Aux alentours de 300 000 tonnes supplémentaires de nanomatériaux chaque année en France, mais encore ?

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Avec plus de deux ans de retard, les deux rapports présentant les données collectées en 2020 et et 2021 via le portail r-nano de déclaration obligatoire des nanomatériaux viennent enfin d’être publiés. Le rapport 2022 est encore attendu ; quant aux déclarations 2023, les industriels doivent les remplir d’ici le 31 mai prochain. Alors que 2023 coïncide avec le 10e anniversaire du registre r-nano, nombreux sont les défis qu’il reste à relever afin que ce dispositif pionnier, mais encore trop limité, remplisse enfin ses objectifs.

Des chiffres attendus depuis plus de deux ans

Mieux vaut tard que jamais : les chiffres 2020 et 2021 du registre r-nano viennent enfin d’être publiés sur le site du Ministère de l’écologie et sur le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (anses), avec plus de deux ans de retard pour le bilan 20201Le Code de l’environnement exige la mise à disposition du public de ces données au plus tard six mois après la date limite de déclaration par les industriels, en l’occurrence fixée au 1er mai. Le bilan 2020, aurait dû être publié en février 2021 (la période de déclaration ayant été rallongée de plus de quatre mois, jusqu’au 24 août 2020, du fait de la crise sanitaire liée au COVID-19)et plus d’un an de retard pour le bilan 20212il aurait dû, lui, être publié en décembre 2021, un report d’un mois ayant été accordé pour la déclaration, en vertu de la crise sanitaire

Les données émanant du bilan 2020 (489 pages) portent sur les substances à l’état nanoparticulaire importées, fabriquées ou distribuées en France en 2019. Le bilan 2021 (624 pages) porte lui sur les substances nanos de 2020. Le bilan 2022 portant sur les substances nano de 2021, aurait dû être publié en novembre 2022 mais reste encore à paraître. Il promet d’être plus précis et plus fourni, grâce aux améliorations apportées l’année dernière3cf. paragraphe “vers une consolidation et une meilleure exploitation des données ». Quant aux déclarations 2023, les industriels ont jusqu’au 31 mai prochain pour les remplir sur le site dédié https://r-nano.fr géré par l’ANSES.

Un léger infléchissement du volume global de nanos déclarés en 2021, sous l’effet du COVID

Les données émanant du bilan 2020 et du bilan 2021 montrent un léger infléchissement du tonnage global. La quantité totale de substances déclarées (346168 tonnes en 20194cf. bilan 2020, contre 286560 tonnes en 20205cf. bilan 2021) a ainsi diminué de 17 % entre 2019 et 2020, une baisse principalement due à la baisse des quantités produites totales déclarées6199 321 tonnes en 2020 contre 232 432 en 2019, imputée à la crise sanitaire liée au Covid-19. Les bilans ultérieurs permettront de vérifier si cette tendance s’inversera pour retrouver des niveaux de tonnages d’avant-crise.

Peu de changement concernant les principales substances et utilisations

Pour 2020 et 2021, le paysage général du marché des nanomatériaux en France apparaît “plutôt stable par rapport aux années passées” : 

  • environ 1200 entreprises et laboratoires situés en France (il s’agit, à plus de 90%, de distributeurs) ont ainsi rempli un peu plus de 10 000 déclarations au total chaque année ;
  • en 2021, 266 catégories de substances chimiques bien déterminées ont été répertoriées, auxquelles il faut rajouter une centaine de substances sans numéro CAS ou constituées de mélanges, portant à 368 le nombre total de catégories de substances déclarées ;
  • en 2021, les 4 substances les plus produites et/ou importées sont, par ordre de tonnage : 1- la silice ;  2- le noir de carbone ;  3- le carbonate de calcium, venu détrôner le 4-dioxyde de titane qui arrivait auparavant en 3e position (en quantité supérieure à 10 000 tonnes)
  • Arrivent ensuite, en 5e et 6e positions, le copolymère de chlorure de vinylidene (PVDC) et le chlorure de polyvinyle (PVC), des nanopolymères utilisés dans le plastique (entre 1000 et 10 000 tonnes). 

A noter : une fois encore, moins de 100 kg de nanoargent ont été déclarés au registre r-nano malgré une forte présence supposée dans quantité de produits. Ce très faible volume déclaré  met une fois de plus en évidence les limites de la déclaration obligatoire qui ne porte que sur les substances nanos produites ou importées en France… mais pas sur les substances nanos contenues dans les produits finis importés en France. Autrement dit, le nanoargent présent dans les chaussettes “anti-odeur” importées en France (de pays asiatiques par exemple, où le nanoargent est couramment utilisé) n’est pas couvert pas l’obligation de déclaration et donc pas présent dans le registre r-nano, alors qu’il se retrouve dans les eaux usées françaises après lavage. Pour rappel, l’Anses avait pointé, dès 20107Cf. Évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et pour l’environnement, Afsset (aujourd’hui ANSES), mars 2010, les risques liés au relargage des nanoparticules d’argent lors du lavage des chaussettes qui en contiennent (et ce, alors même que le nanoargent est connue pour ses effets délétères sur la faune aquatique).

  • en 2020 et 2021, l’agriculture figure toujours en tête des secteurs d’utilisation les plus déclarés8en nombre de déclarations comme des secteurs d’activité auxquels appartiennent les entreprises qui déclarent le plus de quantités produites.
  • Les 4 catégories de produits chimiques les plus déclarées9en nombre de déclarations sont :
    1- les produits phytopharmaceutiques,
    2-les cosmétiques et produits de soins personnels,
    3-les revêtements et peintures, solvants, diluants,
    4-les encres

Ce classement en pole position de l’agriculture comme des produits phytos pose de nouveau la question de la nature et de la quantité de nanos utilisés pour l’agriculture (dans les pesticides, engrais, semences agricoles et dans l’alimentation animale et les médicaments vétérinaires) et de leur dissémination dans l’environnement (l’Anses avait initié une enquête sur les nanos dans des produits phytos en 2017, mais n’a pas communiqué sur le sujet depuis). 

De nombreux défis restent à relever

Les initiatives pour consolider et améliorer l’exploitation des données contenues dans le registre r-nano progressent… mais à pas de fourmi.
Un groupe de travail a été mis en place par l’Anses en mars 2022 pour favoriser la consolidation et l’exploitation des données du registre r-nano ; les résultats de ses travaux sont attendus pour mars 2024. L’ergonomie du portail de déclaration r-nano.fr ainsi que la qualité des données fournies par les déclarants doivent encore être améliorés. Un nouveau prestataire informatique, des progrès récents de la nanométrologie et le déploiement de contrôles par les services du ministère de la transition écologique devraient y contribuer.
Plus de dix ans après sa création, combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que ce registre remplisse enfin ses objectifs, sachant que d’autres chantiers, plus ambitieux, sont également nécessaires ? Parmi ces chantiers :

  • les informations mises à disposition du public se limitent actuellement à des listes et tableaux de substances nano sans possibilité d’identifier les produits dans lesquels elles se trouvent ni les volumes précis par secteur d’utilisation (agriculture, peintures, cosmétiques, alimentation, etc.). Ces informations sont pourtant nécessaires pour mieux évaluer les risques qui y sont associés et minimiser les potentielles expositions involontaires et les contaminations environnementales qui découlent de leur utilisation. 
  • les travailleurs exposés aux nanos déclarés devraient être automatiquement inscrits dans le dispositif EpiNano de suivi épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux : depuis dix ans, la constitution de la cohorte, basée sur le seul volontariat des entreprises, est à la peine faute de chefs d’entreprises disposés à jouer le jeu.

Enfin, alors que la Belgique s’apprête aussi de son côté à muscler son propre registre et que la définition des nanomatériaux – bien que critiquable – se précise, la perspective d’un registre européen réapparaît comme une solution de plus en plus inéluctable.

Les prochains RDV nano

18
Nov.
2024
Harmonisation & standardisation des méthodes de tests pour les nanomatériaux et les matériaux avancés (MACRAMÉ & nanoPASS, en ligne)
En ligne
Atelier
20
Nov.
2024
Les nanotechnologies : un exemple de prévention du risque chimique en milieu industriel (ATC, Paris)
Paris
Formation
  • Module dispensé dans le cadre de la formation « Interactions entre les produits chimiques toxiques et l’organism humain » accessible à toute personne possédant un niveau de formation scientifique de base (niveau licence ou expérience professionnelle).
  • Organisateur : Association Toxicologie Chimie (ATC)
  • Intervenante : Chantal Fresnay, Ingénieure-Hygiéniste, Thales, Palaiseau
  • Site internet : https://www.atctoxicologie.fr/notre-formation.html
21
Nov.
2024
Maîtrise des risques liés aux nanomatériaux (CEA, Grenoble – France)
Grenoble
Formation
  • Sensibilisation destinée aux personnels au contact de nanomatériaux en phase de recherche, formulation, production, maintenance, nettoyage, entretien… ainsi qu’aux animateurs ou ingénieurs de sécurité, chefs d’installation, chefs de laboratoires où sont manipulées des nanoparticules.
  • Organisateur : INSTN Grenoble (CEA)
  • Au programme : impact potentiel sur la santé ; métrologie et protections ; maîtrise des risques potentiels liés aux nanomatériaux ; prise en compte des aspects sociétaux
  • Site internet : https://instn.cea.fr/formation/maitrise-des-risques-lies-aux-nanomateriaux-sensibilisation

Notes and references