Nanos et risques : ne pas renouveler les erreurs du passé
Nanos et risques : ne pas renouveler les erreurs du passé
Par l’équipe AVICENN – Dernière modification septembre 2022
Devant les incertitudes sur les risques associés aux nanomatériaux, quelle attitude adopter ? Les mêmes questionnements et jeux d’acteurs sont à l’oeuvre que pour des substances comme le plomb, le mercure, l’amiante, les DDT, les PCB, les produits phytosanitaires, les parabènes ou le bisphénol, et plus récemment les insecticides « néonicotinoïdes », etc.
Combien d’années seront nécessaires avant que les mesures adéquates soient mises en oeuvre, en termes d’évaluation et de gestion des risques ?
Allons-nous laisser faire le développement des usages de masse de l’ensemble des nanomatériaux sans distinguer les usages potentiellement utiles des usages plus futiles et en croisant les doigts qu’il n’y ait pas à intervenir après-coup… ou bien parviendrons-nous à tirer les enseignements d’expériences similaires et agir en conséquence ?
Le corpus de connaissances évolue en effet à un rythme que les lourdeurs institutionnelles ne permettent pas de suivre : les délais sont encore trop longs entre l’obtention des résultats, leur publication puis leur prise en compte par les autorités d’évaluation et de gestion des risques, leur communication auprès des acteurs de terrain et enfin la déclinaison concrète de mesures appropriées. Une fois que de grandes quantités de nanomatériaux seront relarguées dans l’environnement et mélangées aux quelques centaines de milliers de substances chimiques de synthèse qui y sont déjà présentes, il sera trop tard pour agir efficacement.
Il est nécessaire de déployer une vraie stratégie de recherche, aux niveaux international, européen, français et dans chaque entreprises concernée : cette stratégie doit être articulée avec les préoccupations de la société civile et avec les besoins des entreprises et des autorités sanitaires et environnementales chargées de mieux évaluer et/ou mieux gérer ces risques. Car la difficulté d’évaluer, de pronostiquer, de gérer des risques reste énorme et plaide pour plus de responsabilité sociétale et environnementale de la part de chacune des parties prenantes (chercheurs, administrations, entreprises, élus, associations, médias, etc.).
Le travail de veille et d’information que nous effectuons sur notre site veillenanos.fr et les réseaux sociaux entendent y contribuer.
Quelques citations :
Mathilde Detcheverry, AVICENN, septembre 2022
Source : « Nanos, glyphosate, a-t-on vraiment tiré les leçons de l’amiante ? », 25 ans d’amiante : le scandale continue, InfoDiag, Hors-Série, septembre 2022
Christophe Petit, Sorbonne Université, avril 2022
« Après la découverte du radium par Marie Curie à la fin du 19ème, le monde s’est emparé du radium : on a fait des sous-vêtements au radium, des crèmes de beauté radioactives avec du radium, de la laine Oradium, « souple, élastique, résistante, épaisse et confortable, qu’un traitement physico-chimique a doué d’un remarquable pouvoir : la radioactivité. (…) Une laine ainsi traitée allie aux avantages propre du textile une indéniable valeur hygiénique pour tricoter la layette de bébé. (…) Heureusement, on n’a plus des layettes avec de la laine radioactive ! (…) En 1937, le radium a été interdit dans toutes les utilisations non médicales. (…) Il y a toujours un décalage entre la découverte d’un objet, son appropriation par la société et le recul qu’on peut avoir par les études scientifiques sur ses effets de long terme qui vont nous permettre de relativiser son utilisation. (…) Est-ce que c’est vraiment nécessaire de mettre des nanoparticules d’argent dans des sous-vêtements parce qu’ils sentiront meilleur à la fin de la journée ? C’est peut-être plus efficace de les laver… parce que (…) les nanoparticules vont passer dans l’eau de lavage et on les retrouve ensuite dans les rivières. Donc pensons aussi aux usages de ces matériaux. (…) Quand vous avez des nouvelles techniques, vous avez des nouveaux usages : avec quels effets sur le vivant, quels impacts sur l’environnement et la santé, quelle traçabilité, quels problèmes éthiques pour la société ? Il faut qu’on continue ces études-là, avec un dialogue citoyen basé sur ces études scientifiques. »
Source : Nanomatériaux : des promesses et des risques – Christophe Petit (Professeur à Sorbonne Université, Directeur du Laboratoire MONARIS), avril 2022
Dorota Napierska, responsable du « Safer Chemicals programme », août 2020
« Historiquement, l’absence d’examen des risques liés à des agents chimiques apparemment bénéfiques a entraîné des expositions à grande échelle qui ont conduit à des effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement découverts des années ou des décennies plus tard, bien après que les dommages aient été causés. Nous avons la possibilité d’éviter de répéter les mêmes erreurs avec le nano-argent ».
Source : Nanosilver in healthcare – does the silver bullet exist?, Observatoire européen des nanomatériaux, août 2020
Annabelle Littoz-Monnet, professeure de science politique à l’IHEID, novembre 2018
« Il s’agit (…) de promouvoir un débat équilibré sur le potentiel, mais aussi les risques et incertitudes liés à ces technologies, et de répondre à une question essentielle: quelle décision prendre face à l’incertitude? L’état actuel de la recherche sur les nanotechnologies ne permet pas de déterminer si ces matériaux sont sûrs ».
Source : Les nanotechnologies: réguler en situation d’incertitude, Le Temps, 12 novembre 2018
Philippe Bihouix, La Fabrique Ecologique, octobre 2018
« Une innovation low-tech ? Quel est cet étrange oxymore ? Faut-il retourner à la bougie ou à l’âge des cavernes au
lieu de miser sur le progrès technologique ? Certes, le low-tech ne fait pas rêver comme le high-tech et ses applications futuristes. Et pourtant, si c’était là que se situait la vraie modernité et le courage d’innover ? (…) Les technologies « vertes » et intelligentes sont présentées comme la clé pour résoudre le défi planétaire. A y regarder de plus près, il serait dangereux de faire reposer la transition écologique sur une innovation technologique toujours plus complexe : les high-tech ont souvent tendance à accélérer notre modèle « extractiviste », à nous éloigner de l’économie circulaire et à provoquer de nombreuses problématiques sociales, humaines et politiques. Si le tout high-tech n’est pas l’eldorado promis par certains, il est indispensable de penser différemment et de développer, en parallèle, le concept et les initiatives dites « low-tech ». »
Source : Pour une société durable, sobre et résiliente… Osons le low-tech !, interview de Philippe Bihouix, Actu environnement, octobre 2018 et note Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l’innovation low-tech ?, La Fabrique Ecologique, octobre 2018.
Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), décembre 2017 :
« Grâce à notre expérience de l’amiante et d’autres matériaux dangereux, nous savons que la liste des risques potentiels est longue. L’exposition de l’environnement aux nanomatériaux manufacturés est inévitable.
Leurs effets néfastes et leur persistance pourraient avoir des conséquences non négligeables sur les organismes, les écosystèmes et les chaînes alimentaires. (…) Le développement industriel est bien plus rapide que la mise en place de réglementations. En l’absence de suivi à long terme et en raison du manque de données scientifiques sur les nombreux aspects liés à la toxicologie et à la toxicité des nanomatériaux, l’adoption de réglementations spécifiques est lente, bien que les signes témoignant de la dangerosité des nanomatériaux et des risques liés à l’exposition à ceux-ci soient de plus en plus nombreux. (…) Il est nécessaire d’adopter non seulement des politiques porteuses de transformations pour encourager l’innovation et les applications industrielles de chimie verte, mais surtout des cadres réglementaires adaptés et itératifs qui appliquent le principe de précaution pour garantir la sécurité et prévenir toute pollution. Le monde ne peut se permettre d’exploiter les possibilités prometteuses offertes par de nouveaux matériaux sans tenir compte des enseignements du passé concernant les risques et les dommages sur la santé et l’environnement. »
Source : https://wedocs.unep.org/…
Corinne Lepage, Le choix du pire, de la planète aux urnes, février 2017
« En fait, le vrai sujet n’est pas le principe de précaution, mais la responsabilité, responsabilité au sens le plus large du terme, c’est-à-dire le fait d’assumer les conséquences de ses choix. Or, avec les nouvelles technologies, qu’il s’agisse des OGM ou des nanotechnologies, à un certain seuil, la dissémination rend impossible la recherche des responsabilités. L’objectif des industriels est de faire traîner les choses en longueur jusqu’à ce que ce seuil soit atteint. Or ce stade me semble atteint aujourd’hui. Les nanotechnologies sont très largement utilisées sans aucun contrôle. Nous vivons dans un système dans lequel le monde industriel invente les règles de son irresponsabilité. On est parvenu à vider la précaution de son contenu et à en faire un principe purement virtuel en faisant croire, comble de l’hypocrisie, qu’il est un obstacle au développement ».
Source : https://www.puf.com/…
Vladimir Baulin, Nanotechnology is like the early days of radioactivity when it comes to knowing the risks, 2 février 2017
« Il devient urgent de comprendre les mécanismes exacts de nanotoxicité et de faire une classification en fonction du mécanisme. La radioactivité ou les rayons X sont entrés dans nos vies de la même manière. Il a fallu du temps avant que les chercheurs comprennent les mécanismes d’action sur les organismes vivants », a mis en garde Vladimir Baulin de l’Université Rovira i Virgili, à Tarragone (Espagne). »
Le Dr Baulin est le coauteur d’un article publié en novembre dernier dans Science Advances, qui montre pour la première fois que les nanoparticules peuvent traverser la membrane biologique. L’étude découle du projet SNAL, financé par l’Union européenne.
Source : https://horizon-magazine.eu/…
François Jarrige, Ils ont critiqué le progrès, 22 février 2016
« On peut déjà s’interroger sur ce que serait notre monde si personne n’avait jamais mis en doute les bienfaits de la technique ; si personne n’avait oeuvré pour retirer du marché certains produits toxiques comme le DDT, cet insecticide utilisé en agriculture et dans la lutte contre le paludisme, ou les chlorofluorocarbures (CFC) à l’origine du trou dans la couche d’ozone. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation paradoxale. À bien des égards, une nouvelle phase techno-critique s’est ouverte. Avec la crise financière et économique, l’épuisement des ressources naturelles, les dégradations de plus en plus visibles de l’environnement… mais aussi avec la montée des inégalités sociales, beaucoup ressentent le besoin de repenser le projet technique de la modernité, son gigantisme et son accélération incessante. L’histoire des techno-critiques remet en perspective certains débats très contemporains. Pour la première fois, on ose aborder la question de la puissance acquise par l’homme, capable de modifier les grands équilibres du globe, d’éteindre ou de modifier des espèces animales, d’artificialiser la vie… Pourtant il reste difficile de contester le consumérisme technologique et la fascination pour les derniers gadgets censés relancer la croissance et résoudre nos problèmes. Et le débat reste encore caricatural entre ceux qui ne jurent que par l’innovation technique et à l’opposé ceux qui voient déjà l’apocalypse arriver… »
Source : https://lejournal.cnrs.fr/…
Sébastien Delpont, « Sortons des controverses sur l’innovation », 22 septembre 2014
« Quelle que soit la sincérité des acteurs en présence, il leur faut prendre conscience qu’il y a en France un tel passif sur ces questions (amiante, sang contaminé, chlordécone) que ce n’est pas demain qu’on basculera, aux yeux de la population, de la présomption de culpabilité à la présomption d’innocence lorsque émerge une controverse. (…) Le temps où il était possible d’imposer une technologie à une société convaincue de la justesse d’analyse de son Etat central (comme pour le nucléaire) est fini. Notre monde interconnecté a permis une rupture de l’asymétrie de l’information sur l’accès aux recherches scientifiques. Des données sur ces controverses sont accessibles en quelques clics sur des sites dédiés ou des réseaux sociaux. (…) Le consommateur final, le plus concerné, semble être le grand oublié de ces combats acharnés entre industriels et ONG où règnent les conflits d’intérêts. On le prend à témoin lors de passes d’armes mais sans lui livrer toutes les informations pertinentes. Il ne sait plus à quel saint se vouer. Il a besoin de s’appuyer sur des intermédiaires de confiance. (…) La seule issue pour des industriels lançant de nouvelles technologies est d’entrer dans des démarches volontaires et positives de filières pour régler ces controverses. Ces démarches transparentes doivent intégrer dès l’amont l’ensemble des parties prenantes : fabricants, distributeurs, associations, pouvoirs publics dans l’analyse des risques, la chasse aux conflits d’intérêts et l’explication au grand public. »
Source : www.lemonde.fr/…
David Suzuki, Spéculation, yeux fermés et mauvaises surprises, 12 août 2014
« Il se peut que les nanomatériaux s’avèrent être une aubaine pour les humains, mais nous avons trop peu de connaissances sur leurs effets à long terme pour les incorporer les yeux fermés à nos produits alimentaires ou autres. Si nous devons retenir une chose du passé, c’est que même si nous pouvons spéculer sur les avantages des nouvelles technologies, la réalité ne correspond pas toujours à la spéculation et un manque de connaissances peut conduire à de mauvaises surprises en aval. »
Source : http://www.straight.com/…
Philippe Bihouix, auteur de L’âge des Low Tech, juillet 2014
« Plus on est high-tech, moins on fabrique des produits recyclables et plus on utilise des ressources rares dont on finira bien par manquer. Il est absurde de croire que les solutions technologiques pourront être déployées à la bonne échelle. Ainsi l’ensemble des résidus agricoles de la planète ne suffirait pas à couvrir notre seule consommation de plastiques. Il faut donc se tourner vers les basses technologies. D’abord réfléchir à nos besoins. Avant d’apprendre à se passer des automobiles, brider la puissance des moteurs, alléger le poids. Concevoir des objets plus simples, privilégier le mono-matériau, réduire le contenu électronique (la cafetière italienne contre la machine à expresso) et mettre en place un réseau de récupération, réparation, revente, partage des objets du quotidien, outils, jouets, appareils ménagers. Sur cette Terre, tout a un impact. Il n’y aura jamais de voiture « propre », quand bien même son énergie serait « zéro émissions ». C’est donc dans la tempérance qu’il faut chercher le salut… »
Source : http://biosphere.blog.lemonde.fr/…
Steffen Foss Hansen et David Gee, Recherche adéquate et prospective sur les dangers potentiels des nouvelles technologies : un cas de myopie et d’inertie?, juin 2014
« L’histoire confirme que malgré les nombreux avantages apportés par les innovations technologiques, ces dernières peuvent également causer beaucoup de souffrance humaine, la dégradation de l’environnement et des coûts économiques. Ne sommes-nous pas en train de faire bégayer l’Histoire avec les produits chimiques et les nouvelles technologies? (…) À la lumière de l’histoire des risques technologiques passés, où la recherche sur les recherches sur les aspects sanitaires et environnementaux ont été menées trop peu et trop tard, nous suggérons qu’il serait prudent de consacrer entre 5 et 15% de la recherche et développement à la recherche sur les aspects sanitaires et environnementaux afin d’anticiper et de réduire les risques potentiels tout en maximisant la durée de vie commerciale des technologies émergentes. »
Source : http://jech.bmj.com/…
William Dab, Quelle cartographie des risques ?, 15 juin 2014
« Les risques incertains méritent un débat public organisé et mettent le politique en première ligne. S’ils concernent de vastes populations, ils constituent une priorité pour la recherche (cas des nanotechnologies, par exemple). Les risques émergents appellent à la fois des procédures de vigilance spécifiques, des programmes de recherche dédiés et des actions pédagogiques. »
Source : http://securitesanitaire.blog.lemonde.fr/…
Roger Lenglet, Nanotoxiques, mars 2014
« Certes les dossiers des colorants et des parfums d’ambiance cancérigènes, des veaux aux hormones, du bisphénol A, sans oublier la « vache folle », les sels d’aluminium et le mercure dans les vaccins et les plombages, par exemple, ont laissé des traces dans les mémoires. Mais beaucoup de gens sont ainsi faits qu’ils imaginent qu’on ne refera plus les mêmes erreurs. Encore plus nombreux sont ceux qui veulent maintenir leur confiance dans les « garde-fous » en pensant que c’est une croyance nécessaire pour continuer à vivre heureux. Une formule immémoriale l’exprime : « Si l’on faisait attention à tout, on ne vivrait plus. » La société moderne a engendré ce sentiment et continue à l’entretenir, nous faisant déléguer à des instances supérieures la prudence et l’attention aux dangers. »
Source : www.actes-sud.fr/…
Emmanuel Fort – Nanoparticules et innovation biomédicale : Avancées thérapeutiques, risques sanitaires ?, 13 décembre 2013
« Le rythme des innovations est spectaculaire et les avancées diagnostiques et thérapeutiques considérables. Mais quid des effets nocifs des nanoparticules sur notre santé… et sur le monde animal et même végétal ? Les chercheurs s’interrogent sur l’éventuelle écotoxicité de ces matériaux, comme par exemple ceux que l’on intègre de plus en plus couramment dans les cosmétiques et les produits de bain.
Aujourd’hui, les chercheurs de l’institut Langevin nous incitent à la prudence concernant le foisonnement de produits cosmétiques à base de nanoparticules – en particulier celles d’argent. La nanoparticule d’or serait quant à elle inoffensive, surtout si elle est entourée d’une couche de silice, mais là encore des études contradictoires sont parues. Le radium, découvert par Marie Curie et qui lui fut lentement fatal, eut lui aussi son heure de gloire et fut utilisé jusqu’à la fin des années 1930 dans toute sorte de produits de consommation courante, du dentifrice aux aiguilles fluorescentes des horloges, en passant par des sodas. Les ouvrières s’en mettaient dans les cheveux pour son effet paillettes, et une utilisation oto-rhino-laryngologique pour les enfants a même perduré aux États-Unis jusqu’aux années 70. »
Source : www.paristechreview.com/…
Luc Perino – Bons élèves de l’agnotologie, 27 novembre 2013
« Le danger des additifs au plomb dans l’essence a été découvert dans les années 1930 et l’essence au plomb a été définitivement interdite en 2000. Le rôle cancérogène de l’amiante a été démontré dans les années 1930 et il a fallu attendre les années 1990 pour que les premières lois d’interdiction entrent en vigueur. La responsabilité du tabac dans le cancer du poumon a été mise en évidence par l’étude de Doll en Hill et 1950 et les premières lois effectives contre le tabac sont apparues plus de trente ans plus tard. Les effets néfastes d’un excès de consommation de sucre étaient évidents au début du XX° siècle et les premières alarmes ont été déclenchées dans les années 1960.
Ces exemples, parmi les plus connus, font apparaître un délai incompressible de 30 à 60 ans entre la preuve d’une nocivité et les premières législations destinées à la réduire. La durée de ce délai est liée à la puissance des lobbies et à leur expertise en « agnotologie ». Ce néologisme de Proctor désigne la « science » consistant à produire du doute et de la méconnaissance, son principe simple repose sur une cascade d’amalgames : toute étude étant toujours critiquable, la critique devient équivalente à une absence de preuve, et l’absence de preuve est alors assimilée à une absence de nuisance. Les médias grand public en sont l’amplificateur naturel, puisque leur vitalité provient de la polémique et de la pluralité des paroles ».
Source: http://expertiseclinique.blog.lemonde.fr/…
Stéphane Foucart – Irrationalité(s), 15 novembre 2013
« La science est ainsi à la traîne de la formidable capacité d’innovation de l’industrie. Sachant que la réglementation est elle-même structurellement en retard sur la science, le procès en irrationalité fait aux adversaires des « nanos » prend une dimension assez paradoxale. Car s’il n’est pas raisonnable de prôner l’abandon de la recherche sur ces objets aux promesses si grandes, il ne semble pas non plus très rationnel d’en avoir généralisé l’usage sans en avoir mieux exploré les risques.
La disqualification pour cause d’irrationalité est une vieille antienne : en 1992, le célèbre appel d’Heidelberg (signé par des centaines de savants) fustigeait déjà les « préjugés irrationnels » des mouvements de défense de l’environnement. L’appel d’Heidelberg installait déjà l’idée que toute exigence d’un environnement sain, formulée hors de l’establishment scientifique, était suspecte d’irrationalité. On réalisa, mais un peu tard, que l’industrie de l’amiante était à l’origine du texte. »
Source : http://lemonde.fr/…
Collectifs de chercheurs – Innovation scientifique : la parole aux citoyens ! 29 octobre 2013
« plus d’un siècle de développement scientifique et technique nous a montré que si ce développement a permis dans certains domaines d’améliorer les conditions de vie des hommes et l’environnement, l’inverse s’est malheureusement manifesté largement dans de nombreux domaines (biodiversité, climat, pollutions atmosphériques et marines, accidents technologiques…). La nécessité du contrôle de la société sur ces développements est aujourd’hui une évidence »
Source : www.liberation.fr/…
William Dab – Les nanotechnologies, un cas d’école, 14 juillet 2013
« Quand on parle des risques des nouvelles technologies, les nanotechnologies sont assurément un cas d’école. (…) Les nanoparticules posent évidemment des questions de sécurité sanitaire parce que leur taille leur permet de franchir les barrières biologiques. Le développement rapide de ce marché va conduire à une exposition humaine accrue. C’est la seule certitude que l’on ait, car pour le reste, nous faisons face à plus de questions que de réponses. Quelques études toxicologiques montrent qu’elles peuvent induire des processus pathologiques. A ce stade, c’est un signal plus qu’une preuve. En réalité, il s’agit d’un domaine où l’incertitude est maximale et c’est en cela qu’il s’agit d’un cas d’école. La mise sur le marché se fait à un rythme tel que les capacités d’évaluation des risques ne peuvent pas suivre. »
Source : http://securitesanitaire.blog.lemonde.fr/…
Agence européenne pour l’environnement (AEE) – Signaux précoces et leçons tardives, vol. 2, janvier 2013
« Le premier volume des Signaux précoces et leçons tardives (Late Lessons from Early Warnings) publié en 2001 était un rapport novateur détaillant l’histoire des technologies ayant par la suite été jugées dangereuses. Le volume 2 de 750 pages publié en janvier 2013 comprend 20 nouvelles études de cas dont une étude de cas sur les nanotechnologies.
(…)
Les études de cas historiques montrent que les avertissements ont été ignorés ou écartés jusqu’à ce que les dommages pour la santé et l’environnement ne deviennent inéluctables. Dans certains cas, les entreprises ont privilégié les profits à court terme au détriment de la sécurité du public, en cachant ou en ignorant l’existence de risques potentiels. Dans d’autres cas, les scientifiques ont minimisé les risques, parfois sous la pression de groupes d’intérêts. Ces leçons pourraient nous aider à éviter des conséquences néfastes provoquées par les nouvelles technologies. Cinq de ces histoires illustrent également les avantages apportés par la rapidité de réaction en réponse aux signes avant-coureurs.
(…)
Privilégier le principe de précaution est presque toujours bénéfique – suite à l’analyse de 88 cas de prétendue «fausses alertes», les auteurs du rapport n’en n’ont validées que quatre. Le rapport montre également que les mesures de précaution permettent souvent de stimuler plutôt que d’étouffer l’innovation. »
Source : http://www.eea.europa.eu/…
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- Website: https://nanomaterialsconference.com
Cette fiche a été initialement créée en novembre 2013