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VeilleNanos - Révision de la définition du terme "nanomatériau" par la Commission européenne

Révision de la définition du terme « nanomatériau » par la Commission européenne

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Révision de la définition du terme « nanomatériau » par la Commission européenne (2014-2022)

Par l’équipe AVICENN – Dernière modification octobre 2023

Le résultat de la révision de la recommandation de définition du terme « nanomatériau » a été publié en juin 2022 ; il signe la fin d’un long suspense (la révision était attendue depuis 2014 !) et le début d’une nouvelle aventure : les clarifications annoncées ne sont pas nécessairement au rendez-vous et il y a fort à parier que les querelles n’ont pas fini de fleurir sur la qualification (ou pas) de certaines substances au titre de « nanomatériau »…

La recommandation de définition « révisée » a été publiée en juin 2022

Le 10 juin 2022, la Commission a publié sa recommandation révisée de définition du terme « nanomatériau », qui vient remplacer sa précédente recommandation de 2011. Elle est rédigée comme suit :

On entend par « nanomatériau » un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, constitué de particules* solides qui sont présentes soit individuellement soit en tant que particules constitutives identifiables dans des agrégats** ou des agglomérats**, 50 % au moins de ces particules, dans la répartition numérique par taille, répondant au moins à l’une des conditions suivantes :

(a) une ou plusieurs dimensions externes de la particule* se situent dans la fourchette de 1 nm à 100 nm

(b) la particule* présente une forme allongée, telle que celle d’un bâtonnet, d’une fibre ou d’un tube, deux dimensions externes étant inférieures à 1 nm et l’autre dimension supérieure à 100 nm

(c) la particule* présente une forme de plaque, une dimension externe étant inférieure à 1 nm et les autres dimensions supérieures à 100 nm.

Pour déterminer la répartition numérique par taille des particules, il n’est pas nécessaire de prendre en considération les particules ayant au moins deux dimensions externes orthogonales supérieures à 100 μm.

Un matériau présentant une surface spécifique en volume inférieure à 6 m2/cm3 n’est toutefois pas considéré comme un nanomatériau.

* « particule » : un minuscule fragment de matière possédant des contours physiques bien définis; les molécules uniques ne sont pas considérées comme des «particules»

** « agrégat » : une particule constituée de particules soudées ou fusionnées

*** « agglomérat » : un amas friable de particules ou d’agrégats dont la surface externe globale correspond à la somme des surfaces de ses constituants individuels.

Un chantier lent et fastidieux, en retard de 8 ans

Pour rappel, cette révision aurait dû avoir lieu en… 2014 ! En 2011, la Commission Européenne avait publié une première recommandation de définition qui avait fait couler beaucoup d’encre. Il était prévu dès le départ que cette définition serait, le cas échéant, amenée à évoluer à partir de 2014. Au final, après des années d’atermoiements et de reports, cette nouvelle définition a été publiée mi-2022, soit huit ans après l’échéance prévue.

Chronologie d'une révision maintes fois repoussée

Lors de la 12ème réunion du CASG nano de mars 2014, la Commission européenne avait confirmé que cette recommandation de 2011 allait être revue conformément à ce qui était prévu.

Le, même mois, le Centre commun de recherche (JRC) avait organisé un atelier technique à ce sujet, puis piloté une discussion scientifique sur les défis posés par l’application de la définition dans les réglementations européennes et publié différents rapports et recommendations visant à améliorer le contenu et la mise en œuvre de la future définition1En 2014 et 2015 le JRC a publié un premier rapport d’analyse (Voir : Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term « nanomaterial » – Part 1: Compilation of information concerning the experience with the definition, JRC, mars 2014), suivi d’un rapport d’évaluation (Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term « nanomaterial » – Part 2: Assessment of collected information concerning the experience with the definition, JRC, septembre 2014) puis d’un troisième rapport de recommandations visant à améliorer le contenu et la mise en œuvre de la future définition (Voir Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term « nanomaterial »: Part 3: Scientific-technical evaluation of options to clarify the definition and to facilitate its implementation, JRC, juillet 2015).

La consultation publique a été repoussée à 2015, puis 2016 et en octobre 2020, après moult rebondissements2Début mai 2017, les bruits de couloir faisaient état d’une publication imminente… et début juillet, la presse spécialisée évoquait une publication pendant l’été. La Commission a notamment confirmé, mi-mars 2017, devant le Casg nano, que son projet de révision serait soumis à une consultation publique de 6 semaines après sa publication, afin d’être adopté au second semestre 2017 et accompagné d’une notice explicative réalisée par le Centre commun de recherche (JRC) rattaché à la Commission. Une consultation du public et des parties prenantes sur la « feuille de route » a bien eu lieu de mi-septembre à mi-octobre 2017, mais elle portait sur la méthode, les objectifs et les principes généraux guidant l’élaboration de la définition révisée, davantage que sur le contenu précis de la nouvelle définition. 18 contributions ont été apportées, par des industriels, des agences environnementales et quelques citoyens anonymes. La feuille de route fait mention d’une consultation de 12 semaines au premier trimestre 2018, mais fin février 2019, les échos reçus de Bruxelles faisaient état d’un report plus que probable de la publication du projet et de la consultation à 2020 (voir EU revision of nanomaterials definition postponed to 2020, Chemical watch, 26 février 2019), la Commission européenne a de nouveau réitéré sa volonté de réviser la définition du terme « nanomatériau » dans sa Stratégie concernant les produits chimiques (Chemicals strategy for sustainability, CSS) et de veiller à son « application cohérente dans l’ensemble de la législation en utilisant des mécanismes juridiquement contraignants ». L’annexe précisait la date : 2021 seulement…

Le 7 mai 2021, la Commission européenne a effectivement fini par publier sa proposition et lancé une consultation en ligne, jusqu’au 30 juin 2021.

  • L’association AVICENN avait posté sa contribution, sans se prononcer sur les questions en dehors de son champ de compétences, mais en prenant soin de remplir son rôle de vigie, en rappelant les attentes plus larges de la société civile en faveur d’un meilleur encadrement réglementaire pour assurer la protection de la santé et l’environnement.
  • Dans un communiqué succinct publié sur son site internet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses) avait résumé la teneur de sa réponse à la consultation européenne sur la définition du terme « nanomatériau », sans en dévoiler encore le contenu dans son intégralité : l’Anses estimait que « les modifications suggérées par la Commission tendent à restreindre le nombre et la nature des objets qui seront considérés in fine comme nanomatériaux » et plaidait au contraire pour une définition la plus englobante possible, qui n’exclue pas les nanoplastiques, les émulsions et les lipides d’échelle nanométrique. Elle soulignait également, comme l’a fait AVICENN de son côté, l’absence de fondement scientifique aux seuils de tailles (1-100 nm).

Mi-août 2021, la Commission européenne avait ensuite publié les 136 contributions3[NDLR] Initialement publiées sur ce lien https://ec.europa.eu/environment/pdf/chemicals/nanotech/TSC_Nanodefinition_PublicExcerpt.xlsx, elles semblent avoir disparu du site de la Commission européenne ; AVICENN les avait téléchargées à l’époque et a décidé de les uploader sur veillenanos.fr afin de garder la trace des positions défendues à ce stade par les parties prenantes collectées, ainsi que les contributions complémentaires des autorités françaises, de l’Industrial Minerals Association (IMA) et de l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR). La Commission avait alors indiqué réaliser une « analyse détaillée » en vue de publier, d’ici fin 2021, un résumé et une analyse statistique des réponses, ainsi que ses plans en vue de la révision ou du remplacement potentiel de la recommandation actuelle de définition.

En février 2022, constatant que la Commission n’avait, une fois de plus, pas tenu ses engagements (toujours aucune synthèse ni analyse des contributions à la consultation pourtant promises pour fin 2021), quinze ONG ont envoyé une lettre ouverte à la Commission européenne lui demandant de clarifier et d’améliorer sa définition du terme « nanomatériaux » en ouvrant la discussion afin que soit retravaillée, collectivement, cette définition amenée à être intégrée ensuite – avec ou sans adaptation ? – aux différentes réglementations européennes.

Points d’interrogations et de controverses

Pour rappel, la précédente recommandation de définition de 2011 avait été contestée :

  • tant par les industriels qui la trouvaient trop large
  • que par des ONG qui au contraire considéraient qu’elle était trop restrictive et laissait de côté de nombreux matériaux nanométriques.

La nouvelle recommandation de 2022 est elle aussi source de critiques (certaines sont communes à la définition de 2011, d’autres sont spécifiques à la nouvelle mouture de 2022). Les clarifications annoncées ne sont pas nécessairement au rendez-vous4malgré les précisions apportées par le Commission staff working document (SWD(2022) 150) et il y a fort à parier que les querelles n’ont pas fini de fleurir sur la qualification (ou pas) de certaines substances au titre de « nanomatériau ». En témoignent notamment la réaction de l’ONG CIEL publiée le 14 juin 2022 et l’article de Chemical Watch relayant l’insatisfaction de CIEL et d’AVICENN le 15 juin 2022. Les réserves émises par l’ANSES sur le pré-projet soumis à consultation en 2021 (cf. infra) n’ont pas non plus été prises en compte par la Commission5Cf. Note d’appui scientifique et technique relative à « l’élaboration d’une proposition de définition actualisée du terme « nanomatériaux » à partir de la Recommandation 2011/696/UE », Anses, 14 janvier 2022 ; Avis et rapport relatifs à la demande d’appui scientifique et technique relative à l’élaboration d’une proposition de définition actualisée du terme ‘nanomatériaux’ à partir de la recommandation 2011/696/UE relative à la définition des nanomatériaux, Anses, avril 2023. Georges Favre, du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), est lui moins critique vis-à-vis de cette nouvelle définition6Cf. La Commission publie sa nouvelle définition des nanomatériaux, Actu Environnement, 21 juillet 2022.

Le 17 mai 2023, l’Anses a publié un avis sur la nouvelle définition suite à une saisine de l’agence en 2018. Ses conclusions sont claires : la nouvelle définition des nanomatériaux est préjudiciable à la prévention des risques sanitaires et environnementaux et les pouvoirs publics doivent adopter une définition plus englobante.

Quid au-dessus de 100 nm ?

Concernant la fourchette 1-100nm (identique à celle de 2011), aucune justification scientifique ne permet d’établir une taille limite supérieure et/ou inférieure pour définir l’ensemble des nanomatériaux7Voir notamment :
Nanomatériaux : pour une définition européenne plus protectrice, Anses, 23 juillet 2021
Contribution d’AVICENN à la consultation européenne sur la définition du terme « nanomatériau », AVICENN, 30 juin 2021
Scientific Basis for the Definition of the Term « nanomaterial », SCENIHR, Commission européenne, 2010
. Des résultats d’études toxicologiques font état d’effets toxiques engendrés spécifiquement à l’échelle submicronique dépassant les 100 nm, notamment jusqu’à 600 nm. La « Food & Drug Administration » (FDA) américaine a ainsi choisi de définir un nanomatériau comme un matériau dont l’une des dimensions au moins est inférieure à 1000 nm8Cf. Reporting Format for Nanotechnology-Related Information in CMC Review, Office of Pharmaceutical Science (FDA), juin 2010.
Une équipe de chercheurs chinois et américains avait publié un article sur ce sujet en février 20149Bai Y et al., 100 Nanometers: A Potentially Inappropriate Threshold for Environmental and Ecological Effects of Nanoparticles, Environ. Sci. Technol., 48 (6) : 3098-3099, 2014.

Et les matériaux nano-structurés en interne ?

Contrairement à la définition de l’ISO, la recommandation de définition européenne de 2022, comme celle de 2011, exclut les matériaux nano-structurés en interne10L’Organisation internationale de normalisation (ISO) définit un nanomatériau comme étant « un matériau comportant toute dimension externe à l’échelle nanométrique ou une structure interne ou en surface à l’échelle nanométrique » (l’échelle nanométrique est définie comme un spectre de dimensions d’environ 1 nm à 100 nm) ; elle a adopté le terme NOAA pour englober l’ensemble des « Nano-Objects, their Agglomerates and Aggregates greater than 100 nm ».

Exclusions de différentes catégories de matériaux

A ces griefs viennent s’ajouter des interrogations supplémentaires quant aux nouvelles formulations adoptées par la recommandation de 2022 : cette dernière ne prend pas en considération par exemple les interrogations et réserves de l’Anses notamment11NOTE d’appui scientifique et technique relative à « l’élaboration d’une proposition de définition actualisée du terme « nanomatériaux » à partir de la Recommandation 2011/696/UE », Anses, 14 janvier 2022 et devrait conduire à l’exclusion de nano-objets jusqu’alors considérés comme des nanomatériaux :

  • l’introduction du terme « solide » exclut des particules gazeuses et liquides, notamment les émulsions et les micelles (ces dernières, utilisées pour des applications médicales présentent une capacité accrue de passage de certaines barrières biologiques)
  • l’exclusion des « molécules uniques » pourrait écarter de la définition des nanoplastiques, fullerènes et, une fois encore, les nanomicelles et structures lipidiques utilisées comme vecteurs
  • l’exclusion de nano-composites pourrait être utilisée par certaines marques pour échapper aux contraintes réglementaires au motif que leurs ingrédients sont des composés complexes, dans lesquels plusieurs substances sont présentes (par exemple des nanoparticules de dioxyde de titane enrobées de silice ou greffées sur des plaques de mica, utilisées notamment en cosmétiques).

Suppression de la possibilité d’abaisser le seuil de 50%

Le taux de 50% de particules en nombre sous la barre des 100 nm est identique à celui de 2011 (et plus de 333 fois plus élevé que celui défendu par le Scenihr (0,15%) en 201012 Cf. Scientific Basis for the Definition of the Term « nanomaterial », SCENIHR, Commission européenne, 2010 : le Scenihr insistait sur la connaissance de la distribution en taille d’un nanomatériau et sur la nécessité d’une distribution en nombre (plus pertinente qu’une distribution en masse défendue par les industriels) ; pour rappel, à l’époque, même l’industrie allemande n’en avait pourtant pas tant demandé : elle avait milité pour un taux de 10% environ « seulement »).

La Commission avait toutefois prévu en 2011 qu’en cas d’inquiétudes en termes de risques environnementaux ou sanitaires ce taux pourrait être abaissé en deçà de 50%. C’est ce qu’ont soutenu notamment les autorités françaises13Cf. Nanomatériaux – Evaluation du dispositif national de déclaration R-Nano, décembre 2020. Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), dans un rapport publié en 201814Cf. Protéger les travailleurs et les personnes au voisinage de sites de production ou de manipulation de nanoparticules de dioxyde de titane, Haut conseil de la santé publique, 25 juin 2018, recommande ainsi une proportion abaissée à 10% en nombre pour l’ensemble des substances et à 1% en nombre dans des cas spécifiques. L‘ANSES appelle aussi à ne pas exclure de cette définition certains nanomatériaux qui pourraient pourtant être problématiques pour la santé humaine et l’environnement.

Les fédérations industrielles, au contraire, s’y sont opposées15Cf. EU Plans to Review the Definition of a Nanomaterial, Nanotechnology Industries Association (NIA), 3 décembre 2020 et ont obtenu gain de cause lors de la révision de la recommandation, puisque la Commission européenne a fait sauter cette clause dans la définition de 2022, qui fixe le taux à 50% sans possibilité de l’abaisser désormais.

Cette suppression permet désormais de ne pas considérer comme nanomatériaux (et donc de ne pas encadrer en conséquence) des substances dont 49% des particules en nombre serait constituée de particules sous la barre des 100 nm. Exit les considérations sanitaires et environnementales ?

Prenons le cas particulier des cosmétiques : la définition du Règlement Cosmétiques actuel ne comporte pas de seuil, les autorités françaises ont utilisé un seuil de 10% jusqu’à présent ; la transposition d’un seuil fixe de 50%, exempterait d’étiquetage et de notification des milliers de cosmétiques contenant des nanoparticules dont certaines sont potentiellement dangereuses pour les consommateurs.

Schéma extrait du Rapport d’enquête d’AVICENN « En quête de nanos dans les produits du quotidien« , publié le 15 décembre 2022

Quelle portée pour cette définition révisée ?

Vers des transpositions avec ou sans adaptation(s) dans les réglementations européennes ?

La définition révisée sera-t-elle transposée à tous les règlements communautaires, quel que soit leur domaine d’application ? Pas dans l’immédiat en tout cas : pour changer la définition des règlements européens afin de les mettre en conformité avec la recommandation de définition de la Commission, il faut un processus de révision spécifique de co-décision qui peut prendre, dans certains cas, plusieurs années.

La Commission a clairement indiqué son souhait de voir sa recommandation révisée devenir « contraignante », d’un point de vue juridique ; elle devrait donc être à terme transposée dans le règlement REACH et les autres règlements de l’UE comportant des dispositions sur les nanomatériaux – ceux sur les cosmétiques, l’alimentation, les biocides, les dispositifs médicaux principalement (quid du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques ainsi que du projet de révision de la directive relative aux émissions industrielles (IED) visant à réduire les émissions de substances polluantes ?).

Cette définition sera-t-elle transposée telle quelle ou assorties d’adaptations ou mesures de gestion visant à minimiser les risques sanitaires ou environnementaux des matériaux “présentant des propriétés de la nano-échelle” mais non couverts par la recommandation révisée de définition ?
La révision en cours du Règlement Cosmétiques16Cf. Vers une nouvelle définition nano dans le futur Règlement Cosmétiques… oui mais laquelle ?, VeilleNanos, 13 juillet 2022 devait être, avec REACH, le premier « test » et pourrait faire jurisprudence, mais il semble que le chantier ait pris du retard. Un acte délégué visant à copier la nouvelle recommandation de définition dans le règlement Novel Foods pourrait en revanche intervenir plus vite qu’escompté. A suivre donc…

Plus que la cohérence et la sécurité juridiques, c’est la sécurité sanitaire qui doit prévaloir

L’harmonisation de la terminologie a été demandée par les industriels afin de mettre fin aux difficultés suscitées par la coexistence de différentes définitions qui complexifie le travail des producteurs / importateurs / distributeurs : ces derniers se plaignent de devoir déclarer et étiqueter des « nanomatériaux » définis différemment dans divers registres nationaux (comme r-nano en France), dans REACH au niveau européen et dans les règlementations sectorielles (alimentation, cosmétiques, biocides, dispositifs médicaux, etc.). Mais l’harmonisation des définitions ne doit pas se faire au détriment de la santé publique et de l’environnement. Les problèmes liés à la coexistence de différentes définitions est un problème qui pourrait être résolu en amont de la chaîne de la chaîne d’approvisionnement : si les entreprises qui produisent et/ou mélangent des nanomatériaux procèdent à une caractérisation précise et complète des substances et transmettent correctement les informations, les acteurs en aval peuvent appliquer la définition appropriée à leur secteur et appliquer les mesures qui s’imposent : étiquetage, enregistrement et notification le cas échéant. 

Une définition opérationnelle et unique : « mission impossible » ?

Définir ce qu’est un nanomatériau et réviser les définitions actuelles sont des démarches complexes, à la fois scientifiques et très politiques, avec des implications multiples tant pour les entreprises que pour les juristes et les pouvoirs publics. L’exercice est si périlleux17Pour une analyse synthétique des tenants et aboutissants des débats autour d’une définition unique des nanomatériaux, voir l’article de Georgia Miller et Fern Wickson « Disagreement Over Definitions Including Relevant Size, Size Distribution, Intentionality of Production, and Occurrence of Novel Properties » in Risk Analysis of Nanomaterials: Exposing Nanotechnology’s Naked Emperor, Miller G et Wickson F, Review of Policy Research, 32(4) : 485, juillet 2015. que des scientifiques déconseillent même de s’y plier. Longtemps, les autorités françaises également n’ont pas poussé à la révision de la définition au niveau européen : c’est en effet sur cette dernière qu’a été bâti le dispositif R-Nano de déclaration annuelle des « substances à l’état nanoparticulaire », obligatoire en France depuis 2013.
Les ONG sont elles aussi dubitatives18Lors de la réunion du CASG nano de mars 2014, le Bureau européen de l’Environnement (BEE) avait critiqué l’empressement de la Commission à lancer ce chantier : les avancées concernant la caractérisation et la métrologie des nanomatériaux ont certes évolué depuis 2011, mais pas suffisamment selon le BEE pour justifier une révision de la définition. Ce chantier, nécessairement chronophage et impliquant des dépenses publiques importantes, est moins important et urgent que d’autres, à l’époque délaissés par la Commission, notamment :
l’adaptation des annexes de REACH aux nanomatériaux (finalement actée en 2018, même si sa mise en oeuvre est encore inaboutie mi-2020)
la mise en place d’un registre communautaire des nanoproduits sur le marché européen.
.

Comme Andrew Maynard avant eux19Don’t define nanomaterials, Maynard A, Nature, 475, juillet 2011, des chercheurs français considèrent qu' »une définition institutionnelle n’est pas une condition sine qua non pour gérer les risques et que l’absence de définition ou, pour le cas présent, la multiplicité de définitions provenant de sources multiples, ne crée ni un vide ni une aggravation des difficultés d’appréhension des problématiques de gestion des risques« . Les chercheurs considèrent également qu' »une seule définition, si elle veut demeurer opérationnelle, ne peut embrasser toute la complexité des questions relatives à l’état nano d’une particule. Une définition scientifique des nanoparticules et nanomatériaux n’est d’ailleurs pas spécifiquement utile pour étudier s’ils présentent ou non un risque pour la santé ou plus largement pour l’environnement« 20CERTOP, La mobilité des risques « nanos », septembre 2014.

Quelles stratégies de la part des entreprises qui produisent et/ou utilisent des nanos ?

Des industriels peuvent recourir à des stratégies d’évitement, avec la mise au point de nanomatériaux dont la taille et la distribution en nombre peuvent flirter avec les seuils fixés (avec un peu plus de 50% des particules dépassant les 110 nm par exemple) afin d’échapper à la règlementation… tout en conservant les propriétés recherchées.

Si les fabricants peuvent avoir intérêt à défendre une définition des nanomatériaux la moins large possible, afin de soustraire un maximum de matériaux des réglementations, les leaders du marché pourraient avoir intérêt à ce que la définition et les informations à fournir (notamment dans le cadre de REACH) soient très pointues, ce qui leur conférerait un avantage concurrentiel par rapport à d’autres entreprises qui disposent de moindres moyens (techniques et financiers).

Une autre façon de procéder, plus en phase avec la responsabilité sociale des entreprises (RSE), consiste en tout état de cause à s’inscrire dans une démarche de co-vigilance : anticiper les impacts d’une utilisation massive de ces matériaux aux propriétés spécifiques de l’échelle nanométrique et de leur relargage dans l’environnement afin de privilégier le choix et l’éco-conception de matériaux les moins dangereux (« safe by design ») et de minimiser les risques tout au long du cycle de vie, partager les informations avec les autres acteurs en amont et en aval de la chaîne de production (jusqu’au consommateur final), etc.

A suivre…

Ailleurs sur le web

En français :

En anglais :

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  • Site internet : https://instn.cea.fr/formation/maitrise-des-risques-lies-aux-nanomateriaux-sensibilisation

Fiche initialement créée le 9 avril 2014

Notes and references

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