Nanos dans les masques : qu’en dit le Conseil supérieur de la santé belge ?

Dans un rapport sur l’impact des masques pour la santé et l’environnement, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) belge juge l’intérêt du nanoargent limité, l’utilisation du dioxyde de titane trop risquée, et les connaissances sur les nano-plastiques trop réduites. Plus généralement, il appelle à plus de recherche sur les nanomatériaux.

Après de nombreuses publications relatives à la présence et aux risques des nanos dans les masques, c’est au tour du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) belge de publier une nouvelle contribution, à travers un rapport éclairant sur l’impact des masques de protection sur la santé publique et l’environnement en Belgique. Parmi ses enseignements majeurs, la plupart concernent les nanomatériaux1Si des traces d’autres substances nocives ont été également été trouvées, le niveau de ces dernières reste lui généralement très limité et inférieur aux normes sanitaires :

Le nanoargent n’a pas d’intérêt dans les masques grand public

De l’argent est souvent ajouté aux masques buccaux –  sous forme ionique, métallique ou de nanoparticules – pour tuer microbes et virus. Selon le CSS, la quantité d’argent inhalée par les utilisateurs est généralement inférieure aux valeurs critiques en termes d’effets néfastes sur la santé, même si des exceptions restent possibles en fonction des modèles de masques.

Étant donné l’excellente performance obtenue dans le filtrage physique de nombreux masques, l’intérêt de l’utilisation d’argent est jugé limité pour les masques destinés à la population générale : il pourrait donc être réservé aux professionnels de santé fortement exposés aux agents pathogènes.

Toutefois, le rapport relève qu’il n’existe “aucune indication sur la quantité d’argent nécessaire dans les masques buccaux pour obtenir une activité antibactérienne optimale” et qu’en l’absence d’informations, “il n’est pas possible de donner des indications sur la concentration optimale (par gramme, cm² de textile ou toute autre unité comparable)”.

Quid en outre des effets sur les écosystèmes ? Si un paragraphe entier est consacré aux effets environnementaux des masques (pages 26 et 27) et malgré le fait que “la présence de substances chimiques peut avoir des effets de perturbation endocrinienne chez l’homme et la faune sauvage”, le rapport ne mentionne pas le risque spécifique du nanoargent sur la faune aquatique pourtant potentiellement important.

Le TiO2 devrait être interdit dans les masques jetables

Les masques contiennent souvent du dioxyde de titane (TiO2) comme agent blanchissant. (Le Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux (LIEC) de l’Université de Lorraine a d’ailleurs tout récemment pointé le risque de relargage de ces nanoparticules de TiO2 qui s’opère lors de la dégradation des masques sous l’effet des UV, laquelle entraîne une mortalité accrue de crustacés aquatiques2Cf. Les masques, nouveaux déchets de l’ère post COVID, LIEC, 16 janvier 2024 et Photodegradation of disposable polypropylene face masks: Physicochemical properties of debris and implications for the toxicity of mask-carried river biofilms, Bihannic I et al., Journal of Hazardous Materials, 465, March 2024). En raison des risques potentiels du TiO2 pour la santé humaine – risques de cancer notamment, le CSS recommande d’interdire le TiO2 dans les masques jetables au nom du principe de précaution. Dans certains masques jetables testés par l’institut belge Sciensano pour une utilisation de 4 heures, les teneurs en TiO2 susceptibles d’être inhalées sont 10 fois supérieures à la valeur limite d’exposition.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires concernant les micro- et nanoplastiques dans les masques

Le CSS souligne que le port de masques augmente l’exposition aux micro et nanoplastiques mais qu’une extrapolation incontestable sur l’altération de la santé humaine n’est pas possible à l’heure actuelle en raison du manque de données expérimentales fiables. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires.

Le CSS soutient donc la recommandation émise par l’institut Sciensano de créer un laboratoire de référence indépendant pour les nanomatériaux afin de poursuivre ces recherches, en jugeant souhaitable d’élargir le sujet aux différents aspects des nanomatériaux en général

AVICENN n’aurait pas pu rêver mieux et appelle aussi de ses vœux la constitution d’un tel laboratoire en France et la réalisation de recherches approfondies sur les risques liés à l’exposition aux nanos, qui, aujourd’hui ne font quasiment plus l’objet d’aucun financement !

Des masques nécessaires, mais avec un moindre impact environnemental et une plus grande transparence sur leur composition 

Au final, le CSS considère que la protection offerte par les masques lors d’une pandémie l’emporte largement sur les risques potentiels pour la santé d’une utilisation intensive. L’utilisation de masques buccaux a même selon lui permis de sauver de nombreuses vies, en particulier au début de la pandémie. Il recommande néanmoins de réduire l’impact environnemental de l’utilisation des masques buccaux en investissant à l’avenir dans des masques buccaux en matériau biodégradable ou en envisageant une revalorisation des masques buccaux après leur utilisation.

Pour autant, le Conseil considère – et conclut même son rapport – sur le fait que le gouvernement devrait exiger des fabricants qu’ils soient transparents quant à la composition (chimique) de leurs masques et qu’ils garantissent leur sécurité par des tests indépendants”.

[La référence aux travaux du LIEC a été rajoutée le 19 février].

Les prochains RDV nano

4
Avr.
2025
Techniques avancées de caractérisation des nanomatériaux (Nano2025, Rome – Italie)
Rome
Congrès
  • Advanced Characterization Techniques in Nanomaterials and Nanotechnology 
  • 10th European Congress on Advanced Nanotechnology and Nanomaterials
  • Website: https://nanomaterialsconference.com
6
Oct.
2025
Caractériser et prévenir les risques liés aux nanomatériaux manufacturés et particules ultrafines (INRS, Vandœuvre-Lès-Nancy – France)
Nancy
Formation
  • Formation destinée aux médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), préventeurs d’entreprise, agents des services prévention des Carsat, Cramif et CGSS, préventeurs institutionnels (Dreets, Dreal, MSA…)
  • Organisateur : Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
  • Du 6 au 10 octobre 2025
  • Site internet : www.inrs.fr/…/formation/…JA1030_2025

Notes and references