Nanos dans les médicaments et produits de santé : des recommandations pour mieux les encadrer
Le conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient de publier une analyse des lacunes en matière de surveillance des nanos dans les produits de santé, assortie de recommandations concrètes.
Besoin d’un meilleur encadrement
Le conseil scientifique de l’ANSM est l’instance qui veille à la cohérence de la stratégie scientifique de l’ANSM sur l’efficacité et la sécurité des produits de santé au regard de l’évolution des connaissances. Dans un article paru dans la revue Frontiers in Public Health , le conseil scientifique de l’ANSM évalue le cadre réglementaire et scientifique qui régit la mise sur le marché et la surveillance de ces produits. Il émet des recommandations avisées et appelle les agences sanitaires et de recherche à redoubler d’efforts pour garantir la sécurité des produits de santé contenant des nanos, et pour favoriser la démocratie sanitaire.
AVICENN a résumé ci-dessous quelques unes des pistes proposées et qui portent à la fois sur :
- les médicaments conçus à une échelle nanométrique permettant d’apporter la substance active de manière ciblée (“les nanomédicaments”),
- et les produits médicaux contenant des nanoparticules qui n’ont pas de fonction thérapeutique directe (par exemple, le dioxyde de titane utilisé comme colorant et opacifiant dans les comprimés).
1 – Harmoniser et développer des méthodes solides d’évaluation et de gestion des risques nanos
Beaucoup reste à faire pour garantir la sécurité et l’efficacité de la surveillance des nanomatériaux dans les produits de santé. Les auteur·es recommandent, dans un premier temps, de développer et standardiser des méthodes adaptées de caractérisation des nanos et de définir des normes réglementaires qui établissent les exigences en termes de qualité et de sécurité.
Les approches toxicologiques conventionnelles n’étant pas suffisantes pour évaluer les risques nano, les méthodes existantes doivent être améliorées. La taille nano peut impliquer des mécanismes génotoxiques, carcinogènes et immunotoxiques spécifiques qu’il convient de modéliser.
Trop de lacunes persistent également concernant les connaissances sur le relargage des nanomatériaux contenus dans les dispositifs médicaux et sur leurs risques pour la santé humaine et pour l’environnement. Pour renforcer la surveillance, les auteur·es recommandent donc de définir précisément les “rôles des études de pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie ainsi que des outils (comme les registres et leurs accès) pour mieux détecter à distance les potentiels effets différés des produits de santé contenant des nanomatériaux.”
2 – Réévaluer la balance bénéfice/risques
- Pour les excipients dans les médicaments :
Concernant les nanoparticules de dioxyde de titane, de silice ou encore d’oxyde de fer, couramment utilisées dans les comprimés pour leurs propriétés opacifiantes, colorantes ou de protection anti-UV, le conseil scientifique considère que “l’intérêt des excipients à l’échelle nanométrique utilisés dans divers médicaments en termes de stabilité, de résistance à la lumière et d’adhérence des patients (couleur et aspect physique des formes administrées) doit être analysé en considérant les risques potentiels et les incertitudes liés à l’échelle nanométrique”.
- Et plus largement, notamment pour les “nanomédicaments” :
“Les effets indésirables liés aux nanomédicaments tels que les pseudo-allergies (ou syndromes CARPA) et les effets immunotoxiques sont les principaux qui ont été signalés précédemment avec les nanomédicaments. La comparaison des effets secondaires de médicaments formulés avec des nanoparticules ou non a montré l’induction de réponses pseudo-allergiques associées aux NM. (…) Ces risques potentiels doivent donc être pris en compte lors de l’établissement de l’équilibre bénéfice-risque.”
3 – Favoriser la démocratie sanitaire
Dans son avis, le conseil scientifique insiste sur l’importance de prendre en compte les enjeux sociétaux et de démocratie dans la gestion des risques et bénéfices associés aux nanos. “Inclure toutes les parties prenantes, telles que les associations de patients et les organisations non gouvernementales” dans la gouvernance des nanos dans les produits de santé et améliorer les connaissances sur les nanos et leurs potentiels risques, permettrait d’apporter de précieuses contributions au débat public.
Les auteur·es citent les résultats d’une enquête de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) menée en 2020 qui montre que 87% des personnes interrogées considèrent qu’elles devraient savoir quand un produit contient des nanos. L’analyse du conseil scientifique rejoint les demandes de transparence d’AVICENN : gagner la confiance du grand public vis-à-vis des nanos dans les produits, c’est aussi améliorer la traçabilité, la transparence, et les connaissances liés aux applications et aux risques des nanos.
Parmi les actions possibles, le conseil scientifique propose, entre autres, d’amener la question de la déclaration et de l’étiquetage obligatoire sur la table de la Commission européenne. Aujourd’hui, les nanos dans médicaments et produits de santé ne font l’objet d’aucune obligation d’étiquetage (contrairement aux produits cosmétiques, alimentaires et biocides).
4 – Prendre davantage en compte les risques environnementaux
Il est aussi essentiel de mieux comprendre le devenir et le comportement des nanomatériaux présents dans les produits de santé dans l’environnement (leur biodisponibilité, leur bioaccumulation, leur biodégradation, etc).
Les agences sanitaires et les laboratoires de recherche doivent créer les conditions pour combler ces lacunes, en soutenant financièrement de nouvelles études.
À suivre…
AVICENN a sollicité les auteur·es de cet avis ainsi que l’ANSM pour qu’ils les informent des éventuelles retombées de cette publication, que nous pourrons relayer le cas échéant sur veillenanos.fr.
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