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Risques associés aux nanoparticules de silice
Risques associés aux nanoparticules de silice
Par l'équipe Avicenn - Dernier ajout mars 2020Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour. Vous pouvez contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Sommaire
- Généralités : des effets néfastes de plus en plus documentés
- Les agrégats ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que les particules primaires
- Risques spécifiques dans l'alimentation
- Risques spécifiques dans les cosmétiques
- La 1ère substance nano autorisée comme biocide
- Et dans le domaine médical ?
- Les travailleurs sont les premiers exposés
- En savoir plus
Généralités : des effets néfastes de plus en plus documentés
Les nanoparticules de silice (SiO2) sont utilisées par l'industrie dans des applications très diverses, dans le domaine alimentaire, les cosmétiques, les produits pharmaceutiques, mais aussi les élastomères, résines, peintures et encres, etc.
Comme l'ont confirmé les bilans annuels de la déclaration française des substances à l'état nanoparticulaire" publiés depuis fin 2013, différentes nanoformes de silice sont importées ou produites en France.
Les effets potentiellement néfastes des nanoparticules de silice sur la santé1 mais également sur l'environnement2 sont de plus en plus documentés.
Dès 2014, l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) a préconisé un classement des nanoparticules de dioxyde de silice dans le Règlement CLP afin que soient mises en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction de l'utilisation de certaines applications grand public3.
Une évaluation du dioxyde de silice et de ses nanoformes par les Pays-Bas était planifiée pour 2012 dans le cadre REACh, via le "Plan d'action continu communautaire" (CoRAP) de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA). Elle a été lancée en 20144 mais n'a pas abouti aujourd'hui, faute de données suffisantes fournies par les fabricants de silice.
En mars 2015, l'ECHA a relayé les difficultés rencontrées par les Pays-Bas et a demandé davantage d'informations aux industriels sur les nanoformes de silice qu'ils fabriquent, afin de pouvoir mener à bien l'évaluation de ces substances5. Mais en juin 2015, la "Chambre des recours" de l'ECHA s'est vue notifier des recours par les fabricants de nanosilice refusant de donner les informations demandées : l'un isolé, par Grace (Allemagne)6, l'autre groupé, rassemblant 35 entreprises7 : quatre entreprises implantées en France font partie des signataires (Evonik Aerosil France Sarl, Clariant Production S.A.S, Merck Performance Materials SAS, Rhodia Operations SAS).
Un document de l'ECHA daté de mars 2015 stipule qu'une sous-estimation possible des dangers ne peut être exclue sur la base des données fournies par les fabricants de silice, appelés à préciser leurs informations.
Où en est l'instruction de ce dossier ? Ce n'est pas très clair : document CORAP.
Les agrégats ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que les particules primaires
Début 2020 ont été publiés les résultats de recherches menées en Belgique montrant que les agrégats de taille supérieure à 100 nm ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que leurs homologues nanométriques8.
Risques spécifiques de la silice dans les cosmétiques
Concernant les cosmétiques : le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) a fait état, en septembre 2015, de données trop disparates, inadéquates et insuffisantes pour pouvoir conclure tirer aucune conclusion concernant la sécurité des nanoformes de silice9.
Risques spécifiques de la silice dans l'alimentation
Depuis 2011 au moins, on sait que la silice alimentaire (E551) peut contenir des nanoparticules et des chercheurs ont estimé à 124 mg notre consommation de nano-silice par jour10.
Concernant les risques liés à leur exposition par voie orale (via l'alimentation), la réévaluation du E551 (silice en tant qu'additif alimentaire) par l'EFSA, attendue pour décembre 2016, a finalement été publiée début 2018, sans que des conclusions définitives puissent en être tirées concernant l'innocuité ou la toxicité de cet additif11.
Mais des scientifiques signalent des effets indésirables non négligeables ; vous trouverez des informations plus détaillées en cliquant ici.
La 1ère substance nano autorisée comme biocide
En avril 2014, le nano dioxyde de silice amorphe synthétique est devenue la première (et jusqu'à fin 2016 au moins, la seule) substance nano à avoir été approuvée comme pouvant être mise sur le marché comme substance biocide à compter du 1er novembre 201512.
Les propriétés antibactériennes de la silice, recherchées pour certaines applications ciblées, peuvent entraîner des effets indésirables pour certaines communautés bactériennes nécessaires à la santé ou à l'équilibre des écosystèmes. La vigilance doit donc être de mise.
Et dans le domaine médical ?
Dans le domaine médical, un article publié le 28 janvier 2019 dans Nature Nanotechnology montre que les nanoparticules de dioxyde de silice peuvent induire des modifications de l'endothélium et donc une fuite de cellules tumorales, à l'origine de métastases. Selon Frédéric Lagarce, professeur de biopharmacie et praticien hospitalier à Angers, "ce qui est intéressant / original c'est de montrer un risque potentiel des nanotechnologies dans le traitement des tumeurs alors que ces technologies sont souvent présentées comme la réponse pour améliorer les performances des anticancéreux. Il faudrait maintenant vérifier si ces modifications endothéliales sont aussi retrouvées avec les nanoparticules polymères ou lipidiques, beaucoup plus utilisées pour encapsuler des actifs et cibler les tumeurs. Si cela était malheureusement le cas, toute la stratégie des nanomédecine (très orientée cancer) serait remise en cause". En savoir plus sur la nanomédecine en cliquant ici.
Les travailleurs sont les premiers exposés
En avril 2019, l'INRS a lancé un appel aux entreprises utilisatrices de silices amorphes pour une recherche en santé au travail : "Exposition professionnelle aux silices amorphes nanostructurées : biomarqueurs d'effets précoces" (2019-2022).
En mai 2019, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) met en garde contre les risques élevés pour la santé associés à la silice cristalline, en particulier pour les 365 000 travailleurs qui y sont exposés, notamment au quartz. Les risques des silices amorphes sont particulièrement importants, à cause de leur taille nanométrique. L’Anses recommande une série de mesures en termes de prévention et de maîtrise des expositions en milieu professionnel, de surveillance médicale et de reconnaissance des maladies professionnelles.
A suivre donc...
En savoir plus
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- FRANCE : Près de 4% des usages des nanomatériaux importés ou produits en France concernent l'alimentation, veillenanos.fr, décembre 2013
- RISQUES : Les leçons du programme de recherche Nanogenotox, veillenanos.fr, décembre 2013
Ailleurs en librairie :
- En français :
- Avicenn, Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons Vigilants !, éditions Yves Michel, février 2016
- Francelyne Marano, Faut-il avoir peur des nanos ?, Buchet Chastel, avril 2016
NOTES & REFERENCES
1 - Voir notamment :
- En français :
- Etat des connaissances sur la "toxicité des silices amorphes nanostructurées, Radauceanu A et al., Références en santé au travail n° 160, TP36, INRS, décembre 2019
- Dangers, expositions et risques relatifs à la silice cristalline, Anses, avril 2019 (publié en mai 2019)
- "Internalisation et translocation de nanoparticules d'oxyde de silice et d'oxyde de titane dans des cellules épithéliales bronchiques, endothéliales pulmonaires et musculaires" par Mornet S et al. in Dossier du participant préparé pour la Restitution du Programme national de recherche environnement santé travail (PNREST), octobre 2015
- Evaluation des risques liés aux nanomatériaux - Enjeux et mise à jour des connaissances, ANSES, avril 2014 (mis en ligne le 15 mai 2014)
- Évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et pour l'environnement (chapitre 6.6 : Produit alimentaire et silice), Afsset (aujourd'hui ANSES), mars 2010
- Silica nanoparticles induce endoplasmic reticulum stress response and activate mitogen activated kinase (MAPK) signalling, Toxicol Rep., Christen V et Fent K, 3:832-840, novembre 2016
- Critical review of the safety assessment of nano-structured silica additives in food, Winkler HC et al., Journal of Nanobiotechnology, 14:44, 2016
- Critical assessment of toxicological effects of ingested nanoparticles, McCracken C et al., Environ. Sci.: Nano, 3, 256-282, 2016
- Oxidative stress, inflammation, and DNA damage in multiple organs of mice acutely exposed to amorphous silica nanoparticles, Nemmar A et al., Int J Nanomedicine, 11: 919-928, 2016
- Biodistribution, excretion, and toxicity of mesoporous silica nanoparticles after oral administration depend on their shape, Li L et al., Nanomedicine: Nanotechnology, Biology and Medicine, 11(8) : 1915-1924, novembre 2015
- Genotoxicity of synthetic amorphous silica nanoparticles in rats following short-term exposure. Part 1: Oral route, Tarantini A et al., Environmental and Molecular Mutagenesis, 56 (2) : 18-227, mars 2015
- Genotoxicity of synthetic amorphous silica nanoparticles in rats following short-term exposure, part 2: Intratracheal instillation and intravenous injection, Guichard Y et al., Environmental and Molecular Mutagenesis, 56 (2) : 228-244, mars 2015
- Toxicity, genotoxicity and proinflammatory effects of amorphous nanosilica in the human intestinal Caco-2 cell line, Tarantini A et al., Toxicology in Vitro, 29(2) : 398-407, mars 2015
- Novel insights into the risk assessment of the nanomaterial synthetic amorphous silica, additive E551, in food, van Kesteren PCE et al., Nanotoxicology, 2014
- Kinetics of silica nanoparticles in the human placenta, Poulsen MS et al., Nanotoxicology, juillet 2013
2 - Cf. notamment Inhibition of total oxygen uptake by silica nanoparticles in activated sludge, Journal of Hazardous Materials, 283(11) : 841-846, février 2015
3 - Cf. Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé, Veillenanos, 15 mai 2014
4 - Cf. Community rolling action plan (CoRAP) update covering years 2014, 2015 and 2016, ECHA, mars 2014
5 - DECISION ON SUBSTANCE EVALUATION PURSUANT TO ARTICLE 46(1) OF REGULATION (EC) NO 1907/2006 For Silicon dioxide, CAS No 7631-86-9 (EC No 23 1-545-4), mars 2015
6 - Announcement of appeal - Grace GmbH & Co. KG, ECHA, août 2015 : "The Agency has based its decision very largely on its own classification of SAS as a nanomaterial, a classification that the Agency is not empowered to make and that in any event is irrelevant to the toxicity of SAS; (d) The Contested Decision is disproportionate in that it is not appropriate or necessary to achieve the objective of protecting human health, and places an unduly heavy burden on the Appellants"
7 - Announcement of appeal - Evonik Degussa GmbH and others, ECHA, août 2015 : "On 29 February 2012, silicon dioxide was included on the CoRAP due to initial grounds for concern relating to 'the substance characterisation, nanoparticles and toxicity of different forms of the substance'. The Appellants claim, however, that none of those alleged grounds for concern are criteria for inclusion of a substance on the CoRAP. The Appellants argue that as a result the Agencys decision to include the substance on the CoRAP was adopted in breach of Article 44 of the REACH Regulation and must be set aside. (...) The Appellants claim that the mere fact that the substance meets the non-legally binding definition of 'nanomaterials' in Commission Recommendation 2011/696/EU on the definition of nanomaterial is not sufficient to justify the requests for information in the Contested Decision. By requesting information on the substance on the grounds that the substance meets the nonlegally binding definition of 'nanomaterials' in the Commission Recommendation, the Agency failed to identify a valid concern that needs to be addressed through the substance evaluation procedure."
En plus des entreprises françaises citées plus haut, les signataires étaient des entreprises :
- allemandes : Evonik Degussa GmbH, Evonik Industries AG, Akzo Nobel Chemicals GmbH, BASF SE, Cabot Aerogel GmbH, Cabot GmbH, Clariant Produkte (Deutschland) GmbH, Grace Silica GmbH, Johnson Matthey Chemicals GmbH, Merck KGaA, Wacker Chemie AG
- espagnoles : Evonik Silquilmica SA, IQESIL S.A, Instituto Suizo Para el Fomento de la Seguridad Swissi-España, S.L.U
- belges : Evonik Degussa Antwerpen NV, SCAS Europe S.A./N.V, Specialty Chemicals Coordination Center SA/NV
- suédoises : Akzo Nobel Pulp and Performance Chemicals AB
- finlandaises : Akzo Nobel Finland OY, Albemarle Europe Sprl, J.M. Huber Finland OY
- hollandaises : Albermarle Catalysts Company B.V., PPG Industries Chemicals BV
- britanniques : Cabot Carbon Limited, LSR Associates Ltd., PQ Silicas UK Ltd., PPG CENTRAL (UK) Ltd.
- italiennes : Deltagran Europe srl, Silysiamont SpA, Solvay Solutions Italia SpA
- grecque : Hellenic Petroleum SA
8 - Cf. Is aggregated synthetic amorphous silica toxicologically relevant?, Murugadoss S et al., Particle and Fibre Toxicology, 17(1), 2020
9 - Opinion on Silica, Hydrated Silica, and Silica Surface Modified with Alkyl Silylates (nano form), Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), septembre 2015
10 - Voir la référence sur notre fiche Quels ingrédients nano dans notre alimentation ?
11 - Cf. notamment :
- Re-evaluation of silicon dioxide (E 551) as a food additive, adoptée en novembre 2017, Younes M et al., EFSA Journal, 6(1):5088, 2018
- Règlement (UE) N° 257/2010 de la Commission du 25 mars 2010 établissant un programme pour la réévaluation des additifs alimentaires autorisés, conformément au règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil sur les additifs alimentaires
- Food additives re-evaluation work programme, Paolo Colombo, Senior Scientific Officer - Food Additives Team, Food Ingredients and Packaging (FIP) Unit, EFSA, 28 avril 2014
12 - RÈGLEMENT D'EXÉCUTION (UE) No 408/2014 DE LA COMMISSION approuvant le dioxyde de silicium amorphe synthétique en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans des produits biocides du type de produits 18, 23 avril 2014 ; voir aussi notre fiche Quelle réglementation des nanomatériaux dans les biocides en Europe ?
Fiche initialement mise en ligne en mai 2016