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Quel encadrement des nanomatériaux dans les cosmétiques en France ?
Veillenanos, illustration Géraldine Grammon, 2017
Quel encadrement des nanomatériaux dans les cosmétiques en France ?
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification novembre 2019
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Les nanomatériaux des cosmétiques sont soumis, comme les autres nanomatériaux, à l'obligation de déclaration au registre R-nano
Depuis 2013, les "substances à l'état nanoparticulaire" fabriquées, importées ou mises sur le marché en France doivent obligatoirement être déclarées chaque année dans le registre R-nano.
Celles présentes dans les produits cosmétiques ne font pas exception ; la catégorie de produits "cosmétiques, produits de soins personnels" (PC 39) est d'ailleurs la deuxième catégorie la plus déclarée avec 616 déclarations en 2017.
Mais, en l'état actuel du registre, les produits qui contiennent ces substances nano ne peuvent pas être identifiés, d'où la nécessité d'apporter des améliorations à la procédure de déclaration.
A noter : la déclaration dans R-nano n'exonère par les fabricants de l'obligation de notification européenne sur le CPNP, et vice-versa.
Certains fabricants de cosmétiques se plaignent de cette "contrainte administrative" (les déclarations dans R-nano et dans le CPNP ne sont pas basées sur les mêmes définitions du terme "nanomatériau"), rendue d'autant plus ardue que beaucoup de leurs fournisseurs ne leur transmettent pas correctement et/ou très tardivement les données nécessaires.
Néanmoins les marques ont la responsabilité de s'assurer de la qualité de leurs matières premières et ont toujours la possibilité de les faire tester eux-mêmes, en recourant aux méthodes et outils adéquats, doublés d'une expertise solide.
L'étiquetage [nano] des cosmétiques, obligation européenne depuis 2013
Sur 39 produits solaires analysés par la DGCCRF en 2018, 19 présentaient au moins une anomalie. Principal manquement constaté : l'absence de mention [nano] dans des produits contenant du dioxyde de titane ou de l’oxyde de zinc sous forme nanoparticulaire1.
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En vertu de l'article 8 (a) du TSCA (Toxic Substances Control Act), un règlement de janvier 2017 a rendu obligatoire la déclaration, auprès de l'agence de protection de l'environnement des USA (EPA), de certaines substances chimiques fabriquées, importées ou traitées à l'échelle nanométrique1, notamment :
identité chimique spécifique
volume de production
méthodes de fabrication
informations sur les process, usages, expositions et relargage
données disponibles sur la santé et la sécurité.
Depuis le 16 novembre 2020, toute personne désirant fabriquer, importer ou transformer, à des fins commerciales, des nanotubes de carbone PMN P-15-54 libres (i.e non inclus dans une matrice) devra en aviser l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) au moins 90 jours avant2.
Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie
Groupe de travail étiquetage / restriction nano piloté par le ministère de l'écologie
Par MD - Dernière modification juillet 2017
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La création de ce groupe au premier semestre 2015 avait été proposée en décembre 2014 par Ségolène Royal à l'issue de la conférence environnementale de 2014 qui s'était tenue fin novembre 20141, quelques jours seulement après la publication du Plan national Santé Environnement 3 (2015-2019).
Sa création avait été inscrite dans l'action n°672 de la feuille de route publiée en février 2015.
Objectifs
L'objectif du groupe est d'élaborer des propositions pour une stratégie européenne :
d'étiquetage des produits de consommation contenant des nanomatériaux
et de restriction de produits dangereux contenant des nanomatériaux en contact avec la peau (notamment pour les enfants et les femmes enceintes)
Les conclusions issues de ses travaux devaient être transmises par le gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres.
Composition
Le groupe de suivi du Plan National Santé Environnement (PNSE 3) qui supervise le sujet (GT4) a décidé de confier ce travail à un groupe dédié.
Afin de constituer ce groupe, le ministère de l'écologie a sollicité les membres du groupe de travail "R-nano" et du comité de dialogue "nano et santé" de l'ANSES auxquels Avicenn participe. En juin, Avicenn a également proposé au ministère de relayer publiquement l'appel à candidatures sur veillenanos.fr, ce à quoi le ministère s'est montré favorable3.
Le groupe est plus ouvert à la société civile que les rares autres instances gouvernementales traitant des nanos (GT R-Nano, task-force nano).
Fin juillet, sa composition était la suivante :
différents ministères : Ecologie ; Travail ; Agriculture & Alimentation ; Economie et Finances (DGCCRF, DGCIS)
différents organismes publics ou para-publics : l'ANSES, l'Institut national de la consommation (INC), l'INERIS, l'INRS
entreprises et industriels : l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), le MEDEF, l'Union des industries chimiques (UIC), la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs, préservation du bois (FIPEC)
associations : Agir pour l'environnement (depuis 2016), AVICENN, Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS), Center for International Environmental Law (CIEL), Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), Familles de France, France Nature Environnement (FNE), Women in Europe for a Common Future (WECF)
plusieurs chercheurs (chimie, communication, droit)
Réunions
Deux à trois réunions étaient initialement prévues avant décembre 2015.
La première a eu lieu le 8 septembre 2015, la deuxième le 9 octobre 2015.
Des comptes rendus ont été réalisés par le ministère de l'écologie. Le second se limite à constater l'absence de consensus entre les participants, pourtant hautement prévisible vu la diversité des intérêts représentés !
Lors de la conférence environnementale d'avril 2016, il a été décidé de discuter de la poursuite des travaux dans le cadre du GT4 du PNSE3 le 19 mai 2016. Avicenn a participé exceptionnellement à la réunion de ce GT4 qui a acté la poursuite des travaux.
La troisième réunion a eu lieu le 26 septembre à Paris 2016.
La quatrième réunion a eu lieu le 22 novembre à Paris 2016.
Une cinquième réunion s'est tenue le 30 mai 2017.
A suivre donc...
AVICENN y participe et y défend une dizaine de propositions compilées en partenariat avec ses membres associés et autres acteurs de la société civile ou membres d'instances d'évaluation et de gestion des risques.
N'hésitez pas à nous solliciter pour davantage de renseignements.
2 - FEUILLE DE ROUTE 2015 issue des trois tables rondes de la Conférence environnementale 2014, ministère de l'écologie, 4 février 2015 : "Les autorités françaises ont proposé au Conseil Environnement du 17 décembre 2014 qu'une stratégie d'étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau (notamment avec les enfants et les femmes enceintes) soit mise en place au niveau européen. Un groupe de travail sera créé au niveau national pour préciser ces propositions au cours du premier semestre 2015. Les conclusions issues de ses travaux seront transmises par le gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres."
FRANCE : Retour sur les propositions du Centre d'Analyse Stratégique sur la gouvernance des nanotechnologies
FRANCE : Retour sur les propositions du Centre d'Analyse Stratégique sur la gouvernance des nanotechnologies
par MD et DL avec l'équipe Avicenn - 15 novembre 2011 (dernière modification Juin 2013)
Le Centre d'Analyse Stratégique (CAS) (devenu Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) en 2013), organe d'expertise et d'aide à la décision rattaché à Matignon, s'est penché sur la question de la gouvernance des nanotechnologies, en lui consacrant la semaine dernière un colloque et deux rapports qui méritent d'être relayés et discutés. Décryptage, éclairage et analyse de l'Avicenn.
La gouvernance des nanotechnologies a été le sujet central du Colloque "Comment débattre des nouvelles technologies ?" organisé le 8 novembre par le Centre d'Analyse Stratégique (CAS) et auquel l'Avicenn a participé.
A l'occasion de ce colloque, le CAS a rendu publics une note d'analyse "Pour un développement responsable des nanotechnologies", ainsi qu'un document de travail "Pour un processus de participation du public adapté à un développement responsable des nouvelles technologies" qui méritent discussion. Du fait de son positionnement - le CAS est une institution d'expertise et d'aide à la décision placée auprès du Premier ministre - le CAS peut avoir une forte influence auprès du gouvernement, à l'heure où ce dernier est censé finaliser son décret sur la déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire fabriquées, importées ou mises sur le marché en France ainsi que sa réponse au débat national de 2009-2010.
"Pour un développement responsable des nanotechnologies"
- Une analyse qui se veut neutre et "responsable"...
Dans sa note d'analyse "Pour un développement responsable des nanotechnologies"1, le CAS présente un état des lieux synthétique mais relativement complet et non partisan des enjeux liés aux nanotechnologies et des positions des différentes parties prenantes.
Il propose également cinq pistes pour alimenter la réflexion sur ce que pourrait être un développement responsable des nanotechnologies : 1 - l'élaboration d'un plan d'action stratégique global pour une politique de développement responsable des nanotechnologies en France, définie selon une approche interministérielle, transversale et transparente ; 2 - le soutien du développement d'un observatoire européen, voire mondial, du développement des nanotechnologies et de leurs différents impacts, dans l'idée d'une sorte de "GIEC des nanos" ; 3 - l'association du public et de l'ensemble des parties prenantes en amont et tout au long du développement des nanotechnologies, à travers des espaces pérennes de dialogue et d'anticipation des enjeux, ouverts à toutes les parties prenantes, doublés d'espaces de concertation plus ciblés et en lien direct avec la décision politique ; 4 - le développement d'une "filière intégrée" des nanotechnologies, depuis la recherche, jusqu'à la fin de vie des produits, en passant par l'innovation et la commercialisation ; 5 - la prévention des risques sanitaires et environnementaux, visant à minimiser la toxicité et les risques d'expositions aux nanoparticules dès la conception du produit
Dans l'ensemble, ces pistes - détaillées dans la note accessible "ici - sont, à l'instar de la première partie du document, relativement générales mais étayées et consensuelles.
- ... mais qui s'inscrit en filigrane dans une approche clairement pro-nano
Trois éléments détonnent néanmoins par rapport à l'apparente neutralité du document :
- Renforcer la domination institutionnelle du CEA ?
La 2ème proposition concernant l'observatoire du développement des nanotechnologies, dans ses modalités concrètes, propose de pérenniser l'observatoire européen Observatory Nano (au sein duquel le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) est le seul partenaire français), et mentionne le travail réalisé par l'OMNT (Observatoire des Micro et Nano Technologies) géré également par le CEA (conjointement avec le CNRS). Si la légitimité du CEA à être partie prenante de l'observatoire n'est pas contestable, renforcer son quasi-monopole sur le processus semble pour le moins contradictoire avec le souhait relayé par le Centre d'Analyse Stratégique d'"une gouvernance plus transparente et plus ouverte"(p. 8). Rappelons ici que l'opacité du CEA sur certaines recherches nano menées notamment à Grenoble constitue l'un des arguments clés de la critique radicale portée par le groupe grenoblois de contestation des nanotechnologies, Pièces et Main d'Oeuvre (PMO). Pourquoi ne pas proposer d'impliquer dans cet observatoire les différents acteurs de la société civile - à l'instar de ce que propose, au niveau français, le document de travail publié par le CAS le même jour et détaillé plus bas - à savoir, outre les chercheurs et universitaires, les élus , les associations de protection de l'environnement, de la santé, de consommation, les employeurs, les salariés et l'administration ?
- Accélérer la commercialisation des nanos dans le domaine médical ?
La 4ème proposition vise à améliorer "l'efficacité du transfert des découvertes vers l'industrie et les applications commerciales" (...) "notamment dans des domaines encore peu développés mais pourtant très prometteurs, tels que la nanobiologie et la nanomédecine"1. Il s'agit de remédier au "syndrome de la tour d'ivoire" décrit dans l'état des lieux : "une bonne activité de recherche, mais une faible efficacité du transfert technologique vers les applications industrielles et commerciales" (p.4).
Même si cette proposition est assortie du souci "d'intégrer dès la conception des matériaux les problèmes de sécurité et de sûreté", elle semble difficilement compatible avec le principe de précaution (que la note ne mentionne d'ailleurs qu'indirectement et sans la reprendre à son compte, en évoquant les partisans d'un moratoire sur la recherche et/ou sur la commercialisation des produits, p. 8) et avec le mouvement émergent "slow science" qui critique "les exigences de résultats et retombées rapides de la recherche par projet", et met en avant "le besoin de durée longue et de marges d'essais et d'erreurs, pour construire véritablement les conditions de l'interdisciplinarité"2. Cette proposition est également difficilement conciliable avec la temporalité plus lente qu'exigent les processus de dialogue et de concertation envisagés dans la proposition 3 et qui font l'objet d'une discussion pourtant détaillée dans le document de travail3 également rendu public par le CAS ce 8 novembre 2011. Ce dernier souligne en outre, à propos du débat public national mené en 2009-2010, que "vu les soupçons de nocivité et les incertitudes sur les avantages, le public ne pouvait que pencher dans le sens du moratoire, voire de l'arrêt définitif".
- Quid du questionnement sur l'utilité sociale des applications des recherches nanotechnologiques ?
La note d'analyse s'inscrit dans une tendance que certaines associations ont critiquée pendant le débat national : celle qui donne à l'utilité économique et financière la priorité sur l'utilité sociale. Aucune mention des questions qui ont pourtant été au centre du débat national : quelle utilité sociale des applications (déjà existantes et à venir) et quelle équité dans l'accès à leurs bénéfices et dans l'exposition à leurs dangers (que ces bénéfices ou ces dangers soient réels ou supposés) ?
Si Jean Bergougnoux , qui a présidé à l'époque la Commission particulière du débat public sur les nanotechnologies, a fait référence pendant le colloque à ce "développement mondialisé piloté trop exclusivement, aux yeux de beaucoup, par les « forces du marché »" 4, le CAS fait sien le discours de l' "innovation responsable" qui mise sur l'acceptabilité plus que sur un réel débat pourtant demandé par la société sur l'utilité des applications des nanotechnologies. Et témoignent les propos de Vincent Chriqui, le directeur général du Centre d'analyse stratégique lors de son allocution d'ouverture du Colloque : "nous pensons qu'il faut continuer à développer les nanotechnologies parce que c'est indispensable d'en tirer tous les bénéfices qui peuvent en être tirés pour la croissance, pour le développement économique, et qu'en même temps il faut être prudent, s'entourer de toutes les précautions pour que ce soit fait dans des conditions qui soient totalement sûres et qui ne suscitent pas trop la contestation et c'est peut-être là que c'est le plus difficile".
"Pour un processus de participation du public adapté à un développement responsable des nouvelles technologies"
- Un retour sur les difficultés du débat national sur les nanotechnologies de 2009-2010
Le document de travail "Pour un processus de participation du public adapté à un développement responsable des nouvelles technologies" revient sur les difficultés auxquelles a été confronté le débat sur les nanotechnologies de 2009-2010. Ce dernier avait en effet été largement perturbé par la mobilisation des opposants aux nanotechnologies, qui avaient rendu impossible le déroulement de certaines réunions publiques.
Parmi les raisons avancées par le CAS pour expliquer ces difficultés, figurent notamment :
le manque d'articulation du débat avec la décision et le calendrier politiques : d'une part le débat a commencé à l'automne 2009, alors que le plan de soutien de l'Etat au développement des nanotechnologies a été annoncé dès le printemps, notamment via le financement du plan NanoInnov à hauteur de 70 millions d'euros annuels sur cinq ans ; d'autre part le gouvernement n'a pas apporté de réponse au débat - voir plus bas) ;
le caractère à la fois technique, politique et général du sujet ;
l'absence d'interlocuteur unique pour le public et de personnalisation du maître d'ouvrage représenté par sept ministères différents ;
la marginalisation de la question de l'encadrement des produits existants, étouffée par des considérations portant sur l'opportunité des développements futurs (aspect sur lequel nous reviendrons plus bas).
On peut saluer la franchise de cette analyse, qu'a confirmée, pendant le colloque, Jean Bergougnoux4.
- Quatre mesures pour un processus de participation du public adapté
Le document propose quatre mesures pour "un processus de participation du public adapté à la définition d'un développement responsable des nouvelles technologies : 1 - définir, pour chaque technologie émergente pouvant avoir un impact important sur la santé ou l'environnement, un processus ad hoc de participation du public à la définition de son encadrement ; 2 - faire précéder le débat d'une concertation-négociation entre les acteurs de la société civile sur le moment et l'objet du débat 3 - imposer aux administrations concernées de publier, motiver et soumettre à la concertation les conclusions qu'elles en tirent 4 - développer des actions de recherche sur la notion de développement responsable des nouvelles technologies et sur les instruments administratifs de leur encadrement
Ces mesures sont détaillées dans le document de travail accessible ici.
Et maintenant, concrètement ?
Ce bilan et ces mesures restent bien générales et peuvent laisser sur leur faim les acteurs de la société civile (citoyens ou organisés) qui avaient déjà suivi le débat, lu le bilan et le compte rendu de la CNDP publiés en avril 2010, ainsi que les analyses des juristes5, philosophes6, politologues et sociologues7, journalistes8 et associations9 qui ont déjà développé des analyses sur le débat public autour des nanotechnologies.
Les rapports et le colloque ont néanmoins permis de faire avancer certains points que les adhérents de l'Avicenn - dont certains étaient présents au colloque - considèrent comme importants pour faire avancer les choses en matière d'encadrement des nanotechnologies.
- Une pression accrue sur le gouvernement français pour qu'il apporte sa réponse au débat public national de 2009-2010
La note d'analyse10, le document de travail11et plusieurs intervenants au colloque ont rappelé les manquements du gouvernement qui n'a toujours pas apporté de réponse au débat public national de 2009-2010.
La procédure classique prévoit en effet que dans les trois mois suivant la publication du bilan et compte rendu du débat, le maître d'ouvrage annonce sa décision quant aux suites qu'il compte donner au projet à l'aune des opinions exprimées lors du débat public. Le site de la CNDP affiche d'ailleurs toujours que "l'Etat doit rendre publique sa décision quant aux suites à donner à ce débat avant fin juillet". Quinze mois plus tard, cette décision n'est toujours pas connue. La pression sur le gouvernement se fait ainsi de plus en plus forte avec des appels réitérés aux autorités gouvernementales ces derniers mois - notamment le 31 mai dernier, lors d'une audition publique à l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) par M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public, et le 18 octobre dernier lors de la rencontre organisée par l'Institut pour la Maîtrise des Risques : "Regards sur les Nanotechnologies : enjeux, risques, perspectives" à Cachan.
- Deux chantiers urgents (mais distincts) à mener :
Le document de travail du CAS rappelle la confusion entre deux chantiers qui ont été brouillés pendant le débat public de 2009-2010 : le débat sur les orientations des recherches futures d'une part, et le débat sur l'encadrement des produits existants d'autre part (p. 7). Les adhérents de l'Avicenn considèrent qu'ils sont complémentaires et à mettre en place chacun au plus vite.
- Débattre des orientations des recherches futures
Le premier chantier concerne le débat sur les orientations des recherches futures, qui doit en effet avoir lieu en amont des futurs développements. La société doit avoir son mot à dire et pouvoir choisir les recherches qu'elle veut privilégier par rapport à celles qu'elle ne souhaite pas voir menées parce qu'elle les juge en opposition avec ses valeurs et le futur qu'elle souhaite construire. Ce chantier ne doit pas être réduit, comme c'est souvent implicitement le cas, aux orientations de la seule recherche publique, car les recherches privées vont aussi bon train - même si moins en France que dans d'autres parties du monde.
Si les préconisations du CAS vont dans le bon sens (associer la société civile à la définition des processus ad hoc, leur calendrier et l'objet des débats), le rythme auquel elles seront mises (ou non) en place devra être suffisamment rapide pour ne pas retarder encore davantage la tenue des débats sur le contenu - l'encadrement des produits existants dans un cas, les orientations des recherches futurs dans l'autre. Car les modalités par lesquelles les citoyens et la société civile peuvent influer sur les programmes de recherche restent certes largement à améliorer. Mais une littérature abondante a déjà été produite sur ces sujets par des chercheurs, cabinets spécialisés sur les questions de concertation publique, ou encore des associations : qu'attendent donc les instances publiques ?
Car en attendant, les financements publics de recherches futures continuent d'être décidés en l'absence de réel débat - tant en Europe sur le 8ème programme-cadre de recherche et développement (8e PCRD)12 de l'Union Européenne qu'en France sur les programmes financés par l'ANR, dans les pôles de compétitivité, pour les "investissements d'avenir" et autres. Or ce sont ces mêmes projets qui bénéficient en outre de financements (publics toujours) visant à accélerer le transfert des découvertes vers l'industrie et les applications commerciales...
- Encadrer les produits existants
Le second chantier, complémentaire mais distinct, concerne lui l'encadrement des produits existants - non plus en amont des orientations de la recherche mais en aval et "au fil de l'eau", c'est-à-dire pendant leur production, leur commercialisation, leur utilisation, leur fin de vie. Car le premier chantier ne doit pas faire oublier l'urgence qu'il y a à s'occuper des nanomatériaux auxquels nous sommes déjà exposés au quotidien et/ou s'accumulant déjà dans notre environnement.
Ce chantier doit s'appuyer sur différents leviers dont on perçoit mal, aujourd'hui, s'ils sont ou non - et si oui dans quelle mesure - intégrés dans les projets des pouvoirs publics et des entreprises impliquées dans les nanos.
La note d'analyse fait bien, implicitement, référence13 au décret sur la déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire en France (en attente de la validation du Conseil d'Etat) qui devrait permettre une meilleure traçabilité des nanomatériaux.
Mais cet outil devra être combiné avec d'autres : management des risques, éducation citoyenne à la consommation, régulations, normalisation, limitation (partielle ou totale) de la vente ou de l'utilisation de certains nanomatériaux notamment, qu'il s'agit d'articuler dans une approche globale, cohérente, et avec une logique de subsidiarité et de répartition des rôles (entre acteurs publics et privés, et tout au long de la chaîne de production).
Comment la France articule-t-elle ses travaux sur le sujet avec les autres initiatives à l'échelle européenne (notamment l'adaptation de REACH aux nanomatériaux, les travaux de normalisation du Comité Européen de Normalisation (CEN)) et internationale (travaux de l'ISO, l'OCDE, de la SAICM par exemple) ? Vos éclairages sont les bienvenus : la veille menée par l'Avicenn est une veille citoyenne et collective, merci de nous aider à mener notre travail d'information pluraliste !
Une adhérente de l'AVICENN est intervenue lors du colloque, en recommandant de se pencher également sur l'expérience acquise sur la traçabilité collective des usages de produits phytosanitaires en agriculture : un exemple de bonne pratique à examiner afin de réfléchir à l'organisation d'une information géolocalisée sur les flux de nanos vendus par les entreprises ?
L'estimation des flux aggrégés de nanomatériaux sur les territoires serait un outil utile et efficace pour construire une co-vigilance prédictive, dans une logique de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).
Aux Etats-Unis, une consultation est d'ailleurs en cours, à l'initiative de l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA), pour recueillir plus d'informations sur les sources d'émissions de nanoargent dans l'environnement, le devenir de ce nanoargent et ses conséquences sur la faune et la flore14.
Les adhérents de l'Avicenn interrogent également la répartition des coûts et bénéfices entre le public et le privé concernant les études (éco)toxicologiques : les investissements publics dans la recherche engendrent des bénéfices privés pour les entreprises qui profitent des résultats issus de ces recherches ; la société civile et les agences sanitaires demandent légitimement davantage d'études d'impacts sur les risques émergents ; mais ces dernières, longues 15 et coûteuses, sont insuffisamment prises en charge par l'industrie, qui n'a pas intérêt à les mener ; les financer sur fonds publics pendant que la commercialisation à grande échelle continue est-il pour autant socialement acceptable ?
Ce questionnement a été formulé lors du colloque par Christian GOLLIER, Président de la Toulouse School of Economics, comme une "privatisation des bénéfices" et une "socialisation des coûts". A voir si et comment elle pourrait conduire à une application du principe pollueur-payeur. L'idée d'une taxe sur les nano commercialisées pour financer études de risques et mesures de prévention semble avoir été audible dans les interventions. Le dosage entre démarches volontaires, proactives, immédiates pour une co-vigilance sur les flux de nanomatériaux et une longue négociation sur une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à argumenter sur des risques de pollution est donc posé.
EUROPE : Quel encadrement des nanomatériaux par REACh ?
EUROPE : Quel encadrement des nanomatériaux par REACh ?
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout février 2021
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En 2020, plus d'informations sur les nanomatériaux fabriqués ou importés en Europe... en théorie
Selon le Règlement n°2018/1881 modifiant les annexes de REACH, depuis 2020, des informations spécifiques doivent être apportées par les entreprises sur les substances nanos enregistrées dans REACH et mises sur le marché au-delà d'une tonne par an (par entreprise).
Outre les données déjà requises, il est désormais nécessaire de préciser les paramètres physico-chimiques des nanomatériaux comme la distribution granulométrique en nombre, la fonctionnalisation ou le traitement de surface, la forme ou le rapport d'aspect, la surface spécifique, ...
Le texte apporte ainsi des clarifications et de nouvelles dispositions concernant:
- la caractérisation des nanoformes ou sets de nanoformes couverts par l'enregistrement (annexe VI);
- l'évaluation de la sécurité chimique (annexe I);
- les informations requises pour l'enregistrement (annexes II et VII à XI);
- les obligations des utilisateurs en aval (annexe XII).
L'analyse d'impact doit prendre en compte l'intégralité du cycle de vie des nanomatériaux, avec les possibles transformations physico-chimiques que pourra subir la substance nano depuis sa production jusqu'à sa fin de vie, en passant par les altérations possibles du fait de l'usage, etc.
Le nouveau texte des annexes révisées de REACH intègre la majeure partie des demandes formulées par les Etats membres et ONG européennes depuis plusieurs années (voir les éléments archivés ici).
La possibilité pour l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) de demander des informations complémentaires, que la Commission voulait limiter aux seules substances produites au-delà de 100 tonnes, a été élargie, grâce aux demandes de la France et des ONG mobilisées sur le sujet, aux substances nano produites au-delà de 10 tonnes.
Quelle définition des "nanomatériaux" / "nanoformes" ?
La révision des annexes de Reach devait intégrer la recommandation révisée de définition du terme "nanomatériau", attendue depuis 2014 et annoncée comme imminente (... depuis 2015 !) mais du fait de son report au second semestre 2019 (du fait des élections européennes et du renouvellement de l'exécutif européen), c'est toujours la recommandation de 2011 qui est aujourd'hui encore la définition de référence.
Le fait que REACH, un Règlement co-signé par le Parlement et le Conseil européens, fasse référence à une recommandation de définition établie par la seule Commission, sans validation par le Parlement et le Conseil, pourrait être source d’insécurité juridique du Règlement, dans la mesure où une controverse émaille cette définition. En effet, le report de cette révision, année après année, s'explique notamment du fait que cette définition et sa révision sont sources de tensions, car les répercussions peuvent être très différentes selon les termes et les seuils chiffrés retenus.
Après avoir demandé des délais et aménagements... l'industrie chimique commence lentement à enregistrer ses nanoforme
L'entrée en vigueur de la révision des annexes de Reach se heurte à la résistance de certaines entreprises et fédérations industrielles : le Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC) a ainsi demandé dès 2019 des délais de mise en œuvre de la réglementation et plaidé pour des assouplissements1 (au motif que les "nanoformes" à déclarer (individuellement ou en groupe(s)), les informations à fournir, les méthodes de mesure et de caractérisation à retenir, etc.. ne sont pas encore complètement calées ou disponibles).
Pour autant, les industriels pouvaient fournir les données dont ils disposent au 1er janvier 2020 et les compléter par la suite.
Fin février 2020, l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) a indiqué n’avoir reçu au 1er janvier que 95 dossiers d'enregistrement de nanomatériaux concernant 36 substances seulement (contre ~300 attendues). Les autres nanomatériaux (non enregistrés) sont donc illégalement sur le marché selon le principe "pas de données, pas de marché" du règlement européen REACH. L'ECHA a donc enjoint les entreprises à soumettre au plus vite les dossiers d'enregistrement des "nanoformes" encore non enregistrées2.
Fin mai 2020, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a fait un nouveau point : 37 enregistrements de nanoformes avaient été soumis depuis le 1er janvier 2020, faisant monter le nombre total de substances nano enregistrées de 34 à 54. Cette augmentation, bien que significative, est toutefois loin de combler l'écart avec le nombre attendu de substances (aux alentours de 375)3.
Des précisions apportées par l'ECHA
Début décembre 2019, l'agence europénne des produits chimiques (ECHA) a publié la mise à jour de deux documents d'orientation pour aider les entreprises à préparer des dossiers d'enregistrement REACH pour leurs substances chimiques couvrant des nanoformes4 et remplir ainsi les nouvelles exigences légales en matière de nanomatériaux applicables à compter du 1er janvier 2020.
A compter du 2 novembre 2020, les fabricants de nanomatériaux devront fournir un nom pour les nanoformes ou les groupes de nanoformes de leur substance5 lors de leur enregistrement dans le cadre du règlement REACH. Cela permettra aux déclarants et aux autorités de faire référence sans ambiguïté aux nanoformes enregistrées dans les documents réglementaires (décisions, fiches de données de sécurité). Les entreprises qui ont déjà enregistré leurs nanoformes n'ont pas besoin de prendre des mesures immédiates, mais devront fournir un nom dans la prochaine mise à jour de leur dossier d'enregistrement. Un nouveau manuel d'enregistrement sera disponible en octobre 20206 avec des conseils sur la préparation des dossiers d'enregistrement qui couvrent les nanoformes.
Quels contrôles d’ici 2024 ?
L’ECHA a affiché, dans son plan d’action, se donner pour objectifs de focaliser ses contrôles de conformité pour la période 2019-2023 sur les substances produites ou importées au-delà du seuil de 100 tonnes par an. Les nanomatériaux risquent donc de passer à la trappe !
Pourquoi ? Parce qu’ils sont produits en quantité moindre dans leur catégorie : les bilans r-nano en France publiés depuis 2014 montrent que plus de la moitié des déclarations sont inférieures à une tonne.
[Du fait de leur forte réactivité, les nanomatériaux peuvent être utilisés en moindre quantité par rapport à d’autres matériaux pour apporter les propriétés recherchées (la petite taille des nanomatériaux leur confère une surface de réaction plus grande que le même matériau non nanométrique ; le ratio surface / volume est plus important).]
Parmi les éléments qui attisent nos craintes sur la faiblesse des contrôles, vient le fait que nous n’ayons relevé aucune mention du cas des nanomatériaux :
ni dans le plan d’action de l’ECHA concernant REACH dévoilé ces dernières semaines8
L’ECHA disposera-t-elle des moyens de contrôle suffisants et adaptés, tant en termes de ressources techniques, qu’humaines et financières ?
Des lacunes encore fortes concernant l'évaluation des risques environnementaux posés par les nanomatériaux
En mars 2020, des experts de l'Agence allemande pour l'environnement (UBA) et de l'Institut national néerlandais pour la santé publique et l'environnement (RIVM) ont demandé une mise à jour des protocoles d'évaluation des risques des nanomatériaux afin de réduire les incertitudes et prendre pleinement en compte leur impact sur l'environnement. Les experts, impliqués dans le projet européen NanoFASE, considèrent notamment que malgré les données exigées spécifiquement sur les nanomatériaux depuis le 1er janvier 2020 dans le cadre de REACH, des incertitudes fortes demeurent concernant l'évaluation de leurs risques environnementaux. Leur article académique paru dans la revue Integrated Environmental Assessment and Management propose diverses recommandations9.
Un dispositif spécifique pour les nanomatériaux produits ou importés en deçà d'une tonne par an ?
Mi-2019, le Conseil de l'Union européenne a demandé à la Commission européenne d'étendre le mandat de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) afin qu'elle puisse collecter et mettre à disposition des données de recherche sur la caractérisation, le danger et l'exposition potentielle de nanoformes de substances qui n'étaient jusqu'à présent pas enregistrées sous REACH, leur tonnage annuel étant inférieur au seuil d'une tonne par an10.
Un fonds abondé par les entreprises qui importent, produisent ou utilisent ces nanomatériaux manufacturés, permettrait de mutualiser le financement des outils de caractérisation et les recherches indépendantes sur les risques associés aux nanomatériaux et pallier ainsi le manque de moyens nécessaires pour le travail de caractérisation des nanomatériaux et d’évaluation des risques. Confié à un intermédiaire public qui jouerait le rôle de "pare-feu" avant de flécher les financements vers des laboratoires indépendants et reposant sur une procédure d'évaluation robuste et transparente des projets et des résultats (avec une ouverture aux ONG et citoyens), ce compte "nanosafety" permettrait également de garantir une meilleure fiabilité des résultats et de restaurer la confiance.
Une attention nécessaire pour les matériaux dits "avancés"
En sus des nanomatériaux au sens strict, il est nécessaire d’intégrer à la réglementation les matériaux dits "avancés" qui déploient aussi pour beaucoup des propriétés spécifiques à l'échelle nano (céramiques & polymères "de pointe", renforcés par des biofibres et/ou des nanocharges, matériaux composites "intelligents", matériaux bio-actifs, nanocapteurs, etc.)
Selon un rapport commandité par l'Observatoire européen des nanomatériaux et publié en 19 septembre 2019, les réglementations actuelles de l'Union européenne offriraient un cadre réglementaire adéquat pour caractériser et identifier les nanomatériaux de "prochaine génération"11. Sur les huit experts interrogés, la moitié venait directement de l'industrie. Côté protection de la santé ? Aucun expert auditionné. Côté protection de l'environnement ? Un seul fonctionnaire (allemand). Les experts de notre réseau partagent notre scepticisme sur l’analyse proposée par ce rapport. La démocratie sanitaire et environnementale vaut mieux que ça.
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