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Risques associés à l’ingestion de nanoparticules de dioxyde de titane

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Risques associés à l’ingestion de nanoparticules de dioxyde de titane

Par l’équipe AVICENN – Dernière modification en juin 2024

Le dioxyde de titane (TiO2) est un colorant blanc, sous forme de poudre à l’état brut, dont une grande partie des particules est de taille nanométrique1i.e inférieure à 100 nanomètres (1 nm = 0,001 µm = 1 milliardième de mètre). Il a été interdit dans les denrées alimentaires en France en 2020 puis dans l’ensemble de l’Union européenne en 2022 suite à des suspicions de carcinogénicité au niveau du côlon et de son risque génotoxique

Le dioxyde de titane reste autorisé pour l’instant, à l’échelle non nano, pour d’autres usages cosmétiques par voie orale, comme les dentifrices ou les rouges et baumes à lèvres (où il peut être repéré par le code CI 77891)2Un avis du Comité européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) est attendu sur ce point prochainement..

Concernant les médicaments (où il peut être identifié avec le code E171), la Commission européenne a posé les jalons pour une interdiction qui pourrait entrer en vigueur à partir de 2025 : insistant sur le fait qu’“il est crucial que l’industrie pharmaceutique fasse tous les efforts possibles pour accélérer la recherche et le développement de solutions alternatives qui remplaceraient le dioxyde de titane (E171) dans les médicaments”3Voir notre fiche « Vers la suspension du dioxyde de titane dans les cosmétiques et les médicaments ? » pour plus d’informations.

Quelle absorption, diffusion et accumulation dans le corps du TiO2 pendant et après l’ingestion ?

Les recherches menées en laboratoire ont montré que les nanoparticules de TiO2 peuvent être absorbées par la muqueuse buccale4Voir :
Food-grade titanium dioxide translocates across the buccal mucosa in pigs and induces genotoxicity in an in vitro model of human oral epithelium, Vignard J et al., Nanotoxicology, 2023 : « The data presented here provide evidence that under realistic exposure conditions in terms of dose and duration of exposure, food-grade TiO2 may translocate through the oral mucosa in an in vivo pig model of buccal mucosa that is close to the human mouth. We also report the high permeability of human buccal epithelial cells to TiO2 particles in vitro. After these cells were exposed to the food additive for 2 h, TiO2 particles generated oxidative and genotoxic stresses that were detrimental to proliferating cells mainly. This raises the issue of possible adverse consequences regarding the constant turnover of the buccal mucosa or during wound repair and regeneration. »  
The buccal mucosa as a route for TiO2 nanoparticle uptake, Teubl et al., Nanotoxicology, 2015
, traverser la barrière intestinale5Voir :
–  Jejunal villus absorption and paracellular tight junction permeability are major routes for early intestinal uptake of food-grade TiO2 particles: an in vivo and ex vivo study in mice, Coméra et al., Particle and Fibre Toxicology, 2020
Repeated administration of the food additive E171 to mice results in accumulation in intestine and liver and promotes an inflammatory status, Talamini et al., Nanotoxicology, 2019 : « Significant accumulation of titanium was observed in the liver and intestine of E171-fed mice; in the latter a threefold increase in the number of TiO2 particles was also measured. Titanium accumulation in liver was associated with necroinflammatory foci containing tissue monocytes/macrophages. Three days after the last dose, increased superoxide production and inflammation were observed in the stomach and intestine. Overall, the present study indicates that the risk for human health associated with dietary exposure to E171 needs to be carefully considered »
, se distribuer dans le sang6Voir :
Pharmaceutical/food grade titanium dioxide particles are absorbed into the bloodstream of human volunteers, Pele et al, Particle and Fibre Toxicology, 2015
 et s’accumuler dans divers organes7Voir:
Silicon Dioxide and Titanium Dioxide Particles Found in Human Tissues, Peters et al., Nanotoxicology 14, 2020
Quantitative biokinetics of titanium dioxide nanoparticles after oral application in rats Kreyling et al, Nanotoxicology, 2017: les auteurs ont observé le passage de la barrière gastro-intestinale pour une faible fraction de TiO2 chez la rate (0,6% de la dose administrée), qui se retrouve après 7 jours accumulée dans différents organes, principalement, le foie, les poumons, les reins, le cerveau, la rate, l’utérus et le squelette (cité par le HCSP dans son rapport Bilan des connaissances relatives aux effets des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) sur la santé humaine ; caractérisation de l’exposition des populations et mesures de gestion, avril 2018)
 (foie, rein, rate, estomac, cerveau,  poumons, testicules, ovaires, utérus, placenta, glandes mammaires, etc.) avec une possible transmission de la mère à la descendance pendant la grossesse8Nanoparticules de dioxyde de titane : le E171 traverse la barrière placentaire, INRAE, 7 octobre 2020 ; Basal Ti level in the human placenta and meconium and evidence of a materno-foetal transfer of food-grade TiO2 nanoparticles in an ex vivo placental perfusion model, Guillard et al, Particle and Fibre Toxicology, 2020  et l’allaitement9Toxic effects of TiO2 NPs in the blood-milk barrier of the maternal dams and growth of offspring, Yao et al, Ecotoxicology and Environmental Safety, 2021 : « Collectively, this study presented the deleterious pathological effects of oral exposure to TiO2 NPs in the mammary gland tissues and blood-milk barrier via the production of reactive oxygen species (ROS) in dams and developmental concerns in offspring. ».

Quels effets indésirables liés à l’ingestion de TiO2 ?

Les études qui s’accumulent  font état

* Dans son avis scientifique sur le dioxyde de titane (TiO2) 1661/23 de mai 2024, le Comité européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) considère que les données fournies par l’industrie pour 44 TiO2 pigmentaires et 40 TiO2 nanos, ne sont pas suffisantes pour exclure le potentiel de génotoxicité de presque tous les types de TiO226(82 sur 84) utilisés dans les produits cosmétiques oraux et que davantage de données expérimentales sont donc nécessaires pour exclure le potentiel de génotoxicité des qualités de TiO2 (pigmentaires et nano) utilisées dans les produits cosmétiques oraux, à l’exception de deux TiO2 nano27(RM09 et RM11, pour lesquels les données de génotoxicité fournies n’indiquent aucun problème de génotoxicité).
Le CSSC ajoute également que, compte tenu du fait que les cellules de la muqueuse buccale sont susceptibles d’absorber des nanoparticules (y compris des nanoparticules de TiO2) et que certains produits buccaux tels que les dentifrices contenant des nanoparticules de TiO2, tels que les dentifrices, seront utilisés tous les jours et potentiellement plus d’une fois par jour, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour exclure le risque pour le consommateur d’expositions répétées à long terme de la muqueuse buccale aux nanoparticules de TiO2.

Plus généralement…

Les publications scientifiques sur les risques sanitaires associés aux nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) s’accumulent depuis une vingtaine d’années maintenant. Dès 2006 puis de nouveau en 2019, le TiO2 a notamment été classé comme cancérogène possible par inhalation, respectivement par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et par la Commission européenne. Cette classification est contestée par des entreprises fabriquant ou utilisant du TiO2, alors qu’elle permet pourtant l’information des travailleurs sur les risques auxquels ils sont exposés afin qu’ils puissent mieux se protéger. 

Les nanoparticules de TiO2 ont un rythme d’élimination lent, ce qui soulève des inquiétudes quant aux impacts à long terme des expositions répétées et de la bioaccumulation de ces particules28Avis de l’ANSES relatif relatif à l’évaluation du risque de la fraction nanométrique de l’additif alimentaire E171, 27 octobre 2022. D’autant plus que celles qui ne sont pas stockées dans le corps humain mais excrétées et évacuées dans les eaux usées présentent un risque de toxicité pour les écosystèmes terrestres et aquatiques lors de leur dispersion dans l’environnement29Voir:
Getting fat and stressed: Effects of dietary intake of titanium dioxide nanoparticles in the liver of turbot Scophthalmus maximus, Fonseca et al., Journal of Hazardous Materials, Volume 548, 2023
Toxicity of TiO2 nanoparticles to the marine microalga Chaetoceros muelleri Lemmermann, 1898 under long-term exposure, Bameri L et al., Environmental Science and Pollution Research, 29 : 30427–30440, 2022
Proteomics reveals multiple effects of titanium dioxide and silver nanoparticles in the metabolism of turbot, Scophthalmus maximus, Araújo MJ et al., Chemosphere, 2022
Zinc oxide, titanium dioxide and C60 fullerene nanoparticles, alone and in mixture, differently affect biomarker responses and proteome in the clam Ruditapes philippinarum, Marisa I et al., Science of the Total Environment, 838 (2), 2022
Toxicity of titanium nano-oxide nanoparticles (TiO2) on the pacific oyster, Crassostrea gigas: immunity and antioxidant defence, Arash Javanshir Khoei et Kiadokht Rezaei, Toxin Reviews, 41, 2022
. Il est également scientifiquement avéré, bien que encore sous-évalué, que les (nano)particules de dioxyde de titane, combinées à d’autres substances (pesticides, nano-plastiques, nanoparticules de silice,…) peuvent entraîner des « effets cocktails »30Voir : 
Estimation of genomic and mitochondrial DNA integrity in the renal tissue of mice administered with acrylamide and titanium dioxide nanoparticles, Mohammed et al. Scientific reports, 2023
TiO2 nanoparticles combined with polystyrene nanoplastics aggravated reproductive toxicity in female mice via exacerbating intestinal barrier disruption, Zhang et al., Journal of the Science of food and agriculture, 2023
Nanoplastics enhance the toxic effects of titanium dioxide nanoparticle in freshwater algae Scenedesmus obliquus, Das et al., Comparative Biochemistry and Physiology Part C: Toxicology & Pharmacology, Volume 2056, 2022
plus néfastes que les effets de ces substances prises isolément.

Des revues de la littérature pour aller + loin

Quelques mises-en-gardes et prises de positions par des scientifiques : 

  • Dans une étude publiée en 2022, des chercheurs de l’université de Franche-Comté concluent que « L’ajout de nanoparticules dans les aliments simplement pour des raisons ‘esthétiques’ devrait être reconsidéré… »31Cf Ingestion of titanium dioxide nanoparticles: a definite health risk for consumers and their progeny, Cornu R, Arch Toxicol. 2022 : « the addition of NPs to food simply for “aesthetic” reasons should be reconsidered… ».
  • Dans une revue de la littérature publiée en 2021 sur les risques liés à l’ingestion de nanoparticules de dioxyde de titane, des chercheurs de l’Institut National de la Santé portugais réaffirment que «  Dans l’ensemble, les résultats [AOP qui font apparaître le cancer colorectal, les lésions hépatiques, la toxicité pour la reproduction, les lésions cardiaques et rénales, ainsi que les effets hématologiques comme des effets néfastes possibles] soutiennent une limitation de l’utilisation des NP de TiO2 dans l’alimentation » 32« From the results, AOPs were proposed where colorectal cancer, liver injury, reproductive toxicity, cardiac and kidney damage, as well as hematological effects stand out as possible adverse outcomes. The recent transgenerational studies also point to concerns with regard to population effects. Overall, the findings further support a limitation of the use of TiO2-NPs in food, announced by the European Food Safety Authority (EFSA). Cf Adverse Outcome Pathways Associated with the Ingestion of Titanium Dioxide Nanoparticles—A Systematic Review, Rolo et al., Nanomaterials, 2022″
  • Le communiqué de l’INRAE alerte « sur l’importance d’évaluer le risque quant à la présence de nanoparticules dans cet additif commun face à l’exposition avérée de la femme enceinte » étant donné que l’exposition de la femme enceinte au dioxyde de titane conduit à une accumulation de nanoparticules de TiO2 dans le placenta et à une contamination du foetus, selon une étude menée par des scientifiques de l’INRAE, du LNE, du Groupe de Physique des Matériaux de Rouen, du CHU de Toulouse, de l’Université de Picardie Jules Verne et de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse et publiée en octobre 2020
  • Selon Laurence Macia de l’université de Sydney, « le dioxyde de titane interagit avec les bactéries intestinales et altère certaines de leurs fonctions, ce qui peut entraîner l’apparition de maladies. Sa consommation devrait être mieux réglementée par les autorités alimentaires » 33Cf. Common food additive found to affect gut microbiota, The University of Sydney, 13 mai 2019 et Impact of the Food Additive Titanium Dioxide (E171) on Gut Microbiota-Host Interaction, Pinget G. et al., Front. Nutr., 2019(mai 2019).
  • Selon Fabrice Nesslany, de l’Institut Pasteur, « l’utilité est tellement faible, et avec les doutes qui peuvent quand même subsister aujourd’hui (…), ça ne sert à rien, donc dans l’attente d’études plus consolidées, ne l’utilisons pas » (novembre 2018)34Cf. Vidéo de Fabrice Nesslany (Institut Pasteur de Lille) au Colloque nano à la Maison de la Chimie, 7 novembre 2018.
  • Selon Héloïse Proquin de l’Université de Maastricht aux Pays-Bas35Beyond the white: effects of the titanium dioxide food additive E171 on the development of colorectal cancer, Proquin, H, Maastricht: Gildeprint Drukkerijen, 2018, « la classification de E171 comme exempt d’effets toxiques en raison de son insolubilité et de son inertie n’est plus valable (…) ; la présence d’une inflammation constatée dans des modèles animaux après l’ingestion de E171 pourrait aggraver les maladies inflammatoires de l’intestin et ses effets indésirables sur le développement du cancer colorectal. Par conséquent, nous recommandons que les expériences (…) mettant l’accent sur les tests sur l’homme, soient effectuées pour une évaluation plus approfondie de E171 sur ses effets néfastes potentiels sur l’amélioration du cancer, la dérégulation du système immunitaire et l’inflammation ».
  • Dans une étude publiée en 2017 dans la revue Experimental and Toxicologic Pathology, les chercheurs alertent sur les conséquences potentiellement dévastatrices de l’exposition aux nanoparticules : « Ces résultats fournissent des preuves solides selon lesquelles l’exposition maternelle aux nanoparticules de TiO2 impacte significativement la neurogenèse et l’apoptose dans l’hippocampe de la progéniture. Les conséquences potentielles de l’exposition aux nanoparticules pour des millions de mères enceintes et de leurs descendants à travers le monde sont potentiellement dévastatrices« (problèmes respiratoires, cardiovasculaires ou encore neurologiques, retards de croissance, modifications comportementales, etc.)36En anglais : « These findings provide strong evidence that maternal exposure to TiO2-NPs significantly impact hippocampal neurogenesis and apoptosis in the offspring. The potential impact of nanoparticle exposure for millions of pregnant mothers and their offspring across the world is potentially devastating ». Cf Maternal exposure to titanium dioxide nanoparticles during pregnancy and lactation alters offspring hippocampal mRNA BAX and Bcl-2 levels, induces apoptosis and decreases neurogenesis, Ebrahimzadeh Bideskan A. et al., Exp Toxicol Pathol., 5;69(6): 329-337,  2017
  • Selon Gerhard Rogler de l’Université de Zurich, « les patients présentant un dysfonctionnement de la barrière intestinale, comme dans la colite, devraient s’abstenir d’aliments contenant du dioxyde de titane » (juillet 2017)37Cf. Titanium Dioxide Nanoparticles Can Exacerbate Colitis, University of Zurich, 19 juillet 2017 : Des chercheurs de l’université de Zurich tirent la sonnette d’alarme sur les inflammations et dommages créés par les nanoparticules de dioxyde de titane sur le mucus intestinal de souris. Ils recommandent aux personnes atteintes de colites d’éviter les aliments contenant ces particules de dioxyde de titane..
  • Selon Francelyne Marano, de l’Université Paris-Diderot, « quand leur ajout ne correspond pas à un besoin précis autre que l’amélioration de l’attractivité du produit, par exemple dans les bonbons ou les chewing-gums (…), [les nanoparticules de dioxyde de titane] devraient être interdites car elles n’apportent aucun avantage » (2016 et 2018)38Cf. Francelyne Marano, Faut-il avoir peur des nanos ?, Buchet Chastel, avril 2016. Voir aussi plus récemment son intervention lors du Débat Santé Environnement : « Substances chimiques : l’Europe nous protège-t-elle ? » au Ministère de la Transition écologique et solidaire, (1h55min), 18 octobre 2018.

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Les prochains RDV nanos

12
Déc.
2024
Bonnes pratiques en matière de prévention des risques liés aux nanomatériaux : sensibilisation et mise en situation en laboratoire  (C’Nano, Paris – France)
Paris
Formation
4
Avr.
2025
Techniques avancées de caractérisation des nanomatériaux (Nano2025, Rome – Italie)
Rome
Congrès
  • Advanced Characterization Techniques in Nanomaterials and Nanotechnology 
  • 10th European Congress on Advanced Nanotechnology and Nanomaterials
  • Website: https://nanomaterialsconference.com
6
Oct.
2025
Caractériser et prévenir les risques liés aux nanomatériaux manufacturés et particules ultrafines (INRS, Vandœuvre-Lès-Nancy – France)
Nancy
Formation
  • Formation destinée aux médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), préventeurs d’entreprise, agents des services prévention des Carsat, Cramif et CGSS, préventeurs institutionnels (Dreets, Dreal, MSA…)
  • Organisateur : Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
  • Du 6 au 10 octobre 2025
  • Site internet : www.inrs.fr/…/formation/…JA1030_2025

Cette fiche a été initialement créée en mai 2018


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