Avis de travaux sur les nanos au niveau européen  

L’ECHA met le turbo sur les nanos : elle vient de publier trois appels d’offres en vue de faire réaliser des travaux sur les nanos et leurs risques. 

Une revue des connaissances sur les phytos et engrais nano-additivés 

L’ Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié un premier avis d’appel d’offres pour réaliser un point des connaissances sur les nanomatériaux dans les produits phytosanitaires et les engrais. Les potentiels prestataires ont jusqu’au 1er mars 2023 pour manifester leur intérêt, puis jusqu’au 17 mars 2023 (date à confirmer par l’ECHA) pour détailler leur proposition.

Un sujet proposé par AVICENN et d’autres ONGs européennes

Ce sujet d’étude avait été proposé par AVICENN et co-signé par CIEL, Clientearth, EEB et HEAL en juillet 2022, dans le cadre d’un appel à sujets organisé par l’Observatoire Européen des Nanomatériaux (EUON). L’étude commanditée devra : 

• collecter, analyser et organiser l’information sur les pesticides et engrais nano-additivés destinés à l’agriculture. 
• tirer des conclusions générales sur les risques potentiels qui y sont associés et les défis liés aux tests de ces produits. 
• évaluer et discuter de l’adéquation des outils et du cadre réglementaire actuels pour assurer l’identification et la sécurité de ces substances et produits.

Il existe en effet un inquiétant déficit de connaissances concernant l’utilisation de nanos dans le secteur agricole et les risques qui y sont associés. L’agriculture est le secteur d’utilisation qui arrive en tête dans le registre français r-nano (en nombre de déclarations ; pour le volume, l’information n’existe pas) et fait l’objet de nombreux efforts de recherche et de développement nano. Pourtant, ces nanos ne sont à l’heure actuelle, soumis à aucune obligation d’étiquetage [nano] et très peu d’études explorent les limites potentielles de ces substances, les risques sanitaires pour les travailleurs agricoles, les risques de contamination environnementale, ainsi que les risques pour la santé des consommateurs finaux. À suivre… ! 

Une revue des connaissances sur le relargage de nanos par les produits qui en contiennent

Un deuxième appel d’offres est prévu par l’ECHA pour la réalisation d’une étude sur le relargage des nanomatériaux en provenance d’articles et produits en contenant et sur la potentielle toxicité des nanoparticules libérées. L’étude commanditée par l’ECHA a pour objectif d’examiner et de collecter des données sur : 

• la façon et les formes sous lesquelles ces nanos sont libérés, 
• leur devenir après relargage et les enjeux (éco)toxicologiques qui y sont associés. 

Le délai pour manifester un intérêt est le 6 mars 2023. 

Comprendre et évaluer la propension des nanos à se détacher des produits et des supports sur lesquels ils sont censés être attachés (pendant l’utilisation ou lors de l’altération de ces produits tout au long de leur cycle de vie), reste un défi majeur dans l’évaluation des risques nanos. À l’heure actuelle, il est difficile – voir impossible – d’avoir une idée précise du niveau d’exposition aux nanos des consommateurs de produits qui en contiennent. 

Le projet Renaame en France et en Belgique sur le relargage des nanos par les masques est un pas en ce sens, financé par les autorités françaises. Il faudrait multiplier ce type de projets pour étudier le relargage de nanos par tous les autres produits (alimentation, emballages, cosmétiques, textiles, peintures, etc). Ceci d’autant plus qu’il y a des enjeux réglementaires à la clé :  les nanoparticules de dioxyde de titane greffées sur des plaques de mica,  dans les produits cosmétiques, sont ainsi sur le point d’être exclues de la définition du terme nanomatériaux dans le futur Règlement cosmétiques (et donc de l’obligation d’étiquetage [nano]) au motif qu’elle seraient “attachées” aux plaques de mica… sans qu’on en ait aujourd’hui la preuve.

Des revues de la littérature mais pas de nouvelles données…

Malheureusement ces deux études consisteront principalement à réaliser des revues de la littérature en se basant sur les informations publiques existantes, et non pas à entreprendre des travaux de recherche supplémentaires, pourtant essentiels pour combler le manque de données et de connaissances vis-à-vis des applications nanos et des risques qui y sont associés. 

À quand de vrais financements dédiés pour ce type de recherches afin de répondre aux questions et préoccupations sociétales sur le sujet ?

Un troisième appel d’offre (déjà lancé) sur l’évaluation des risques nanos dans REACH

Dans le cadre de la révision du règlement REACH à venir, un autre appel d’offres a également été lancé par l’ECHA pour réaliser un travail sur l’évaluation des risques des nanomatériaux sur la base de leur regroupement en fonction de critères toxicologiques. 

REACH reste en effet un dispositif encore très inefficace pour l’encadrement des nanos commercialisés en Europe. L’objectif principal de l’étude commanditée par l’ECHA est donc d’aboutir à un ensemble de critères de regroupement en vue d’une potentielle révision des modalités d’enregistrement et d’évaluation des nanos dans REACH.  

Le défi est de taille : les nanomatériaux sont particulièrement difficiles à regrouper (en comparaison avec d’autres substances chimiques conventionnelles) car il faut prendre en compte davantage de paramètres pour démontrer une similarité structurelle entre deux nanomatériaux, et alors même que leurs propriétés physico-chimiques évoluent tout au long du cycle de vie. 

À suivre donc…