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VeilleNanos - L'étiquetage [nano]

L’étiquetage [nano]

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L’étiquetage [nano]

Par l’équipe AVICENN – Dernière modification janvier 2023

Trois catégories de produits censés être étiquetés « nano »

L’étiquetage [nano] est obligatoire en Europe pour trois catégories de produits : les cosmétiques, les biocides et l’alimentation.

L’étiquetage [nano] des cosmétiques : obligatoire depuis juillet 2013

Le Règlement Cosmétiques exige que les fabricants mentionnent la présence des nanomatériaux dans la liste des ingrédients des cosmétiques, avec le terme « nano » entre crochets, après le nom de l’ingrédient. Dans le cas du TiO2, on peut lire par exemple : Titanium dioxide [nano].

Entré en vigueur depuis juillet 2013, cette obligation d’étiquetage [nano], appliquée sur un petit nombre de cosmétiques, est encore très marginalement respectée par les marques cosmétiques – parfois par méconnaissance du caractère nano de leur(s) ingrédient(s), parfois par attentisme voire par mauvaise foi.

L’étiquetage (nano) des biocides : obligatoire depuis septembre 2013

Le Règlement Biocides exige lui aussi que l’étiquette indique la présence de nanomatériaux dans les produits biocides, avec le terme « nano » entre parenthèses, après le nom de l’ingrédient.

Il requiert en outre que soient mentionnés « les risques spécifiques éventuels qui y sont liés » : cette disposition constitue une exception, les obligations d’étiquetage dans les autres secteurs étant limitées à la seule mention du terme « nano ».

Cependant quasiment aucune mention [nano] n’a été observée sur des produits commercialisés en Europe depuis 2013, même avant la mise en place de mesures de non-approbation (2021) et/ou classification du nano-argent (prévue pour 2022).

En juin 2022, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a annoncé avoir mené en 2021 une enquête sur les textiles dits « techniques »1Cf. Textiles techniques : entre innovation et surenchère, DGCCRF, 3 juin 2022 : deux des six produits antibactériens ou « anti-odeurs » analysés étaient traités avec des nanoparticules d’argent, en cours de classification du fait de leurs risques… et sans que cette information ne soit portée à la connaissance des consommateurs, contrairement à ce qu’impose le Règlement biocides. À la suite de l’enquête de la DGCCRF, les deux opérateurs commercialisant ces deux produits les ont retirés du marché. Il s’agit, à notre connaissance, des premiers contrôles par des autorités publiques nationales sur la présence de nanoparticules biocides dans des textiles non médicaux.

L’étiquetage [nano] dans l’alimentation : obligatoire depuis décembre 2014

Dans l’alimentation, le Règlement INCO avait prévu l’obligation d’apposer sur l’étiquette la mention »nano » entre crochets, avant le nom de l’ingrédient concerné, à compter de fin 2014. Mais la pression des lobbys industriels pour un allègement de cette obligation a retardé l’entrée en vigueur de cette mesure. L’obstacle a été juridiquement levé en octobre 2015, avec le vote du Règlement Novel Foods (« Nouveaux aliments »).

Pourtant, quasiment aucune mention [nano] ne figure sur les listes d’ingrédients des produits alimentaires vendus dans les supermarchés, ainsi que l’ont montré plusieurs enquêtes, réalisées en France2Voir notamment :
Les nanoparticules dans l’alimentation : dangereuses, inutiles et incontrôlées, un moratoire s’impose !, Agir pour l’environnement, Dossier de presse, 15 juin 2016
Stop aux nanoparticules, 60 Millions de consommateurs, Mensuel – n° 529 – septembre 2017 (paru le 27 août 2017)
Nanoparticules – Attention, elles se cachent partout !, Que Choisir, Mensuel n° 566, février 2018
, puis à l’étranger (en Allemagne3Voir notamment :
– Hintergrundpapier zu den BUND-Tests bei Wrigleys-Kaugummi und Jacobs-Cappuccino-Pulver , BUND (Les Amis de la Terre Allemagne), septembre 2018
Présence de dioxyde de titane dans des produits Dr. Oetker en Allemagne, Foodwatch, août 2019
, en Italie4Cf. Nanoparticelle di additivi negli alimenti. Chidiamo il bando dell’E171, Altroconsumo, mai 2019, en Belgique5Cf. « Nanomatériaux – Partout sans qu’on le sache », Test Santé n°151, juin 2019 ou encore en Espagne6Cf. « Comemos nanopartículas sin saberlo », OCU-Compra Maestra n°449, juillet-août 2019).

En 2017 et 2018, la DGCCRF (répression des fraudes) a dévoilé les résultats de ses analyses, qui sont venus confirmer ceux publiés par les associations mentionnées plus haut : dans la quasi totalité des produits alimentaires testés, des nanoparticules ont été détectées… sans que l’étiquetage ne comporte de mention [nano]. De son côté, l’UFC Que Choisir a déposé des plaintes au tribunal de grande instance de Paris en février 20187Cf. 9 plaintes de l’UFC-Que Choisir contre des fabricants de produits alimentaires et de cosmétiques, Que Choisir, janvier 2018 – toujours en attente d’instruction plusieurs années plus tard !

L’obligation d’étiquetage « nano » est très insuffisamment mise en oeuvre

Des trois secteurs concernés par une obligation d’étiquetage [nano], c’est le secteur cosmétique dans lequel on observe le plus de mention [nano] – en tout cas davantage pour les crèmes solaires que pour les produits de maquillage. De fait, le secteur cosmétique n’est pas particulièrement exemplaire, loin de là : les contrôles menés par les associations (dont AVICENN en 2022) ou la DGCCRF depuis plusieurs 2016 montrent chaque année que de nombreux cosmétiques contiennent des nanoparticules mais ne sont pas étiquetés [nano].

A noter : dans les autres Etats membres de l’Union européenne, les contrôles par les autorités publiques sont inexistants.

L’un des arguments les plus fréquemment évoqués pour justifier l’absence d’étiquetage ? Selon le secteur considéré (cosmétique, biocide, alimentaire), les « nanomatériaux » à étiqueter ne sont pas définis de la même façon, ce qui peut compliquer la qualification (“nano” ou non) des substances par les fournisseurs qui ne savent pas toujours pour quelle(s) application(s) les substances qu’ils vendent seront utilisées :

  • la définition du terme « nanomatériau » qui s’applique pour l’obligation d’étiquetage « nano » dans les biocides comprend un seuil de 50% des particules (en nombre) dont l’une au moins des dimensions externes se situe entre 1 nm et 100 nm
  • ce n’est pas le cas des définitions qui s’appliquent pour les cosmétiques et l’alimentaire, qui ne contiennent pas de seuil, mais d’autres notions (comme la solubilité ou la bio-persistance pour la définition applicable pour les nanomatériaux dans les cosmétiques).

La révision de la recommandation européenne de définition du terme « nanomatériau » (concrétisée en 2022) conduira-t-elle à harmoniser ces définitions dans les différents règlements communautaires, quels que soient les secteurs ? Cet objectif, légitime en soi, a été utilisé comme argument par les entreprises ou leurs fédérations pour expliquer l’absence d’étiquetage, au motif que les définitions actuelles seraient modifiées suite à la révision. De nombreuses entreprises ont ainsi joué la montre et la carte de l’attentisme depuis 2013-2014, en n’appliquant pas une obligation d’étiquetage « nano » pourtant inscrite dans la loi. Elles ont ainsi « gagné » au moins une dizaine d’années à ne pas étiqueter, sans que cela ne semble émouvoir la Commission européenne…

Certaines marques sont toutefois plus regardantes aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années ; les plus prudentes ne se contentent pas de demander à leurs fournisseurs des attestations du caractère « non nanométrique » des ingrédients qu’elles leur achètent, elles mènent également des tests de leur côté.

Pour les autres secteurs, le silence des industriels prévaut

Hormis ces obligations imposées par l’Europe, peu d’indications émanent des industriels concernant la présence de nanomatériaux dans les produits commercialisés non couverts par les règlements préalablement cités, mais auxquels nous sommes pourtant largement exposés : textiles, détergents, produits phytosanitaires et vétérinaires (incluant l’alimentation animale), peintures, jouets, médicaments et dispositifs médicaux par exemple.

Il y a encore beaucoup de flou (voire de tabou) sur leur présence, leur nature, mais aussi sur les risques qui y sont associés.

Derrière la réticence des entreprises à communiquer : le souci de protéger le secret commercial ou industriel, la crainte de voir les consommateurs se détourner des produits concernés8Voir notamment à ce sujet :
– L‘innovation à l’épreuve des peurs et des risques, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), 2012
– – Nanotechnologies – Risques, opportunités ou tabou : quelle communication pour les entreprises européennes ?, Novethic, septembre 2010
Compte rendu de la réunion publique du 27 octobre 2009 du débat public national sur les nanotechnologies : L’Oréal et la Fédération des Industries de la Beauté (FEBEA) soulignent l’effet « anxiogène » de l’étiquetage nano, qui « risquerait d’induire des tentatives de refus d’achat »
Nanotechnologies et nanoparticules dans l’alimentation humaine et animale, Afssa (aujourd’hui ANSES), mars 2009 : « les interrogations grandissantes au niveau international sur les risques liés aux nanotechnologies se sont traduites par la disparition de la référence à ces nanotechnologies sur certains supports de communication »
et/ou le risque de voir leur responsabilité engagée en cas de problème (ce qui constitue un pari risqué : la stratégie du « pas vu, pas pris » pouvant à l’inverse se retourner contre les entreprises qui ont cru bon l’appliquer et qui se voient finalement démasquées…).

Ceux qui au contraire misent sur l’effet marketing « high tech » et branché du préfixe nano9Cf. le cahier d’acteur de l’association Sciences et Démocratie réalisé dans le cadre du débat public national sur les nanotechnologies, 2010 sont plutôt l’exception qui confirment la règle. Surtout qu’il s’agit, dans certains cas, de produits qui ne contiennent pas nécessairement plus de nanomatériaux que d’autres10Par exemple, les Ipod-Nano (baladeurs numériques), les Tata Nano (voitures) ou des enseignes de proximité de Franprixles matelas Bultex Nano, les mini-paquets de céréales chocolatées Kelloggs, … !).

Difficile, dans ces conditions, d’avoir une idée précise des produits de consommation commercialisés qui contiennent des nanomatériaux : des recensements de nano-produits existent, mais leur fiabilité est limitée.

Vers une généralisation de l’obligation d’étiquetage [nano] ?

Le 4ème plan national santé environnement (PNSE 4) français, publié en 2021, prévoit de « porter au niveau européen la mise en place d’un étiquetage de la présence des nanomatériaux sur les produits de grande consommation qui ne sont pas encore soumis à cette obligation, notamment pour les objets au contact avec le corps ». Il y a en effet besoin d’une meilleure information concernant la présence de nanomatériaux dans les produits qui nous entourent.

A l’issue de ses tests qui ont établi, en 2022, la présence de nanos non étiquetés dans 20 produits du quotidien, sur 23 testés, AVICENN a réitéré son appel à une meilleure application des obligations d’étiquetage existantes et à une généralisation de cette obligation aux secteurs non couverts aujourd’hui (à commencer par les textiles, les médicaments, les jouets, objets de puériculture et fournitures scolaires, les peintures, etc.).

Une attente forte de la société

L’étiquetage des nanomatériaux dans les produits de consommation a été réclamé par de nombreux acteurs sensibilisés aux nanomatériaux depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant :

Compilation des demandes en faveur d'un étiquetage [nano] depuis 2005

L’étiquetage [nano] a été demandé par des acteurs très variés :

Un étiquetage nécessaire mais pas suffisant

L’étiquetage ne doit pas conduire les industriels ni les pouvoirs publics à se décharger sur le consommateur de toute responsabilité.
Selon la juriste Stéphanie Lacour, « donner au public une information satisfaisante sur les nanotechnologies, les risques qu’elles sont susceptibles d’induire et la composition des produits auxquels il est exposé afin de lui permettre d’opérer, à titre individuel et collectif, les choix les plus pertinents est un objectif louable et répond à une demande sociale incontestable. Les risques associés aux nanomatériaux demeurant, dans leur immense majorité, incertains, la mise en place d’obligations d’étiquetage ne constitue néanmoins pas, à elle seule, un outil pertinent. » Il doit être, selon la juriste, « correctement inséré dans une gestion plus globale des risques émergents – allant de l’adoption de mesures de précaution en amont à des procédures transparentes lors de la mise sur le marché des produits et à la mise en oeuvre d’obligations de vigilance partagées« 21Cf. Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produits, Stéphanie Lacour, Bulletin de veille scientifique, ANSES, 2011.
Sur France Culture en 201422Cf. Les nanos sont-elles toxiques?, émission Science publique, France Culture, 20 juin 2014, Stéphanie Lacour a mis en garde de nouveau sur le fait que l’étiquetage seul, s’il n’est pas accompagné d’autres mesures, reviendrait à « faire porter au consommateur la responsabilité d’un choix que l’industriel a fait pour lui en amont ou que les pouvoirs publics refusent de faire en faveur ou en défaveur de la mise sur le marché d’un certain nombre de produits ».
Lors de la même émission, Roger Lenglet, auteur du livre Nanotoxiques a enfoncé le clou : « On est complètement hors démocratie, sur un problème de santé publique où le scandale est déjà constitué puisqu’on a mis sur le marché, encore une fois, des trucs qu’on n’a pas suffisamment testés et alors qu’on avait tous les indices pour se méfier. On est dans une situation où l’étiquetage est vraiment le minimum ! »

La traçabilité d’entreprise à entreprise (étiquetage dit « B2B » pour « Business to Business ») est plus que jamais nécessaire pour garantir la sincérité de l’étiquetage vers les consommateurs (« B2C » pour « Business to Consumers »)23Cf. « Les enjeux de l’étiquetage des produits de consommation contenant des nano-objets », Françoise Roure, présentation à l’AFNOR, 5 juin 2014.

→ Si l’étiquetage est nécessaire, il y a aujourd’hui un quasi-consensus sur le fait qu’il doit être complété par d’autres actions d’information, de traçabilité et d’encadrement, comme :

  • les fiches de données de sécurité (FDS), les fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FEDS)
  • l’enregistrement préalable pour autorisation de mise sur le marché (théoriquement obligatoire pour les biocides, les cosmétiques et l’alimentation, même si la pratique montre que ce n’est pas le cas en réalité)
  • la déclaration dans REACH, dans le registre français R-nano (qui doit être amélioré et rendu moins opaque) et les autres registres nationaux qui devraient être étendus à l’échelle européenne (avant de l’être, idéalement, à l’échelle internationale, mondialisation des échanges oblige…)

A toutes fins utiles, la DGCCRF et l’ANSM ont également rappelé, en juillet 2021, que l’article 1112-1 du code civil établit une obligation générale d’information du vendeur à l’égard de l’acheteur et prévoit que le premier doit informer le second de toute « information dont l’importance est déterminante pour le consentement » de ce dernier. Selon les autorités publiques, les données transmises par le fournisseur devraient donc être accompagnées de toutes les données pertinentes obtenues par le biais de méthodes fiables et adaptées à la caractérisation de nanomatériaux24Cf. Note d’information pour l’application de la définition des nanomatériaux dans le cadre du règlement (CE) n°1223/2009 relatif aux produits cosmétiques, DGCCRF & ANSM, 5 juillet 2021.

NB : L’Institut national de la consommation (INC) avait proposé dès 2009 un arsenal de mesures concrètes mais relativement lourdes qui ne sont pas toutes aujourd’hui mises en place mais restent pourtant tout à fait pertinentes :

  • obligation pour les responsables de la mise sur le marché de produits contenant des nanomatériaux de fournir l’information à un organisme référent (cette recommandation est partiellement concrétisée via le registre R-nano),
  • mise en place d’une procédure systématique d’information transparente du consommateur sur le produit et son rapport bénéfice/risque,
  • réalisation de banques de données accessibles au grand public d’information sur les produits concernés,
  • création d’une structure ayant pour mission de traiter les réclamations portant sur la non-communication de l’information ou de l’insuffisance de celle-ci par rapport aux dispositifs d’information définis conjointement par les acteurs (cette structure paritaire serait composée de représentants des consommateurs, des fabricants et des distributeurs de produits contenant des nanomatériaux ; pour faciliter l’accès des consommateurs à cette structure, une porte d’entrée unique doit être prévue).

Une remarque, une question ? Cette fiche réalisée par AVICENN a vocation à être complétée et mise à jour. N'hésitez pas à apporter votre contribution.

Les prochains RDV nanos

4
Avr.
2025
Techniques avancées de caractérisation des nanomatériaux (Nano2025, Rome – Italie)
Rome
Congrès
  • Advanced Characterization Techniques in Nanomaterials and Nanotechnology 
  • 10th European Congress on Advanced Nanotechnology and Nanomaterials
  • Website: https://nanomaterialsconference.com
6
Oct.
2025
Caractériser et prévenir les risques liés aux nanomatériaux manufacturés et particules ultrafines (INRS, Vandœuvre-Lès-Nancy – France)
Nancy
Formation
  • Formation destinée aux médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), préventeurs d’entreprise, agents des services prévention des Carsat, Cramif et CGSS, préventeurs institutionnels (Dreets, Dreal, MSA…)
  • Organisateur : Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
  • Du 6 au 10 octobre 2025
  • Site internet : www.inrs.fr/…/formation/…JA1030_2025

Cette fiche a été initialement créée en février 2019


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