Les professionnels du dioxyde de titane obtiennent (temporairement) l’annulation de la classification du TiO₂ comme cancérogène par inhalation
Le Tribunal de l’UE invalide la classification du dioxyde de titane
Nouveau rebondissement dans le bras de fer qui oppose industriels et autorités sanitaires depuis des années concernant les risques du dioxyde de titane (TiO₂) : le Tribunal de l’Union européenne (TUE) vient de rendre un arrêt annulant la classification du TiO₂ comme cancérogène de catégorie 2 par inhalation. Cette classification, entrée en vigueur en octobre 2019 et formalisée via le règlement 2020/217 de la Commission européenne, était contestée depuis par des fabricants et utilisateurs de TiO₂ qui avaient déposé des recours auprès du Tribunal de l’Union européenne.
Sur quels motifs le tribunal a-t-il rendu sa décision ?
Dans le communiqué de presse publié ce jour, le Tribunal résume les raisons qui ont conduit à ce jugement par deux principaux arguments :
- un manque de “fiabilité” du dossier sur lequel la classification est fondée (la densité des nanoparticules primaires de TiO₂ non agglomérées a été considérée, or elle est plus élevée que la densité des agglomérats, étant donné que l’agglomération crée des espaces vides, moins denses que le TiO₂)
- et le fait que la substance ne serait pas “intrinsèquement” capable de provoquer le cancer, le danger de cancérogénicité étant lié non pas au TiO₂ en soi, mais plus particulièrement aux poudres de dioxyde de titane respirables, contenant 1 % ou plus de particules d’un diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 10 μm (soit 10 000 nm).
Le Tribunal donne ainsi gain de cause aux défenseurs du TiO2. Un éventuel pourvoi pourrait être déposé à l’encontre de la décision du Tribunal, dans un délai de deux mois et dix jours.
L’ironie du sort ?
Cette annulation est particulièrement problématique dans la mesure où elle permet aux industriels de ne plus alerter les travailleurs quand les poudres contiennent du TiO₂ nanométrique, dont le danger n’est pourtant pas écarté. Or, les fabricants rechignent, depuis des années, à fournir des informations sur leurs nanoparticules de TiO2 aux autorités sanitaires.
La réaction d’AVICENN à chaud
AVICENN a été sollicitée par des médias d’information pour commenter, à chaud, cette décision :
→ Retrouvez l’intégralité de la séquence sur le TiO2 de FranceInfo ici.
Aucune implication pour les consommateurs mais fin de l’information des travailleurs ?
Cette décision remet donc en cause la classification et l’étiquetage harmonisés du dioxyde de titane sous toutes ses formes, y compris, donc, les nanomatériaux de TiO2. Si elle ne remet pas en cause l’interdiction du E171 dans l’alimentation (qui relève d’un autre règlement), elle met en revanche sur la sellette l’accès à l’information des travailleurs : s’ils sont privés de l’information sur la potentielle dangerosité du produit, ils seront moins à même de se protéger.
Que ces industriels assument ouvertement de refuser d’informer leurs salariés, malgré les risques à la clé, est édifiant.
De quelles données dispose le Tribunal de l’Union européenne pour considérer que les travailleurs qui respireront sans protection des nanoparticules de TiO₂ dorénavant ne développeront pas de cancer à long terme ?
Comment faire valoir le principe de précaution ?
Le jugement fait référence au manque d’études fiables et acceptables.
Or les fabricants n’ont-ils pas une grande part de responsabilité dans cet état de fait ?
Etant donné les incertitudes sanitaires, le principe de précaution doit prévaloir : comment le décliner concrètement désormais, si un pourvoi n’est pas déposé ou s’il est rejeté ?
Quelles autres réactions et quelles suites ?
VeilleNanos compilera ici les différentes réactions qui suivront cette décision.
N’hésitez pas à nous envoyer vos contributions à contact@veillenanos.fr
- Dès le 23 novembre, l’ONG Corporate Europe Observatory a déploré elle aussi cette décision ; elle dénonce le poids des lobbies et appelle la Commission et les Etats membres à protéger les citoyens des dangers du dioxyde de titane.
- Le 28 novembre, Catherine Pinchaut, secrétaire nationale de la CFDT, a réagi aussi par voie de communiqué de presse : « Que perdaient les industriels avec cette classification ? Bien moins que ce que risquent les salariés pour leur santé. (…) La CFDT demande plus d’éthique et de transparence dans l’usage des nanomatériaux et va demander au gouvernement français ainsi qu’à ses partenaires européens d’intervenir dans ce sens ».
A suivre donc…
La classification reste en vigueur pour l’instant
D’ici début février 2023 la classification reste en vigueur. Si un pourvoi est déposé d’ici là*, la classification restera en vigueur jusqu’à la fin de la procédure.
* [NDLR] Le 13 février 2023, un communiqué du ministère de la transition écologique a indiqué que le gouvernement français a formé un pourvoi contestant la décision du Tribunal de l’Union européenne d’annuler la classification du dioxyde de titane, le 8 février 2023. La Commission lui a emboîté le pas, elle a également fait appel du jugement le 14 février.
Cette classification continue donc de s’appliquer « jusqu’à l’issue de cette nouvelle procédure ».
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Les prochains RDV nano
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- Dates : 18 et 19 novembre 2024
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- Site internet : https://www.atctoxicologie.fr/notre-formation.html
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- Site internet : https://instn.cea.fr/formation/maitrise-des-risques-lies-aux-nanomateriaux-sensibilisation