Nouvelle alerte sur l’utilisation de nanoparticules d’argent dans les masques
L’institut de recherche Sciensano appelle à limiter l’utilisation de nanoparticules d’argent dans les masques.
Début février 2023, des chercheurs de l’institut de recherche belge Sciensano ont publié, dans la revue Science of the Total Environment, les analyses d’un projet de recherche initié en 2020 sur les particules d’argent dans les masques.
Ils appellent à encadrer davantage l’application de biocides sur les masques et d’intensifier les recherches liées aux potentiels risques sanitaires et environnementaux, rejoignant les recommandations en ce sens déjà formulées par différentes organisations dont AVICENN. Ces analyses avaient fait l’objet d’un rapport de Sciensano publié en 2022 et disponible ici.
Le projet AgMask
Face à la commercialisation croissante de masques recouverts d’un traitement virucide, Sciensano avait lancé le projet AgMask en 2020, afin d’évaluer les types, l’efficacité et les risques sanitaires des biocides à base d’argent utilisés dans les masques.
De premiers résultats avaient déjà été publiés en 2021, faisant l’état de l’utilisation de nanoparticules de dioxyde de titane et d’argent dans les masques Avrox.
Dans un deuxième temps, Sciensano a analysé vingt masques grand public : de l’argent a été détecté dans treize masques (sous forme ionique, métallique et dans quatre masques, sous forme nanoparticulaire). En comparant la teneur en argent des masques aux limites d’exposition par inhalation déjà établies par l’Institut national américain pour la sécurité et la santé au travail (NIOSH), les chercheurs ont distingué deux groupes de masques.
- d’un côté, 7 masques pouvant être considérés comme sûrs (“safe-by-design”)
- de l’autre 6 masques dépassant les valeurs limites d’exposition et pour lesquels il est nécessaire de réaliser une évaluation des risques plus approfondie ; l’un d’entre eux a même été retiré du marché par les autorités belges parce qu’il contenait une teneur en argent beaucoup trop importante.
La balance bénéfice-risques en question
Pourquoi l’argent est-il utilisé par les fabricants de masques ? Cette substance possède des propriétés antimicrobiennes qui limitent la transmission de bactéries et peuvent faciliter la conservation des tissus et limiter les mauvaises odeurs, autant de propriétés que les marques ne se privent pas d’utiliser comme argument de vente.
Pourtant, l’exposition aux ions argent et aux nanoparticules d’argent peuvent avoir des effets néfastes : risques présumés d’effets graves pour le système nerveux (neurotoxicité à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée), de risques pour la fertilité et de dangers pour le milieu aquatique. L’argent est ainsi en cours de classification au niveau européen.
Aujourd’hui, le nano-argent n’est plus autorisé en Europe comme biocide dans les masques
Le nanoargent ne peut plus être utilisé comme substance biocide depuis 2021 pour les types de produits 2, 4 et 9 suite à une décision de la Commission européenne. Pourtant, soulignent les chercheurs, l’activité anti-virale des nanoparticules d’argent reste un argument de vente…
Sciensano préconise un meilleur encadrement du nanoargent
Comme indiqué par les chercheurs de Sciensano, leurs résultats plaident en faveur d’une recherche approfondie sur les applications des biocides à base d’argent dans les masques et sur les applications des nanotechnologies dans les masques en général. La réglementation doit être à la hauteur des potentiels risques sanitaires et environnementaux que posent ces revêtements biocides, déjà largement commercialisés dans le milieu médical comme auprès du grand public – comme en témoignent en France les tests menés sur des textiles de sport par la DGCCRF et sur une brosse à dents pour enfants par AVICENN.
Des préoccupations déjà soulevées par l’ANSES, AVICENN et douze ONG européennes
C’est un constat qui avait été souligné par l’ANSES en 2020 puis AVICENN et douze autres ONGs européennes en 2021 : la réglementation des articles traités aux nano/biocides est à la traîne par rapport à la commercialisation de nouveaux produits et ne garantit pas leur innocuité.
En janvier 2021, ces ONG avaient publié une lettre ouverte adressée à l’agence européenne des produits chimiques (ECHA) demandant une clarification du cadre réglementaire et plus d’informations sur la surveillance des produits nano anti-covid-19. La réponse de l’ECHA avait renvoyé la balle aux Etats membres, responsables du contrôle de la bonne application du Règlement Biocides.
L’étude de Sciensano montre à quel point il est urgent d’agir ; les Etats membres ne peuvent plus fermer les yeux et doivent faire prévaloir le principe de précaution émanant non seulement des associations, des autorités sanitaires mais également de la communauté scientifique.
Une évaluation des risques limitée… mais plus pour longtemps ?
Les chercheurs de Sciensano restent prudents vis-à-vis des résultats, car il est difficile aujourd’hui de mesurer le relargage des particules d’argent du masque vers l’utilisateur et d’avoir une idée précise du niveau d’exposition par inhalation.
Le projet « Renaame », qui associe Sciensano en Belgique, le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en France, vient d’être lancé afin de développer une méthodologie d’essais validée pour l’évaluation du potentiel relargage en phase aérosol de nanomatériaux (de dioxyde de titane, d’argent, de cuivre, d’oxyde de magnésium…) par des masques comportant, ou non, des allégations de traitement. Ce projet a été sélectionné par l’ANSES dans le cadre de son appel à projets de recherche environnement-santé-travail et bénéficie d’un financement de 200 000€ en provenance des ministères chargés de l’environnement, de l’agriculture et du travail.
A suivre donc…
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Les prochains RDV nano
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