des équipements (y compris des filtres)
la collecte, le transport, le traitement (recyclage) et/ou l'élimination des déchets qui devraient être traités comme des déchets dangereux14. (de même que tout ce qui a été en contact avec des nanomatériaux : conditionnements, filtres des installations de ventilation, sacs d'aspirateurs, équipements de protection respiratoire, combinaisons, etc.)
La confédération syndicale néerlandaise (FNV) a ainsi recommandé en 2011 d'évaluer le cycle de vie depuis leur entrée dans l'entreprise jusqu'à leur sortie (qu'il s'agisse de produits finis ou semi-finis ou de déchets)15.
L'institut allemand pour la sécurité et la santé au travail a alerté dès 2007 sur le fait que les points d'interface dans le processus de production doivent être contrôlés16 au même titre que les zones de manipulation.
Il est ainsi nécessaire d'identifier et de supprimer les autres sources potentielles d'émission des nanomatériaux sur l'ensemble des sites où sont utilisés / fabriqués / stockés des nanomatériaux.
→ Voir notre fiche dédiée à la mesure des émissions ici
Un autre défi souvent oublié : la protection des nombreux utilisateurs professionnels de produits contenant des nanomatériaux
Ils sont donc vulnérables et moins (in)formés et protégés que les chercheurs et opérateurs des entreprises directement impliquées dans des activités nano et qui disposent - théoriquement du moins - de la formation, des protocoles et des équipements nécessaires.
Debia M et Beaudry C, Exposition potentielle par inhalation et efficacité du confinement quand on utilise des enceintes de sécurité pour la manutention des nanoparticules, résumé en français de "Potential inhalation exposure and containment efficiency when using hoods for handling nanoparticles", J Nanopart Res, 15(9):1880, 2013 in Nanoparticules - maîtrise de l'exposition : concepts et réalisations, Bulletin de veille scientifique (BVS) de l'ANSES, mars 2014
NIOSH et al. (USA), The GoodNanoGuide, an Internet-based collaboration platform specially designed to enhance the ability of experts to exchange ideas on how best to handle nanomaterials in an occupational setting
3 - Dès 2009, le Parlement européen avait demandé spécifiquement à la Commission d'étudier la nécessité de réviser la législation en matière de protection des travailleurs en ce qui concerne, notamment, l'utilisation des nanomatériaux uniquement dans des systèmes fermés ou de toute autre façon garantissant la non-exposition des travailleurs tant qu'il n'est pas possible de détecter et de contrôler l'exposition de manière fiable : cf. Résolution du Parlement européen du 24 avril 2009 sur les aspects réglementaires des nanomatériaux (article 15)
5 - Voir notamment :
- Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail, IRSST, 14 février 2018
- "Développement de méthodes de mesure des propriétés barrières des membranes polymères et textiles contre les nanoparticules en milieu liquide - Application aux vêtements et aux gants de protection" in Restitution du programme national de recherche environnement santé travail : Substances chimiques et nanoparticules : modèles pour l'étude des expositions et des effets sanitaires : résumé dans le Dossier du participant (p.15) et Diaporama en ligne, novembre 2013.
Des recherches sont en cours au Canada pour en savoir plus : voir la page dédiée au projet de recherche"Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail", réalisé conjointement par l'Université McGill, l'École de technologie supérieure, l'Université de Montréal et financé par l'IRSST et NanoQuébec : de premiers résultats montrent une efficacité variable selon les modèles de gants (deux modèles en nitrile ont présenté une efficacité médiocre, l'un d'entre eux devant même être déconseillé lors de la manipulation de nanoparticules en solution aqueuse) : cf. "Mesure de l'efficacité des gants de protection contre les nanoparticules dans des conditions simulant leur utilisation en milieu de travail", IRSST, octobre 2016
La Commission européenne a demandé au Comité européen de normalisation (CEN) de donner son avis sur de nouvelles exigences de normalisation pour différents EPI - gants, chaussures de protection, filtre et masques, vêtements non tissés - contre les nanoparticules solides. Le Comité technique 162 WG 3 du CEN doit réviser le programme de travail 'Vêtements de protection contre les produits chimiques, les agents infectieux, et la contamination radioactive', qui correspond à la protection contre les particules au format nano, ainsi que le programme de travail relatif aux 'filtres à air pour la propreté générale de l'air'.
les études sur le passage des nanomatériaux à travers la barrière placentaire que nous avons compilées ici
les éléments d'alerte concernant la reprotoxicité des nanomatériaux, dont les effets néfastes sur le développement embryonnaire (reprotoxicité) compilés là
Travailler peut nuire gravement à votre santé, Sous-traitance des risques, mise en danger d'autrui, atteintes à la dignité, violences physiques et morales, cancers professionnels, Annie Thébaud-Mony, La Découverte, 2008
Quel relargage des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Quel relargage des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout octobre 2019
Cette fiche fait partie de notre dossier Nano et Environnement ; elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Peu de données existent sur le relargage des nanomatériaux manufacturés
Par "relargage" des nanomatériaux, on désigne le phénomène par lequel des nanomatériaux - ou des résidus de dégradation des nanomatériaux - sont émis dans l'environnement. Le terme "émissivité" est parfois également utilisé.
On peut distinguer le relargage :
des nanoparticules naturelles que l'on trouve par exemple dans les poussières d'érosion ou d'éruption volcanique ou encore dans les embruns marins ;
des nanoparticules dites "incidentelles" car produites "involontairement" par les activités humaines, émanant des fumées (de combustion du bois, industrielles, émanant des moteurs diesel, des incinérateurs, des grille-pains ou des fours) ou de l'abrasion de matériaux bruts non nanométriques ;
des nanomatériaux manufacturés produits à dessein à l'échelle nanométrique par les chercheurs et les industriels pour exploiter leurs propriétés spécifiques.
On a aujourd'hui une connaissance très limitée des quantités et types de nanomatériaux manufacturés - ou résidus de ces nanomatériaux - qui sont relargués dans l'environnement ; les instruments et méthodes pour détecter et mesurer les nanomatériaux sont en cours de mise au point. Or ces données sont importantes pour mieux connaître l'exposition aux nanomatériaux des écosystèmes et des populations (notamment des travailleurs), afin de mieux les protéger des risques associés.
En 2013, des chercheurs ont estimé qu'entre 63 et 91% des quelques 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont fini dans des décharges, le reste étant relargué :
Mais ces chiffres sont très en deçà de la réalité : en France seulement, c'est environ 500 000 tonnes qui sont en effet importées et produites chaque année ! C'est ce qu'a permis de mettre en évidence la déclaration obligatoire dans le registre r-nano depuis 2013.
A noter, cette mise au point par Olivier Boucher, directeur de recherche au laboratoire CNRS de météorologie dynamique, concernant les allégations véhiculées sur les réseaux sociaux au sujet des nanoparticules qui seraient relarguées par les avions ("chemtrails") : "Les avions diffusent-ils des produits chimiques à notre insu ?", France Culture, 28 juillet 2018.
En septembre 2019, on apprenait toutefois par Emirats Agence de Presse, que le Centre national de météorologie (CNM) des Emirats arabes unis avait lancé une campagne de tests d'ensemencement de nuages avec des nanoparticules de dioxyde de titane appliquées sur les cristaux de sel. L'objectif est de mieux contrôler la pluviosité. Quid du transport et des effets de ces nanoparticules ensuite dans les eaux et les sols ? Le communiqué ne le dit pas...
Un phénomène complexe, tout au long du "cycle de vie"
Le relargage des nanomatériaux manufacturés peut intervenir tout au long du "cycle de vie" des produits, sans que l'on sache aujourd'hui sous quelle forme, en quelles quantités, et avec quels effets il s'opère précisément.
A chacune des étapes de ce cycle de vie, de nombreux paramètres entrent en ligne de compte. Le relargage sera en effet différent selon :
- la façon dont les nanomatériaux se présentent : sous forme de poudre, en solution, déposés sur une surface ou intégrés dans une matrice, etc.
- les conditions de production / d'utilisation / de gestion des déchets
- le "medium" qui les environne : air, eau, sol
- etc.
Quels relargages lors de la production / de la transformation / du transport des nanomatériaux ?
dans les mines où est effectuée l'extraction des matériaux à partir desquels certains nanomatériaux sont fabriqués (par exemple le titane pour les nanoparticules de dioxyde de titane) ?
sur les lieux de travail où ils sont synthétisés / manipulés / transformés ?
dans les effluents industriels ?
sur les voies de transport (maritimes, routières ou ferroviaires) des matériaux en cas d'accident ?
En France, les entreprises et laboratoires ont certes obligation, depuis 2013, de déclarer les quantités et les usages de nanomatériaux qu'ils produisent, distribuent ou importent. Les informations collectées dans le cadre de cette déclaration permettront-elles de mieux estimer et localiser les volumes de nanomatériaux relargués dans l'environnement ? Pas autant qu'on aurait pu l'espérer, selon certains acteurs qui regrettent la faiblesse des amendes fixées en cas de non-respect de l'obligation légale et les considérations de confidentialité et de secret commercial ou industriel prévues par le texte et qui en limitent la portée. Sans compter que la loi ne prévoit aujourd'hui aucune disposition spécifique sur le confinement et la sécurisation des lieux où des nanomatériaux manufacturés sont présents ni sur le traitement des effluents industriels contenant potentiellement des nanomatériaux.
Quels relargages lors de l'utilisation des produits auxquels ils ont été associés ?
Le relargage de nanomatériaux ou de résidus de nanomatériaux peut intervenir lors de l'utilisation directe des produits qui en contiennent ou sous l'effet de l'usure, l'abrasion ou de leur dégradation, par exemple :
dans l'air :
lors de la vaporisation de sprays de crèmes solaires ou de peintures
lors de l'altération par collision, perçage ou abrasion de pare-chocs, murs ou revêtements de surface2
dans l'eau :
lors de la baignade pour des personnes ayant appliqué de la crème solaire3,
sous l'effet du ruissellement des eaux de pluie sur les ciments et peintures extérieures recouverts de nanorevêtements5
dans les sols :
en agriculture, lors de l'épandage de pesticides ou d'engrais6 contenant des nanomatériaux,
lors de dépollution des sols in-situ par injection de nanomatériaux.
Selon les connaissances actuelles sur le relargage, on présume que le relargage sera plus important, par ordre décroissant, pour les sprays, les pneus, les crèmes solaires, les textiles, les peintures d'extérieur et les ciments (dont la part pourrait néanmoins considérablement augmenter dans un futur proche7), et dans une moindre mesure pour les revêtements plastiques ou métalliques d'appareils électroménagers, ou pour les vitres auxquels les nanomatériaux sont plus solidement "fixés".
Le chlore des piscines peut dégrader le revêtement d'hydroxyde d'aluminium qui entoure les nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) intégrées dans certaines crèmes solaires. Au contact de l'eau et sous l'effet de la lumière, le coeur du nanomatériau, le nanoTiO2 peut alors libérer des radicaux libres, responsables du vieillissement de la peau et de l'apparition de cancers8.
Depuis fin 2013, plusieurs recherches ont montré que des nanotubes de carbone bien que contenus dans une matrice peuvent être relargués dans l'environnement sous l'effet du soleil et d'une humidité modérée ou de l'abrasion9.
Quels relargages en "fin de vie" des produits ?
lors de la combustion (incendie ou incinération) : De premiers résultats ont montré que des nanoparticules d'oxydes de cérium peuvent se retrouver intactes à la surface des résidus de la combustion et donc être transférées telles quelles dans les sites d'enfouissement ou les matières premières récupérées10. Des travaux plus récents ont montré que la nanostructure de certains déchets peut être transférée dans les émissions brutes en sortie de four qui sont générées par le processus de combustion (les systèmes d'épuration de type filtre à manche semblent néanmoins faire preuve d'une bonne efficacité pour traiter ces émissions contenant des nanos)11 ; d'autres études montrent cependant que les comportements des nanodéchets lors de l’incinération sont différents selon leur composition et qu'il peut y avoir persistance de certaines nanoparticules en sortie de four d’incinération, à travers les effluents et les cendres. Les valeurs limites d’émission de particules pour les incinérateurs de déchets sont aujourd’hui exprimées en concentration totale massique, en microgramme par mètre cube d’air, ce qui n’est pas pertinent pour des nanoparticules qui ont une masse négligeable et pourtant une toxicité soupçonnée comme accrue ; les normes devraient imposer une concentration limite en nombre de particules, ou alors en masse mais pour des tailles de particules données12.
lors de la mise en décharge : il est fort probable qu'il y ait infiltration de nanomatériaux solides dans les liquides qui s'échappent des déchets des décharges (les lixiviats)13
Ces questions demandent à être creusées, car les travaux publiés sur le relargage des nanomatériaux dans l'environnement sont encore parcellaires. En outre beaucoup d'études ont été réalisées dans des conditions souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité et sur des nanomatériaux différents de ceux qui sont réellement incorporés dans les produits actuellement sur le marché. Des recherches sont en cours pour en savoir plus.
Les travaux de recherche sur le relargage des nanomatériaux
Rares sont les travaux qui portent spécifiquement et quasi-exclusivement sur le relargage des nanomatériaux dans l'environnement. En 2012, nous avions commencé à repérer les projets existants (contribuez à compléter cette liste, en nous signalant les projets à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr) :
Le projet NANOTOX'IN: Évaluation des risques induits par l'incinération de nanocomposites à matrices polymères émergents : lors de processus d’incinération, ces nouveaux produits plastiques à base de nanoparticules relarguent-ils des nanoparticules ? Avec quels risques pour la santé publique ? Un projet financé par l'ADEME, réalisé par l'Armines (école des Mines de Saint-Etienne et école des mines d'Alès) et le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) en 2016 et 2017
objet : déterminer l'impact environnemental des résidus de dégradation des nanomatériaux commercialisés : devenir, biotransformation et toxicité vis-à-vis d'organismes cibles dun milieu aquatique
Il y a plusieurs années, le CEA a commencé des travaux sur la dispersion dans l'air des nanoparticules relarguées durant l'abrasion des nanomatériaux : nanotextiles en PET et PVC, ou peintures et polymères dans le cadre du projet européen NanoHouse mentionné plus bas.
Les travaux réalisés dans le cadre du Labex Serenade devraient également permettre d'apporter des éléments puisque le but est de parvenir à une éco-conception des nano-produits, qui ne relarguent donc pas de nanomatériaux toxiques dans l'environnement.
objet : analyse du cycle de vie des nanomatériaux pour la construction, en particulier sur lexposition chronique pour les nanoparticules d'argent et de dioxyde de titane contenues dans les peintures et revêtements utilisés en intérieur et à l'extérieur des habitations
financement : 2,4 millions d'€ en provenance de la Commission européenne, sur un budget global de 3,1 millions d'€
NEPHH (Nanomaterials-related Environmental Pollution and Health Hazards throughout their life-cycle)
objet : l'évaluation des risques sanitaires majeurs associés aux nanotechnologies et résultant de la production, de l'utilisation et de la dégradation des nanocomposites polymères à base de silicium.
financement : 2,4 millions d'€ en provenance de la Commission européenne
le consortium américain "Center for Environmental Implications of Nanotechnology" (CEINT) dirigé par Marc Wiesner étudie notamment les fuites des nanomatériaux, l'efficacité des traitements des effluents, l'altération des produits, le stockage en fin de vie.
Au sein de l'OCDE, le Groupe de travail sur la productivité des ressources et les déchets (GTPRD) s'est penché sur le devenir et les impacts des nanomatériaux contenus dans les produits et libérés lors du traitement de ces produits en fin de vie. Trois rapports sur l'incinération, le recylage et la mise en décharge des déchets contenant des nanomatériaux ont été soumis aux délégués des pays membres de l'OCDE fin 2013, avant d'être publiés en novembre 2015 :
2 - Une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a montré qu'un nanorevêtement de dioxyde de titane existant dans le commerce, une fois appliqué sur une façade de bâtiment, peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux). Cf. Emission of titanium dioxide nanoparticles from building materials to the environment by wear and weather, Shandilya, N et al., Environmental Science & Technology, 49(4): 2163-2170, 2015 ; un résumé vulgarisé est accessible gratuitement ici : Nanocoating on buildings releases potentially toxic particles to the air, "Science for Environment Policy", Commission européenne, 28 mai 2015
3 - Des chercheurs espagnols ont ainsi estimé que l'activité touristique sur une plage de Méditerranée durant une journée d'été peut relarguer de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane dans l'eau, et aboutir à une augmentation de 270 nM/jour de la concentration en peroxyde d'hydrogène (une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins). Cf. Écrans UV nanos : un danger pour la vie marine, L'Observatoire des Cosmétiques, 5 septembre 2014
NANOTOX'IN : Évaluation des risques induits par l'incinération de nanocomposites à matrices polymères émergents : lors de processus d’incinération, ces nouveaux produits plastiques à base de nanoparticules relarguent-ils des nanoparticules ? Avec quels risques pour la santé publique ? Un projet financé par l'ADEME, réalisé par l'Armines (école des Mines de Saint-Etienne et école des mines d'Alès) et le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) en 2016 et 2017
Ce site est édité par l'association Avicenn qui promeut davantage de transparence & de vigilance sur les nanos
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