Après le fiasco d’EpiNano, quelle protection des travailleurs exposés aux nanomatériaux ?

Après dix ans de difficultés de mise en oeuvre, le dispositif français EpiNano de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux a été définitivement enterré. Dans un rapport publié fin juin, Santé publique France (SpF) dresse un constat d’échec : l’organisme qui avait été chargé de recruter et suivre sur la durée une cohorte de travailleurs n’a pas pu mener à bien cette mission. Quelles sont les raisons de ce fiasco ? Et quelles mesures déployer pour assurer une identification et une protection effectives des travailleurs qui manipulent, souvent sans le savoir, ces substances à leurs risques et périls ?

Un bilan sans appel

Dans son rapport « Dispositif national EpiNano – Bilan et perspectives » rendu public le 27 juin, Santé publique France dresse un tableau sans équivoque sur l’échec du programme dont l’organisme avait été chargé plus de dix ans auparavant.

Dès le début de son entrée en vigueur en 2014, le dispositif EpiNano a été confronté à des difficultés dans la constitution d’une cohorte de travailleurs exposés aux nanomatériaux. Les ajustements apportés en 2016 d’abord, puis 2017 et 2021 ensuite, n’y ont rien changé. En 2024, au bout de dix ans d’efforts, seules 26 entreprises participaient au programme, pour un total de 630 travailleurs seulement, loin – très loin ! – du volume nécessaire pour mener des études épidémiologiques.

Ananomie d’un échec

Les difficultés s’expliquent facilement : le recrutement reposait sur le seul bon vouloir des entreprises, aucune obligation légale n’ayant été mise en place pour obliger les entreprises manipulant des nanomatériaux à inscrire leurs travailleurs dans la cohorte d’EpiNano.

Santé publique France relève que les TPE/PME ont davantage joué le jeu, alors que, d’après les données disponibles dans le registre R-Nano, des établissements de grande dimension seraient concernés par au moins l’une des 4 familles de substances sélectionnées dans le cadre d’EpiNano (silice, dioxyde de titane, noir de carbone et nanotubes de carbone).

Autres obstacles de taille au succès du dispositif :

  • les médecins inspecteurs du travail (MIT) n’ayant pas accès à la base R-Nano, ils n’ont pas pu se rapprocher des entreprises de leur territoire pour les encourager – et encore moins pour les contraindre – à s’engager dans EpiNano ;
  • en outre, la base R-Nano ne contenant que des informations relatives aux substances déclarées, elle ne permet d’identifier ni les postes exposants aux nanomatériaux dans les entreprises, ni les travailleurs intervenant à ces postes ;
  • la lourdeur du dispositif et la complexité du recueil de données (avec, à la clé, des proportions importantes de données manquantes) ont également entravé la qualité du faible nombre d’informations collectées.

Trois leviers pour l’avenir

En guise de perspectives à la fin de son rapport, Santé publique France a formalisé plusieurs leviers :

1 – renforcer la prévention des risques pour la santé des travailleurs :

→ une meilleure caractérisation et connaissance des postes de travail, via des mesurages, pour permettre une meilleure adaptation des équipements de protection collective (EPC) et/ou individuelle (EPI)

→ une meilleure information et formation des travailleurs aux risques spécifiques de leur exposition professionnelle aux nanomatériaux.

2 – promouvoir la surveillance sanitaire, la recherche, la gestion et prévention des risques sanitaires

→ rendre obligatoire la déclaration par les entreprises :
– des postes exposants
– des travailleurs exposés aux nanomatériaux

3 – favoriser l’acquisition de connaissances

via des études de recherche rétrospectives de morbi-mortalité dans des établissements producteurs de nanomatériaux préoccupants, afin de documenter d’éventuels liens entre l’exposition à ces substances et d’éventuels événements sanitaires en termes de morbidité et de mortalité

via la poursuite de travaux méthodologiques visant à développer des biomarqueurs d’exposition ou d’effet pouvant être utilisés dans des études de biosurveillance

via des études de métrologie d’ambiance aux postes de travail, afin d’apporter un complément d’informations concernant le niveau d’exposition des travailleurs.

NB : Comme pour les récentes préconisations de l’ANSES relatives au registre r-nano, un ajustement de la réglementation encadrant le dispositif EpiNano sera nécessaire pour rendre possibles ces recommandations en phase avec les demandes d’AVICENN depuis des années. Lors du comité de dialogue « nanomatériaux et santé » de l’ANSES le 27 juin, AVICENN a affirmé son soutien à ces mesures et interpellé les représentants du ministère du travail et du ministère de la transition écologique pour qu’ils les mettent en application. Reste à trouver le bon véhicule législatif et la volonté politique pour le faire.

AVICENN va recueillir les réactions d’autres acteurs et les rajouter ci-après dans les jours qui viennent. A suivre donc !

Les prochains RDV nano

1
Juil.
2025
Maîtrise des risques liés aux nanomatériaux (CEA, En ligne)
En ligne
Formation
  • Programme de e-learning : sensibilisation destinée aux personnels au contact de nanomatériaux en phase de recherche, formulation, production, maintenance, nettoyage, entretien… ainsi qu’aux animateurs ou ingénieurs de sécurité, chefs d’installation, chefs de laboratoires où sont manipulées des nanoparticules.
  • Organisateur : INSTN Grenoble (CEA)
  • Au programme :
    • 1 – Introduction, définition et caractéristiques des nanomatériaux
    • 2 – Toxicité des nanomatériaux : l’état des connaissances
    • 3 – Métrologie et caractérisation des nanomatériaux
    • 4 – Moyens de prévention et de protection des nanomatériaux au poste de travail
    • 5 – Quiz : évaluation des acquis d’apprentissage
  • La formation de 2h est consultable pendant un mois à partir de la date d’inscription.
  • Site internet : https://instn.cea.fr/…risques-lies-aux-nanomateriaux…
23
Juil.
2025
23e conférence internationale sur les nanomatériaux avancés (ANM, Université d’Aveiro – Portugal)
Braga
Conférence
  • Conférence scientifique
  • 23e conférence internationale sur les nanomatériaux avancés (ANM, Université d’Aveiro – Portugal)
  • Du 23 au 25 juillet 2025
  • Site internet : www.advanced-nanomaterials-conference.com  

1
Août
2025
Maîtrise des risques liés aux nanomatériaux (CEA, En ligne)
En ligne
Formation
  • Programme de e-learning : sensibilisation destinée aux personnels au contact de nanomatériaux en phase de recherche, formulation, production, maintenance, nettoyage, entretien… ainsi qu’aux animateurs ou ingénieurs de sécurité, chefs d’installation, chefs de laboratoires où sont manipulées des nanoparticules.
  • Organisateur : INSTN Grenoble (CEA)
  • Au programme :
    • 1 – Introduction, définition et caractéristiques des nanomatériaux
    • 2 – Toxicité des nanomatériaux : l’état des connaissances
    • 3 – Métrologie et caractérisation des nanomatériaux
    • 4 – Moyens de prévention et de protection des nanomatériaux au poste de travail
    • 5 – Quiz : évaluation des acquis d’apprentissage
  • La formation de 2h est consultable pendant un mois à partir de la date d’inscription.
  • Site internet : https://instn.cea.fr/…risques-lies-aux-nanomateriaux…