Les lobbies obtiennent l’annulation de la classification du dioxyde de titane comme cancérigène par inhalation

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Voilà plus de dix ans que la classification du dioxyde de titane (TiO2) comme cancérogène par inhalation fait l’objet d’un bras de fer entre l’industrie, qui s’y oppose, et les pouvoirs publics qui l’ont mise en place. Des milliers de travailleurs sont exposés à cette substance très utilisée dans les peintures, les cosmétiques, les médicaments, les plastiques, les emballages, les textiles, etc. Ce 1er août, en plein cœur de l’été, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné gain de cause aux industriels, en annulant la classification.

Un bras de fer de plus de dix ans

Rappel des faits : voici résumée en quelques points, les précédents épisodes de cette longue bataille entre l’industrie et les autorités françaises et européennes qui dure depuis plus de dix ans maintenant1Voir notre fiche Risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane pour plus de détails.

  • En 2014, l’ANSES, chargée de l’évaluation des risques associés au dioxyde de titane au niveau européen, ne parvient pas à obtenir de données de la part des fabricants de dioxyde de titane sur les nanoformes qu’ils commercialisent en Europe. Ces derniers refusent et vont jusqu’à saisir la « Chambre des recours » de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).  
  • En 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (ANSES) propose une classification comme cancérigène suspecté pour l’homme (1B) du TiO22Voir notre fiche Risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane pour plus de détails.
  • En mars 2017, la Chambre des recours permet aux industriels de ne pas fourir de détail sur leurs nanoformes de TiO2, cause… au motif que le terme « nanoforme » n’était pas défini dans Reach3Cf. Decision of the board of appeal of the European Chemicals Agency, mars 2017.
  • En 2019, les experts scientifiques de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont statué conduisant à la classification du TiO2 comme « cancérogène de catégorie 2 par inhalation », moins stricte que celle de l’ANSES, mais qui entraîne l’obligation d’alerter les travailleurs sur les dangers des poudres et poussières de TiO2 inférieures à 10 000 nm
  • En 2020, les fabricants et utilisateurs de TiO₂ avaient déposé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) demandant l’annulation de cette classification, arguant que les études sur lesquelles elle s’appuyait n’étaient pas suffisamment “fiables” et que le dioxyde de titane ne serait pas “intrinsèquement” dangereux.
  • En 2022, le TUE s’était rangé à leurs arguments et avait rendu un arrêt pour annuler la classification du TiO₂ comme cancérogène de catégorie 2 par inhalation4Cf. Les professionnels du dioxyde de titane obtiennent (temporairement) l’annulation de la classification du TiO₂ comme cancérogène par inhalation, VeilleNanos, 23 novembre 2022.
  • En 2023, le gouvernement français et la Commission européenne, avaient formé des pourvois pour contester cette annulation5Cf. La classification du TiO2 reste en vigueur jusqu’à l’issue des pourvois déposés par la France et la Commission européenne, VeilleNanos, 22 février 2023, avec le soutien de l’ECHA et des gouvernements néerlandais et suédois.
  • En novembre 2024, la Commission européenne, le gouvernement français, et les industriels ont été entendus lors d’une audience sur les pourvois de la France et de la Commission européenne.
  • En février dernier, l’avis rendu par l’avocate générale de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu un avis plutôt favorable au maintien de la classification défendue par France et la Commission européenne dans leur bataille contre les lobbies.

La Cour n’a pas suivi l’avis de l’avocate générale

Contrairement à l’avis de l’avocate générale, les juges de la Cour ont décidé de confirmer l’annulation de la classification.
→ Voir le communiqué de la CJUE.
→ Voir l’arrêt détaillé de la CJUE.

Consternation des acteurs de la santé, des scientifiques et des associations

La décision de la CJUE a été largement relayée dans les médias grâce à une dépêche AFP (cf. ci-dessous). Les premières réactions de Foodwatch, AVICENN, Générations futures et du ministère du travail relayées par l’AFP vont toutes dans le même sens : il s’agit d’« un revers plus que regrettable en termes d’information et de protection des travailleurs ». Le pictogramme et le message alertant les travailleurs ne devront plus obligatoirement figurer sur les paquets de poudre de TiO2 manipulés par les travailleurs.

Au fur et à mesure que la nouvelle se diffuse dans ce temps suspendu de la période estivale où les acteurs de la santé, les toxicologues, les biologistes, les syndicats, préventeurs, etc. sont pour beaucoup d’entre eux en congé, la stupeur, la consternation voire l’indignation émergent.
→ Comment des juges, non compétents en toxicologie, ont-ils pu invalider une classification pourtant appuyée sur des évaluations des risques concordantes réalisées par des scientifiques experts le Centre international de recherche sur le cancer (IRC), l’ANSES et l’ECHA?

A ce stade, et alors que les lobbies se frottent les mains6Voir par exemple la la réaction de Hans-Helmuth Schmidt’s sur le site de European Coatings, il est primordial de souligner que cette décision de justice annule la réglementation de classification du TiO2… mais pas les risques de cancer pour les travailleurs !

La cerise sur le gâteau ? La France et la Commission européenne vont devoir rembourser les frais d’avocat et de procédure aux industriels. Cela alors même que les financements dont disposent les pouvoirs publics pour étayer les études de toxicité déjà menées ont fondu comme neige au soleil… et tandis que l’industrie du TiO2 continue d’investir « des millions d’euros dans divers programmes scientifiques pour confirmer l’innocuité du TiO2 » (sic), comme le rappelait la fédération des fabricants de dioxyde de titane (TDMA) il y a quelques mois7Cf. https://www.tdma.info/news/opinion-of-the-advocate-general-on-the-classification-of-titanium-dioxide.

Et maintenant ?

Selon Natacha Cingotti8Dioxyde de titane déclassifié des substances cancérogènes : «Un recul pour la protection des consommateurs et des travailleurs», Libération, 1er août 2025 chargée des stratégies de campagnes internationales de Foodwatch et administratrice d’AVICENN, en termes légaux, tous les recours ont été épuisés. Par conséquent, « la France pourrait décider de proposer une nouvelle classification sur la base de nouvelles données ou en recommençant le dossier à zéro. Mais ça voudrait dire qu’on perd sept à huit ans de travail. »


En attendant, d’en savoir plus sur les suites qui seront données par les pouvoirs publics, syndicats et ONG, les études et l’information sur les dangers du TiO2 doivent se poursuivre, plus particulièrement encore quand ce TiO2 se présente sous forme de nanoparticules. Sans cette information, les travailleurs ne peuvent prendre les mesures nécessaires pour se protéger.

Retombées médiatiques

Bien que publiée en plein cœur de l’été, la décision de la CJUE a été très largement relayée par les médias, grâce notamment à une dépêche AFP :

Les prochains RDV nano

30
Août
2025
10e conférence internationale sur les nanosciences et technologies (NanoChina, Pékin – Chine)
Pékin
Conférence
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  • 10e Conférence internationale sur les nanosciences et technologies
  • Organisateurs : Académie chinoise des sciences et Centre national chinois des nanosciences et technologies
  • Site internet : http://www.chinanano.org.cn/en/
1
Sep.
2025
Maîtrise des risques liés aux nanomatériaux (CEA, En ligne)
En ligne
Formation
  • Programme de e-learning : sensibilisation destinée aux personnels au contact de nanomatériaux en phase de recherche, formulation, production, maintenance, nettoyage, entretien… ainsi qu’aux animateurs ou ingénieurs de sécurité, chefs d’installation, chefs de laboratoires où sont manipulées des nanoparticules.
  • Organisateur : INSTN Grenoble (CEA)
  • Au programme :
    • 1 – Introduction, définition et caractéristiques des nanomatériaux
    • 2 – Toxicité des nanomatériaux : l’état des connaissances
    • 3 – Métrologie et caractérisation des nanomatériaux
    • 4 – Moyens de prévention et de protection des nanomatériaux au poste de travail
    • 5 – Quiz : évaluation des acquis d’apprentissage
  • La formation de 2h est consultable pendant un mois à partir de la date d’inscription.
  • Site internet : https://instn.cea.fr/…risques-lies-aux-nanomateriaux…
22
Sep.
2025
Voies de recherche innovantes en nanosciences et nanotechnologies (Advanced Nano 2025, Cracovie – Pologne)
Cracovie
Conférence

Notes and references