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VeilleNanos - Quels risques des nanos pour la santé ?

Quels risques des nanos pour la santé ?

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Quels risques des nanos pour la santé ?

Par l’équipe AVICENN – Dernière modification juin 2024

Fruit de l’évolution, le corps humain s’est adapté à un environnement relativement stable depuis des milliers d’années pendant desquelles il a développé des mécanismes de défense contre les agressions extérieures. Cependant, depuis le début de l’ère industrielle, un nombre exponentiel de molécules chimiques de synthèse sont mises sur le marché, avec pour certaines des effets néfastes sur notre organisme qui n’est pas nécessairement bien outillé pour y faire face. Aux plomb, mercure, DDT, pesticides, perturbateurs endocriniens, etc. sont venus s’ajouter les nanoparticules manufacturées, qui du fait de leur petite taille, peuvent pénétrer et se diffuser ensuite dans l’organisme, sans que leurs effets sur les êtres vivants aient été évalués de manière exhaustive et systématique.

Associées à leur petite taille, leur réactivité accrue rend les nanomatériaux susceptibles d’entraîner une réponse biologique différente et, dans certains cas, une toxicité et des effets inflammatoires potentiellement plus forts que les matériaux de même nature chimique mais de taille supérieure. Comment, pourquoi et avec quels risques pour la santé humaine ? De nombreuses incertitudes demeurent. Les premiers éléments de réponse listés ci-dessous sont amenés à être complétés au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques en la matière. Et plaident pour une plus grande vigilance afin de minimiser l’exposition croissante, répétée et continue aux nanomatériaux manufacturés.

Des effets encore relativement mal connus

Malheureusement, les données sur les effets néfastes des nanomatériaux sur la santé humaine sont encore lacunaires et parcellaires. De nombreuses raisons expliquent les lacunes et les incertitudes scientifiques. Pour n’en citer que quelques-unes :

  • les effets des nanomatériaux sont très différents d’un nanomatériau à un autre car ils dépendent fortement des caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux ; comme la forme par exemple ; ainsi il semble que les nanoparticules sous forme de fibres sont davantage susceptibles de générer des effets néfastes que les nanoparticules sphériques1Voir par exemple Carbon nanotubes, but not spherical nanoparticles, block autophagy by a shape-related targeting of lysosomes in murine macrophages, Cohignac V et al., Autophagy, 14(8), juin 2018 – mais par ailleurs, elles semblent aussi moins susceptibles de traverser la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau2Cf. Can the brain’s gatekeeper fight a nano-attack ?, E/ Valsami-Jones, EUON, septembre 2022 : « Each nanoparticle tested showed a range of behaviours, influenced by their properties and quantities but in general, smaller particles cross the BBB more easily, but their shape was also found to be important. For example, wire-shaped particles were less successful in crossing the BBB, compared with their spherical counterparts »...
  • les effets sont également différents selon les milieux dans lesquels ils se trouvent, notamment l’acidité ou la teneur en sel des différents fluides biologiques (sang, lymphe, salive, suc gastrique, mucus…)
  • du fait de leur petite taille et des transformations qu’elles subissent au cours de leur parcours dans l’organisme, les nanoparticules sont difficiles à détecter, à quantifier, à caractériser et à suivre dans le corps humain et jusque dans les cellules. Mais des progrès significatifs dans les outils de mesure rendent désormais possible l’indispensable avancée des connaissances, non seulement chez les animaux mais aussi chez l’humain3Cf. Nanotoxicology: the need for a human touch?, Miller M & Poland C, Small, juillet 2020.

Les effets mis en évidence par les études scientifiques

Dans un contexte d’exposition croissante (que ce soit par inhalation, ingestion ou application cutanée), la littérature scientifique met en évidence de nombreux effets potentiels indésirables pour la santé… qui cependant diffèrent en fonction de la nature chimique des nanos, de leur taille, de leur forme et autres paramètres physico-chimiques. Difficile donc de généraliser les effets néfastes, cependant on peut recenser un certains nombre d’effets, à l’échelle cellulaire mais aussi à l’échelle des grands différents « systèmes » du corps humain.

Effets sur les cellules (cytotoxicité)

Les approches in vitro ne reflètent pas les conditions d’une exposition réelle d’un organisme entier, et ne reproduisent donc pas tous les paramètres complexes comme la voie d’exposition, les fréquences, durées et doses d’exposition, la vulnérabilité du sujet exposé (jeunes ou âgés, gestation, malades, etc.) mais elles permettent d’identifier les mécanismes de réponses possibles des cellules à l’exposition à des nanomatériaux. Ainsi, certaines nanoparticules peuvent impacter négativement la morphologie, le fonctionnement des cellules, jusqu’à remettre en question leur viabilité.

Les nanomatériaux, du fait de leur petite taille, peuvent altérer la membrane cellulaire4Cf. Size determines how nanoparticles affect biological membranes, Dunning, H., Imperial College London, 17 septembre 2020 (communiqué) et Size dependency of gold nanoparticles interacting with model membranes, Contini, C et al., Nature Communications Chemistry, 130, 2020 et être amenés ensuite à interagir avec les différents composants de la cellule, suscitant de possibles dommages ou réarrangements de l’ADN, une altération de l’expression des gènes (cf. ci-dessous), un stress oxydatif ou encore une inflammation des cellules. 

Stade ultime, la mort des cellules (apoptose) a été observée sur diverses catégories de cellules (épithéliales, hépatocytes,… ) après exposition à différents types de nanomatériaux (comme des nanotubes de carbone, des quantum dots, fullerènes, ou encore des nanoparticules d’or ou de TiO2)5Voir par exemple :
Small size gold nanoparticles enhance apoptosis…, Jawaid P. et al., Cell Death Discov. 6, 83, 2020
Nanoparticles induce apoptosis via mediating diverse cellular pathways, Chen L et al., Nanomedicine, 13(22), 2018
Nanosized TiO2 is internalized by dorsal root ganglion cells and causes damage via apoptosis, Erriquez J, Nanomedicine, 11(6):1309-19, 2015
Ces effets étaient déjà connus au tournant des années 2000 :
– Aillon, KL et al., Effects of nanomaterial physicochemical properties on in vivo toxicity. Advanced Drug Delivery Reviews, 61 (6), 457-466, 2009
– Hussain, S et al., Carbon black and titanium dioxide nanoparticles elicit distinct apoptotic pathways in bronchial epithelial cells, Part Fibre Toxicol, 7, 10, 2010
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Dommages à l’ADN (génotoxicité)

Des études montrent que des nanomatériaux peuvent entraîner des perturbations au niveau de l’ADN6Voir par exemple :
Advances in genotoxicity of titanium dioxide nanoparticles in vivo and in vitro, Shi J et al., NanoImpact, 25, 100377, janvier 2022
Toxicity and chemical transformation of silver nanoparticles in A549 lung cells: dose-rate-dependent genotoxic impact, Bobyk L et al., Environmental science‎. Nano, 8 (3) : 806-821, 2021
TiO2 genotoxicity: an update of the results published over the last six years, Carriere M et al., Mutation Research/Genetic Toxicology and Environmental Mutagenesis, 15 mai 2020 : cette revue de la littérature scientifique, réalisée par des chercheur·es du CEA, montre que les particules de dioxyde de titane (TiO2), de taille nanométrique et microscopique, entraînent des dommages de l’ADN sur divers types de cellules, pulmonaires et intestinales, même à des doses faibles et réalistes.
(…)
Genotoxicity of Manufactured Nanomaterials : Report of the OECD expert meeting, OCDE, décembre 2014
Tiny particles may pose big risk – Some nanoparticles commonly added to consumer products can significantly damage DNA, MIT News, 8 avril 2014 : des chercheurs du MIT et de la Harvard School of Public Health (HSPH) ont observé la génotoxicité de nanoparticules d’oxyde de zinc (ZnO – utilisé dans les écrans solaires), d’argent, d’oxyde de fer, d’oxyde de cérium et de dioxyde de silicium.
Au début des années 2000 des publications documentaient déjà la génotoxicité des nanomatériaux. Voir par exemple : Nanoparticles can cause DNA damage across a cellular barrier, Bhabra G et al., Nature Nanotechnology, 4 : 876 – 883, 2009
.

Ce phénomène n’est pas si surprenant dans la mesure où l’ADN a une largeur de l’ordre de 2 nm. Il est en revanche relativement inquiétant, dans la mesure où ces perturbations de l’ADN sont susceptibles d’entraîner :

  • des mutations cancéreuses si le dommage n’est pas, ou mal, réparé (les dommages à l’ADN et les mutations sont généralement la première étape vers le cancer, deux ou trois mutations peuvent suffire à déclencher le processus)
  • et/ou des problèmes sur le système reproductif et le développement fœtal (voir ci-dessous).

En 2022, des recommandations ont été émises par des scientifiques pour améliorer l’évaluation de la génotoxicité des nanomatériaux7Cf. Common Considerations for Genotoxicity Assessment of Nanomaterials, Elespuru RK et al., Front. Toxicology., 4:859122, 2022.

Effets sur le système immunitaire (immunotoxicité)

Certains nanomatériaux semblent pouvoir accroître ou entraîner des perturbations du système immunitaire et des allergies8Voir par exemple :
Synthetic Amorphous Silica Nanoparticles Promote Human Dendritic Cell Maturation and CD4+ T-Lymphocyte Activation, Feret a et al., Toxicological Sciences, Oxford University Press (OUP), 185 (1) : 105-116, 2022
Immunotoxic effects of metal-based nanoparticles in fish and bivalves, Rastgar S et al., Nanotoxicology, 2022
Toxicity of titanium nano-oxide nanoparticles (TiO2) on the pacific oyster, Crassostrea gigas: immunity and antioxidant defence, Arash Javanshir Khoei et Kiadokht Rezaei, Toxin Reviews, 41, 2022
Mechanisms of immune response to inorganic nanoparticles and their degradation products, Mohammapdour R et Ghandehari H, Advanced Drug Delivery Reviews, 180, janvier 2022
The Interactions between Nanoparticles and the Innate Immune System from a Nanotechnologist Perspective, Ernst L et al., Nanomaterials, 11(11), 2991, 2021
Les effets des nanoparticules de silice amorphe sur le système immunitaire, Thierry Rabilloud, Les cahiers de la Recherche. Santé, Environnement, Travail, ANSES, 2021, Microplastiques et nanomatériaux, pp.17-19, 2021
Possible Adverse Effects of Food Additive E171 (Titanium Dioxide) Related to Particle Specific Human Toxicity, Including the Immune System, Bischoff NS et al., Int. J. Mol. Sci. 2021, 22(1), 207, 2021
Impacts of foodborne inorganic nanoparticles on the gut microbiota-immune axis: potential consequences for host health, Lamas B et al., Particle and Fibre Toxicology, 17:19, 2020
A combined proteomic and targeted study of the long-term versus short-term effects of silver nanoparticles on macrophages, Dalzon B et al., Environmental science‎. Nano, 7 : 2032-2046, 2020 : une exposition répétée aux nanoparticules d’argent (sur vingt jours) induit des effets biologiques sur des macrophages de souris plus néfastes qu’une exposition unique, bien que moins d’argent soit internalisé lors d’une exposition répétée
Immunotoxicité des nanoparticules, Brousseau P et al., intervention au 83e du Congrès de l’Acfas, Colloque 210 – Présence, persistance, devenir et effets des nanomatériaux dans l’environnement, mai 2015
: réactions inflammatoires, immuno-stimulation, immunosuppression ou encore réactions auto-immunes. 

Les cellules de l’immunité (comme les macrophages par exemple) ne parviennent pas nécessairement à éliminer les nanomatériaux et peuvent elles-mêmes s’en trouver dégradées voire éliminées.

Chez les organismes dont le système immunitaire est déjà défaillant, les effets néfastes des nanomatériaux semblent être accentués. Des recherches menées en Suisse ont par exemple montré que des nanoparticules de TiO2 pourraient aggraver les inflammations dont souffrent les personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)9Cf. Titanium dioxide nanoparticles exacerbate DSS-induced colitis: role of the NLRP3 inflammasome, Ruiz PA et al., Gut, 66 : 1216-1224, 2017.

Effets sur le cerveau et le système nerveux (neurotoxicité)

Des atteintes des fonctions cérébrales ont été rapportées chez l’animal sous l’effet de différents nanomatériaux10Voir par exemple :
The Challenges of 21st Century Neurotoxicology: The Case of Neurotoxicology Applied to Nanomaterials, Bencsik A and Lestaevel P, Front. Toxicol., 3:629256, 2021
Nano-scaled materials may induce severe neurotoxicity upon chronic exposure to brain tissues: A critical appraisal and recent updates on predisposing factors, underlying mechanism, and future prospects, Hussain Z et al, Journal of Controlled Release, 328 : 873-894, 2020
Neurotoxicology of Nanomaterials, Boyes WK et van Thriel C, Chem. Res. Toxicol., 33, 5 : 1121–1144, avril 2020
Neurotoxicity and biomarkers of zinc oxide nanoparticles in main functional brain regions and dopaminergic neuronsScience of The Total Environment, 705, février 2020
Penetration, distribution and brain toxicity of titanium nanoparticles in rodents’ body: a review, Zeman T et al., IET Nanobiotechnology, 12(6), septembre 2018
Nano- and neurotoxicology: An emerging discipline, Bencsik A et al., Prog Neurobiol., 160:45-63, janvier 2018
– les travaux de chercheurs de l’université de Bordeaux : Exposition aux nanoparticules : un risque pour le cerveau à prendre très au sérieux, Didier Morin et Laurent Juvin, The Conversation, août 2018 (Acute exposure to zinc oxide nanoparticles critically disrupts operation of the respiratory neural network in neonatal rat, Nicolosi A et al., NeuroToxicology, 67, 150-160, juillet 2018)
Maternal exposure to titanium dioxide nanoparticles during pregnancy and lactation alters offspring hippocampal mRNA BAX and Bcl-2 levels, induces apoptosis and decreases neurogenesisExp Toxicol Pathol., 5;69(6): 329-337, juillet 2017
Brain Inflammation, Blood Brain Barrier dysfunction and Neuronal Synaptophysin Decrease after Inhalation Exposure to Titanium Dioxide Nano-aerosol in Aging Rats, Disdier C et al., Scientific reports, septembre 2017
– Flora S.J.S. Chapter 8—The applications, neurotoxicity, and related mechanism of gold nanoparticles. In: Jiang X., Gao H., editors. Neurotoxicity of Nanomaterials and Nanomedicine. Academic Press; Cambridge, MA, USA: 179–203, 2017
–  Nanoparticules et cerveau : état des lieux, Anna Bencsik, J3P, octobre 2016
Le cerveau est-il à l’abri d’un impact d’une exposition à des nanomatériaux ?, Bencsik A, Biologie Aujourd’hui, 208 (2), 159-165, septembre 2014
Developmental neurotoxicity of engineered nanomaterials: identifying research needs to support human health risk assessment, Powers CM, et al, Toxicological Sciences, 134(2), 225-242, 2013
Cognitive impairment in rats induced by nano-CuO and its possible mechanisms, An L et al., Toxicology Letters, 213(2), 2012
– Hu R et al, Neurotoxicological effects and the impairment of spatial recognition memory in mice caused by exposure to TiO2 nanoparticles, Biomaterials, Volume 31, Issue 31, 2010
, avec pour effets directs ou indirects des problèmes cognitifs, des troubles de la mémoire et de l’apprentissage, une dégénérescence des cellules nerveuses voire la mort neuronale et des lésions cérébrales, une baisse des capacités locomotrices… Autant d’effets délétères susceptibles de favoriser ou accélérer les maladies neurodégénératives, telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson par exemple.

En outre, les nanomatériaux qui peuvent traverser la barrière hématoencéphalique (qui protège le cerveau), sont aussi susceptibles de l’endommager, ce qui pourrait la rendre plus perméable à d’autres produits potentiellement neurotoxiques (voir aussi ci-dessous l’effet dit « Cheval de Troie »).

Effets sur les poumons et l’appareil respiratoire

Comme les particules dites « ultra-fines » (PUF) de la pollution de l’air, certains nanomatériaux manufacturés peuvent provoquer des effets délétères au niveau pulmonaire11Voir notamment : 
Effects of FW2 Nanoparticles Toxicity in a New In Vitro Pulmonary Vascular Cells Model Mimicking Endothelial Dysfunction, Jeweirdt J et al.,Cardiovascular Toxicology, 22 : 14–28, 2022
Exposure to TiO2 Nanostructured Aerosol Induces Specific Gene Expression Profile Modifications in the Lungs of Young and Elderly Rats, Valentino S et al., Nanomaterials, 11, 1466, 2021
– « Impact des caractéristiques physicochimiques sur l’effet inflammatoire et pro-allergisant respiratoires des nanoparticules manufacturées », Françoise Pons, Université de Strasbourg, in Recherche sur l’air – Sources, effets sanitaires et perspectives – Dossier du participant, ADEME & Anses, 17 octobre 2019
– « Nanoparticules et Maladies respiratoires : où en sont nos connaissances ?« , Conférence 5 à 7, décembre 2017, animée par le Docteur Fabrice Nesslany – Directeur du laboratoire de toxicologie génétique à l’Institut Pasteur de Lille et le Dr Patricia de Nada
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Les macrophages (essentiels dans la défense contre les agents infectieux) ne parviennent pas toujours à éliminer les nanomatériaux, dont l’accumulation dans les poumons peut à terme engendrer ou aggraver des pathologies respiratoires chroniques (asthme, broncho-pneumopathies chroniques obstructives) voire de très graves infections pulmonaires comme après exposition à l’amiante ou à la silice (plaques pleurales, cancer pulmonaire).
Les nanotubes de carbone rigides et longs soulèvent en particulier des inquiétudes sur leur capacité à provoquer des réactions pulmonaires similaires à celles induites par l’amiante12Voir notre fiche Risques associés aux nanotubes de carbone et les particules de dioxyde de titane, classées cancérogènes de catégorie 2 par inhalation, sont potentiellement encore plus à craindre à l’échelle nano13Voir notre fiche Risques associés aux nanoparticules de dioxyde de titane.

Les inquiétudes les plus fortes concernent les personnels exposés aux nanoparticules manufacturées sur leur lieu de travail, car cette exposition professionnelle vient se cumuler à l’exposition que connaît la population générale par le biais de la pollution de l’air et, dans une moindre mesure, du relargage de nanos depuis les produits de consommation courante.

En France, l’INRS travaille sur ce sujet depuis des années14récemment via le projet européen SmartNanoTox (2016-2020) et d’autres recherches sont en cours, en France15Voir par exemple :
– le projet NanoLys financé par l’ANR (2018-2022) sur « la dysfonction lysosomale dans la toxicité respiratoire des nanoparticules »
– le projet “Nanomuc” sélectionné en 2021 par l’ANSES sur les interactions et leurs conséquences toxicologiques entre les nanoparticules et le mucus du poumon, essentiel dans la défense vis-à-vis des agressions environnementales dans les voies respiratoires
et ailleurs dans le monde.

Effets sur le cœur et le système cardiovasculaire 

Les nanoparticules manufacturées sont susceptibles d’avoir des effets délétères sur le système cardiovasculaire, pouvant augmenter les risques d’accident cardiaque.

Des chercheur·es du Centre for Cardiovascular Science de l’Université d’Edimbourg ont montré en 2017 qu’une fois présentes dans le sang, des nanoparticules d’or ont tendance à s’accumuler sur les vaisseaux endommagés et fragiles de patients ayant déjà été victimes d’un accident cardiaque ; un nombre même limité de ces nanoparticules peut avoir des conséquences graves16Cf. Inhaled Nanoparticles Accumulate at Sites of Vascular Disease, Miller MR et al., ACS Nano, 2017.  

D’autres chercheurs en Italie ont montré en 2019 que l’inhalation de nanoparticules de dioxyde de titane chez des personnes souffrant d’hypertension induit une altération du flux sanguin (hémodynamique) irréversible, associée à des dommages cardiaques pouvant conduire à une insuffisance cardiaque17Cf. Subchronic exposure to titanium dioxide nanoparticles modifies cardiac structure and performance in spontaneously hypertensive rats, Rossi S et al., Particle and Fibre Toxicology, 16:25, 2019.

Une revue de la littérature sur les risques cardiovasculaires liés aux nanoparticules de silice, publiée en 2021, rapporte comme effets possibles une hausse de la pression artérielle, une dyslipidémie (concentration très élevée de lipides dans le sang), de l’arythmie (irrégularité du rythme cardiaque), un risque de thrombose (caillot qui obstrue un vaisseau sanguin), d’athérosclérose (formation de plaques d’athérome dans les artères), d’ischémie voire infarctus du myocarde18Cf. Adverse effects of amorphous silica nanoparticles: Focus on human cardiovascular health, Guo C et al., Journal of Hazardous Materials, 406(15), 124626, 2021.

L’aggravation des symptômes de l’infarctus du myocarde a été observée également pour des nanoparticules de zinc19Cf. Preparation of Nano Zinc Particles and Evaluation of Its Application in Mouse Myocardial Infarction Model, Song, Y et al., J. Nanosci. Nanotechnol., 21 :1196–1201, 2021.

Un risque de thrombose accru par des nanoparticules d’argent a été mis en évidence en 2022 sur des souris souffrant d’hypertension20Cf. Ferdous Z et al., Exacerbation of Thrombotic Responses to Silver Nanoparticles in Hypertensive Mouse ModelOxidative Medicine and Cellular Longevity, 2022

+ d'infos sur les effets des nanos sur le cœur

Voir notamment :

Effets sur le système digestif

Utilisées dans les produits alimentaires pour modifier l’aspect, la couleur ou la texture de ces derniers, les nanos peuvent aussi être présentes pour leurs propriétés bactéricides (argent, zinc, titane, …) avec des effets potentiellement délétères sur la flore intestinale (elle est elle-même composée de bactéries dont la diminution voire la destruction perturbent le bon fonctionnement).
Les effets des nanoparticules d’argent, de silice, de dioxyde de titane, d’oxyde de fer et d’oxyde de zinc pourraient perturber le microbiote intestinal et entraîner diverses pathologies21Voir par exemple :
A systematic review on the effects of nanomaterials on gut microbiota, Utembe W et al., Current Research in Microbial Sciences, 3, 100118, 2022
Nanoparticles in the Food Industry and Their Impact on Human Gut Microbiome and Diseases, Ghebretatios, M et al., Int. J. Mol. Sci.,  22(4) :1942, 2021
Impacts of foodborne inorganic nanoparticles on the gut microbiota-immune axis: potential consequences for host health, Lamas B et al., Particle and Fibre Toxicology, 17:19, 2020
: syndrome du côlon irritable, maladie inflammatoire de l’intestin, maladie coeliaque, cancer colorectal…

Effets sur la fertilité et la descendance

Bien que les études soient encore lacunaires22En 2020, une analyse de la littérature a souligné le manque de données concernant l’impact des nanomatériaux sur la fertilité féminine et le besoin d’études sur leurs effets sur les capacités reproductives. Cf. Female fertility data lacking for nanomaterials, European Observatory of Nanomaterials, 6 avril 2020 and A critical review of studies on the reproductive and developmental toxicity of nanomaterials, ECHA / Danish National Research Centre for the Working Environment, avril 2020, on peut redouter que les nanos perturbent la reproduction et le bon développement des générations suivantes :

Effets sur les organes reproducteurs, les hormones et la fertilité

Quelques études font état d’une toxicité des nanoparticules pour le système reproducteur mâle23Voir par exemple :
Silica nanoparticles cause spermatogenesis dysfunction in mice via inducing cell cycle arrest and apoptosis, Zhiyi G et al., Ecotoxicology and Environmental Safety, 231, février 2022
– Habas K et al., Toxicity mechanisms of nanoparticles in the male reproductive system, Drug Metabolism Reviews, 53:4, 604-617, 2021
Can nanomaterials induce reproductive toxicity in male mammals? A historical and critical review, Souza MR et al., Sci Total Environ., 15;769:144354, mai 2021
(perturbation de la production de testostérone, baisse de la qualité et de la quantité des spermatozoïdes) et féminin24Voir par exemple :
Ovarian toxicity of nanoparticles, Santacruz-Márquez R et al., Reproductive Toxicology, 103, 2021
Comparative effects of TiO2 and ZnO nanoparticles on growth and ultrastructure of ovarian antral follicles, Santacruz-Marques R et al., Reproductive Toxicology, 96 : 399-412, septembre 2020
Gold nanoparticles used for drug delivery could disrupt a woman’s fertility, communiqué, UW Milwaukee, février 2015 : voir l’article académique : Low-dose gold nanoparticles exert subtle endocrine-modulating effects on the ovarian steroidogenic pathway ex vivo independent of oxidative stressNanotoxicology, 8(8) : 856-866, décembre 2014
– des paramètres biologiques associés à une diminution de la fertilité.

Des nanomatériaux pourraient entraîner des perturbations hormonales25Voir par exemple :
Exposure to Zinc Oxide Nanoparticles Increases Estradiol Levels and Induces an Antioxidant Response in Antral Ovarian Follicles In Vitro, Santacruz-Márquez R et al., Toxics, 11(7):602, 2023
Carbon Black Nanoparticles Selectively Alter Follicle-Stimulating Hormone Expression in vitro and in vivo in Female Mice, Avet C et al., Frontiers in Neuroscience 15:780698, décembre 2021
Hormonal and molecular alterations induced by sub-lethal toxicity of zinc oxide nanoparticles on Oreochromis niloticusSaudi Journal of Biological Sciences, 27(5) : 1296-1301, mai 2020
Zinc oxide nanoparticles effect on thyroid and testosterone hormones in male rats, N M Luabi, N A Zayed, LQ Ali, Journal of Physics: Conference Series, 1er septembre 2019
Maternal Engineered Nanomaterial Inhalation During Gestation Disrupts Vascular Kisspeptin Reactivity, Bowdridge EC et al., Toxicological Sciences, juin 2019
– Isabelle Passagne, Nanoparticules d’argent : impacts au niveau des transmissions glutamatergiques et sur la régulation hormonale de la fonction de reproductionBulletin de veille scientifique de l’ANSES, n°33, avril 2018
Silver nanoparticles disrupt regulation of steroidogenesis in fish ovarian cells, Degger N et al., Aquat Toxicol., 4;169:143-151, novembre 2015 
Engineered Nanomaterials: An Emerging Class of Novel Endocrine Disruptors, Larson JK et al., Biology of Reproduction, 91(1):20, 2014
et être considérés comme perturbateurs endocriniens26Voir notamment :
Nanoparticles as Potential Endocrine Disruptive Chemicals, Gunjan Dagar & Gargi Bagchi, NanoBioMedicine, 4 février 2020
Engineered Nanomaterials: An Emerging Class of Novel Endocrine Disruptors, Larson JK, Carvan MJ, Hutz RJ, Biology of Reproduction, 91(1) : 20, 2014)
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Effets sur l’embryon et la descendance

La petite taille et la grande mobilité des nanos permet leur passage dans les organes reproducteurs mais aussi à travers la barrière du placenta (et sur lesquels ces dernières peuvent avoir des effets néfastes avant même d’affecter le fœtus / embryon27Voir par exemple :
Nanoparticles Dysregulate the Human Placental Secretome with Consequences on Angiogenesis and Vascularization, Dugershaw-Kurzer B et al., Advanced Science, 2024 : certaines nanoparticules (de dioxyde de titane, silice et suie de diesel) perturbent la sécrétion de substances messagères dans le placenta et entravent ainsi la formation des vaisseaux sanguins. Un faible poids à la naissance, l’autisme et des maladies respiratoires font partie des conséquences possibles pour l’enfant.
Recent insights on indirect mechanisms in developmental toxicity of nanomaterials, Dugershaw BB et al., Particle and Fibre Toxicology, 17, 2020
Maternal Engineered Nanomaterial Inhalation During Gestation Disrupts Vascular Kisspeptin Reactivity, Bowdridge EC et al.Toxicological Sciences, juin 2019
Gestational exposure to titanium dioxide nanoparticles impairs the placentation through dysregulation of vascularization, proliferation and apoptosis in mice, Zhang L et al., Int J Nanomedicine, 13: 777–789, 2018
). Or les effets des nanoparticules sont particulièrement inquiétants, tant sur la santé du fœtus et de l’embryon que sur la descendance après la naissance (problèmes respiratoires28Voir par exemple :
Effect of chronic prenatal exposure to the food additive titanium dioxide E171 on respiratory activity in newborn mice., Colnot E, O’Reilly J and Morin D, Frontiers in Pediatrics, 12:1337865, 2024
Effet d’une exposition chronique prénatale aux nanoparticules de dioxyde de titane sur le développement et le fonctionnement des centres nerveux respiratoires chez les souris nouveau-nées, Eloïse Colnot, Thèse de doctorat en Neurosciences soutenue en décembre 2021 (en anglais : Chronic maternal exposure to titanium dioxide nanoparticles alters breathing in newborn offspring, Colnot E et al., Particle and Fibre Toxicology, 19:57, 2022)
Pulmonary exposure to metallic nanomaterials during pregnancy irreversibly impairs lung development of the offspring, Paul E et al., Nanotoxicology, 11 (4) : 484-495, 2017
A perspective on the developmental toxicity of inhaled nanoparticles, Hougaard KS et al., Reproductive Toxicology, 11, juin 2015
, problèmes cardio-vasculaires et retards de croissance29Voir par exemple :
Effect of gestational age on maternofetal vascular function following single maternal engineered nanoparticle exposure, Fournier SB et al., Cardiovascular toxicology, 1-13, 2019 : chez les rats, une exposition à des nanoparticules de dioxyde de titane en début de gestation a un impact important sur le système circulatoire du fœtus. Une exposition plus tardive a des conséquences sur la croissance du fœtus
Maternal engineered nanomaterial inhalation during gestation alters the fetal transcriptome, Stapleton PA et al., Particle and Fibre Toxicology, 15:3, 2018
Maternal exposure to nanosized titanium dioxide suppresses embryonic development in mice, Hong F et al., Int J Nanomedicine, 12: 6197–6204, 2017
, effets délétères sur le cerveau de la descendance30Voir par exemple Maternal exposure to titanium dioxide nanoparticles during pregnancy and lactation alters offspring hippocampal mRNA BAX and Bcl-2 levels, induces apoptosis and decreases neurogenesisExp Toxicol Pathol., 5;69(6): 329-337, juillet 2017 : « The potential impact of nanoparticle exposure for millions of pregnant mothers and their offspring across the world is potentially devastating »).

+ d'infos sur les effets des nanos sur la reproduction

Effets sur la peau et le système dermique

Les nanos, très utilisées dans les cosmétiques, se retrouvent en contact direct avec la peau, l’un des plus grands organes du corps humain.

Des données font état d’une sensibilisation cutanée provoquée par des nanoparticules d’argent et d’oxydes de zinc notamment31Voir Prediction of Skin Sensitization Potential of Silver and Zinc Oxide Nanoparticles Through the Human Cell Line Activation Test, Gautam R et al., Front. Toxicol., mai 2021 ou des nanoparticules de cuivre32Cf. Evaluation of the skin sensitization potential of metal oxide nanoparticles using the ARE-Nrf2 Luciferase KeratinoSens TM assay, Kim SH et al., Toxicol Res, 1;37(2):277-284, janvier 2021.

Si le passage des nanos à travers la peau semble très limité sur les peaux saines, il est en revanche probable sur les peaux lésées mais, au vu des connaissances actuelles, dans des proportions sans doute très faibles, avec des risques associés moindres que ceux impliqués par une exposition par inhalation ou par ingestion.

Au vu de la forte présence de nanoparticules dans les cosmétiques, des études supplémentaires sont néanmoins nécessaires33Evaluation of immunoresponses and cytotoxicity from skin exposure to metallic nanoparticles, Wang M et al., International Journal of Nanomedicine, 13, 2018notamment pour vérifier l’absence de distribution significative des nanoparticules dans l’organisme après une application cutanée, tout particulièrement en cas d’applications fréquentes et chroniques.

A noter : des dermatologues des Hôpitaux Bichat et Rothschild ont observé la présence de nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) le long de follicules pileux d’une patiente atteinte d’alopécie frontale fibrosante (chute de cheveux en haut du front) qui avait utilisé quotidiennement, pendant 15 ans, des écrans solaires contenant du TiO234Cf. Crème solaire, nanoparticules et alopécie frontale, Synchrotron soleil, février 2018. Cela reste cependant une étude isolée et rien n’a semble-t-il été publié depuis sur ce sujet.

Des différences d’effets selon les sexes et selon les âges

Différences d’effets selon les sexes

Les différences d’effets des nanoparticules sur la santé en fonction du sexe sont encore relativement peu étudiés, mais devraient l’être davantage dans les années à venir35Voir par exemple :
The role of sex as a biological variable in the efficacy and toxicity of therapeutic nanomedicine, Sharifi S et al., Advanced Drug Delivery Reviews, Volume 174, 337-347, July 2021
Sex-Dependent Bioaccumulation of Nano Zinc Oxide and Its Adverse Effects on Sexual Behavior and Reproduction in Japanese Medaka, Paul V et al., ACS Applied Bio Materials, (10), 7408-7421, 2021

Une étude québecoise a mis en évidence en 2021 le fait que les cellules des femmes sont plus affectées que les cellules des hommes par les effets inflammatoires des nanoparticules36Cf. Les effets des nanoparticules sur l’organisme sont-ils différents chez l’homme et la femme?, IRSST, décembre 2022 et Evaluating the Apoptotic Cell Death Modulatory Activity of Nanoparticles in Men and Women Neutrophils and Eosinophils, Vanharen M et al., Inflammation, 45 : 387–398, septembre 2021.

En 2023, des scientifiques français·es (INRAé, INSERM, LNE, ….) ont constaté que les nanoparticules d’or présentes dans l’additif alimentaire E175 entraînent par exemple des effets plus marqués chez les souris femelles que chez les souris mâles (altérations du microbiote intestinal susceptibles d’aggraver des troubles métaboliques)37Cf. A 90-day oral exposure to food-grade gold at relevant human doses impacts the gut microbiota and the local immune system in a sex-dependent manner in mice, Evariste L et al., P&FT, 20(27), juillet 2023.

Les effets des nanoparticules de TiO2 administrées par voie orale semblent également plus néfastes sur les capacités cardiaques et neuro-comportementales de jeunes rats femelles38Cf. Oral administration of TiO2 nanoparticles during early life impacts cardiac and neurobehavioral performance and metabolite profile in an age- and sex-related manner, Mortensen NP,  Particle and Fibre Toxicology, 19, 2022.

Différences d’effets selon les âges

Peu d’études portent sur l’impact de l’âge sur les effets indésirables des nanomatériaux, mais les nourrissons, enfants et personnes âgées sont très probablement plus vulnérables en cas d’exposition chronique aux nanos.

Outre les effets observés sur les animaux exposés in utero mentionnés plus haut, d’autres études sur les animaux (rats ou souris) ont mis en évidence que les jeunes individus exposés à des nanoparticules (de TiO2 par exemple) sont plus affectés par leur toxicité que les adultes39Voir par exemple :
The toxic effects of titanium dioxide nanoparticles on plasma glucose metabolism are more severe in developing mice than in adult mice, Hu, H et al., Environ. Toxicol.35, 443–456, 2019
Susceptibility of Young and Adult Rats to the Oral Toxicity of Titanium Dioxide Nanoparticles, Wang, Y et al., Small 9, 1742–1752, 2013
.

Des chercheurs ont observé des effets indésirables plus prononcés et/ou plus persistants chez des rongeurs âgés que chez des individus jeunes ou d’âge moyen40Voir par exemple :
Adversities of Nanoparticles in Elderly Populations, Devi, A et al. in Kesari, K.K., Jha, N.K. (eds) Free Radical Biology and Environmental Toxicity. Molecular and Integrative Toxicology. Springer, Cham., 2021
Exposure to TiO2 Nanostructured Aerosol Induces Specific Gene Expression Profile Modifications in the Lungs of Young and Elderly Rats, Valentino S et al., Nanomaterials, 11, 1466, 2021
Aging influence on pulmonary and systemic inflammation and neural metabolomics arising from pulmonary multi-walled carbon nanotube exposure in apolipoprotein E-deficient and C57BL/6 female mice, Youg TL et al., Inhalation toxicology, 2022
Aggravated hepatotoxicity occurs in aged mice but not in young mice after oral exposure to zinc oxide nanoparticles, Wei Y et al., NanoImpact, 2016
.

Qui dit plus de nanos dans l’environnement dit plus de résistances à certains traitements

Des nanomatériaux sont utilisés pour leurs propriétés bactéricides, fongicides (toxiques pour les champignons), antivirales41Voir par exemple :
– Ayipo Y, et al, Recent advances on therapeutic potentials of gold and silver nanobiomaterials for human viral diseases, Current Research in Chemical Biology, Volume 2, 2022
Des nanoparticules d’or capables de détruire les virus, EPFL, 18 décembre 2017
Combattre les virus respiratoires grâce à l’infiniment petit, Le temps, février 2016
 voire antirétrovirales (VIH et hépatites B pour les nanoparticules d’argent42Cf. Nanosilver particles in medical applications: synthesis, performance, and toxicity, Ge L et al, Int J Nanomedicine, 9: 2399-2407, 2014). Or, leur utilisation à grande échelle et leur dissémination dans l’environnement pourraient accroître la résistance des bactéries et autres agents pathogènes43Voir par exemple : 
En français : Ecoconception de nouveaux agents biocides à base de nanoparticules d’argent à enrobage bio-inspiré, thèse de Marianne Marchioni, Grenoble Alpes, octobre 2018 (3.5 – « Mise en place de mécanismes de résistance à l’argent et aux nanoparticules d’argent »)
En anglais :
Impact of engineered nanoparticles on the fate of antibiotic resistance genes in wastewater and receiving environments: A comprehensive review, Cui H et Smith AL, Environmental Research, 204, D, mars 2022
Bacterial resistance to silver nanoparticles and how to overcome itNature Nanotechnology, Panáček A et al., 13, 65–71, décembre 2017-
Widespread and Indiscriminate Nanosilver Use: Genuine Potential for Microbial Resistance, Gunawan C et al., ACS Nano, 2017 et Rampant use of antibacterial nanosilver is a resistance risk, Physorg, (communiqué de presse) mars 2017
Nanosilver: Safety, health and environmental effects and role in antimicrobial resistance, Hartemann P et al., Materials Today, 18(3) : 122-123, avril 2015
Opinion on Nanosilver: safety, health and environmental effects and role in antimicrobial resistance, SCENIHR, juin 2014
.

En 2021, les chercheur·es de l’Université de Pittsburgh (USA) ont ainsi, comme d’autres avant eux, mis en garde contre l’utilisation généralisée des nanoparticules d’argent dans les produits de consommation (machines à laver, textiles peintures, …) et rappelé que le recours aux nanoparticules d’argent doit être réservé aux seules applications médicales afin de limiter les résistances bactériennes44Cf. Are silver nanoparticles a silver bullet against microbes?, Université de Pittsburgh, 13 juillet 2021 et Role of bacterial motility in differential resistance mechanisms of silver nanoparticles and silver ions, Stabryla LM et al., Nature Nanotechnology, juin 2021.

Début 2022 de nouveau, des scientifiques australiens cette fois ont alerté sur la résistance accrue des bactéries générées par les nanoparticules d’argent et l’impact négatif tant sur l’environnement que sur la santé humaine45Cf. The impact of silver nanoparticles on microbial communities and antibiotic resistance determinants in the environment, Yonathan K et al., Environmental Pollution, 293, janvier 2022.

« Effet cheval de Troie » et « effet cocktail »

Outre les effets toxiques qu’ils peuvent directement entraîner au sein des espèces bactériennes, cellules et organismes dans lesquels ils peuvent pénétrer, les nanomatériaux peuvent y apporter des molécules extérieures. C’est l’effet « cheval de Troie » ; on redoute donc notamment qu’ils favorisent le transport d’autres contaminants – métaux lourds ou pesticides accrochés à leur surface par exemple46Voir notamment :
Mechanistic study of the adsorption and penetration of modified SiO2 nanoparticles on cellular membrane, Yuan S et al., Chemosphere, 294, mai 2022
Like a Trojan horse, graphene oxide can act as a carrier of organic pollutants to fish, Campusa (University of the Basque country), mai 2021 et Uptake and effects of graphene oxide nanomaterials alone and in combination with polycyclic aromatic hydrocarbons in zebrafish, Martinez-Alvarez I et al., Science of The Total Environment, 775, juin 2021
– Dussert F et al., Toxicity to RAW264.7 Macrophages of Silica Nanoparticles and the E551 Food Additive, in Combination with Genotoxic AgentsNanomaterials, MDPI, 10 (7) : 1418, 2020 : Les nanoparticules de silice sont susceptibles de véhiculer des agents génotoxiques à leur surface ce qui conduit à aggraver leurs effets néfastes sur l’ADN
Low-solubility particles and a Trojan-horse type mechanism of toxicity: the case of cobalt oxide on human lung cellsParticle and Fibre Toxicology, 11:14, 2014
Association of Hg2+ with Aqueous (C60)n Aggregates Facilitates Increased Bioavailability of Hg2+ in Zebrafish (Danio rerio)Environ. Sci. Technol., 47 (17), pp 9997-10004, juillet 2013
ce qui pose problème.

De plus, les interactions entre les nanomatériaux et d’autres polluants sont difficilement identifiables et maîtrisables et peuvent donner lieu à des réactions encore plus indésirables que la somme des toxicités des nanos et polluants pris isolément ; on parle alors d’effet « cocktail » avec un corpus scientifique qui commence à se constituer sur ceux impliquant des nanomatériaux47Voir par exemple :
Zinc oxide, titanium dioxide and C60 fullerene nanoparticles, alone and in mixture, differently affect biomarker responses and proteome in the clam Ruditapes philippinarum, Marisa I et al., Science of the Total Environment, 838 (2), septembre 2022
Nanoplastics enhance the toxic effects of titanium dioxide nanoparticle in freshwater algae Scenedesmus obliquus, Das S et al., Comparative Biochemistry and Physiology Part C: Toxicology & Pharmacology, 256, juin 2022
Combined lead and zinc oxide-nanoparticles induced thyroid toxicity through 8-OHdG oxidative stress-mediated inflammation, apoptosis, and Nrf2 activation in rats, Khayal EE et al., Environmental Toxicology, 36(12) : 2589-2604, 2021
Effects of Co-Exposure of Nanoparticles and Metals on Different Organisms: A Review, Abd-Elhakim YM et al., Toxics, 9 (11), 284, 2021
Nanoparticules métalliques et perturbateurs endocriniens : Impact sur les fonctions endocrines de nanoparticules métalliques seules et en mélange avec des composés organiques perturbateurs endocriniens pour l’analyse de l’effet cocktail, Aurélien Deniaud, Les cahiers de la Recherche. Santé, Environnement, Travail, ANSES, Microplastiques et nanomatériaux, 2021
Les effets des co-expositions du BaP avec des nanoparticules : Effets du B(a)P seul ou en co-exposition avec des nanoparticules et implication du récepteur Ah (ou AhR) dans l’intégrité et la fonction de deux barrières physiologiques : broncho-pulmonaire et placentaire, Xavier Coumoul, Les cahiers de la Recherche. Santé, Environnement, Travail, ANSES, Microplastiques et nanomatériaux, 2021
Co-exposure to the food additives SiO2 (E551) or TiO2 (E171) and the pesticide boscalid increases cytotoxicity and bioavailability of the pesticide in a tri-culture small intestinal epithelium model: potential health implications, Cao X e al., Environmental Science : Nano, 9, 2019
Are gold nanoparticles and microplastics mixtures more toxic to the marine microalgae Tetraselmis chuii than the substances individually?, Davarpanah E, Guilhermino L, Ecotoxicology and Environmental Safety, 181 : 60-68, octobre 2019
Mixture toxicity effects and uptake of titanium dioxide (TiO2) nanoparticles and 3,3′,4,4′-tetrachlorobiphenyl (PCB77) in juvenile brown trout following co-exposure via the diet, Lammel T et al., Aquat Toxicol., 213:105195, août 2019
Parental co-exposure to bisphenol A and nano-TiO2 causes thyroid endocrine disruption and developmental neurotoxicity in zebrafish offspringScience of the total environment, Guo Y et al., 650(1) : 557-565, février 2019
TiO2 nanoparticles enhance bioaccumulation and toxicity of heavy metals in Caenorhabditis elegans via modification of local concentrations during the sedimentation process, Wang J et al., Ecotoxicology and Environmental Safety, 162(30) : 160-169, octobre 2018
Les nanoparticules seraient encore plus nocives que ce que l’on pensait, Maxisciences, août 2018 (et en anglais : Co-exposure to silver nanoparticles and cadmium induce metabolic adaptation in HepG2 cells, Miranda RR et al., Nanotoxicology, juillet 2018)
Nanoparticle interactions with co-existing contaminants: joint toxicity, bioaccumulation and risk, Deng R et al., Nanotoxicology, 11:5, 591-612, 2017
Influence sur les effets toxiques de l’exposition simultanée aux nanoparticules et aux métaux, Chakroun R., Bulletin de veille scientifique n°30, ANSES, octobre 2016
Quelles interactions entre les nanoparticules et les autres contaminants de l’environnement ?, Camille Larue, Bulletin de veille scientifique (BVS), Anses, décembre 2014
.

Quels mécanismes expliquent la toxicité des nanomatériaux ?

La toxicité des nanomatériaux peut être le résultat :

  • de la production de radicaux libres (espèces réactives de l’oxygène : ERO), la plus fréquemment mise en évidence, y compris à distance des nanomatériaux (en particulier pour les oxydes métalliques) : ces radicaux libres entraînent un stress oxydant

Les agrégats ne sont pas nécessairement moins toxiques que les nanoparticules primaires

Depuis 2020 ont été publiés les résultats de recherches menées en Belgique montrant que les agrégats de taille supérieure à 100 nm ne doivent pas être considérés comme nécessairement moins toxiques que leurs homologues nanométriques, qu’il s’agisse de nanoparticules de silice48Cf. Assessing the Toxicological Relevance of Nanomaterial Agglomerates and Aggregates Using Realistic Exposure In Vitro, Murugadoss S et al, Nanomaterials, 11, 1793, 2021 et Is aggregated synthetic amorphous silica toxicologically relevant?, Murugadoss S et al., Particle and Fibre Toxicology, 17(1), 2020 ou de nanoparticules de dioxyde de titane49Cf. Agglomeration of titanium dioxide nanoparticles increases toxicological responses in vitro and in vivo, Murugadoss S et al., Particle and Fibre Toxicology, 17(10), 2020.

Face à ces risques sanitaires, quelles actions?

En raison de tous ces risques « à effets différés » et de toutes ces incertitudes, il est urgent de déployer non seulement des efforts de recherche (avec une mise à contribution financière des entreprises qui produisent et utilisent des nanomatériaux) mais aussi des actions d’information et de formation (auprès des professionnels de santé mais aussi des décideurs publics et privés), ainsi que des mesures concrètes de prévention et précaution.

L’action 13 du Plan national santé-environnement (PNSE 4) publié en 2021 s’inscrit dans ce sens, mais il y a fort à faire, peu de temps et d’argent.

Chacun·e a un rôle à jouer : riverains, consommateurs, chercheurs, associations, syndicats, pouvoirs publics, entreprises, professionnels de santé, médias, etc. AVICENN fait sa part… aidez-nous à accélérer les choses !

Ailleurs sur le web

– En français :

– En anglais :

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Les prochains RDV nanos

18
Nov.
2024
Harmonisation & standardisation des méthodes de tests pour les nanomatériaux et les matériaux avancés (MACRAMÉ & nanoPASS, en ligne)
En ligne
Atelier
20
Nov.
2024
Les nanotechnologies : un exemple de prévention du risque chimique en milieu industriel (ATC, Paris)
Paris
Formation
  • Module dispensé dans le cadre de la formation « Interactions entre les produits chimiques toxiques et l’organism humain » accessible à toute personne possédant un niveau de formation scientifique de base (niveau licence ou expérience professionnelle).
  • Organisateur : Association Toxicologie Chimie (ATC)
  • Intervenante : Chantal Fresnay, Ingénieure-Hygiéniste, Thales, Palaiseau
  • Site internet : https://www.atctoxicologie.fr/notre-formation.html
21
Nov.
2024
Maîtrise des risques liés aux nanomatériaux (CEA, Grenoble – France)
Grenoble
Formation
  • Sensibilisation destinée aux personnels au contact de nanomatériaux en phase de recherche, formulation, production, maintenance, nettoyage, entretien… ainsi qu’aux animateurs ou ingénieurs de sécurité, chefs d’installation, chefs de laboratoires où sont manipulées des nanoparticules.
  • Organisateur : INSTN Grenoble (CEA)
  • Au programme : impact potentiel sur la santé ; métrologie et protections ; maîtrise des risques potentiels liés aux nanomatériaux ; prise en compte des aspects sociétaux
  • Site internet : https://instn.cea.fr/formation/maitrise-des-risques-lies-aux-nanomateriaux-sensibilisation

Fiche initialement créée en juillet 2015


Notes and references

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