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VeilleNanos - Risques des nanos dans l'agriculture

Risques des nanos dans l’agriculture

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Risques des nanos dans l’agriculture

Par l’équipe AVICENN – Dernière modification mars 2024

Débats et inquiétudes liés à l’encapsulation de la matière active

De nombreuses promesses entourent les nanomatériaux dans les produifts phytosanitaires. Parmi elles, les argiles « nano » sont utilisées pour piéger des molécules de matières actives et provoquer une diffusion lente, ce que l’on nomme « l’effet retard ».

Or, si le support est nanostructuré, en interne ou à la surface, la matière active « capturée » ou « encapsulée » l’est donc très probablement elle aussi. Si la quantité globale de produit actif utilisée est plus faible grâce à un ratio surface / volume plus important à l’échelle nanométrique, faut-il pour autant se réjouir de l’efficacité accrue de plus petites quantités ? Moins de matière active à l’unité sur une surface traitée peut permettre de diminuer l’indicateur IFT (indice de fréquence de traitement). Mais est-ce que cela limite pour autant les impacts environnementaux1Une étude menée en 2019 par des chercheurs de l’université d’état de l’Oregon, elle révèle qu’un insecticide classique dont l’ingrédient actif est encapsulé dans du plastique de taille nanométrique est plus toxique que l’application du même ingrédient actif avec une capsule en plastique plus grande ou sans aucune encapsulation. cf “Pesticide Encapsulation at the Nanoscale Drives Changes to the Hydrophobic Partitioning and Toxicity of an Active Ingredient,” Matthew Slattery, Bryan Harper, and Stacey Harper, Nanomaterials 9, no. 1 (January 2019). ? Les outils existent-ils pour aider les agriculteurs à limiter les erreurs d’épandage ? Les gains recherchés en termes d’économie de matière active seront-ils toujours aussi intéressants comparés au prix des outils de précision dont les agriculteurs devraient s’équiper et aux contraintes induites par leur utilisation ? Le débat est ouvert et les inquiétudes sont légitimes.

Quel niveau d’information pour les agriculteurs et quels impacts sur leur santé ?

De manière générale, les agriculteurs sont très peu informés sur les utilisations et les risques des nanomatériaux et des nanotechnologies2Ce constat émane des échanges entre AVICENN et divers acteurs de l’agriculture ; il a été dressé également par trois étudiants de l’ISARA, Beucher M, Chignier M & Hess S dans un projet étudiant Maestro réalisé en 2016 en partenariat avec AVICENN.

Si les fabricants informent désormais les réseaux de distribution sur la nécessité de remplir la déclaration R-nano comme la loi les y oblige, ils sont beaucoup plus avares d’informations en ce qui concerne « ce qui est nano » dans les pesticides et engrais qu’ils proposent ainsi que sur les questions liées à la présence de ces nanomatériaux dans leurs produits.

C’est pourquoi l’association AVICENN milite pour davantage de transparence sur les recherches, l’utilisation, la commercialisation et les impacts des nanomatériaux, notamment en agriculture. Les agriculteurs sont en effet exposés à leur insu aux nanomatériaux contenus dans les mélanges qu’ils manipulent et pulvérisent. Vu les risques sanitaires associés aux nanomatériaux, il y a lieu de s’inquiéter et de prendre les mesures de prévention et de précaution qui s’imposent. En 2020, des chercheurs ont ainsi mis en garde sur le fait que l’évaluation de l’efficacité des équipements de protection ne prend pas en compte les nanomatériaux et les effets à faible dose3Cf. Critical review of the role of PPE in the prevention of risks related to agricultural pesticide use, Garrigou A et al., Safety Science, 123: 104527, 2020 : “The appearance on the market of pesticides containing nano particles also raises questions about the relevance of classic tests used to assess personal protection equipment (PPE) effectiveness, tests whose performance can already be problematic with chemical products composed of larger particles. This issue is a complete unknown. Relevant risk assessment methods have yet to be developed. The issue is all the more important because of the widespread use of nanomaterials in plant protection products (PPP) as revealed by the French ‘R-Nano’ inventory. (…) Advances in toxicology (on the effects of low doses) and developments in chemical technologies (with the emergence of nanomaterials) call for a radical re-examination of the role that PPE can play in preventing chemical risk ».

Les distributeurs sont tenus de transmettre aux agriculteurs le n° de déclaration (cf. Arrêté du 6 août 2012, Art. 3, II) mais il serait nécessaire d’aller plus loin, en imposant le fait qu’ils leur fournissent surtout une information sur la nature des nanomatériaux présents dans leurs produits, les raisons d’être du dispositif R-Nano, les risques associés à ces substances et les mesures de protection adéquates. Une information que les fabricants devraient, en amont, être également tenus de fournir.

Quels impacts des nanos sur les sols agricoles ?

Mobiles et petites, les nanos sont sources de dommages sur le flore et la faune

Les nanomatériaux, du fait de leur petite taille, sont très mobiles et peuvent traverser les barrières de protection des cellules végétales et peuvent causer des dommages non négligeables sur la flore et la faune, notamment les micro-organismes de certains sols4Voir par exemple :
– impacts indésirables sur la photosynthèse du blé : Titanium dioxide nanoparticles impaired both photochemical and non-photochemical phases of photosynthesis in wheat, Dias MC, Protoplasma, 256(1) : 69–78, janvier 2019
– impacts indésirables sur les sols : Dynamique, réactivité et écotoxicité des nanoparticules d’oxydes métalliques dans les sols : impact sur les fonctions et la diversité des communautés microbiennes, thèse de Marie Simonin (Ecologie Microbienne / UMR CNRS 5557 Université Claude Bernard – Lyon 1), soutenue en octobre 2015 (résumé de la pré-soutenance)
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Ils peuvent également remonter la chaîne alimentaire (des chercheurs ont mis en évidence le transfert de nanomatériaux des racines vers les feuilles (de blé ou de colza par exemple) et vers les graines de végétaux (par exemple dans des germes de soja).

Quel impact sur les sols agricoles où sont épandues les boues des stations d’épuration ?

Il existe également une autre voie d’entrée, non intentionnelle cette fois, de nanomatériaux dans les sols agricoles : l’épandage de boues de station d’épuration, qui contiennent des nanomatériaux (filtrés lors de l’épuration). Or, si certains contaminants font l’objet de contrôle, il n’y a aujourd’hui aucune obligation de suivi des nanomatériaux ou de leurs résidus dans les sols et les cultures

Crédit : Pascvii / Pixabay – Licence : CC0

Des études montrent pourtant que le nanoargent qui se retrouve dans les boues d’épuration produit des effets toxiques sur les vers de terre ou les microorganismes du sol essentiels au cycle naturel de l’azote. En France, des chercheurs français de l’ISTERRE ont constaté des modifications de l’activité enzymatique de sols cultivés après épandage de boues de stations d’épuration contaminées, même à faible doses, par des nanoparticules d’argent.

Fin 2015, l’OCDE a publié un rapport qui juge « alarmant » l’épandage agricole des boues d’épuration des eaux usées, eu égard aux risques liés à la présence des nanomatériaux dans ces boues.

Combien d’années seront nécessaires avant une réaction à la hauteur des enjeux ? Faut-il laisser faire le développement des usages de masse ou bien tirer les enseignements d’expériences similaires (nitrates, etc.) ?

Beaucoup de questions encore sans réponses

En définitive, beaucoup de questions restent en effet sans réponse à ce jour :

  •  Quel est le volume de nanomatériaux utilisés dans le domaine agricole ?
  •  Qu’est-ce qui est « nano » dans les pesticides et engrais ? Est-ce la matière active ? Est-ce un ingrédient dans la formulation ?
  •  Pourquoi les fabricants de produits phytosanitaires y ont-ils recours ? Quels sont les bénéfices attendus ?
  • Quelle est l’influence de la taille des particules actives sur les propriétés des formulations? C’est annoncé plus précis et mieux ciblé donc plus efficace, mais que se passe-t-il après la délivrance de la substance?
  • Quels risques ont été identifiés ? Quelles sont les mesures de précautions prises ? Avec quel degré de fiabilité ?
  • Pour qui ? comment ? quand ? où ?
  • Y a-t-il des anticipations de seuils d’usages comme pour d’autres produits (cf. par exemple la directive nitrates, la limitation d’utilisation d’herbicides) ?

Une étude publiée en 2018 dans Nature Nanotechnology le confirme :

« Actuellement, il n’existe aucune étude scientifique solide qui a analysé l’efficacité des formulations contenant des nanoparticules et leur impact sur l’environnement dans des conditions de plein champ. Ceci constitue une lacune cruciale dans nos connaissances et rend actuellement impossible une évaluation approfondie et globale. Des travaux de recherche supplémentaires à cet effet s’avèrent nécessaires5Cf. Nanoparticules dans les produits phytosanitaires et les engrais: une étude présente l’état des connaissances, Agroscope, 7 mai 2018 (A critical evaluation of nanopesticides and nanofertilizers against their conventional analogues, Nature Nanotechnology, Kah M et al., 2018)« .

C’est pourquoi en juillet 2022, AVICENN a envoyé une proposition de sujet d’étude intitulé « Information on nano-enabled pesticides and fertilizers« , en partenariat avec CIEL, ClientEarth, EEB et HEAL, à l’Observatoire européen des nanomatériaux (EUON) en réponse à une sollicitation publique de cet organisme rattaché à l’Agence européenne des produits chimiques.

Quelques jours plus tard, une mise en garde de chercheurs indiens a été publiée :

« les nanotechnologies impliquent souvent l’utilisation de nanoparticules de métal ou d’oxyde métallique, qui peuvent pénétrer dans le corps humain et s’y accumuler par bioamplification. Bien que leurs effets sur la santé humaine ne soient pas connus, les nanoparticules peuvent atteindre des concentrations toxiques dans le sol et s’écouler dans les rivières et autres plans d’eau, leur élimination devenant un énorme fardeau économique »6Cf. A comprehensive overview of nanotechnology in sustainable agriculture, Arora S et al., Journal of Biotechnology, 355 : 21-41, août 2022.

→ Depuis, d’autres publications encore sont parues, appelant elles aussi, de nouveau, à une plus grande vigilance sur les nanos dans les produits phytos.

Suite à la sélection de la proposition d’AVICENN, la société Innovamol a été sélectionnée pour réaliser l’étude Nanotechnology in Agriculture: A Review of Safety and Policy Implications pour le compte de l’Observatoire européen des nanomatériaux (EUON), avec un rapport attendu courant 2024.

Le développement massif des nanomatériaux, sans autre mesure pour mieux connaître et circonscrire le relargage aujourd’hui anarchique des nanomatériaux, ressemblerait à s’y méprendre à une bombe à retardement. C’est pourquoi les voix s’élèvent depuis une quinzaine d’années pour réclamer une meilleure anticipation et régulation des usages des nanomatériaux. Afin de ne pas renouveler les erreurs du DDT, de l’atrazine ou encore des insecticides « néonicotinoïdes », il est important de mieux connaître et encadrer les produits utilisés par les agriculteurs afin de mieux pronostiquer et minimiser les risques. Car une solution isolée peut devenir un problème si tous les agriculteurs épandent les mêmes produits au même moment sur un même territoire. L’agriculture a déjà été confrontée à de tels dilemmes et des pratiques de gestion collectives existent, de façon contrainte ou volontaire selon les lieux et les sujets.

Ailleurs sur le web

 

Une remarque, une question ? Cette fiche réalisée par AVICENN a vocation à être complétée et mise à jour. N'hésitez pas à apporter votre contribution.

Les prochains RDV nanos

12
Déc.
2024
Bonnes pratiques en matière de prévention des risques liés aux nanomatériaux : sensibilisation et mise en situation en laboratoire  (C’Nano, Paris – France)
Paris
Formation
6
Oct.
2025
Caractériser et prévenir les risques liés aux nanomatériaux manufacturés et particules ultrafines (INRS, Vandœuvre-Lès-Nancy – France)
Nancy
Formation
  • Formation destinée aux médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), préventeurs d’entreprise, agents des services prévention des Carsat, Cramif et CGSS, préventeurs institutionnels (Dreets, Dreal, MSA…)
  • Organisateur : Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
  • Du 6 au 10 octobre 2025
  • Site internet : www.inrs.fr/…/formation/…JA1030_2025

Cette fiche a été initialement mis en ligne en juillet 2017.

Notes and references

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