Le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux de la Commission européenne (SCENIHR ou CSREN en français) vient de publier son avis final sur les effets du nanoargent sur la santé et l'environnement ainsi que son rôle dans la résistance antimicrobienne1.
Lavis étaye ce que dautres instances ou publications ont montré : l'utilisation "généralisée" et "croissante" de nanoargent dans des produits de consommation est source d'exposition des consommateurs et de l'environnement.
Il laissera néanmoins les lecteurs sur leur faim, puisqu'il redit ce que l'on savait également : à long terme, les effets de cette exposition sont aujourd'hui mal connus...
Le SCENIHR déplore les lacunes de connaissances sur les risques de résistance bactérienne générés par le nanoargent et considère que des recherches sur le sujet sont nécessaires.
Les positions d'autres acteurs sur ce sujet
Cet avis est la version finalisée de l'avis préliminaire publié en décembre 2013, qui avait été soumis à consultation jusquau 2 février 2014. Les 60 contributions obtenues dans le cadre de cette consultation sont regroupées dans un rapport de 200 pages accessible en ligne2 : elles permettent d'identifier les arguments et positionnements des 14 ONG, six autorités publiques et cinq entreprises privées qui se mobilisés pour répondre à la consultation.
La conférence environnementale accouchera-t-elle d'une étiquette "nano" ?
La conférence environnementale accouchera-t-elle d'une étiquette "nano" ?
La ministre de l'écologie Ségolène Royal a annoncé le 1er décembre qu'elle allait demander à l'Europe la mise en place d'une stratégie européenne d'étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau.
Les ministres annoncés à la table-ronde "santé-environnement" étaient :
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes
Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Côté ONG, au moins deux associations ont formulé des préconisations
concernant les nanomatériaux :
le Réseau Environnement Santé (RES) qui, parmi ses 10 mesures phrases pour intégrer la santé environnementale dans la politique de santé, a demandé l'"exclusion des usages induisant une exposition grand public pour les substances de type CMR, Perturbateurs Endocriniens, Nanomatériaux (alimentation, cosmétiques, produits domestiques)".
France Nature Environnement (FNE) qui a également inclus parmi ses revendications"le retrait immédiat de certains nanomatériaux présents dans les produits alimentaires et leurs emballages et tout particulièrement le nano-dioxyde de titane dans les produits destinés aux enfants".
A l'issue de la conférence, il a été officiellement annoncé que la Ministre de l'Ecologie Ségolène Royal proposera au Conseil Environnement du 17 décembre 2014 à Bruxelles qu'une stratégie d'étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction des produits dangereux en contact avec la peau soit mise en place au niveau européen.
Un groupe de travail sera mis en place au niveau national pour préciser ces propositions au cours du premier semestre 20151.
Ce groupe sera-t-il le même que celui de la "task force nano" qui avait été mise en place pour le débat public national sur les nanotechnologies de 2009-2010 et qui s'était essouflé depuis le départ de son pilote Françoise Lavarde début 20142 ?
La question de l'étiquetage "nano", simple en théorie, promet néanmoins d'être complexe dans sa concrétisation tant les défis à relever sont nombreux (au niveau scientifique mais également au niveau de la juridiction européenne) : le dicton selon lequel "le diable se cache dans les détails" est encore plus vrai à l'échelle nano...
A la suite de la Conférence environnementale 2014, le Premier Ministre présentera en janvier 2015 la feuille de route pour la transition écologique, traduisant les engagements du Gouvernement qui résulteront de l'ensemble de ces travaux.
A l'issue de la conférence, l'ONG Women in Europe for a Common Future (WECF) s'est réjouie des annonces sur les nanomatériaux faites par l'exécutif3. Mi-décembre elle a cependant dénoncé l'absence de l'étiquetage nano à l'ordre du jour du Conseil des ministres Environnement de l'Union européenne malgré la volonté affichée de la Ministre de l'écologie Ségolène Royal lors de Conférence environnementale4.
Mise à jour juin 2015 : Voir les suites données à ce projet ici LIRE AUSSI :
Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Quels devenir et comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement ?
Par MD et DL - Dernier ajout janvier 2019
Cette fiche fait partie de notre dossier Nano et Environnement ; elle a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Questions sur le devenir et le comportement des nanomatériaux manufacturés dans l'environnement
Que deviennent les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux une fois qu'ils sont relargués dans l'environnement ? On sait que du fait de leur petite taille, les nanomatériaux ont une forte propension à se disperser et peuvent atteindre des endroits inaccessibles à des particules plus grandes. Mais jusqu'où et sous quelle(s) forme(s) ?
De nombreux aspects sont encore largement méconnus.
- Quelle persistance ou transformation des nanomatériaux dans l'environnement ?
Une fois relargués, les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent subir des transformations : lesquelles et dans quelles conditions ? Beaucoup de paramètres peuvent intervenir et entraîner par exemple leur dispersion ou sédimentation dans les milieux aquatiques, selon qu'ils restent isolés ou s'agrègent. Que se passe-t-il lorsqu'ils entrent en contact avec la matière en suspension naturellement présente (matériaux minéraux, chimiques ou biologiques) ? Beaucoup de questions... mais peu de réponses.
- Quelles mobilité et accumulation des nanomatériaux dans l'environnement ?
dans l'air : les nanomatériaux relargués dans l'air peuvent se disperser facilement et sur de longues distances dans l'atmosphère avant de retomber1
dans les sols2 : migrent-ils jusque dans les eaux souterraines ou sont-ils bloqués dans le sol avant d'atteindre les nappes phréatiques ? se retrouvent-ils dans les sols après l'épandage sur les terres agricoles de boues des stations d'épuration en contenant (réalisé pour achever l'épuration tout en servant d'engrais) ?
sédimenter par gravité (notamment dans le cas de nanomatériaux agrégés et/ou hydrophobes comme les nanotubes de carbone) ce qui augmente les risques de contact avec des microorganismes qui vivent sur les sédiments aquatiques
ou au contraire rester en suspension (notamment si elles sont fonctionnalisées en surface ou enrobées) et se disperser facilement, augmentant le risque d'exposition ; on retrouverait déjà des nanomatériaux dans les stations d'épuration urbaines et de traitement des eaux industrielles, mais les traitements en place n'ont pas été conçus pour les filtrer3 : une part non négligeable d'entre eux se retrouve donc dans les eaux superficielles, quant aux autres, ils s'accumulent dans les boues des stations d'épuration épandues sur les terres agricoles !
concernant la flore et la faune, les nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent également :
pénétrer et s'accumuler dans différentes espèces bactériennes, végétales, animales, terrestres et ou aquatiques,
être transférés de génération en génération, et remonter la chaîne alimentaire : des chercheurs ont en effet mis en évidence le transfert de nanomatériaux :
des racines vers les feuilles4 et graines des végétaux (par exemple dans des germes de soja)5
de l'eau de mer vers l'appareil digestif des moules6, ou des algues au zooplancton puis aux poissons qui s'en nourrissentSource : Cedervall et. al, 20127.
D'autres travaux plus récents ont depuis confirmé les craintes de transfert des nanomatériaux dans les chaînes alimentaires8, tout en montrant que ces questions ne peuvent avoir de réponse simple tant les facteurs qui entrent en jeu sont nombreux et variables (le degré d'acidité9 ou de salinité par exemple). Avec, en conséquence, une grande difficulté pour déterminer, dans chacun des cas, les effets sur les écosystèmes. Car beaucoup d'études ont longtemps été réalisées sur des nanoparticules de synthèse et dans des conditions différentes de celles rencontrées dans la réalité ; le comportement des nanomatériaux observé dans les expériences ne reflète pas celui (ou ceux) des résidus de nanomatériaux réellement présents dans l'environnement. Les résultats sont donc encore peu généralisables et à considérer avec prudence.
Des recherches sont en cours pour en savoir plus. Ces questions sont importantes à élucider car outre les effets cytotoxiques qu'ils peuvent directement entraîner au sein des espèces bactériennes, végétales, animales, terrestres et ou aquatiques dans lesquelles ils peuvent pénétrer, les nanomatériaux peuvent y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie") ; on redoute donc notamment qu'ils favorisent le transport de polluants10 - métaux lourds ou pesticides par exemple.
Travaux de recherche sur le devenir des nanomatériaux dans l'environnement
Rares sont les travaux qui portent spécifiquement et quasi-exclusivement sur le devenir des nanomatériaux dans l'environnement. En 2012, nous avions repéré les projets suivants (contribuez à compléter cette liste, en nous signalant les projets à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr) :
objet : le transfert et le devenir des nanoparticules vers les eaux souterraines
financement : 1,6 million d'euros de l'Agence Nationale de la Rercherche
période : 2007-2010
partenaires : le CEREGE, l'INERIS, le Centre de recherche de Suez-Environnement, le BRGM (coordinateur), organisme public référent dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources et des risques du sol et du sous-sol.
objet : l'impact environnemental des résidus de dégradation des nanomatériaux commercialisés : devenir, biotransformation et toxicité vis-à-vis d'organismes cibles d'un milieu aquatique
financement : 500 000 € de l'Agence Nationale de la Rercherche
objet : les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes ; l'approche utilise des "mésocosmes" : énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquel est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau. Le transfert des nanoparticules en milieu poreux de composition plus complexe doit y être étudié.
financement : près de 2 millions d'euros de l'ANR
période : fin 2010-fin 2014
partenaires : CEREGE, IMEP, LCMCP, ECOLAB, CIRIMAT, CEA, LIEBE, Institut Néel/FAME, CINaM, LHYGES, DUKE University
objet : si la présence de nanomatériaux dans les sols cultivés est probable à court terme, le risque de leur passage dans la chaine alimentaire via les cultures reste à préciser : il s'agit d'évaluer quantitativement la phytodisponibilité de nanomatériaux vis-à-vis de cultures destinées à l'alimentation des animaux ou des humains.
Des chercheurs de Zurich ont réitéré en 2017 le constat de la difficulté à appréhender le devenir des nanomatériaux dans l'environnement : Nanoparticles remain unpredictable, ETH Zurich, avril 2017
Au niveau européen :
le projet NanoFATE est dédié à l'évaluation du devenir des nanoparticules dans l'environnement. Initié en avril 2010, il est financé à hauteur de 2,5 millions d'euros par la Commission européenne (pour un budget global de 3,25 millions d'euros) jusqu'en avril 2014. Sur les douze partenaires impliqués, un seul est français : l'Institut Symlog. Les conclusions publiées en novembre 2014 ont été relayées par Science for Environment Policy, service de la Commission Européenne dans une fiche synthétique.
Le projet FP7 nanoMILE (2013-2017) : Engineered nanomaterial mechanisms of interactions with living systems and the environment : a universal framework for safe nanotechnology. Il vise à documenter les interactions entre nanoparticules et organismes vivants tout au long du cycle de vie.
Le projet européen NANOFASE coordonné par NERC (Natural Environment Research Council) et qui vise à comprendre et maitriser le comportement des nanomatériaux dans l'environnement, en proposant une approche intégrée de maitrise des risques et des protocoles. L'INERIS y participe pour la France.
Aux Etats-Unis, le consortium américain "Center for Environmental Implications of Nanotechnology" (CEINT) dirigé par Marc Wiesner étudie notamment sur le transfert des nanomatériaux dans l'environnement.
Au sein de l'OCDE, le Groupe de Travail sur la Productivité des Ressources et les Déchets (GTPRD) a travaillé sur le devenir et les impacts des nanomatériaux contenus dans les produits et libérés lors du traitement de ces produits en fin de vie (incinération, mise en décharge, épandage des boues de stations d'épuration).
2 - Cf. la thèse de Marie Simonin de 2015 : Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d’oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes. L'étude concerne des NP de dioxyde de titane (TiO2) et d’oxyde de cuivre (CuO) dans six sols agricoles. L'étude conclut à une absence de toxicité des NPs de TiO2 sur les communautés microbiennes, sauf dans un sol limono-argileux à forte teneur en matière organique. Dans ce sol, des effets négatifs ont été observés après 90 jours d’exposition sur les activités microbiennes (respiration, nitrification et dénitrification), sur l’abondance des microorganismes nitrifiants et la diversité des bactéries et des archées. De plus, des effets négatifs sont observés sur la nitrification, même pour des concentrations extrêmement faibles de TiO2 (0.05 mg kg-1), liés principalement à une forte sensibilité à ce polluant des archées oxydatrices de l’ammonium (AOA) impliquées dans ce processus.
Accumulation et impact des nanoparticules dans les végétaux, Marie Carrière (CEA, Grenoble), présentation au séminaire "Nanomatériaux dans l'environnement et impacts sur les écosystèmes et la santé humaine" organisé par EnvitéRA, juillet 2012
Nanoparticules : une méthode pour étudier les faibles doses, CEA, 16 avril 2015 : deux équipes du CEA Saclay (DSM-Iramis et DSV-IBITECS) sont parvenues à suivre le parcours de nanoparticules de dioxyde de titane à des doses environnementales dans des moules de rivière.
Quels effets des nanomatériaux sur la faune et la flore aquatiques ?
Quels effets des nanomatériaux sur la faune et la flore aquatiques ?
Par MD et DL - Dernière modification novembre 2018
Cette fiche fait partie de notre dossier Nano et Eau : elle a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
La contamination des eaux par les nanoparticules manufacturées ou leurs résidus entraîne également la contamination des organismes aquatiques comme les algues, les crustacés et les poissons.
Les études sur les effets des nanomatériaux sur la faune et, dans une moindre mesure, sur la flore aquatiques se développent mais beaucoup d'incertitudes demeurent (la salinité ou l'acidité de l'eau peuvent modifier leur toxicité par exemple) et les préoccupations sont fortes1.
On sait déjà que des nanomatériaux ou résidus de nanomatériaux peuvent pénétrer et s'accumuler dans différentes espèces aquatiques, être transférés de génération en génération et remonter la chaîne alimentaire.
Des chercheurs ont mis en évidence le transfert de nanomatériaux de l'eau de mer vers l'appareil digestif des moules2, des algues au zooplancton puis aux poissons qui s'en nourrissent3.
On parle de "bioamplification" : il y a augmentation de la teneur en toxique d'un maillon de la chaîne alimentaire à l'autre :
Quelques exemples d'effets déjà constatés en 20114 :
effets sur les algues : augmentation de la mortalité, retards de croissance, diminution de la photosynthèse et génération d'espèces réactives de l'oxygène
effets sur les crustacés : augmentation de la mortalité, modification du comportement, malformations chez la daphnie, accumulation dans l'organisme
effets sur les poissons : mortalité et perturbation du développement avec apparition de malformations ; le nanoargent notamment peut entraîner des malformations très marquées sur l'embryon de poisson-zèbre5
effets sur d'autres organismes aquatiques :
dégâts dans tout l'organisme de la moule, notamment induction de processus inflammatoires, augmentation de l'expression de gènes impliqués dans la régulation de stress, augmentation de l'activité des enzymes antioxydantes et de la peroxydation lipidique
effets toxiques sur les escargots d'eau douce, les larves de chironomes, les cnidaires et les polychètes : diminution de la nutrition, augmentation du nombre de malformations, stress oxydant, dommages à l'ADN corrélés à une augmentation de la mortalité
effets toxiques sur les amphibiens
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre6.
Même altérées et agglomérées, des nanoparticules (de dioxyde de cérium notamment, utilisées comme agent protecteur anti-rayure anti-UV dans des peintures extérieures) peuvent conserver leur écotoxicité vis-à-vis des organismes aquatiques (des micro-algues dans l'expérience menée)7.
Outre les effets toxiques qu'ils peuvent induire directement, les nanomatériaux peuvent entraîner des dommages indirects mais néanmoins très préoccupants :
Les nanomatériaux ou leurs résidus peuvent traverser la paroi des cellules des plantes ou des animaux et y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie"), ils peuvent jouer un rôle de "vecteurs" et favoriser le transport de polluants (métaux lourds, HAP ou pesticides par exemple)8.
Les nanomatériaux peuvent fragiliser les plantes ou les animaux :
Des chercheurs aux USA viennent de mettre en évidence que des nanomatériaux de zinc et d'oxyde de cuivre, même à faibles concentrations, peuvent rendre des embryons d'oursins plus sensibles à d'autres contaminants9.
D'autres chercheurs allemands et américains ont récemment mis en évidence le fait que des nanoparticules de dioxyde de titane peuvent perturber le système immunitaire de poissons (vairons) et leur résistance aux pathogènes bactériens10, fragilisant ainsi leur survie en cas de maladie.
D'autres études sont menées avec des conclusions également préoccupantes 11
Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, pourraient devenir (encore) plus dangereux : on parle alors d'"effet cocktail" 12. "Les études s'accordent sur le fait que la présence des nanoparticules dans un milieu liquide mène à une accumulation plus importante de polluants dans les organismes. Les risques pour la chaîne alimentaire jusqu'à l'homme sont donc réels, à la fois à cause des nanoparticules en elles-mêmes ainsi qu'au travers de leur rôle de vecteur de contamination" 13.
Écrans UV nanos : un danger pour la vie marine, L'Observatoire des Cosmétiques, 5 septembre 2014 : Des chercheurs espagnols ont ainsi estimé que l'activité touristique sur une plage de Méditerranée durant une journée d'été peut relarguer de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane dans l'eau, et aboutir à une augmentation de 270 nM/jour de la concentration en peroxyde d'hydrogène (une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins) → Résumé vulgarisé en français de l'article suivant : Sunscreens as a Source of Hydrogen Peroxide Production in Coastal Waters, Sánchez-Quiles D and Tovar-Sánchez A, Environ. Sci. Technol., 48 (16), 9037-9042, 2014
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition".
Cette rubrique a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn.
Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
- ALLEMAGNE : Controverse sur l'étude par BASF des effets de nanomatériaux sur la santé
par MD, DL et l'équipe Avicenn - 29 mai 2012
L'annonce récente d'un partenariat entre le ministère de l'environnement allemand et BASF pour une étude des effets de nanoparticules sur les poumons a suscité une polémique sur l'objectivité des futurs résultats. L'Avicenn a voulu en savoir plus...
Lire notre article ici.
- EUROPE : Les biocides contenant des nanomatériaux particulièrement encadrés à partir de 2013
par MD, 22 mai 2012
Le Règlement Biocides a été définitivement adopté par le Conseil de l'Union européenne le 10 mai 2012. Le texte adopté prévoit notamment que les biocides contenant des nanomatériaux devront faire l'objet de contrôles plus stricts, d'une procédure d'autorisation spécifique et d'un étiquetage ad hoc indiquant - fait inédit - les risques liés aux nanomatériaux utilisés.
Voir notre article de janvier pour un rappel des faits.
- EUROPE : Les biocides contenant des nanomatériaux particulièrement encadrés à partir de 2013
par MD avec l'équipe Avicenn - 25 janvier 2012
Le Parlement européen, a adopté ce 19 janvier, une position en vue de l'adoption du "Règlement Biocides" concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. Le texte adopté prévoit notamment que les biocides contenant des nanomatériaux devront faire l'objet de contrôles plus stricts, d'une procédure d'autorisation spécifique et d'un étiquetage ad hoc indiquant - fait inédit - les risques liés aux nanomatériaux utilisés.
Lire notre article ici.
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Au vu des risques liés aux nanomatériaux, l'ANSES préconise un encadrement renforcé
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Article mis en ligne le 15 mai 2014 - Dernière modification le 10 juillet 2014
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a rendu public son rapport d'évaluation des risques liés aux nanomatériaux attendus depuis 2013. Ce rapport largement relayé par les médias est maintenant dans les mains des tutelles de l'ANSES. Quelles suites donneront-elles aux recommandations émises par l'agence ?
Depuis 2006, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié plusieurs expertises sur les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux manufacturés ; la dernière analyse concernant les nanomatériaux dans leur globalité remontait à 20101.
En 2012 l'ANSES a confié à son groupe de travail pérenne "nanomatériaux et santé" un travail de mise à jour des connaissances sur ces risques.
Fin avril 2014, le rapport finalisé a été présenté au comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" ouvert à la société civile et auquel Avicenn participe. Il a ensuite été publié le 15 mai sur le site de l'ANSES2.
Il s'agit d'une "revue de la littérature" et non pas de la présentation de résultats de recherches effectuées au sein des laboratoires de l'ANSES.
Le point sur les risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement
Le rapport traite :
- des risques liés aux nanomatériaux manufacturés intentionnellement ; il ne porte donc pas sur les nanoparticules naturelles ou "incidentelles".
- dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et de la santé ; bien que les risques sur les dérives éthiques possibles liées aux mésusages des nanotechnologies (surveillance ou manipulation du vivant notamment) ne soient pas traités en profondeur car hors du domaine de compétence de l'ANSES, ils font tout de même l'objet d'une présentation synthétique - phénomène suffisamment rare pour être signalé.
Des risques préoccupants mais encore difficiles à évaluer
L'ANSES montre que malgré la progression des connaissances scientifiques, les incertitudes restent importantes quant aux effets des nanomatériaux sur la santé et l'environnement.
Elle met en évidence des caractéristiques de danger très diverses - un tableau clinique qui fait "froid dans le dos" selon Pierre Le Hir du Monde3 qui cite parmi les effets répertoriés par l'ANSES de certains nanomatériaux sur les organismes vivants : "des retards de croissance, des malformations ou anomalies dans le développement ou la reproduction chez des espèces modèles", ainsi que "des effets génotoxiques et de cancérogénèse", ou encore "des effets sur le système nerveux central, des phénomènes d'immunosuppression, des réactions d'hypersensibilité et d'allergie".
L'ANSES insiste néanmoins sur la grande complexité à appréhender les situations d'exposition pour l'homme et l'environnement, rendant difficile de mener des évaluations spécifiques des risques.
Sur la base de tests in vitro et in vivo sur l'animal (il n'y a pas de données sur l'homme), le rapport met en évidence la capacité des nanomatériaux à passer les barrières physiologiques et pointe également la toxicité de certains d'entre eux.
Principales recommandations
L'ANSES émet plusieurs recommandations, notamment :
stimuler la recherche pour réduire les incertitudes scientifiques encore très nombreuses, via la mise en œuvre de projets pluridisciplinaires permettant de développer les connaissances sur les caractéristiques des nanomatériaux et de leurs dangers, tout au long du cycle de vie des produits; il s'agit notamment de favoriser le développement d'essais de sécurité pertinents pour évaluer les risques sanitaires des produits contenant des nanomatériaux destinés à être mis sur le marché.
se doter d'outils réglementaires et normatifs pour mieux protéger l'homme et l'environnement : l'ANSES se dit favorable à l'interdiction de certains nanomatériaux dans des produits grand public ! Le faisceau de données disponibles sur la toxicité de certains nanomatériaux apparaît en effet à l'Anses scientifiquement suffisant pour envisager leur encadrement selon la réglementation européenne CLP (règlement de classification, étiquetage et empaquetage des substances et des mélanges) et REACh (substances chimiques). L'Anses a, dans ce cadre, récemment publié des recommandations visant à adapter le règlement REACh à la prise en compte des caractéristiques propres aux nanomatériaux1. Ce cadre réglementaire permettrait de renforcer la traçabilité des nanomatériaux destinés à être intégrés dans les produits de consommation, depuis leur production jusqu'à leur distribution, afin notamment de mieux caractériser les expositions des populations, et permettre de mieux cibler les évaluations de risque à réaliser.
Premiers éléments d'analyse d'Avicenn
Une pression accrue sur les pouvoirs publics chargés de la gestion des risques
Comme le fait remarquer Pierre Le Hir du Monde3, "en 2010, l'agence s'était contentée de mettre en avant "le principe de précaution". Elle va aujourd'hui plus loin, en préconisant d'inscrire les nanomatériaux dans le cadre du règlement européen CLP (classification, étiquetage et emballage) sur les substances chimiques dangereuses.
L'ANSES souligne que "malgré les efforts entrepris en pointillés [par les pouvoirs publics] pour adapter les cadres réglementaires préexistants à cet ensemble hétéroclite et potentiellement infini que constituent les nanomatériaux, l'absence d'évaluations sociale et économique concrètes de leur déploiement continue de se faire sentir" (p.28).
Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'ANSES, est clair : "Dans dix ans, il sera trop tard pour se poser la question de leur encadrement".
L'enjeu est de taille : il s'agit donc de mobiliser les pouvoirs publics afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour ne pas répéter les erreurs du passé, en mettant notamment en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction.
L'ANSES est favorable à des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction pour certains nanomatériaux, notamment :
les nanotubes de carbone,
les nanoparticules d'argent,
les nanoparticules de dioxyde de titane,
les nanoparticules de dioxyde de silice,
les nanoparticules d'oxyde de zinc,
les nanoparticules d'oxyde de cérium,
les nanoparticules d'oxyde d'aluminium,
les nanoparticules d'or
Classer ces nanoparticules comme substances dangereuses aurait pour conséquence la mise en place de mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public.
Cette préconisation sera-t-elle suivie par les ministères de tutelle de l'ANSES ? Si oui, la France pourrait porter le dossier au niveau de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Une question politique : comment financer les études de risques ?
Comment financer les études de risques liés aux nanomatériaux ? Cette question est cruciale mais pourtant largement éludée par les pouvoirs publics ou les industriels. Dans son rapport l'ANSES préconise "la mise en place de mécanismes d'incitations financières similaires à ceux mis en oeuvre pour d'autres thématiques (champs électromagnétiques par exemple)". Depuis 2011 pour les radiofréquences, les industriels abondent, par l'intermédiaire d'une taxe, un fond destiné aux recherches sur les effets sanitaires des ondes.
Cette proposition rejoint celle faite par la société civile concernant la mise en place d'une taxe payée par les entreprises ayant une activité en lien avec des nanomatériaux manufacturés qui viendrait alimenter un fonds ensuite attribué à des laboratoires indépendants. Une taxe ne serait cependant "pas à la mode" a-t-on entendu lors de la réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé" fin avril (2014)...
Quelle autre solution envisager alors ? Le Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CEIAS), association loi 1901, propose que "l'argent du Crédit Impôt Recherche, qui est l'argent de l'État, soit utilisé pour évaluer la toxicité à court et long terme des nouveaux matériaux".
Vos avis et suggestions nous intéressent ! Car il s'agit assurément d'un chaînon manquant pour passer des paroles aux actes.
Quid des recherches sur les nanos dans l'alimentation à l'ANSES ?
L'Anses souligne que "la voie orale, peu étudiée jusqu'à aujourd'hui, devrait faire l'objet d'efforts de recherche spécifiques" (cf. p.8).
Problème : malgré cette recommandation, l'ANSES a demandé aux chercheurs de ses propres laboratoires de Fougères et Lyon de finir leurs recherches en cours sur le sujet et de ne pas en lancer de nouvelles.
→ Voir à ce sujet notre lettre VeilleNanos parue en décembre dernier.
Depuis, le tout récent rapport d'activité 2013 du laboratoire de Lyon de l'ANSES publié début juin 2014 a confirmé que son "unité Maladies neurodégénératives (MND) a dû arrêter, à la demande de la direction scientifique des laboratoires de l'Anses, toute recherche sur la toxicologie des nanomatériaux" !
Interrogé à ce sujet par Avicenn le 29 avril 2014, à la fin de la dernière réunion du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", le directeur général adjoint scientifique de l'ANSES avait invoqué un "recentrage" de l'ANSES sur ses domaines d'excellence, qui dans le domaine nano concernent davantage l'exposition par inhalation.
Reste que les recherches sur l'ingestion des nanomatériaux sont aujourd'hui très limitées (principalement au CEA de Grenoble et à l'INRA de Toulouse).
Autres points marquants
Parmi les autres points marquants, Avicenn a relevé les éléments suivants :
Le groupe de travail considère que "la prise en compte du cycle de vie des nanomatériaux est incontournable pour l'évaluation des risques" (depuis la conception jusqu'à la destruction ou recyclage des produits en passant par la consommation). Cette prise en compte passe notamment par "la transmission des FDS [fiches de données de sécurité] tout au long de la chaîne logistique", qui "devrait permettre le suivi du produit au cours de ses étapes de transformations industrielles" (p.27).
Le groupe de travail préconise "une amélioration du dispositif de déclaration (...) afin d'identifier de manière certaine les nanomatériaux manufacturés produits, distribués et importés sur le territoire national" (p.20). Il rejoint ici l'analyse produite par Avicenn le 2 décembre dernier4.
Il recommande également que soient recherchées, "dans le processus de gouvernance des risques des nanomatériaux, la transparence et une participation accrue des publics concernés (associations de citoyens, partenaires sociaux, professionnels de santé, etc.)" (p.70).
Premières réactions au rapport
Un rapport applaudi par des élus écologistes et des professionnels de la santé...
Michèle Rivasi, députée européenne et tête de liste Europe Ecologie pour les élections européennes dans le Grand Sud-Est, a réagi le jour même de la publication de ce rapport, appelant d'urgence à règlementer les nanotechnologies au niveau européen5.
Corinne Lepage, autre députée européenne verte, aurait affirmé que "mettre sur le marché des produits dont on ne peut pas garantir l'innocuité, c'est prendre les consommateurs européens pour des cobayes. Il est urgent d'établir un cadre législatif rigoureux pour les nanomatériaux au niveau européen. L'union européenne doit imposer une évaluation indépendante des effets de ces particules sur la santé et l'environnement"6.
Le 18 mai, William Dab, médecin et épidémiologiste, écrit sur son blog que "le développement [des nouvelles technologies, dont les nanotechnologies] est plus rapide que notre capacité à en évaluer les risques. Ce n'est pas une raison suffisante pour les bloquer, mais cela justifie la plus grande vigilance et des investissements en recherche qui soient à la hauteur des enjeux sanitaires"7.
Le 19 juin, le groupe écologiste du Conseil régional du Centre a soumis un projet de vœux au vote visant à accroître la vigilance s'agissant des nanomatériaux, en s'appuyant notamment sur le rapport de l'ANSES. Il n'a pas réuni la majorité nécessaire pour être adopté 8.
... moins bien accueilli par l'industrie chimique
Selon l'Usine Nouvelle, "les industriels ne digèrent toujours pas les recommandations" de l'ANSES qui pourraient, selon l'Union des industries chimiques (UIC) "nuire aux capacités de compétitivité et d'innovation européenne" 9.
→ Ce rapport largement relayé par les médias est maintenant dans les mains des tutelles de l'ANSES. Quelles suites donneront-elles aux recommandations émises par l'agence ?
⇒ Vos avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site
Nos fiches :
L'ANSES recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules dargent
L'ANSES recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules dargent
Par MD - Brève mise en ligne le 5 mars 2015 - Dernier ajout le 20 mars 2015
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) vient de rendre publics son avis et son rapport d'évaluation des risques liés aux nanoparticules d'argent attendus depuis 2013.
Elle recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules dargent aux applications dont lutilité est clairement démontrée. Mais qui va juger de cette "utilité", et comment ?
Dans le rapport quelle a publié le 5 mars dernier, lAgence passe en revue les effets sanitaires et environnementaux potentiels des nanoparticules dargent.
Elle regrette l'insuffisance des efforts de recherche permettant une évaluation des risques sanitaires.
Néanmoins, sappuyant sur les conclusions de son avis davril 2014 relatif aux risques liés aux nanomatériaux manufacturés, lAnses recommande de limiter la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules dargent aux applications dont lutilité est clairement démontrée.
L'ANSES "sera t-elle entendue par les industriels ? Et qui sera chargé de dire ce qui est "utile" ?" se demande le 9 mars l'équipe du projet Nesting1 qui milite pour un environnement sain pour les enfants.
Olivier Toma, directeur de lAgence primum non nocere, a réagi à son tour le 17 mars2: "Va-t-on reproduire avec les nanoparticules le scandale de lusage immodéré des phtalates ou du Bisphénol A quon sefforce maintenant de chasser des produits où ils étaient largement utilisés ? LAnses joue les saint Thomas (ou les Ponce Pilate) sur la toxicité éventuelle des nanoparticules sur la reproduction, les gènes ou le cerveau, mais elle ne craint pas laccusation de désinvolture en reconnaissant que ces substances ont un effet sur lenvironnement "avéré par de nombreuses études, en favorisant la mortalité des organismes aquatiques et terrestre, tout en inhibant leur croissance et leur reproduction". Il nous semblait que tout leffort actuel entrepris dans les voies du développement durable et de la protection de lenvironnement, était lié à lidée, enfin admise, que lenvironnement et lhumain ne faisaient quun et que toute dégradation du premier avaient des conséquences funestes sur le second !
Alors lAnses, comme soucieuse de ménager la chèvre (des industriels) et le chou (des consommateurs) accouche de deux recommandations principales.
1/ Elle consiste à renforcer la traçabilité des données et linformation des consommateurs. "Largent ne figure pas dans la liste des minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires, quil soit sous forme nanoparticulaire ou non", rappelle lAgence. En bref, elle nous dit quon peut continuer à empoisonner éventuellement les consommateurs à condition quils en soient dument informés.
2/ Elle recommande la limitation de lusage des nanoparticules dargent aux applications dont lutilité est clairement démontrée suivant un savant dosage où les bénéfices pour la santé humaine contrebalanceraient positivement les dégradations de lenvironnement. Ce qui nous ramène au problème de fond : la non prise en compte de létroite dépendance de lune et de lautre.
Nous en sommes là et nous pouvons nous demander à quoi nous allons aboutir avec des demi-mesures, inutiles sil ny a vraiment rien à craindre (ce dont nous doutons fortement pour notre part) et détestables si, comme le prouvent un certain nombre détudes les nanoparticules dargent sont nocives pour lenvironnement et, à terme, pour nous-mêmes."
Dany Neveu, porte-parole de la commission santé environnement d'EELV Aquitaine abonde : "C'est une bonne chose que l'ANSES se préoccupe des effets du nano argent ; mais qui déterminera l'utilité incontournable de cette molécule ? Dans l'état actuel des choses, ce seront encore les industriels qui donneront leur avis, partial. Il conviendrait donc d'interdire complètement l'utilisation du nano argent, tant que des études sérieuses et indépendantes n'auront pas statué sur ses effets collatéraux.
Dans la mesure où c'est un biocide puissant, il peut être suspecté de deux choses :
lorsqu'il est utilisé sous forme de peintures biocides, il peut favoriser les pathogènes les plus résistants qui sont souvent les plus toxiques,
lorsqu'il est libéré dans l'environnement après lavage des vêtements qui en sont enduits, il peut devenir une arme contre la micro faune des cours d'eau, ce qui entraîne des déséquilibres biologiques potentiels dont les effets peuvent se révéler dramatiques sur la santé humaine et environnementale"
⇒ Vos avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site
Nos fiches :
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" de l'ANSES (2012 - 2015)
par MD - Dernière modification mars 2016
Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
Le Groupe de travail pérenne "Nanomatériaux et santé" ("GT pérenne nano") était issu d'une autosaisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Il avait pour mission d'encourager ou de conduire des travaux scientifiques d'évaluation des risques associés aux nanomatériaux.
Résultats attendus
réaliser chaque année une synthèse de l'état des connaissances relatives à l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux manufacturés pour l'ensemble de leurs usages (le premier (et finalement unique) rapport annuel attendu pour l'automne 2013 a été publié en mai 2014)
Alan Sanh, ANSM, Toxicologie Nanoproduits de santé
Anne Van der Meeren, CEA, Biologie cellulaire
Agenda
Il s'est réuni :
le 9 juillet 2012 ; les 13 et 14 septembre 2012 ; le 19 novembre 2012
plusieurs fois en 2013, 2014, 2015
Arrivé au terme de son mandat en 2015, il n'a pas été renouvelé, contrairement à ce qui avait été initialement prévu par l'ANSES (cf. son rapport de 2014 : "l'Agence a installé, le 9 juillet 2012, un groupe de travail (GT) pérenne « Nanomatériaux et santé - alimentation, environnement, travail » (il a vocation à être renouvelé tous les 3 ans)", page 25).
LETTRE OUVERTE A L'ATTENTION DU PREMIER MINISTRE EDOUARD PHILIPPE,
ET DES MINISTRES AGNES BUZYN, NICOLAS HULOT, BRUNO LEMAIRE, MURIEL PÉNICAUD,
STEPHANE TRAVERT et FRÉDÉRIQUE VIDAL
Paris, le 12 juillet 2017
Étiquetage et restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation
après la discussion, place à l'action !
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Alors que les industriels viennent de réclamer à l'Etat un milliard d'euros publics pour les nanotechnologies afin de faire suite au plan « Nano 2017 » [1], nous, associations participant au groupe de travail (GT) « étiquetage et restriction des nanomatériaux » piloté par le ministère de l'environnement [2] avons jugé utile de vous faire part de nos propositions en termes de prévention et précaution autour des nanotechnologies. Cela fait en effet bientôt deux ans qu'a eu lieu la première réunion de ce GT et une dizaine d'années que plusieurs d'entre nous formulons, sur la base de considérations scientifiques, des recommandations concernant l'étiquetage et la restriction des nanomatériaux dans les produits de consommation sans résultat tangible à ce jour, ni signal clair d'une volonté de prendre des mesures concrètes à court terme.
Pourtant nous sommes tous exposés, le plus souvent sans le savoir, à toutes sortes de nanomatériaux présents dans des produits de beauté, vêtements, aliments, médicaments, détergents, etc. Chaque année en France, près de 500 000 tonnes de nanomatériaux sont importées ou fabriquées sur le sol national (un chiffre officiel bien en deçà de la réalité [3]). Or ces matériaux extrêmement petits, réactifs et largement utilisés présentent des risques pour la santé et pour l'environnement [4] qui suscitent des inquiétudes très fortes. Les alertes sanitaires mises en évidence depuis plus d'une dizaine d'années se confirment. L'INRA et l'ANSES viennent notamment de confirmer le soupçon de cancérogénicité des nanoparticules de dioxyde de titane contenues dans de nombreux aliments, médicaments et dentifrices [5].
Nos organisations ont souligné les questions, inquiétudes et problèmes posés par cet état de fait et proposé des solutions au sein de ce groupe de travail, mais également au sein d'autres groupes et comités ou par écrit [6]. Cela n'a de sens, au-delà de la richesse des échanges et des regards croisés entre « experts » et société civile, que si, intégrant tout ou partie de ces réflexions, le décideur s'en empare et... décide ! Trois mesures concrètes à prendre de toute urgence sont listées en annexe 3 : 1 ) interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane susceptibles d'être ingérées, 2 ) mieux informer les consommateurs et enfin 3 ) assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent.
La mise en place d'une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » est indispensable. Si la recherche d'un consensus est louable, l'ériger en principe conduit à ne rien faire... et donc à favoriser la position d'un groupe d'acteurs minoritaires, les fabricants de nanomatériaux, au détriment de la protection de la santé humaine et des écosystèmes. Sur le sujet controversé des nanomatériaux, à l'instar des débats autour des perturbateurs endocriniens et des pesticides, l'unanimité est en effet impossible. Les récentes propositions du Medef sont, de ce point de vue, édifiantes : ne rien initier ou ne réagir qu'en cas de « crise sanitaire avérée ». Très a posteriori donc et en totale contradiction avec le principe de précaution inscrit dans notre Constitution et qui s'applique pourtant par définition en cas d'incertitude.
Comptant sur la volonté politique de l'exécutif en matière de protection de la santé et de l'environnement, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre et mesdames et messieurs les Ministres, l'expression de nos salutations les plus respectueuses.
David Azoulay (CIEL), Philippe Bourlitio (AVICENN), Michel Dubromel (FNE), Jean-Marc Harmand (ORGECO 54 - FDF), Stéphen Kerckhove (APE), Véronique Moreira (WECF), François Mourgues (C2DS) et Aline Read (CIEAS)
Annexes à la lettre ouverte
Annexe 1 - Fonctions des signataires de la lettre
David Azoulay, directeur du programme Santé environnementale du Center for International Environmental Law (CIEL)
Philippe Bourlitio, président de l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN)
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE)
Jean-Marc Harmand, président de l'Organisation générale des consommateurs de Meurthe-et-Moselle, Familles de France (ORGECO 54 - FDF)
Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement (APE)
Véronique Moreira, présidente de Women Engage for a Common Future France (WECF France)
François Mourgues, président du Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS)
Aline Read, présidente du Centre d'Information sur l'Environnement et d'Action pour la Santé (CIEAS) Annexe 2 - Détail des mesures concrètes qui doivent être prises sans plus tarder :
1. Interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane présentes dans le colorant E171 utilisé dans des confiseries, biscuits, sauces, plats préparés, médicaments et dentifrices. Cette mesure doit être prise de façon urgente, le temps de mettre sur pied une procédure plus générale d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux en France*.
L'INRA a en effet récemment démontré que le colorant E171, qui contient des nanoparticules, peut entraîner des perturbations immunitaires, des inflammations et des lésions précancéreuses chez les rats. L'ANSES, confirmant la rigueur de cette publication et la valeur des résultats, a rappelé « sa recommandation de limiter l'exposition des salariés, des consommateurs et de l'environnement, notamment en favorisant les produits sûrs, dépourvus de nanomatériaux » [5].
Aussi, en attendant la publication des résultats du groupe de travail « nano et alimentation » tout juste mis en place par l'ANSES sur le sujet et qui ne débouchera pas avant 2018, cette interdiction provisoire constituera une « mesure proportionnée » en phase avec le principe de précaution afin de protéger au plus vite la population, tout particulièrement les enfants et les personnes malades, qui n'ont pas à jouer le rôle de rats de laboratoires en attendant la confirmation des résultats déjà convergents et alarmants.
L'opportunité de lever ou de poursuivre cette interdiction sera ré-évalué(e) en fonction des données obtenues par le GT nano et alimentation de l'ANSES à l'issue de son travail.
* Une procédure d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux permettra plus généralement à terme que les nanomatériaux ne soient plus utilisés à grande échelle dans de nombreux biens de consommation courante en contact direct avec le corps humain, sans que les conditions sérieuses d'évaluation, de régulation et d'information n'aient été réunies.
Une fois la procédure d'autorisation de mise sur le marché opérationnelle, toute mise en oeuvre de nanoparticules / nanomatériaux devra faire l'objet d'une demande et de justifications précises : intérêt économique, intérêt technique ou technologique, intérêt sociétal (utile / futile), risques sanitaires, environnementaux, éthiques, analyse bénéfices-risques...
Une telle approche présente l'avantage évident d'encadrer la commercialisation des nanomatériaux et produits qui en contiennent, de limiter les risques et d'éviter des restrictions d'usages a posteriori.
Elle renforcera en outre la « marque France » non seulement auprès des consommateurs français mais aussi à l'export, car elle sera une garantie inédite d'un point de vue de la sécurité nano.
2. L'information des consommateurs :
L'étiquetage [nano] obligatoire des biens de consommation qui contiennent des nanoparticules manufacturées est une première étape, nécessaire mais pas suffisante pour assurer le « droit de savoir » des citoyens.
L'obligation d'étiquetage existe au niveau européen pour les produits alimentaires, biocides et cosmétiques depuis plusieurs années mais elle est très inégalement appliquée. Aussi demandons-nous à la DGCCRF un meilleur contrôle de l'application de l'obligation européenne d'étiquetage et la publication des résultats des tests attendus depuis fin 2016 / début 2017.
Nous demandons également un élargissement de l'étiquetage [nano] aux autres biens de consommation en France, mesure qu'il s'agira de promouvoir également au niveau européen par la suite. Cet étiquetage est demandé en vain depuis plus d'une dizaine d'années maintenant par la société civile et les agences sanitaires [7]. De leur côté, des fédérations industrielles ont validé une norme ISO pour un étiquetage volontaire [8] - qu'aucune entreprise n'a jamais appliqué. Il est temps de passer des incantations à l'action.
Cet étiquetage doit être accompagné de mesures d'information complémentaires, avec notamment le renvoi au site https://www.r-nano.fr enrichi d'une nouvelle rubrique « accès grand public », sur laquelle devront être présentés à terme, pour chaque produit, un tableau avec des pictogrammes synthétisant l'exposition pour les travailleurs, les consommateurs et l'environnement, ainsi que les risques toxiques et écotoxiques [9] et les précautions d'usage.
3. Assurer une vraie traçabilité des nanomatériaux et des produits qui en contiennent, en améliorant les fonctionnalités et l'accessibilité du registre français des nanomatériaux R-nano [10] :
Les travaux du groupe de travail R-nano ont été ralentis depuis la consultation européenne de 2014 sur les mesures de « transparence » autour des nanomatériaux : la perspective (bien que peu probable) qu'un registre européen soit mis en place par la Commission européenne a freiné les réflexions en vue d'améliorer le registre français. En 2016, la Commission a cependant rejeté la création d'un tel registre européen. Il est donc temps de procéder aux améliorations du registre R-nano, pour mieux tirer profit de cet outil français qui a le mérite d'exister mais demeure très difficilement exploitable en l'état.
Des modifications relativement simples de l'outil R-nano permettront d'obtenir la traçabilité de chaque substance déclarée, tout au long de la chaîne de transformation jusqu'aux produits finis (ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui [11]) ainsi que le nombre de travailleurs concernés, sans lesquelles les actions de prévention et les mesures de précaution, bien qu'indispensables, ne peuvent être prises.
Ces chantiers urgents prolongent les orientations du PNSE3 et du PST3 et doivent permettre d'abonder une « stratégie nationale sur les nanomatériaux » et de réactiver la dynamique interministérielle observée autour du débat public national nano de 2009-2010, mais perdue depuis [12]. Outre les ministères déjà ouvertement impliqués dans le dialogue avec la société civile sur le dossier « nano » (ministères de l'environnement, de la santé, de l'alimentation, de la consommation), nous souhaitons que les ministères du travail, de l'économie, de la recherche s'impliquent davantage dans les discussions auxquelles nous participons. Une « task force nano » doit être remise sur pied et dotée d'un interlocuteur dédié pour dialoguer avec nos organisations.
La France n'a pas attendu l'Europe pour créer le registre r-nano et cette décision pionnière a motivé d'autres pays européens à faire de même. Il est urgent, sur ce dossier sensible et complexe des nanos, de séparer le bon grain de l'ivraie, de faire preuve de transparence et de prendre les décisions de restriction qui s'imposent. Plus largement, il est urgent, y compris pour reconstruire la confiance des citoyens en l'expert et le décideur, de conjuguer précaution et prévention !
Nous restons bien entendu à votre disposition pour toutes précisions sur l'un ou l'autre de ces sujets. Nous considérons, après plusieurs années d'échanges sur toutes ces questions, que l'heure est bien à prendre des décisions qui servent l'intérêt général et qui vont dans le sens de la protection de la santé humaine et de celle de l'environnement.
[2] Le groupe de travail « étiquetage et restriction des nanomatériaux » a été constitué en 2015 dans le cadre du Plan National Santé Environnement 3 ; il a été réuni cinq fois depuis 2015 par le ministère de l'environnement Cf. http://veillenanos.fr/...GtEtiqRestricNano
[6] Cf. Les « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national [voir ci-dessus, point 2]
[7] Cf. page 3 du document « Onze propositions de la société civile » compilées dans le cadre du groupe de travail national mentionné ci-dessus
[8] Cf. Norme XP CEN ISO/TS 13830 - Nanotechnologies - Lignes directrices pour l'étiquetage volontaire des produits de consommation contenant des nano-objets manufacturés, février 2014
[11] Cette recommandation a été également formulée par le feu « GT pérenne nano » de l'ANSES en 2015 : « Le GT estime que cette traçabilité [de la substance tout au long de la chaîne menant à sa commercialisation finale grâce au numéro de déclaration] qui est une information précieuse devrait être possible à obtenir, alors qu'aujourd'hui elle s'arrête au 5ème rang (saisie unique) sans nécessairement atteindre le stade du produit fini ».
Le Monde, 25 août 2017 : "Huit associations ont adressé, le 17 juillet dernier, une lettre ouverte au gouvernement français demandant « la mise en place urgente de mesures de précaution », avec notamment l'interdiction temporaire des nanoparticules présentes dans le colorant E171"
Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons Vigilants !
Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons Vigilants !
Notre livre est paru aux Editions Yves Michel début 2016 !
En février 2018, le 1er tirage des 4000 exemplaires avait trouvé un lecteur, un 2ème tirage a donc été effectué.
Les nanomatériaux sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne. Comment les repérer et quels sont leurs risques ?
Sel de table, plats préparés, dentifrice, crème solaire, pneus, électroménager, peinture, engrais et pesticides : les industriels intègrent désormais des nanomatériaux dans de nombreux produits. Or, leurs impacts sanitaires et environnementaux sont encore insuffisamment connus et des effets néfastes très préoccupants ont déjà été mis en évidence, notamment en laboratoire sur des cellules végétales, animales et humaines. Leur dissémination à large échelle est problématique. Pourtant, aucune réelle restriction n'est aujourd'hui mise en oeuvre par les pouvoirs publics qui encouragent même les industriels à accélérer leur commercialisation via des financements conséquents. Il n'y a pas de traçabilité ni d'étiquetage fiables : il est impossible d'identifier l'immense majorité des produits commercialisés contenant des nanomatériaux.
Consommateurs, pouvoirs publics, acteurs mobilisés sur les questions de santé et d'environnement, entreprises confectionnant des produits en s'approvisionnant auprès de fournisseurs extérieurs : il est urgent de s'informer et d'être vigilants !
12 x 22 cm - Collection Société civile - 7 €
Réalisé par Avicenn avec le soutien du ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie, de la Fondation de France, du Centre Médical Inter-Entreprises Europe (CMIE) et du Conseil régional Rhône-Alpes.
Nous documenterons progressivement les questions qui nous reviennent, certaines ayant un début d'analyse sur notre site, d'autres à documenter. Pour prolonger votre lecture, faites le maximum pour rendre le sujet audible sur vos sites internet, citoyens, associatifs et professionnels, et merci de nous en faire un retour.
Par MD - Dernier ajout novembre 2018 (partie "Recherches" à actualiser)
Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Depuis 2006, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES, née de la fusion de l'Afsset et de l'Afssa) a publié plusieurs expertises sur les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux
Parallèlement à ces activités, l'ANSES a contribué aux actions de développement de nouvelles méthodologies d'évaluation des risques, en direction des professionnels, au travers d'actions de normalisation ou de la définition de tests de sécurité :
En mars 2014, le laboratoire de Fougères de l'ANSES a commencé son projet SolNanoTOX : Détermination de facteurs de toxicité au niveau intestinal et hépatique de deux nanoparticules de taille similaire utilisées en alimentation et en emballage (aluminium et dioxyde de titane) : Recherches in vitro et in vivo sur l'absorption et les mécanismes impliqués.
Autres partenaires français : ISCR Institut des Sciences Chimiques de Rennes et Biosit UMS Biosit - Plateforme microscopie électronique MRic TEM
Partenaires allemands : Federal Institute for Risk Assessment (BfR ) et University of Leipzig (ULEI)
De 2010 à 2013, l'ANSES a coordonné le programme de recherche NANOGENOTOX auquel ont participé plusieurs laboratoires de l'ANSES (Anses Fougères et Maisons Alfort). Ce programme a rassemblé 30 partenaires (organismes scientifiques et ministères) issus de 13 Etats-membres de l'Union européenne pour étudier quatorze types de nanomatériaux manufacturés dont certains à usage alimentaire. Il a permis de contribuer au développement futur d'une méthode de détection du potentiel génotoxique des
nanomatériaux manufacturés. → Voir notre brève RISQUES : Les leçons du programme de recherche Nanogenotox, veillenanos.fr, 30 décembre 2013
Depuis 2012, l'ANSES a mis en place un comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", ouvert à la société civile et auquel AVICENN participe. Ses réunions sont néanmoins de plus en plus rares.
Depuis 2012 également, le Réseau R31 animé par l'ANSES (qui regroupe 31 instituts ou organismes français de recherche et d'évaluation de risques environnementaux ou sanitaires) se penche sur les risques associés aux nanomatériaux.
Depuis 2013, le laboratoire de Fougères participe au programme européen NANoREG.
Depuis 2013, l'ANSES est chargée de la gestion des déclarations et des données de R-Nano, le dispositif de déclaration des nanomatériaux produits, importés et distribués en France ; elle est également chargée d'examiner les possibilités d'exploitation à des fins d'évaluation des risques sanitaires des informations issues des déclarations.
En 2014-2015, l'exploitation des données du registre R-Nano et leur impact sur l'évaluation des expositions et des risques professionnels ont fait l'objet de discussions au sein du "groupe de travail permanent nanomatériaux et santé" de l'ANSES2, mais début 2015, le groupe a été remercié sans être renouvelé, malgré les indications contraires qui avaient été données au moment de sa création (et qui lui avaient valu l'appellation, a posteriori inopportune, de "groupe pérenne").
A partir de 2014, l'exploitation des données du registre R-Nano a permis de documenter l'évaluation du dioxyde de titane dans le cadre du plan d'action communautaire pour l'évaluation des substances du règlement REACH2.
réaliser une étude détaillée de la filière agro-alimentaire au regard de l'utilisation des nanos dans l'alimentation,
prioriser les substances et/ou produits finis d'intérêt en fonction de critères pertinents déterminés au cours de l'expertise,
réaliser une revue des données disponibles (effets toxicologiques et données d'exposition)
et en fonction de leur disponibilité, étudier la faisabilité d'une évaluation des risques sanitaires pour certains produits.
Les résultats de l'expertise initialement annoncés pour fin 20174 ont été d'abord repoussés à septembre 20185 avant d'être encore reportés à l'été 20196 voire fin 20197.
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification janvier 2019
Ce dossier a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
La commercialisation et l'utilisation de nanomatériaux manufacturés se sont considérablement accrues depuis le début des années 2000 dans de nombreux domaines : cosmétiques, textiles, électroménager, équipements de sport, vitres et matériaux de construction, voitures, aéronautique, bateaux, alimentation, etc. De plus en plus de nanomatériaux, nanoparticules ou résidus de nanoparticules sont présents dans les eaux usées et conduits pour partie jusqu'aux stations d'épuration, puis dans les rivières et cours d'eau. Avec quelles conséquences pour la faune et la flore aquatiques ? Quid des microorganismes des sols sur lesquels sont épandues les boues de station d'épuration ?
Des inquiétudes se profilent parmi un nombre croissant d'acteurs. Qui fait quoi sur ces différents aspects ?
Sur toutes ces questions, seules sont aujourd'hui accessibles des informations éparses, souvent difficiles à comprendre pour le non spécialiste ou n'abordant qu'un aspect particulier sans donner de vision d'ensemble.
Ce dossier initié en 2015 rassemble donc les informations disponibles ainsi que les questions qui se posent aujourd'hui et qui pourraient devenir un problème en l'absence d'action de la part des différentes institutions concernées. Il s'agit d'une base que nous souhaitons compléter et mettre à jour en fonction de l'évolution des connaissances : vos contributions sont les bienvenues ! En savoir + Sommaire
Fiche initialement mise en ligne entre février 2015
Nanomatériaux / Nanoparticules / Nanotechnologies et Eaux : Bibliographie
Nanomatériaux / Nanoparticules / Nanotechnologies et Eaux : Bibliographie
Par MD et DL - Dernier ajout janvier 2019
Cette sélection de documents compilés pour préparer notre dossier Nano et Eau a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Vulnerability of ground water resources regarding emerging contaminants and nanoparticles : Résumé et vidéo, Hofmann T, Harvard Chan School's NIEHS Center for Environmental Health, 5 avril 2018
Les nanoparticules d'argent en milieu naturel : cas d'un estuaire, Millour M, UQAR (Université du Québec à Rimouski), intervention au 83e du Congrès de l'Acfas, Colloque 210 - Présence, persistance, devenir et effets des nanomatériaux dans l'environnement, mai 2015
Les nanoparticules : quels risques en Seine ?, Yann Sivry et al., communication aux 22èmes Journées Scientifiques de l'Environnement - Reconquête des environnement urbains : les défis du 21ème siècle, février 2011
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition."
Écrans UV nanos : un danger pour la vie marine, L'Observatoire des Cosmétiques, 5 septembre 2014 : Des chercheurs espagnols ont ainsi estimé que l'activité touristique sur une plage de Méditerranée durant une journée d'été peut relarguer de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane dans l'eau, et aboutir à une augmentation de 270 nM/jour de la concentration en peroxyde d'hydrogène (une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins) → Résumé vulgarisé en français de l'article suivant : Sunscreens as a Source of Hydrogen Peroxide Production in Coastal Waters, Sánchez-Quiles D and Tovar-Sánchez A, Environ. Sci. Technol., 48 (16), 9037-9042, 2014
Par MD, DL et l'équipe Avicenn - Dernière modification janvier 2019
Ce dossier synthétique a vocation à être complété et mis à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Les "promesses" des nanos en matière d'environnement
Les nanotechnologies sont souvent présentées comme une solution miracle à de nombreux problèmes d'environnement. En 2009, l'Union des Industries Chimiques (UIC) affirmait ainsi que "les nanomatériaux contribuent à réduire l'empreinte environnementale des activités : pneus à basse consommation, véhicules moins gourmands en énergie, habitations mieux isolées, téléphones cellulaires et ordinateurs plus autonomes et moins énergivores. (...) Les nanotechnologies interviennent de plus en plus dans la dépollution des sols et des eaux, le stockage du CO2 ou encore la production et le stockage d'énergies renouvelables. Au niveau industriel, elles permettent de fabriquer des produits manufacturés en consommant moins d'énergie et de matières premières"1.
Ainsi que le rapportait le Président de la Commission nationale du débat public en avril 2010 à l'issue du débat, ce discours est entretenu par des institutions de recherche française : "Qu'attend-on de positif des nanotechnologies ? Selon le CNRS et le CEA, un des objectifs est de contribuer au développement d'une société économe en ressources naturelles et en énergie, porteuse d'une forte exigence de préservation de la santé et de l'environnement"2.
Pour en savoir plus sur les "promesses" des nanomatériaux et/ou nanotechnologies en matière d'environnement, nous vous invitons à consulter :
A travers notre veille sur le web, nous repérerons également de nombreuses annonces de développement d'applications nanos prétendument "vertes".
La vigilance est néanmoins de mise : outre qu'il existe beaucoup d'incertitudes sur les risques associés à ces développements (voir plus bas), certains s'interrogent sur la réalité et l'empreinte environnementale de ces promesses.
Quelle réalité ?
De nombreuses associations environnementales, parmi lesquelles les ONG réunies au sein du Bureau européen de l'environnement (BEE) et du Réseau international pour l'élimination des Polluants organiques persistants (IPEN), considèrent que les bénéfices affichés sont souvent exagérés, non testés et, dans un grand nombre de cas, à des années de pouvoir être concrétisés3.
Quel bilan écologique ?
Les nanotechnologies permettent d'obtenir une meilleure efficacité avec moins de quantités de produits ? C'est oublier la hausse de la démographie et des volumes de consommation... et l'association Les Amis de la Terre International redoute même que les nanotechnologies ne fassent en fait qu'accentuer la consommation et les coûts de l'énergie4.
Avec le BEE et l'IPEN3, ils soulignent également que les promesses environnementales associées aux nanos ne concernent souvent que l'utilisation ou l'exploitation des produits auxquels elles sont associées et ignorent l'empreinte environnementale des autres étapes du cycle de vie des produits - élaboration, fabrication, utilisation, recyclage ou élimination - lors desquelles l'environnement peut être déterioré.
Par exemple les recherches, l'extraction des matières premières, la fabrication et le traitement en fin de vie de certains nanomatériaux requièrent des installations et équipements plus sophistiqués que les procédés classiques, et également plus d'énergie, plus d'adjuvants (notamment d'eau) et parfois plus de solvants néfastes pour l'environnement5.
Les rejets de gaz à effet de serre générés par la production de certains nanomatériaux, le nanoargent notamment, peuvent être également plus importants6, or ils sont en cause dans le réchauffement climatique et l'épuisement de la couche d'ozone.
En outre, même pendant la seule phase de leur utilisation, certains produits présentent un faible rendement de production, à cause d'un coût énergétique élevé pour une durée de vie limitée (particulièrement tous les gadgets électroniques, smartphones en première ligne, utilisant micro et nano-électronique qui ne dépassent guère quelques années).
La production high-tech de nanomatériaux à base de carbone, tels que les fullerènes, nanotubes de carbone et nanofibres de carbone, est aujourd'hui extrêmement énergivore ; les gains d'énergie potentiellement liés à certaines de leurs utilisations - notamment, pour les véhicules, les économies de carburant liées au gain de poids qu'ils permettent d'obtenir - sont loin de compenser les coûts énergétiques liés à leur production. L'impact du cycle de vie des nanofibres de carbone pourrait être cent fois supérieur à celui des matériaux auxquels on les substitue (aluminium, acier ou polypropylène) dans l'aéronautique ou l'automobile par exemple7.
La facture énergétique dépend évidemment des quantités de nanomatériaux produites : lorsque de très petites quantités sont utilisées, par exemple dans le cas des nanotubes de carbone pour produire des films plastiques spéciaux, il peut y avoir un gain d'énergie8. Mais l'autre question qui émerge alors concerne les risques que peuvent poser ces nanotubes pour l'environnement. Ce qui nous amène à la question suivante...
Des risques pour l'environnement de plus en plus documentés mais encore insuffisamment cernés
Des données parcellaires font état d'effets potentiels préoccupants sur la faune et la flore
A forte concentration, des effets de nanotubes de carbone ont été constatés par exemple10 :
- sur des micro-organismes : effets sur la croissance et la viabilité de protozoaires et autres micro-organismes,
- sur des végétaux : diminution de la viabilité cellulaire ou de la quantité de chlorophylle de végétaux, impact (parfois positif, parfois négatif) sur la germination des graines et la croissance racinaire
- sur des organismes aquatiques : diminution du taux de fertilisation chez des petits crustacés, malformations, retards à l'éclosion voire augmentation du taux de mortalité des embryons du poisson zèbre
- sur des organismes terrestres : réduction de la mobilité voire mort de drosophiles, diminution du taux de reproduction de vers de terre.
Plus récemment, des chercheurs ont mis en évidence un lien entre l'incinération de thermoplastiques contenant des nanotubes de carbone et l'augmentation des émissions et de la toxicité des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)11.
La dissémination des nanoparticules manufacturées de dioxyde de titane peut être source de toxicité pour les environnements terrestres et aquatiques13.
Les nanoparticules contenues dans les crèmes solaires sont relarguées dans les eaux de baignade (de l'ordre de 4 kg de nanoparticules de dioxyde de titane par jour sur une plage espagnole), et aboutir à une augmentation de la concentration en peroxyde d'hydrogène, une molécule au potentiel toxique, notamment pour le phytoplancton qui constitue la nourriture de base des animaux marins14, ce qui peut donc avoir des conséquences sur toute la chaîne alimentaire !
Mais ces données sont encore très parcellaires ; malgré le développement des recherches à ce sujet16, les incertitudes relatives aux risques posés par les nanomatériaux pour l'environnement sont nombreuses.
Les conditions d'expérimentation sont souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité
De fait, la plupart des études menées jusqu'à présent ont été réalisées dans des conditions souvent très éloignées de celles rencontrées dans la réalité : leurs résultats sont donc peu généralisables et à considérer avec prudence.
Les nanomatériaux considérés sont en effet souvent synthétisés en laboratoire et donc différents des nanomatériaux et résidus de dégradation des nanomatériaux auxquels sont réellement exposés les écosystèmes et les populations humaines. Pour l'heure, les scientifiques ont en effet une connaissance très limitée des types de nanomatériaux qui sont incorporés dans les produits actuellement sur le marché, et a fortiori des résidus de dégradation des nanomatériaux relargués dans l'environnement tout au long du "cycle de vie" de ces produits ; ils ignorent également beaucoup de choses sur la mobilité et les transformations subies par ces derniers dans l'environnement : là encore de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, comme le degré d'acidité ou de salinité17 de l'eau par exemple.
Les concentrations de nanomatériaux testés sont en outre plus importantes que celles estimées dans l'environnement (à cause des limites des appareils de détection et de mesure utilisés en laboratoire). Toutefois on ne peut écarter l'hypothèse que les effets constatés (ou d'autres) sur les écosystèmes pourraient également intervenir à des concentrations plus faibles ; on vient en outre d'avoir la preuve scientifique que certains nanomatériaux (de silice notamment) sont plus génotoxiques à faibles doses qu'à fortes doses18. En outre ces fortes concentrations permettent de simuler des situations de contamination aiguë et ponctuelle (par exemple un déversement accidentel sur un site de production, ou encore en cours de transport).
La situation s'améliore cependant (au niveau méthodologique s'entend)19. Le projet MESONNET par exemple, initié en 2012, vise ainsi à étudier les conséquences potentielles des nanoparticules sur les écosystèmes en utilisant des "mésocosmes" : d'énormes aquariums reproduisant un mini éco-système dans lesquels est étudié à différents dosages le comportement des nanoparticules en contact avec des plantes, des poissons, du sol et de l'eau.
Le laboratoire d'Ecologie Microbienne de l'université Lyon 1 a également mis en place des études qui ont conduit à la soutenance d'une thèse en octobre 2015 consacrée à la Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d'oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes.
Les effets néfastes du nanoargent sur des plantes et micro-organismes mentionnés plus haut12 ont également été observés dans des conditions expérimentales "réalistes".
L'évaluation des risques se heurte à la complexité due à la multitude de paramètres à prendre en compte
Le problème rencontré par les scientifiques pour évaluer les effets des nanomatériaux sur l'environnement vient notamment du grand nombre de paramètres à prendre en compte et des multiples combinaisons dues aux variations de beaucoup d'entre eux :
- d'une part la toxicité et l'écotoxicité des nanoparticules varient selon leurs caractéristiques physico-chimiques (dimension, forme, structure, état de charge, degré d'agglomération, composition, solubilité, etc.) qui varient elles-mêmes selon les conditions dans lesquelles les nanoparticules sont synthétisées, stockées, éventuellement enrobées, intégrées dans un produit puis relarguées dans l'environnement.
- d'autre part, il faut également prendre en compte ce avec quoi les nanomatériaux considérés - ou leurs résidus - vont entrer en contact : êtres vivants végétaux, animaux, micro-organismes, et autres substances chimiques.
Toute évaluation des risques associés aux nanomatériaux est donc très complexe.
Les incertitudes donnent lieu à des divergences d'interprétation
Ces incertitudes et difficultés expliquent que les résultats soient peu généralisables et à considérer avec prudence.
Quand certains minimisent les risques en arguant du fait que les expériences ont été réalisées sur la base d'un "scénario du pire" (pour "worst case scenario" en anglais, impliquant par exemple des nanoparticules utilisées sous forme dispersée et à doses très fortes), d'autres soulignent a contrario que les conclusions amènent à tirer la sonnette d'alarme. On sait déjà que les nanomatériaux ou leurs résidus peuvent traverser la paroi des cellules des plantes et y apporter des molécules extérieures (c'est l'effet "cheval de Troie"), on redoute qu'ils favorisent le transport de polluants (métaux lourds ou pesticides par exemple)20. Comment ne pas craindre également un "effet cocktail" avec certaines molécules ? Des nanomatériaux, combinés avec d'autres substances, ne pourraient-ils pas devenir (encore) plus dangereux ?21
Utilisé dans de nombreux produits de consommation pour ses propriétés antibactériennes, le nanoargent par exemple nuit à certaines bactéries jouant aujourd'hui un rôle essentiel dans les stations d'épuration : les conséquences sont encore mal évaluées, mais les inquiétudes grandissent sur les problèmes qui pourraient se poser à moyen terme pour garantir la qualité des eaux22.
Pire, les nanomatériaux utilisés pour dépolluer les sols ou les eaux23 pourraient entraîner eux-mêmes des pollutions importantes des écosystèmes au point que de nombreux acteurs insistent sur la nécessité d'interdire l'utilisation de nanoparticules pour dépolluer des sols ou de l'eau jusqu'à ce que des recherches démontrent que les bénéfices sont supérieurs aux risques24.
Les nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent laissent le champ libre à des différences d'appréciation des risques par les scientifiques voire de vraies controverses. Outre les problèmes qu'il pourrait poser dans les stations d'épuration, le nanoargent par exemple est pointé du doigt par certains experts qui le soupçonnent d'accroître le risque d'émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques, ce que d'autres contestent25...
Comment appliquer le principe de précaution ?
Devant le peu de certitudes et de garanties sur l'innocuité des nanomatériaux pour l'environnement, s'impose le principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2005 : "Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".
Comment l'appliquer au cas des nanomatériaux pour lesquels demeurent de nombreux "verrous scientifiques" qui empêchent à ce jour une connaissance précise des risques encourus ?
Voici quelques-unes des pistes de solutions - parfois complémentaires, parfois exclusives les unes des autres - proposées par différents acteurs lors du débat public national de 2009-2010 et depuis :
Mener des études supplémentaires ? Lesquelles et à quel prix ? Financées par le contribuable et/ou les industriels ?
De nombreux acteurs ont appelé à la réalisation d'études supplémentaires afin de combler les incertitudes restantes sur les risques / la sécurisation des nanomatériaux. Pour autant, est-ce réalisable dans des délais raisonnables sachant que de nouveaux nanomatériaux toujours plus complexes sont produits et commercialisés chaque jour ? Se pose en outre la question de la prise en charge par les industriels eux-mêmes du coût de ces recherches.
Limiter la commercialisation / les utilisations des nanomatériaux ?
Afin de prévenir les effets indésirés des nanomatériaux, certains acteurs ont demandé la mise en place de moratoires (avec des périmètres plus ou moins larges). Se basant sur les nombreux précédents qui témoignent des difficultés à intervenir "après-coup" (plomb, mercure, amiante, DDT, PCB, etc.), ils considèrent qu'une fois que de grandes quantités de nanomatériaux seront relarguées dans l'environnement et mélangées aux quelques centaines de milliers de substances chimiques de synthèse qui y sont déjà présentes, il sera sans doute trop tard pour agir.
Des chercheurs ont estimé qu'entre 63 et 91% des quelques 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont fini dans des décharges, le reste étant relargué dans les sols (8 à 28%), l'eau (de 0,4 à 7%), ou l'atmosphère (0,1-1,5 %)26.
Certains demandent de rendre obligatoires les évaluations avant la commercialisation de nanomatériaux, et d'interdire ces derniers lorsque les résultats de ces évaluations suggèrent qu'ils pourraient être nocifs pour l'environnement. On retombe alors sur les questions mentionnées plus haut concernant la fiabilité, le calendrier et le financement de ces études.
Développer l'éco-conception des nanomatériaux ?
Des scientifiques aident à la mise en place d'une éco-conception des nanomatériaux : le but est de minimiser la toxicité et l'exposition aux différentes étapes du cycle de vie des nanomatériaux en contrôlant les méthodes de synthèse, de stockage et/ou d'intégration des nanomatériaux dans les produits finaux. Le défi peut-il être relevé - tant techniquement que financièrement ? A quelle échéance les projets en cours de déploiement porteront-ils leurs fruits ? Et avec quelle possibilité de contrôle quant à la réelle innocuité des nanomatériaux développés ? Avec quelle portée et quelles limites ? Cet aspect est développé dans notre fiche sur l'approche nano "safe by design".
Contrôler les sources industrielles d'émissions de nanomatériaux ?
Géolocaliser les relargages de nanomatériaux afin de cibler les zones les plus à risques
Il est également urgent d'enregistrer les flux de produits contenant des nanomatériaux, de cartographier les lieux de distribution et de potentiel relargage puis de procéder à des observations ciblées de longue durée et sur le terrain, par exemple par bassins versants avec la participation de gestionnaires de l'eau. Une telle démarche pourrait permettre de corréler les volumes de nanomatériaux relargués aux éventuels problèmes qui pourraient être observés à court, moyen et long termes. La modélisation mathématique peut être un outil d'anticipation des risques collectifs.
Des initiatives concrètes ont-elles été mises en place en ce sens ? Pas à notre connaissance.
La question environnementale, porte d'entrée d'une approche plus globale ?
Le physicien Richard Jones, Pro-Vice Chancelier à la Recherche et l'Innovation de l'Université de Sheffield (Royaume-Uni), interpellait en 2009 la communauté scientifique en insistant sur le fait que les enjeux environnementaux soulevés par les nanos dépassent le simple domaine de la toxicologie et de la technique, et nous confrontent à des questions plus globales : qui contrôle ces technologies, qui en profite ? selon quelle gouvernance ? 29. Du fait des incertitudes relatives à l'efficacité et à la potentielle gravité des effets environnementaux causés tout au long du cycle de vie des nanomatériaux, il s'agit de considérer les questions de leur réversibilité et de notre capacité à remédier aux problèmes qu'ils pourraient engendrer. En matière de réversibilité, ce ne sont pas uniquement des considérations techniques qui doivent entrer en ligne de compte souligne toujours Richard Jones : notre expérience avec d'autres technologies montre que les sociétés, une fois engagées dans une voie spécifique, peuvent avoir de grandes difficultés à faire marche arrière, non seulement pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons économiques ou socio-politiques.
La question de l'utilité (ou de la futilité) de l'usage des différents nanomatériaux a été posée lors du débat public national : y a-t-il un réel progrès pour l'homme ? La réponse peut varier en fonction des valeurs et des cultures. En France, beaucoup d'associations considèrent que "l'urgence publique est d'investir d'abord dans la réduction des pollutions, la prévention des cancers, la sobriété énergétique, l'accès à l'eau et à la nourriture avant de développer, sans véritable instance de contrôle ou d'éthique, les nanoproduits", ainsi que le rapportait le Président de la CNDP à l'issue du débat public national sur les nanotechnologies en avril 20106.
Se pose également la question de l'autonomie ou de la dépendance à une technologie complexe : quelles solutions alternatives existent pour l'effet attendu ? Quels moyens sont consacrés à les améliorer ?
En définitive, c'est le fonctionnement de notre démocratie qui est ici en jeu : qui décide quoi à quel moment du cycle de vie des innovations ? Quels acteurs sont concernés à chaque étape du cycle ? Ont-ils pu exprimer un avis et en est-t-il tenu compte au moment où un vrai choix est encore possible, comme le requiert la convention d'Aarhus ? Avec quelle éthique ?
Annexe : Les acteurs mobilisés sur la question
Différentes organisations ont pris position sur les questions environnementales soulevées par les nanotechnologies et nanomatériaux, notamment :
les agences environnementales comme l'EPA aux Etats-Unis, la DEPA au Danemark, etc.
du côté des laboratoires de recherche :
les équipes de recherche françaises mobilisées sur la question sont pour la plupart listées sur le site du Groupement de recherche international iCEINT qui inclue également des équipes américaines du consortium CEINT
5 - Dans un scénario de fonctionnement à long terme, l'évaluation du cycle de vie de deux processus solaires de purification de l'eau a par exemple montré un impact sur l'environnement nettement plus élevé pour le processus photocatalytique à base de nano-TiO2 par rapport à l'approche conventionnelle, du fait d'une forte consommation des ressources dans la production du dioxyde de titane à l'échelle nanométrique (Untersuchungen des Einsatzes von Nanomaterialien im Umweltschutz, Martens, Sonja, et al. (Golder Associates Gmbh), 2010, solicited by: Umweltbundesamt, no. 34/2010, June 2010, Dessau-Roßlau: Umweltbundesamt).
16 - Voir le document plus détaillé et plus récent Compendium of Projects in the European NanoSafety Cluster, NanoSafety Cluster, juin 2015
Citons notamment le projet européen de recherche NanoSolutions (2013-2017), qui cherche à identifier les caractéristiques des nanomatériaux manufacturés qui déterminent leur potentiel de risque biologique. Il vise à développer un modèle de classification de sécurité pour ces nanomatériaux, basé sur une compréhension de leurs interactions avec des organismes vivants.
18 - Cf. Résultats du programme européen Nanogenotox : génotoxicité des nanomatériaux. Plus généralement, on commence à mieux comprendre l'effet des faibles doses et à s'apercevoir que ces effets peuvent être tout aussi délétères que des doses importantes ou avoir des effets antagonistes en fonction des doses. Les effets-doses viennent complexifier considérablement les recherches en toxicologie. Voir par exemple Le problème sanitaire des faibles doses, Elizabeth Grossman, juillet 2012 ; La seconde mort de l'alchimiste Paracelse, Stéphane Foucart, 11 avril 2013
Nanomatériaux et Environnement : Bibliographie générale
Nanomatériaux et Environnement : Bibliographie générale
Par MD - Dernier ajout janvier 2019
Cette sélection de documents compilés pour réaliser notre dossier Nanomatériaux et Environnement a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn.
Elle est classée par type d'acteurs (recherche, industries, pouvoirs publics, ONG, ...), afin de permettre aux lecteurs de contextualiser l'information qu'il y trouvera. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Les véritables effets des nanoparticules dans leur environnement, CORDIS, mars 2018 : "La plupart des nanomatériaux synthétiques émis dans l’environnement arriveront tôt ou tard dans nos océans et nos mers. Le projet SOS-Nano a conçu des tests afin de prédire leur toxicité pour le milieu marin. Les chercheurs ont utilisé un ingénieux système naturel d’exposition à l’eau in vivo pour tester les effets des nanoparticules d’oxyde métallique : l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de manganèse (MnO2). Les larves d’huîtres ont souffert d’un niveau élevé de toxicité occasionnée par le ZnO, en revanche, les NP de MnO2 n’étaient pas toxiques dans tous les scénarios d’exposition."
NB : NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner (2016)
Par l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2019
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant des références à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
De plus en plus de nanoparticules de plastique envahissent les sols (après épandage des boues des stations d'épuration1 notamment), les rivières et les océans.
Certains nano-plastiques proviennent de la dégradation des plastiques (plastiques, emballages, etc.) en microparticules, qui se décomposent ensuite en nanoparticules.
D'autres nano-plastiques sont quant à eux intégrés intentionnellement dans des mélanges utilisés par les consommateurs ou les professionnels :
dans des produits cosmétiques (microbilles utilisés pour leurs propriétés exfoliantes - interdites en France depuis 2018)
dans des détergents et produits de nettoyage
dans des peintures, revêtements et matériaux de construction
dans des produits pharmaceutiques
dans des produits phytosanitaires (enrobages d'engrais par exemple, pour les libérer de manière progressive)
dans le secteur pétrolier et gazier
...
En janvier 2019, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a proposé de restreindre certains de ces micro- et nano-plastiques intégrés à dessein par les industriels2. La mesure ne devrait pas entrer pas en vigueur avant 2020, le temps de mettre en oeuvre une consultation publique cet été, suivie d'évaluations économiques, sociales et des risques, puis d'un vote d'experts gouvernementaux au sein du comité REACH avant la phase de finalisation par la Commission européenne. Des exemptions sont également envisagées. A suivre donc...
Leur rejet et diffusion dans les écosystèmes entraînent des effets néfastes en cascade mais encore insuffisamment évalués, depuis la faune aquatique jusqu'aux autres animaux (dont les humains) qui s'en nourrissent3. Des chercheurs mènent des recherches sur le sujet, en France4 et ailleurs5.
Dans les cosmétiques, des alternatives existent pour obtenir l'effet exfoliant recherché : poudre d’amandes, coques de noix de coco ou noyaux d’olives concassés par exemple.
Le projet EMPEC sur les nanoparticules générées par la dégradation de plastique, financé dans le cadre du Programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNREST 2017) de l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)
Un océan de plastique - Diaporama sonore, Le Journal du CNRS, mai 2018: Contrairement aux microplastiques qui se concentrent dans la couche supérieure des océans, les fragments nanométriques se retrouvent dans toute la colonne d'eau. Alexandra Ter Halle et de son équipe tentent de mieux cerner ces infimes particules et leur impact sur l'écosystème marin
Nanoplastics in the Aquatic Environment, Mattsson K et al., in Microplastic Contamination in Aquatic Environments - An Emerging Matter of Environmental Urgency, 379-399, 2018
FRANCE : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé - Environnement (PNSE 3) ? Quelle mise en oeuvre des actions ?
FRANCE : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé - Environnement (PNSE 3) ? Quelle mise en oeuvre des actions ?
par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification avril 2018
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
A noter : fin 2017, la Stratégie nationale de santé 2018-2022 a également été publiée ; les nanoparticules y sont expressément mentionnées comme risques émergents : sont prévues des actions sur les sources de pollution qu'elles représentent et la limitation de notre exposition. Reste à voir quand et comment... Avicenn plaide pour apporter rapidement des améliorations au registre R-nano, afin que les professionnels de la santé disposent d'un outil opérationnel pour mieux cerner les expositions, afin de les réduire.
Et depuis, la feuille de route environnementale de 2016 a actualisé les dispositions du PNSE3 :
Les nanos dans la feuille de route environnementale de 2016
Étendre le nombre de sites pour lesquels une campagne de suivi des nanos est mise en place, en accompagnant chaque mesure d’une analyse du bruit de fond dans l’environnement → Une plaquette a été réalisée par l'INERIS et l'UIC
Communiquer aux observatoires des déchets la liste des déclarants dans la base R-nano en veillant au respect des exigences de confidentialité → Un décret n°2017-765 a été signé en ce sens en mai 2017.
Accélérer l’encadrement de l’usage des nanomatériaux dans les filtres UV des produits cosmétiques dans le cadre de l’application du règlement européen, et notamment l'entrée en vigueur au niveau national des mesures concernant l'emploi du dioxyde de titane sous forme nano
Archives : Analyse des dispositions du PNSE3 concernant les nanomatériaux
En 2014, préalablement à la publication du PNSE 3, le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l'écologie avaient lancé une consultation restreinte aux acteurs de la santé environnementale sur le projet de PNSE 3 par l'intermédiaire des pilotes des PRSE (au niveau régional). Avicenn avait envoyé le 22 septembre 2014 une contribution au ministère de l'écologie (téléchargeable ici).
Une consultation plus large avait été organisée du 26 septembre au 17 octobre.
L'action 36 du PNSE 3 appelle à "poursuivre les travaux d'évaluation des expositions des consommateurs pour identifier les différents nanomatériaux présents dans les denrées alimentaires" et "poursuivre les travaux de toxicologie, notamment pour la voie orale et l'exposition chronique aux faibles doses" (page 40).
→ Analyse d'Avicenn :
Le terme "poursuivre" suppose qu'il y ait déjà des actions menées en ce sens mais, comme l'Avicenn l'a déjà souligné à plusieurs reprises1, les projets de recherche sur le sujet sont :
et au mieux très insuffisants (concernant la toxicologie notamment) ;
L'ANSES figure comme partenaire et pourtant :
en 2013, elle s'était opposée à ce que les chercheurs de ses propres laboratoires continuent leurs recherches sur le sujet (cf. la lettre VeilleNanos n°8-9 parue en décembre 2013) ; interrogé à ce sujet par Avicenn le 29 avril 2014, lors du comité de dialogue "Nanomatériaux et Santé", le directeur général adjoint scientifique de l'agence avait invoqué un "recentrage" de l'ANSES sur ses domaines d'excellence, qui dans le domaine nano concernent davantage l'exposition par inhalation. En juin 2014, le rapport d'activité 2013 du laboratoire de Lyon de l'ANSES a apporté la précision suivante : "l'unité Maladies neurodégénératives (MND) a dû arrêter, à la demande de la direction scientifique des laboratoires de l'Anses, toute recherche sur la toxicologie des nanomatériaux".
un nouveau projet SolNanoTOX est certes mené par le laboratoire de Fougères de l'ANSES afin de déterminer des facteurs de toxicité au niveau intestinal et hépatique de nanoparticules utilisées en alimentation et en emballage. Il n'est cependant pas financé par l'ANSES ni par le Ministère de l'Agriculture et de l'agroalimentaire mais bénéficie d'une subvention de l'ANR.
en 2016, l'ANSES a modulé son discours, en promettant de mettre sur pied un groupe d'experts sur la question des nanos dans l'alimentation, mais elle dit avoir du mal à trouver des experts indépendants.
Hormis les laboratoires de l'ANSES, quelques recherches sont sont menées, principalement au CEA de Grenoble et à l'INRA de Toulouse depuis quelques années seulement.
Bref, les recherches sur l'ingestion des nanomatériaux restent aujourd'hui très limitées eu égard aux questions qui se posent et aux préoccupations des consommateurs et trop peu de recherches sont effectuées en France sur les utilisations et les impacts sanitaires et environnementaux des nanoparticules utilisées dans les engrais et pesticides. La définition d'une vraie stratégie nationale sur ces questions est pourtant indispensable.
Réglementations concernant les nanomatériaux
L'action 70 du PNSE3 veut "soutenir le renforcement du corpus réglementaire européen sur les nanomatériaux : modification des annexes de REACH et examen de la pertinence des autres options, en particulier d'un registre européen comparable au dispositif français de déclaration" (page 70).
L'action 72 vise à "proposer aux parties prenantes, dans le cadre du PST3, de porter au niveau européen, au titre du règlement n° 1272/2008 dit « CLP», des demandes de classifications réglementaires harmonisées de familles de nanomatériaux manufacturés pour lesquelles il existe un faisceau de preuves significatif sur des propriétés CMR ou sensibilisants. Cette classification permettra notamment d'étiqueter les produits en contenant et d'assurer ainsi une traçabilité de ces nanomatériaux" (page 71).
→ Analyse d'Avicenn : Il serait souhaitable de voir parmi les sous-actions proposées :
la mise en place de solutions permettant de pallier les faiblesses du dispositif français (lire à ce sujet notre fiche sur les atouts et faiblesses du dispositif R-Nano).
la réalisation d'un "bilan coûts/avantages avant la mise sur le marché de produits contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux" auxquels s'étaient engagés les partenaires du Grenelle de l'environnement en 20072, mais qui a été laissé de côté depuis, malgré les demandes croissantes en faveur d'une distinction entre usages "futiles" et "utiles" des nanomatériaux.
Le Comité de développement durable en santé (C2DS) a insisté, fin septembre 2014, sur la nécessité de soumettre à Autorisations de mise sur le marché (AMM) "tous les produits de consommation courante contenant des nanoparticules" 3.
Etiquetage [nano]
Le plan se prononce en faveur de la généralisation de l'étiquetage [nano] "à l'ensemble des produits chimiques qui contiennent des nanomatériaux" (page 72).
→ Analyse d'Avicenn : La généralisation de l'étiquetage est effectivement souhaitable ; il serait en outre nécessaire d'améliorer celui qui est prévu pour les rares catégories de produits qui sont censés être obligatoirement étiquetés (cosmétiques, biocides ou alimentation). Même pour ces produits, malgré les réglementations en vigueur, beaucoup de nanomatériaux échappent en effet à l'obligation d'étiquetage du fait des définitions retenues. Le seuil des 100 nm, notamment, a été retenu de façon arbitraire, et le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) de la Commission européenne a souligné l'absence de fondement scientifique à cette limite de 100 nm. Des résultats d'études toxicologiques font état d'effets toxiques engendrés spécifiquement à l'échelle submicronique dépassant les 100 nm, notamment jusqu'à 600 nm. De nombreux défis doivent encore être relevés pour obtenir un étiquetage pertinent.
Un groupe de travail étiquetage & restriction nano mis en place par le ministère de l'écologie a réuni industriels et associations à l'automne 2015 et à l'automne 2016 ; une nouvelle réunion est prévue début 2017. AVICENN y participe, n'hésitez pas à nous solliciter pour davantage de renseignements.
Voir aussi à ce sujet notre fiche sur L'étiquetage [nano] .
Evaluation des risques sanitaires et environnementaux associés aux nanomatériaux
Le plan considère comme prioritaire "l'harmonisation des méthodologies employées par les équipes de recherche pour contribuer à l'élaboration d'un corpus de connaissances fiables et comparables pour les évaluations des risques sanitaires" et que "les études de toxicité devront se concentrer sur les effets à long terme d'expositions chroniques aux faibles doses" (page 72).
→ Analyse d'Avicenn : Cette harmonisation et l'étude de l'exposition à long terme sont en effet indispensables. Nos remarques énoncées plus haut sur les risques des nanoparticules dans l'alimentaire valent aussi de façon plus générale sur les risques sanitaires et environnementaux des nanomatériaux toutes catégories de produits confondues.
Travailleurs exposés aux nanomatériaux
Le texte rappelle qu'"une cohorte de suivi de travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux a été mise en place par l'Institut de veille sanitaire" et que "le suivi attentif ce type d'étude doit être encouragé par le gouvernement" (page 72). Il prévoit en outre de "réaliser des campagnes de mesures de nanomatériaux à l'extérieur des sites de fabrication et, en fonction des résultats, saisir les agences sanitaires dans l'objectif de définir des valeurs limites dans les milieux" (page 73).
→ Analyse d'Avicenn : Concernant le projet pionnier de suivi de cohorte EpiNano, sachant que les salariés devront remplir seuls un premier questionnaire de 27 pages, est-il réaliste de penser que le taux de réponse pourra être suffisamment important pour permettre une exploitation satisfaisante des données ?
La mise à disposition d'une personne compétente sur le plan médical ou scientifique permettrait certainement d'améliorer le taux de retours des questionnaires ainsi que la qualité de leur contenu.
Mi-juillet 2016, nous peinions toujours à obtenir des informations de la part de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) sur l'avancement du dispositif EpiNano de suivi des travailleurs.
Concernant les campagnes de mesures de nanomatériaux à l'extérieur des sites de fabrication, on savait, en juillet 2016, qu'elles sont réalisées par l'INERIS et se heurtent semble-t-il à des difficultés méthodologiques...
Cycle de vie des nanoproduits et Environnement
Il est prévu d'"étudier le devenir des nanomatériaux, dans une approche du cycle de vie incluant le vieillissement et la phase « déchet » et acquérir des connaissances quant aux déchets industriels issus de la fabrication de nanomatériaux et aux déchets contenant des nanomatériaux" (page 73).
Indicateur : parution d'un rapport sur le vieillissement et la phase « déchets » des matériaux contenant des substances nano
L'action 75 prévoit également de "poursuivre la caractérisation des dangers des nanomatériaux les plus répandus en particulier à faibles doses, en exposition chronique, en appui au développement des modalités adaptées de gestion et de suivi dans l'environnement".
→ Analyse d'Avicenn : Afin de ne pas renouveler les erreurs du passé, il est en effet nécessaire que les industriels, les instances d'évaluation et de gestion des risques et les chercheurs considèrent le cycle de vie des nanomatériaux dans sa globalité : depuis leur conception jusqu'à leur destruction ou recyclage en passant par leur utilisation / consommation. Concernant les déchets, comment bien gérer les risques qui y sont associés dans la mesure où nul ne peut aujourd'hui identifier les produits qui contiennent des nanomatériaux ?
Il faudrait pourtant pouvoir agir préalablement à la commercialisation - et non pas comme "pompier" après l'apparition de problèmes sanitaires ou environnementaux. Le nombre de partenaires impliqués n'est-il pas trop limité eu égard aux questions sanitaires et environnementales qui sont en jeu ?
Quels moyens seront dédiés à la mise en oeuvre de ces actions ?
Quels seront les moyens alloués à la mise en oeuvre des actions "nano" listées dans le projet ? On l'ignore pour l'instant. (Le budget dédié aux nanomatériaux dans le PNSE2 était de 1,6 M sur 2009-2013). L'incitation des industriels à financer la recherche appliquée sur les nanomatériaux n'est-elle plus à l'ordre du jour ? Pourtant le groupe "Risques émergents" du PNSE2 l'avait inscrite dans ses objectifs en 2011 (cf. plus bas), la CLCV et le Réseau Environnement Santé l'avaient de nouveau demandée en 2009 et 20125, et en septembre 2013 le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans son évaluation du PNSE 26, s'était dit favorable à un mécanisme stable de longue durée (une taxe parafiscale par exemple sur les volumes de production et d'importation des nanoparticules, y compris dans les nanoproduits - ou une autre modalité de financement dédié) pour financer la recherche et le développement méthodologique sur les expositions et l'identification de leur potentiel dangereux, à l'instar de ce qui a été mis en place pour les ondes radiofréquences. Dans son rapport d'avril 2014, l'ANSES avait elle aussi cité ce mécanisme en exemple.
Pour que la chaîne des acteurs socio-économiques comprenne les enjeux et adhère aux objectifs de ce plan, d'autres leviers doivent en outre être mobilisés. Sans attendre la mise en place de la taxe mentionnée plus haut, les entreprises qui pensent (ou commencent) à faire des bénéfices grâce aux nanomatériaux peuvent en effet (ré-)investir utilement dans le soutien à ces actions et participer aux efforts collectifs y contribuant - citons notamment la participation à la veille et à l'information menée par Avicenn, au Forum NanoResp ou encore le colloque Les nanotechnologies, un nouvel enjeu pour la Responsabilité Sociale des Entreprises ? organisé le 30 septembre 2014 à Paris.
Archives : Quelle place pour les nanos dans le Plan National Santé Environnement 2009-2013 (PNSE2) ?
Les nanomatériaux ont fait l'objet d'une "action spécifique" du PNSE2, l'action 46 : "Renforcer la réglementation, la veille et l'expertise et la prévention des risques sur les nanomatériaux" (il s'agit de la déclinaison de l'engagement 159 du Grenelle).
Le budget dédié à cette action était de 1,6 M sur 2009-2013.
Renforcer la réglementation sur les nanomatériaux en rendant obligatoire leur déclaration de mise sur le marché, en étudiant des possibilités d'évolution de la réglementation relative aux installations classées pour qu'elle prenne en compte les activités relatives à la fabrication des nanomatériaux et leurs impacts éventuels sur l'homme et l'environnement et en mettant en place un programme de contrôles spécifiques permettant de vérifier dès que possible la mise en œuvre de la nouvelle réglementation.
Renforcer l'information et la concertation vis-à-vis du public, renforcer la prévention en milieu de travail vis-à-vis des nanomatériaux conformément aux recommandations de l'Afsset et du HCSP.
Développer et valider des essais pertinents
sous le pilotage de la Direction Générale de la Santé (DGS), la Direction Générale du Travail (DGT)
et en partenariat avec l'ANSES, l'INERIS, l'INRS, l'INVS, et la Direction générale de l'Alimentation (DGAL)
Les recommandations du groupe Risques Emergents concernant les nanomatériaux
Selon le rapport présentant l'état d'avancement des actions du PNSE2 menées en 20117, le groupe « Risques émergents » s'est réuni 6 fois en 2011, l'ordre du jour ayant été préalablement établi par la présidente et la co- présidente.
- Le groupe Risques Emergents
C'est le Groupe "Risques émergents" qui est chargé, entre autres sujets, des nanomatériaux dans le cadre du PNSE2.
Président : Francelyne Marano, Professeur Université Paris-Diderot
Co- présidente : José Cambou, France Nature Environnement
Membres :
André Cicolella, Réseau environnement santé
Alain Tostain, Centrale FO
Patrick Lévy, MEDEF/ UIC/LEEM
Remy Maximilien, CEA
Vincent Nedellec, RISE (VNC)
France Wallet, SFSE
Jean-Marie Haguenoer, Société Française de santé publique
Julien Gauthey, Mines de Paris
Danielle Salomon, Sociologue
Françoise Lavarde, Ministère du développement durable
Fabrice Candia, Ministère du développement durable
Aurélie Veillefosse, Ministère du développement durable
Catherine Mir, Ministère du développement durable
François Rousseau, DREAL Alsace
Anne Rouban, Ministère de l'Industrie - DGCIS
Caroline Paul, Ministère de la santé
Myriam Sahihi, Ministère de la santé
Matthieu Lassus, Ministère du travail
Marion Chaminade, Ministère de l'Agriculture - DGAL
Concernant les nanomatériaux, ses travaux ont porté sur :
les enjeux de la recherche, les suites du débat public, la réglementation sur les cosmétiques et réglements REACH et biocide. Auditions: Mme Marano et Mme Larrieu (CGDD) ; Mme Saihi (DGS) et M Maurer (DGPR) ;
les aspects travailleurs et veille. Auditions: M Lassus (DGT) et M. Merckel, Mme Thieriet et M Rousselle (ANSES).
- Les recommandations concernant l'évaluation des risques et la métrologie des nanomatériaux
Suite à sa réunion du 18 mars 2011 consacrée à l'évaluation des risques et métrologie des nanomatériaux, le groupe risques émergents a recommandé :
d'organiser une cartographie des équipes de recherche sur le sujet (dans le cadre du R 31, le Réseau des 31 organismes partenaires de l'ANSES, et sur la base du rapport sur la métrologie pour la nanotoxicologie du Groupe de concertation thématique Physique, Chimie, Nanosciences du Ministère de la recherche, dès que ce dernier sera disponible), y compris les laboratoires dans le domaine des sciences sociales ;
d'identifier et/ou développer les outils scientifiques pertinents pour l'évaluation des leur danger et de leurs risques en milieu de travail, pour le consommateur et dans l'environnement général ;
d'encourager une synthèse régulière des résultats de recherche en France et à l'étranger à travers les activités de veille scientifique de l'ANSES et de l'OMNT, et de la partager dans le cadre d'un séminaire ouvert au public, dans l'esprit du Nanoforum, afin de contribuer à l'identification des besoins de recherche dans ce domaine ;
de s'intéresser aux travaux "safe by design", consistant à façonner les nanoparticules et nanomatériaux de manière à réduire leur éventuelle toxicité ;
d'inciter à mobiliser les instances nationales sur les enjeux, en particulier de sécurité, liés à l'utilisation des nanoparticules et au développement des nanoparticules et nanotechnologies (Comité consultatif national déthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé, le Comité de la prévention et de la précaution (CPP), la CNIL, le Conseil national de la consommation (CNC), le HCSP, et la conférence nationale de santé...) et d'organiser des échanges entre ces différentes instances ;
de solliciter les comités d'éthique des instituts et organismes de recherche sur la question de l'utilisation des nanoparticules et nanomatériaux;
de mobiliser les relais au niveau local, notamment dans le cadre des deuxièmes plans régionaux santé environnement
- Les recommandations concernant la réglementation s'appliquant aux travailleurs et les questions de veille
Le groupe "risque émergents" a auditionné M. Lassus (DGT) et Mme Thieret (ANSES) le 08 juillet 2011 sur la réglementation s'appliquant aux travailleurs et sur les questions de veille et a recommandé :
de faire évoluer le format des fiches de données de sécurité au niveau international pour une prise de la dimension nanométrique des nanomatériaux ;
de coordonner les réseaux de veille sur les nanotechnologies (OMNT : Observatoire des Micro et Nanotechnologies, ANSES ; INSERM etc. ) ;
de mettre en place, d'ores et déjà, des mesures de gestion des risques pour les familles de nanoparticules pour lesquelles des dangers ont déjà été identifiés ou fortement suspectés ;
d'inciter les industriels à financer la recherche appliquée pour permettre la mesure et le contrôle sur les sites concernés ;
de développer les moyens d'information, de formation et de protection des équipes de recherche ainsi que des travailleurs des filières avals et des sous traitants ;
de former les opérateurs dans une logique de certification.
Dans sa lettre de cadrage adressée le 23 janvier 2013 à la ministre de l'Ecologie8, Jean-Marc Ayrault avait demandé à Delphine Batho de « veiller à réduire les risques sanitaires et environnementaux, notamment à travers la préparation du plan national santé - environnement (PNSE) 3, en accordant une attention particulière aux risques émergents » auxquels sont rattachés dans l'actuel PNSE2 les risques liés aux nanomatériaux.
Pour préparer le PNSE 3, les nanomatériaux devaient être pris en compte par le Groupe de Travail n°1 qui traite de l'exposome, c'est à-dire l'exposition tout au long de la vie. Lors de la réunion de mars 2014, il a été décidé que des fiches actions devaient être rédigées.
⇒ Vos informations, avis et analyses nous intéressent : n'hésitez pas à nous les envoyer (redaction(at)veillenanos.fr) afin que nous puissions donner à nos lecteurs le point de vue de l'ensemble des acteurs concernés. LIRE AUSSI sur notre site :
(Résidus de) Nanoparticules et Stations d'épuration
(Résidus de) Nanoparticules et Stations d'épuration
Par MD et DL - Dernier ajout février 2019
Cette fiche fait partie de nos dossiers Nano et Eau et Nano et environnement. Elle a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
Des nanomatériaux - ou leurs résidus - présents dans de nombreux produits de consommation, produits phytosanitaires ou effluents industriels arrivent jusqu'aux stations d'épuration. En 2013, des chercheurs ont estimé qu'entre 0,4 à 7% des 300 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés produits dans le monde en 2010 ont été relargués dans l'eau1.
Quel impact sur le fonctionnement des stations d'épuration ?
On redoute que des nanomatériaux détruisent les bactéries utilisées pour dégrader les matières organiques, ce qui remettrait en cause le bon fonctionnement des stations d'épuration : en cause notamment, le nanoargent2 ou des nanoparticules d'oxyde de cuivre3.
En 2009 des gestionnaires de l'eau aux Etats-Unis ont alerté l'agence environnementale fédérale américaine (EPA) sur les effets néfastes du nanoargent sur le fonctionnement des stations d'épuration et l'environnement, références scientifiques à l'appui4.
D'autres études sont depuis venues étayer ces craintes : des études ont établi que certains nanomatériaux manufacturés peuvent avoir des effets préjudiciables sur les processus de traitement des eaux usées, en inhibant les processus anaérobies ou de dénitrification dans les stations d'épuration des eaux usées5. Mais les rares études sur la question ne sont pas toutes concordantes, et les effets ne sont pas les mêmes selon les types de nanomatériaux et les revêtements de surface6.
Quel devenir des nanomatériaux qui arrivent dans les stations d'épuration ?
Les stations d'épuration ne sont pas bien équipées pour filtrer les nanomatériaux dont une partie se retrouve dans nos rivières et dans l'eau potable.
Les estimations varient selon les recherches7, mais une grande majorité des nanomatériaux (en masse) serait captée et concentrée dans les boues des stations d'épuration.
Les estimations de concentrations des boues en nanomatériaux varient selon les études :
des mesures auraient montré que les boues contiennent 10 à 30 mg d'argent par kg de boue sèche (dont des nanoparticules d'argent et des ions argent)8.
d'autres estimations ont établi les concentrations suivantes de nanomatériaux au sein des boues de STEP à 10 mg/kg d'oxydes de cérium (CeO2), 2 mg/kg d'argent (Ag), 370 mg/kg à 2000 mg/kg de dioxyde de titane (TiO2), 65 mg/kg d'oxydes de zinc (ZnO)9.
selon une autre étude, dans les sols sur lesquels ont été épandues des boues de station d'épuration, ce seraient les nanoparticules de CeO2 et de TiO2 qui seraient en tête de liste ; les traitements des eaux conduiraient à des concentrations extrêmement faibles de nanoparticules de ZnO et de nanoparticules d'argent (Ag) dans l'environnement10.
Un groupe de chercheurs de l’Eawag et de l’EPF de Zurich ont démontré que les nanoparticules de plastique sont presque toutes retenues dans les boues des stations d’épuration11.
Quel impact sur la qualité des eaux, la faune et la flore aquatiques ?
Quelle que soit la performance des stations, en l'absence de mesure de restrictions de l'émission de nanomatériaux, les quantités de nanoparticules non filtrées relarguées dans les eaux de surface seront amenées à croître en même temps que ces produits qui envahissent le marché à une vitesse bien plus grande que le rythme de modernisation des stations d'épuration de par le monde.
Quelles sont (et seront) les conséquences sur la faune et la flore aquatiques ? Les études se développent et les résultats préoccupants se multiplient12.
Quel impact sur les sols agricoles où sont épandues les boues des stations d'épuration ?
Entre 70 et 80% des boues des stations d'épuration sont épandues sur les terres agricoles pour achever l'épuration tout en servant d'engrais (le reste est incinéré ou mis en décharge)13. Si certains contaminants métalliques sont contrôlés, il n'y a pas d'obligation de suivi des formes nanométriques de ces contaminants. Et l'argent, même sous forme non nanométrique, n'est actuellement ni systématiquement recherché, ni règlementé.
En 2012, des chercheurs suédois ont constaté que le nanoargent des textiles qui se retrouvait dans les boues d'épuration produisait des effets toxiques sur les vers de terre qui y étaient exposés14.
En Allemagne, une recherche a confirmé en 2013 que des nanoparticules d'argent peuvent être toxiques pour les microorganismes du sol essentiels au cycle naturel de l'azote : des effets néfastes peuvent apparaître à partir de 30 mg de nanoparticules d'argent par kilogramme de boues épandues (sur la base des taux d'application typiques en Allemagne de cinq tonnes par hectare de terres agricoles tous les trois ans)15.
Depuis 2014, des chercheurs français de l'ISTERRE étudient le devenir des nanoparticules d'argent dans les sols cultivés après épandage de boues de stations d'épuration contaminées : ils ont constaté des modifications de l'activité enzymatique du sol, même à faible dose.
Fin 2015, l'OCDE a publié un rapport qui juge "alarmant" l'épandage agricole des boues d'épuration des eaux usées, eu égard aux risques liés à la présence des nanomatériaux dans ces boues16 !
Comment faire pour ne pas renouveler les erreurs du passé ?
Comment tirer les leçons du passé ?
En France, dans les années 70-80, des expérimentations ont été focalisées sur le transfert des métaux lourds des boues d'épuration aux sols et aux cultures jusque dans la chaîne alimentaire17. Le dialogue entre "villes et campagne" a été tantôt un discours urbain sur les bienfaits d'un recyclage complémentaire et biologique par les sols, avec une dilution d'éléments indésirables, tantôt au refus par les agriculteurs du transfert de pollution des zones urbaines vers les zones rurales, sans garanties en cas d'impacts négatifs18.
Les premiers suivis de traçabilité centrés sur les métaux lourds ou éléments-traces métalliques (ETM : chrome, nickel, cadmium, cuivre, zinc, plomb, mercure, voire sélénium...) dans les années 80 ont ensuite été élargis à 10 micro-polluants organiques dans les années 90, et des études ont été menées sur l'impact des oestrogènes (provenant d'urines humaines et de contraceptifs) concentrés dans les eaux résiduaires et leur effet de perturbateur endocrinien sur la faune aquatique19.
En 2013, l'ADEME utilise toujours les termes de « valorisation » par épandage agricole des déchets, réglementé par le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 ainsi que des arrêtés préfectoraux20. Et un fonds de garantie a été instauré pour indemniser les préjudices éventuellement subis par les exploitants et les propriétaires agricoles suite à un épandage de boues d'épuration urbaines ou industrielles sur leurs parcelles21.
⇒ Le même cycle de questionnements et de jeux d'acteurs reprend à chaque vague de prise de conscience de polluants émergents, provoquant une hausse des obligations de performances de traitement dans les stations d'épuration et de la vigilance tout au long de la chaîne de recyclage. La vague nanoargent est à l'étude ; combien d'années seront nécessaires avant une réaction à la hauteur des enjeux ? Faut-il laisser faire le développement des usages de masse ou bien tirer les enseignements d'expériences similaires ? Encore faut-il pouvoir identifier les principales sources de relargage de nanomatériaux dans les eaux usées - travail qui n'en est qu'à son balbutiement via notamment le registre R-Nano en France.
La transformation potentielle des nanomatériaux manufacturés dans le sol, leurs interactions avec les plantes et les bactéries dans la rhizosphère et leur transfert dans les eaux superficielles commencent tout juste à être étudiés :
5 - Selon l'OCDE (in Les nanomatériaux dans les flux de déchets, novembre 2015), à fortes concentrations, les nanomatériaux manufacturés ayant des propriétés métalliques pourraient inhiber le processus anaérobie ou de dénitrification, ce qui aurait un impact sur les communautés bactériennes et risquerait, à terme, de porter atteinte à la capacité de l'installation de réduire la toxicité des boues :
8 - Ces chiffres ont été cités par Franck Vanderbulcke, professeur à l'université de Lille lors de la séance du 6 mai sur le nanoargent du ForumNanoResp, mai 2015
21 - Cf. article L425-1 du code des assurances et le décret n°2009-550 du 18/05/2009
Fiche créée en septembre 2012
Les travaux du Réseau 31 (R 31) concernant les nanos
Les travaux du Réseau 31 (R 31) concernant les nanos
par MD - Dernière modification janvier 2014
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs de l'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire :
Le Réseau R31 mis en place en octobre 2010 et animé par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a pour objectif de renforcer les coopérations aux fins :
d'évaluation des risques sanitaires dans le domaine de l'alimentation, de l'environnement, du travail, et de la santé
de veille et d'alerte des pouvoirs publics en cas de risques pour la santé publique
d'amélioration de la connaissance des risques sanitaires dans le domaine de compétence de l'ANSES
Composition
Le R31 regroupe 31 instituts ou organismes1 français de recherche et d'évaluation de risques environnementaux ou sanitaires.
Ce réseau implique des établissements très variés :
des acteurs académiques, notamment des établissements de recherche et d'enseignement supérieur comme le CNRS, le CEA, l'INSERM, l'INRA, et des écoles vétérinaire ou d'agronomie,
des établissements à caractère plus techniques, des EPIC, comme l'INERIS, le CSTB, le LNE
des établissements plus spécifiquement dédiés aux questions de santé comme l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)
Les travaux "nano et santé" du R31
La thématique "santé et nanomatériaux" est l'un des quatre domaines d'intérêt2 sur lesquels se penche le réseau R31.
Lors d'une réunion du R31 qui a eu lieu le 23 octobre 2012, les membres du réseau ont commencé à dégager quelques pistes de travail communes et de collaborations possibles entre divers organismes sur ce sujet.
Mieux vaut tard que jamais : trouver des synergies entre les différents acteurs concernés par les risques associés aux nanomatériaux est indispensable à la construction d'une vigilance collective.
Ce réseau présente l'avantage de provoquer des échanges entre acteurs académiques et organismes travaillant sur le court terme pour apporter des réponses aux industriels ou aux pouvoirs publics, et de mêler des disciplines extrêmement variées.
Un point a été fait sur les problèmes à résoudre. Trois domaines ont été identifiés afin d'être collectivement examinés, sous forme de réunions plus spécialisées et techniques, associant éventuellement d'autres acteurs que les membres du R31 :
la métrologie, afin de faire converger les outils et méthodes développées par exemple au LNE avec les besoins des biologistes qui souhaitent par exemple mesurer des nanoparticules dans le tube digestif : une réunion a eu lieu le 18 novembre 2013, pilotée par le LNE.
la toxicologie en général, afin de clarifier ce que l'on veut mesurer en toxicologie : des acteurs académiques ainsi que des personnes, proches de l'AFNOR ou de l'OCDE, cherchent des réponses à très court terme et se demandent ce qu'il leur faut donner aux industriels pour la réalisations de tests : une réunion a eu lieu le 9 décembre 2013, co-pilotée par l'ANSES et l'INRA
l'exposition des travailleurs, afin de préciser ce que l'on mesure et la manière de mesurer l'exposition d'un travailleur (domaines sur lesquels travaillent notamment l'INRS et de l'InVS)
Des efforts qui demandent à être confortés
Ces efforts demandent cependant à être confortés par une meilleure coordination nationale et la mise en place d'une vraie stratégie nationale de recherche, à articuler avec les préoccupations de la société civile et avec les besoins des entreprises et des autorités sanitaires et environnementales chargées de mieux évaluer et/ou mieux gérer ces risques. Car la difficulté d'évaluer, de pronostiquer, de gérer des risques reste énorme et plaide pour plus de responsabilité sociétale et environnementale de la part de chacune des parties prenantes (chercheurs, administrations, entreprises, élus, associations, médias, etc.). Le travail de veille et d'information que nous effectuons plus largement sur nos sites wikinanos.fr et veillenanos.fr entendent y contribuer.
NOTES et REFERENCES : 1 - Cf. la liste du réseau d'organismes du R31 sur le site de l'ANSES 2 - Les quatre thématiques sont : la veille prospective, l'antibiorésistance, la santé et les nanomatériaux, les dangers sanitaires et le cycle de l'eau.
Fiche initialement créée en mars 2013
Risques associés aux nanoparticules d'argent
Risques associés aux nanoparticules d'argent
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernier ajout décembre 2018
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr.
Des centaines de tonnes de nanoparticules d'argent sont produites chaque année dans le monde1 pour leurs propriétés antibactériennes ou antifongiques, malgré des risques pour l'environnement plutôt alarmants, notamment pour la faune aquatique2, et des risques également sanitaires (en terme de développement des résistances des bactéries3notamment).
Selon l'ANSES4, les risques liés aux nanoparticules d'argent sont suffisamment documentés pour envisager une classification comme substance dangereuse dans le cadre du règlement CLP. Un tel classement aurait pour conséquence la mise en place des mesures de protection et l'arrêt de l'utilisation de certaines applications grand public.
Une évaluation des risques liés au nanoargent devait être menée par les Pays-Bas en 2014 dans le cadre du plan d'action de l'ECHA du fait des inquiétudes concernant l'écotoxicité et le devenir environnemental de l'argent sous forme nano5.
Un document de juillet 2016 laisse penser que les informations recueillies auprès des fabricants devaient encore être complétées6. A suivre ici : https://echa.europa.eu/.../corap-table/...
Dans le domaine alimentaire, on eu en avril 2015 la confirmation que des nanoparticules d'argent étaient présentes dans l'additif E174, utilisé comme colorant argenté et décoratif pour les pâtisseries et chocolats.
Mais en décembre 2015, l'EFSA a considéré que "l'information disponible est insuffisante pour évaluer la sécurité de l'argent comme additif alimentaire" (E174)7, ce qu'a confirmé le SCCS en février 2018 (voir ci-dessous).
L’ANSES a rappelé par ailleurs que l’argent, qu'il soit sous forme nanoparticulaire ou non, ne figure pas dans la liste des minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication des compléments alimentaires. Compte tenu de la présence de nano-argent dans des compléments alimentaires distribués notamment par le biais du commerce en ligne, l’Agence a recommandé de renforcer l’information des consommateurs et le contrôle de la distribution de ces produits qui contiendraient des nanoparticules d’argent.
Dans le domaine cosmétique, l'argent colloïdal (nano) fait depuis 2015 l'objet d'une procédure d'évaluation par le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC ou SCCS en anglais, pour "Scientific Committee on Consumer Safety"). 63 notifications de produits contenant de l'argent colloïdal ont été réalisées auprès de la Commission ; le SCCS a rendu un avis en octobre 2018 réitérant que les données recueillies ne permettaient pas de s'assurer de l'innocuité du nanoargent dans les applications cosmétiques8.
Dans le domaine des textiles, beaucoup de vêtements de sport seraient traités au nanoargent. En décembre 2018, Svenskt Vattens, le syndicat suédois des eaux et des eaux usées a alerté sur l'argent antibactérien et anti-odeur provenant de textiles de sport9 : c'est la plus grande source connue d'argent dans les stations de traitement de l'eau, une menace pour nos lacs et nos mers, ainsi qu'un risque de propagation de la résistance aux antimicrobiens. Les marques et distributeurs sont invités à cesser de vendre des vêtements traités à l'argent pour protéger l'eau (Adidas est pointé comme le plus mauvais élève).
Degger N et al., Silver nanoparticles disrupt regulation of steroidogenesis in fish ovarian cells, Aquat Toxicol., 4;169:143-151, novembre 2015 : cette étude montre que des nanoparticules d'argent (nAg) peuvent affecter les gènes spécifiques qui régissent la stéroïdogenèse, conférant aux nAg un potentiel de perturbation endocrinienne (cité par la lettre RES-Actus n°15, novembre 2015).
NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner (2016)
Institutions publiques ou para-publiques (dont agences sanitaires et/ou environnementales) :
Risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂)
Risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane (TiO₂)
Par MD et l'équipe Avicenn - Dernière modification février 2019
Cette fiche a vocation à être complétée et mise à jour avec l'aide des adhérents et veilleurs d'Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l'améliorer en nous envoyant vos remarques à l'adresse redaction(at)veillenanos.fr. Sommaire
Des présomptions de risques très fortes pour le dioxyde de titane (même non nano)
Même non nano, le TiO2 inhalé est possiblement cancérigène
En 2006 le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait classé le dioxyde de titane (TiO₂) comme cancérigène possible pour l'homme (classe 2 B)1 - et ce, toutes tailles confondues : l'échelle nanométrique est donc concernée mais pas plus ni moins que le TiO2 non nanométrique. Les études qui ont été considérées pour cette classification portaient sur le TiO₂ sous forme de poudre avec la présomption de risques par inhalation qui concernent d'abord les travailleurs potentiellement exposés.
Dix ans plus tard, les données scientifiques analysées par l'ANSES en 2016 ont montré que le dioxyde de titane peut entraîner des tumeurs malignes chez le rat après une exposition par inhalation, ce qui a conduit l'agence à considérer le dioxyde de titane comme cancérogène avéré chez l'animal. Chez l'humain, le caractère cancérogène reste débattu du fait de limites méthodologiques des études épidémiologiques disponibles.
En mai 2016, l'ANSES a donc proposé à l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) de classer le dioxyde de titane comme cancérogène 1B par inhalation2, déclenchant l'ire des fédérations et entreprises concernées, qui ont envoyé plus de 500 commentaires en réponse à la consultation de l'ECHA sur le sujet (en mai-juin 2016)3.
Le processus d'instruction de la proposition de classification a suivi depuis les étapes prévues par le règlement CLP.
En 2017, le Comité d'évaluation des risques (RAC) de l'ECHA a statué pour un classement "cancérogène suspecté" (catégorie 2)4.
Depuis lors, cette proposition de classification est contestée par les fabricants de TiO2 et les fédérations d'entreprises qui en utilisent (principalement dans la peinture, le BTP, les cosmétiques) car elle conduirait à des obligations d'information des travailleurs :
Début juin 2018, 3 ONG européennes ont tiré la sonnette d'alarme, une semaine avant la réunion du comité REACH qui doit examiner la classification du TiO2 (nano et non nano) : selon EEB, ECOS et HEAL, des fabricants et industriels utilisateurs de TiO2 seraient en passe d'obtenir une dérogation à la classification du TiO2 pour la forme liquide du dioxyde de titane, y compris sous forme de spray malgré les risques d'inhalation associés5.
La confédération européenne des syndicats (CES - ETUC) a elle aussi réagi par courrier en juin 2018.
Fin juillet, 8 ONG ont interpellé les ministères de la santé, du travail et de l'environnement français : dans un courrier daté du 26 juillet 2018, Agir pour l’environnement, le Bureau européen de l'environnement (BEE), la CFDT, ECOS, France nature environnement (FNE), HEAL, CIEL et Générations Futures ont souligné à nouveau l’importance d’une position forte de la France sur ce dossier et demandé si une position officielle française a été communiquée par les autorités à la Commission, et si oui, en quels termes.
A l'échelle nano, les risques pourraient être encore plus grands
Depuis plusieurs années, les publications scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux associés aux nanoparticules de dioxyde de titane s'accumulent6.
En mai 2014, l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) avait donc préconisé un classement des nanoparticules de dioxyde de titane (et autres) comme substances dangereuses afin que soient mises en place des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction de l'utilisation de certaines applications grand public7.
Cette préconisation a été reprise dans l'action n°72 du 3ème plan national Santé Environnement (PNSE 3) (2015-2019) fin 2014 et dans l'action 1.13 du Plan Santé au travail (PST 3) (2016-2019).
Nous ignorons à ce stade quelles déclinaison la DGT a donné, ou non, à cette action. Des demandes ont-elles été déposées ou sont-elles en préparation ?
Les travailleurs particulièrement exposés8 (notamment dans le secteur de la chimie, du bâtiment, des cosmétiques ou de l'alimentaire) devraient faire l'objet d'une sensibilisation et d'une surveillance ciblée.
Des efforts commencent à être faits en ce sens : en 2014, les données recueillies dans le cadre de la déclaration obligatoire relatives aux nanoparticules de dioxyde de titane ont été communiquées à l'Institut national de veille sanitaire (InVS) dans le cadre du projet Epinano pour le suivi de cohortes de travailleurs exposés aux nanomatériaux. Mais le dispositif connaît des difficultés de mise en oeuvre.
Le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) vient de rendre un rapport9 appelant à protéger les travailleurs et les populations à proximité des sites industriels produisant ou manipulant du nano-TiO2, assorti d'un ensemble de préconisations pratiques à destination des pouvoirs publics et des industriels.
Une saisine sur le TiO2 est encore en cours en France, à l'ANSES, pour établir une valeur toxicologique de référence (VTR) pour le TiO2 nano, sur la base de l'examen au 1er semestre 2018 du travail réalisé par l'INERIS en 2016, qui servira à étudier la faisabilité d'une fixation de VTR (livrable attendu fin 2018).
Selon une étude récente, entre les nanoparticules de TiO2 de forme anatase et celles de forme rutiles, ce sont les rutiles qui sont le plus nocives pour le système immunitaire lorsqu'elles sont inhalées10.
Enfin la dissémination des nanoparticules manufacturées de dioxyde de titane peut être source de toxicité pour les environnements terrestres et aquatiques11
Confusions sur les évaluations
- Dans le cadre de REACH
L'évaluation des risques associés au dioxyde de titane (y compris ses nanoformes) est prévue dans le cadre de REACH : elle devait être réalisée par l'ANSES en 201512, mais ne sera pas réalisée au moins avant... fin 2018 !
Cette évaluation est en effet entravée par le refus des industriels de communiquer les données nécessaires à cette évaluation ; en septembre 2014, la "Chambre des recours" de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) a été saisie par neuf fabricants de dioxyde de titane (Tioxide Europe / Huntsman, Cinkarna, Cristal Pigment, Du Pont, Evonik, Kronos, Precheza, Sachtleben Chemie GmbH et Tronox Pigments) qui ont exprimé leur refus de fournir les données demandées par l'ECHA dans le cadre de Reach. En mars 2017, ils ont obtenu gain de cause13. L'évaluation du TiO2 par l'ANSES est désormais repoussée à 201814... et les données sur lesquelles elle pourra être menée sont à ce stade encore très incertaines (l'avancée de la révision des annexes de Reach, notamment, sera très importante).
- Dans l'alimentation
L'additif alimentaire E171 est constitué de particules de TiO2 (dont une partie sous forme nano). Il est autorisé au niveau européen par l'EFSA, mais de nouvelles études sont en cours pour évaluer son impact notamment sur le système reproducteur
→Voir plus de détails ici.
Avicenn a compilé une douzaine de publications récentes faisant état d'effets délétères sur la santé liés à l'ingestion de nanoparticules de TiO2 : risques pour le foie, les ovaires et les testicules chez les humains, problèmes immunitaires et lésions précancéreuses au niveau du côlon chez le rat, perturbations du microbiote intestinal, inflammations et altérations de la barrière intestinale chez les animaux comme chez les humains, effets néfastes pour la descendance chez les rongeurs...
L'additif sera suspendu en France à la mi-avril 2019. A suivre donc.
- Dans les cosmétiques
Dans les crèmes solaires et produits de beauté, les nanoparticules de TiO₂ (Cl 77891) ont été évaluées par le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), qui a approuvé leur utilisation comme anti-UV, avec une autorisation d'une concentration maximale de 25% (les applications sous forme de spray ne sont pas autorisées)15 ; la forme nano des particules de dioxyde de titane est inscrite depuis août 2016 à l'annexe VI du Règlement Cosmétiques 16. Elle sont utilisées principalement sous forme rutile (ou mélange anatase / rutile) et souvent enrobées d'une couche de silice ou d'alumine afin d'empêcher la formation de radicaux libres (qui provoquent le vieillissement cutané). Problème : le chlore des piscines peut dégrader ce revêtement, or au contact de l'eau et sous l'effet de la lumière, le nanoTiO2 peut alors libérer des radicaux libres, responsables du vieillissement de la peau et de l'apparition de cancers17.
- En nanomédecine
Un article publié le 28 janvier 2019 dans Nature Nanotechnology montre que les nanoparticules de dioxyde de titane, de silice et d'or peuvent induire des modifications de l'endothélium et donc une fuite de cellules tumorales, à l'origine de métastases. Selon Frédéric Lagarce, professeur de biopharmacie et praticien hospitalier à Angers, "ce qui est intéressant / original c'est de montrer un risque potentiel des nanotechnologies dans le traitement des tumeurs alors que ces technologies sont souvent présentées comme la réponse pour améliorer les performances des anticancéreux. Il faudrait maintenant vérifier si ces modifications endothéliales sont aussi retrouvées avec les nanoparticules polymères ou lipidiques, beaucoup plus utilisées pour encapsuler des actifs et cibler les tumeurs. Si cela était malheureusement le cas, toute la stratégie des nanomédecine (très orientée cancer) serait remise en cause".
En savoir plus ici.
- Dans les peintures et le bâtiment
Le projet « Release_NanoTox » (financement ANSES 2015-2018) vise à apporter, par une approche réaliste, des connaissances nouvelles concernant l’impact potentiel des nano-objets issus de matériaux nanocomposites sous contrainte d’usage, sur les fonctions cérébrales. « L’impact toxicologique in vivo sur les fonctions cérébrales associé à l’inhalation d’un aérosol est encore trop peu étudié », précise-t-on au LNE.
Les équipes scientifiques ont développé un banc expérimental permettant de réaliser une exposition réaliste à partir de nanoparticules de TiO2 issues du ponçage de matériaux nanoadditivés. Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et le LNE (Plateforme MONA) ont participé à la phase de caractérisation aéraulique de ce banc et à la caractérisation physico-chimique des nano-objets émis dans la chambre d’exposition. Puis l’ANSES et le laboratoire CarMeN ont été impliqués pour les phases d’exposition par inhalation et d’analyse in vivo des altérations morphofonctionnelles cérébrales des souris au cours de l’exposition. Les premiers résultats sont en cours d’exploitation18.
Un projet de recherche européen intitulé NanoHouse mené entre 2010 et 2013 avait observé le cycle de vie de nanoparticules de dioxyde de titane contenues dans les peintures et revêtements utilisés en intérieur et à l'extérieur des habitations. Les travaux ont évalué le taux de relargage des nanoparticules de 1 à 2% seulement - et sous forme d'agglomérats19. Mais d'autres études sont beaucoup moins rassurantes : une étude de l'INERIS et de l'université de Compiègne publiée début 2015 a montré qu'un nanorevêtement de dioxyde de titane existant dans le commerce, une fois appliqué sur une façade de bâtiment, peut se détériorer sous l'effet du soleil et de la pluie ; ce faisant, il entraîne le relargage de particules de titane dans l'air en quelques mois - et qui plus est, sous forme de particules libres (plus dangereuses que lorsqu'elles sont agglomérées entre elles ou avec des résidus d'autres matériaux)20, il convient donc dans ces conditions de minimiser le recours aux nanorevêtements.
Source : Emission of titanium dioxide nanoparticles from building materials to the environment by wear and weather, Shandilya, N et al., Environmental Science & Technology, 49(4): 2163-2170, 2015
Outre la toxicité et l'écotoxicité associées aux nanoparticules de TiO2 en elles-mêmes, se pose la question de la production et de la toxicité des composés issus de la réaction photocatalytique : des chercheurs ont constaté que la décomposition de composés organiques volatiles (COV) par des nanoparticules de TiO2 incorporées dans des revêtements ou peintures n'est pas complète et qu'elle génère d'autres molécules nocives (acétone, acétaldéhyde, formaldéhyde notamment)21.
Des restrictions en Suisse
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève déconseille l'utilisation du TiO2 nanoparticulaire sur les chantiers de l'Etat ainsi que dans les constructions des entreprises privées22. Il se base notamment sur l'étude réalisée par le Service cantonal de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures qui considère qu'il est "irresponsable d'utiliser un tel produit avant même de rechercher les dangers connus et d'évaluer leurs risques", déplore "l'emploi prématuré de ces produits en Italie, en France et en Belgique" et souhaite "que ces imprudences ne soient pas répétées sur le territoire de notre Canton"23.
En savoir plus
Quelques ressources sur les risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane (nanoTiO₂) :
Nicolle-Mir L, Revue des données toxicologiques sur les nanoparticules de dioxyde de titane, Environnement, risques et santé, 13, 180-181, 2014 (synthèse en français de l'article listé ci-dessous)
NanoEHS, la base de données répertoriant les publications scientifiques sur les risques en nanotechnologies, mise à jour par the International Council on Nanotechnology (ICON) ne semble plus fonctionner (2016)
22 - Annexe 2 du précédent document
Fiche initialement créée en février 2014
Six ONG lancent une procédure judiciaire contre l'inaction de l'agence de protection de l'environnement sur les nanomatériaux
Six ONG lancent une procédure judiciaire contre l'inaction de l'agence de protection de l'environnement sur les nanomatériaux
Par MD et l'équipe Avicenn - article initialement publié dans la lettre VeilleNanos n°12-13 du 23 décembre 2014
Aux Etats-Unis, six ONG viennent de lancer une procédure judiciaire ("lawsuit") contre l'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA) à laquelle elles reprochent son inaction en matière de réglementation des produits à base de nanomatériaux ayant des propriétés "pesticides" - entendus ici au sens large (insecticides, fongicides, herbicides, parasiticides, etc.), en tête desquels sont visés les bactéricides au nanoargent.
En 2008 plusieurs d'entre elles avaient déposé une requête juridique ("legal petition") envers l'EPA enjoignant cette dernière de prendre des mesures sur ce dossier. Elles poursuivent aujourd'hui l'EPA pour n'avoir pas répondu à leur demande malgré la commercialisation galopante de produits de consommation contenant ce type de nanomatériaux.
Dans un tout récent communiqué publié sur le site du Center for Food Safety, Jay Feldman, directeur de Beyond Pesticides, déplore qu'il faille aller en justice pour obtenir de l'EPA qu'elle joue son rôle en réglementant le nanoargent.
Steve Suppan de l'Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP), autre plaignant impliqué dans la procédure, justifie cette démarche en expliquant que sans elle, "les agriculteurs seront bientôt exposés aux risques sanitaires posés par les nanomatériaux et seront mal informés sur ce qu'ils doivent faire pour se protéger ainsi que leurs familles, leurs voisins, leurs terres, l'eau et leurs élevages".
Les autres plaignants sont :
the International Center for Technology Assessment
the Center for Environmental Health
Clean Production Action
→ En France, l'ANSES devrait publier début 2015 un avis et un rapport sur l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux liés à l'exposition aux nanoparticules d'argent : ces documents sont attendus depuis 2013.
Voir aussi sur le même sujet notre fiche Risques associés au nanoargent